Déclaration de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les priorités de travail et de mise en œuvre de la Convention alpine, à Grenoble le 10 février 2005.

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Circonstance : Réunion du Comité national de suivi de la Convention alpine à Grenoble le 10 février 2005

Texte intégral

Mesdames et messieurs les Parlementaires
Mesdames et messieurs les Conseillers régionaux
Mesdames et messieurs les Conseillers généraux
Mesdames et messieurs les Elus
Mesdames et messieurs les représentants de l'administration
Mesdames et messieurs
C'est un grand plaisir de me trouver parmi vous tous aujourd'hui et de constater ainsi votre mobilisation sur un sujet qui nous tient à cur, l'avenir d'une région que nous aimons tous : le massif alpin. Votre présence ici témoigne de l'intérêt que vous lui portez et de votre préoccupation de lui assurer un développement durable.
C'est pourquoi je tiens à vous remercier d'avoir accepté de participer activement au suivi français de la Convention alpine au sein de ce Comité national.
Notre réunion aujourd'hui est quelque peu une première : c'est en effet un exercice nouveau pour moi qui ai pris mes fonctions il y a un peu moins d'un an.
Pourtant c'est un exercice déjà ancien : lors de la présidence française de la Convention alpine, entre 1992 et 1994, Michel Barnier, un de mes illustres prédécesseurs - et grand amoureux des Alpes -, avait instauré le principe d'un suivi français de la Convention alpine : si la Convention alpine est un texte international qui engage les Etats, ses effets et ses impacts se font - et se feront - surtout sentir au niveau des territoires. Michel Barnier avait donc souhaité qu'au travers d'un Comité national de suivi, les acteurs locaux - élus, acteurs économiques, responsables associatifs - puissent être consultés sur les orientations des travaux de la Convention et, surtout, exprimer leurs préoccupations et leurs attentes.
Au fil des années, ce lien s'est quelque peu distendu.
A mon arrivée au Ministère de l'Ecologie et du Développement durable, j'ai découvert le dossier de la Convention alpine. Un dossier tout à fait enthousiasmant. J'ai découvert aussi que le Comité national de suivi de la Convention alpine ne s'était plus réuni depuis deux ans. Ce que je juge tout à fait regrettable et je souhaite que notre réunion, que j'espère fructueuse, relancera le processus.
Encore quelque peu novice en la matière, j'ai pourtant vite pris conscience de la nécessité de vous associer de nouveau à ce dossier, pour être au plus près de la réalité de ces territoires que vous connaissez bien.
De fait, je suis intimement convaincu que cette Convention, qui représente à la fois une chance et un défi, ne peut prendre corps, se traduire par des actions concrètes qu'à la condition que les femmes et les hommes de terrain qui vivent au quotidien les enjeux du développement alpin y apportent leur expérience et leur savoir-faire.
J'aurais souhaité d'ailleurs pouvoir vous réunir plus tôt. Mais un agenda trop chargé et les contraintes de calendrier des uns et des autres ne l'ont malheureusement pas permis. Mais pour voir les choses sous leur aspect positif, cette réunion d'aujourd'hui va pouvoir se nourrir des travaux de la 8ème conférence ministérielle de la Convention alpine qui s'est tenu en novembre dernier. Cette conférence à laquelle j'ai participé m'a donné une vision plus complète et plus concrète des engagements que la France a souscrits. Cette première familiarisation me permettra, je l'espère, d'avoir aujourd'hui un échange constructif avec vous sur les grands débats d'actualité de la Convention alpine. Nous avons besoin de définir ensemble une méthode pour organiser nos concertations futures.
La Conférence alpine qui s'est tenue en novembre dernier dans la station bavaroise de Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne, m'a fourni la première occasion de mesurer les enjeux que souhaitent relever les Etats parties à la Convention : tous ont le même souci de préserver la richesse de l'espace alpin que nous avons en partage, d'en assurer le développement économique, social et touristique, tout en fortifiant son immense patrimoine écologique.
La Convention alpine est originale à plusieurs titres :
· D'abord, parce que portant sur une région située au cur de l'Europe, elle témoigne de la volonté d'une solidarité régionale au sein de cet espace unique.
· Ensuite parce qu'elle se pose en véritable laboratoire du développement durable ; en effet, elle traite de tous les domaines du développement durable : économique, social, écologique et même culturel.
· Enfin, parce qu'elle propose un nouveau mode de " gouvernance " des problématiques régionales, en y associant les représentants de l'Etat et les acteurs des collectivités territoriales.
Les Alpes constituent un espace à la fois précieux et vulnérable, qui nécessite une approche spécifique en faveur d'un développement durable qui soit à la fois intégré, régional et transfrontalier.
La Convention alpine présente cette particularité de constituer un accord international qui couvre une région peu étendue mais répartie dans plusieurs pays pour tout ou partie de leur territoire. C'est ce qui en fait toute la richesse et la complexité.
Pourtant, dans les Alpes, les enjeux ne sont pas seulement régionaux. Ils sont aussi globaux, comme nous le rappelle, par exemple, avec force, le changement climatique et l'une de ses conséquences dramatiques, la fonte des glaciers. Mais si nombre d'accords internationaux fournissent les réponses à ces enjeux globaux, ils ne sauraient suffire. Les solutions tiennent aussi à la mobilisation des acteurs de terrain, aux représentants et aux populations des régions et des territoires.
Il nous revient, à nous tous, d'accorder une attention sensible aux questions traitées par la Convention alpine. Car nous ne souhaitons pas limiter notre politique au seul domaine de la préservation de la nature et des paysages mais entendons en couvrir aussi les champs économique et social. C'est là tout l'enjeu d'un développement durable équilibré, tel que je l'entends.
Je crois que la Convention alpine entre aujourd'hui dans une nouvelle phase. La mise en place de programmes d'actions, favorisée par l'installation du secrétariat permanent, doit nous permettre de faire face à toutes les questions qui se posent à nous d'une manière de plus en plus urgente. Nous devons être créatifs et inventifs. Nous devons aussi traduire nos engagements en actes. C'est tout l'objet de ces programmes.
Ceux-ci s'attacheront, dans une perspective de développement durable, à favoriser l'existence d'un lieu de vie de qualité, de partage et de détente pour notre génération mais aussi pour les générations futures.
La Convention alpine entre désormais dans une nouvelle phase de mise en oeuvre. Et la ratification des protocoles joue à cet égard un rôle primordial.
La France a déjà ratifié les protocoles relatifs à l'agriculture de montagne et au règlement des différends.
Concernant les sept autres protocoles, je souhaite vivement que leur ratification puisse intervenir dans les meilleurs délais. Je l'espère au printemps.
Cela nous permettra d'abord de donner vie à ces protocoles qui s'inscrivent dans une logique de développement durable et équilibré de l'espace alpin. Ensuite, cela confortera la position de la France auprès de nos partenaires de la Convention alpine : la ratification de l'ensemble des protocoles nous permettra d'être un partenaire crédible et reconnu dont la voix pourra mieux porter.
Je vais maintenant dresser un inventaire - dont j'espère qu'il ne sera pas trop fastidieux, bien que je l'ai souhaité le plus exhaustif possible pour les besoins de votre information - des principales conclusions adoptées par la Conférence ministérielle à laquelle j'ai participé cet automne.
Lors de cette réunion, nous avons adopté un programme de travail pluriannuel qui fixe les grands axes d'action des Parties à la Convention pour les six années à venir. La mise en oeuvre de programme sera pilotée principalement par les pays qui assureront la présidence de la Convention. Ce sera le cas de la France en 2007 et 2008.
Ambitieux et réaliste, ce programme de travail vise à fixer des priorités d'action tout en laissant aux pays exerçant la présidence les marges nécessaires pour apporter leurs propres propositions au processus d'évolution et de mise en oeuvre de la Convention alpine. Cette souplesse autorisera les ajustements nécessaires au vu des progrès accomplis.
Pour donner plus de force à ce programme de travail, la conférence ministérielle l'a assorti d'une déclaration politique. Par cette déclaration nous avons souhaité souligner l'importance primordiale qui doit être accordée aux protocoles : en effet, c'est par la mise en oeuvre des dispositions qu'ils contiennent que la Convention entrera dans une phase d'actions concrètes. Alors qu'il faut bien reconnaître que, jusqu'ici, les parties prenantes avaient été principalement mobilisées sur des questions juridiques, sur la rédaction de ces textes.
Autre objectif que s'étaient fixé les ministres lors de notre réunion de novembre : la nomination d'un nouveau Secrétaire général pour succéder, donc, à Noël Lebel, actuel secrétaire général qui a inauguré la fonction. Malheureusement, et malgré tous les efforts que la délégation française a déployés pour obtenir un consensus, nous n'avons pas pu nous entendre sur un candidat.
Cette question me semble très préoccupante : le Secrétariat permanent est un élément vital dans la structuration des travaux de la Convention. Il ne faudrait pas que son existence ou sa légitimité soit mise en cause. Il ne faudrait pas que son positionnement soit affaibli.
J'espère que les négociations bilatérales entre l'Autriche, qui vient de prendre la présidence au 1er janvier, et l'Italie, qui est à l'origine du blocage du processus, permettront de dégager une issue positive à ce problème.
En revanche, je suis heureux de vous informer que notre proposition de mise à disposition auprès du Secrétariat permanent d'une Task Force " Espaces Protégés " pour la mise en oeuvre du protocole " Protection de la nature et entretien des paysages " a recueilli un accueil tout à fait favorable.
Cette Task Force s'inscrira dans le prolongement du Réseau alpin des espaces protégés, qui a été créé par la France et la Slovénie en 1995. Elle sera mise à la disposition de tous les Etats alpins pour la mise en oeuvre de ce protocole. Elle sera financée par la France via le versement d'une contribution volontaire au Secrétariat permanent. Elle renforcera donc utilement les capacités du Secrétariat permanent pour une mise en oeuvre directe et efficace du protocole " Protection de la nature et entretien des paysages ". Ce sera pour nous une excellente occasion de mettre en valeur la qualité de l'expertise française dans ce domaine.
Il est également un autre sujet sur lequel je souhaite que l'expertise française soit mobilisée : la prévention des risques naturels. En effet, la Conférence ministérielle a décidé d'instituer un groupe de travail sur le thème des risques naturels en montagne. Ce groupe, intitulé " Plate-forme Risques naturels ", sera présidé par la Suisse. Il s'appuiera sur la mise en réseau des responsables de la prévention des risques naturels des différents pays de la Convention.
La création de cette plate-forme, parce qu'elle favorise une dynamique d'échanges et de partage d'expériences, est une initiative tout à fait opportune que j'ai souhaité encourager.
Un autre thème évoqué lors de la 8ème Conférence alpine concerne l'audit des domaines skiables. En effet, la fondation du Liechtenstein " Pro natura - pro ski " a élaboré une méthode d'audit des domaines skiables prenant en compte une revalorisation écologique qui devrait être évaluée par les Parties contractantes à partir de domaines skiables pilotes.
La plupart de nos partenaires à la Convention alpine ont déjà entamé des évaluations sur des domaines pilotes ou ont désigné des domaines pilotes.
Ayant reçu la version française de cette méthode très récemment, j'ai souhaité vous la soumettre aujourd'hui. Je vous invite à l'étudier très attentivement et je serai heureux si une ou plusieurs communes françaises pouvaient se porter très rapidement candidates pour être domaines pilotes. Cela nous permettra de participer activement à l'évaluation de cette méthode, de ses critères et de ses procédures.
Ceci me permet d'ailleurs de mettre l'accent sur un thème récurrent de discussion au sein de la Conférence ministérielle : le réseau des communes " Alliance dans les Alpes ". C'est un instrument essentiel de l'association des communes aux travaux de la Convention. Ce réseau regroupe environ 190 communes réparties sur l'ensemble de l'arc alpin. Elles oeuvrent ensemble à la mise en application concrète de la Convention.
A ce jour, une seule commune française, la ville de Gap, est membre de ce réseau.
Il me paraîtrait tout à fait opportun que d'autres communes françaises s'y associent. C'est une opportunité essentielle pour participer directement à des projets concrets et aux services proposés par ce réseau.
De fait, je suis convaincu qu'être membre de ce réseau permet de nouer des contacts fructueux avec d'autres communes, tant sur le plan national qu'international. C'est aussi un élément déterminant pour la dynamisation et la visibilité des communes participantes.
De plus, en unissant leurs voix par-delà les frontières, les communes alpines ont toutes les chances d'être entendues dans l'Europe des régions.
Parlons maintenant de l'avenir et de la future présidence qu'assumera la France. La 8ème Conférence alpine s'est déroulée sous présidence allemande. Depuis janvier dernier, et jusqu'en décembre 2006, l'Autriche préside les différentes instances de la Convention alpine. La présidence nous échoira dès 2007 pour une période de deux ans. Même si, depuis la création du Secrétariat permanent, les tâches administratives dévolues à la présidence sont allégées, les défis et les responsabilités de cette dernière restent importants.
Lors de la présidence française, nous devrons, avec l'aide du Secrétariat permanent, organiser cinq réunions du Comité permanent, dont trois en France. Nous organiserons également, en fin de mandat, la Conférence alpine ministérielle sur notre territoire.
Il nous incombera de proposer les grands axes stratégiques et les priorités de travail et de mise en oeuvre de la Convention alpine. Nous devrons être force d'impulsion pour de nombreux projets de mise en oeuvre concrète et présider de nombreuses réunions.
Toutes ces responsabilités représentent pour nous tous à la fois un défi et une grande chance. Elles nécessiteront l'implication et la mobilisation de tous, tant des collectivités, des acteurs économiques et des associations que des ministères et services déconcentrés.
Mais cela nous permettra avant tout de faire avancer et de promouvoir à la fois la Convention alpine et la France et de valoriser nos territoires alpins et leur développement durable.
Mais bien avant la présidence française, il nous faudra donner un nouveau souffle au suivi français de la Convention alpine. Car à mon sens, pour mettre en oeuvre et pour donner vie aux protocoles de la Convention alpine de façon cohérente et rationnelle, nous devrons travailler ensemble. La Convention n'est pas, comme je l'ai déjà souligné, une seule affaire de négociations diplomatiques entre Etats. Nous avons besoin de nous appuyer sur vous, les acteurs locaux.
Toujours en prise directe avec la réalité quotidienne de la population, vous êtes le relais permanent entre les instances de l'Etat et votre territoire. J'attache une importance toute particulière à votre expérience et à vos réflexions que je chercherai activement à intégrer dans les orientations politiques futures quant à l'avenir des Alpes.
Avec cette réunion du Comité national de suivi, j'entends relancer un engagement fort et participatif de la France dans les dossiers de la Convention alpine. C'est un partenariat que je vous propose.
A cette fin, il sera nécessaire que le Comité national de suivi se réunisse désormais très régulièrement pour échanger sur les dossiers à l'ordre du jour des instances de la Convention alpine.
Convaincu que les Alpes sont un patrimoine dont la préservation et le développement sont devenus un véritable enjeu, je suis confiant en notre volonté et notre capacité, au sein de la Convention alpine et parmi tous les acteurs français, d'agir efficacement ensemble.
Agissons en faveur d'un développement durable de l'espace alpin afin que les générations futures puissent profiter pleinement de sa richesse culturelle, de sa diversité biologique, de son potentiel économique. Laissons-leur en héritage la beauté et la splendeur naturelles des Alpes.
Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de votre attention au cours de cet exposé un peu long peut-être mais dont j'espère qu'il vous aura permis de vous faire une idée plus précise de l'état des réflexions au sein de la Convention alpine.
Afin que nos débats puissent reposer sur une information la plus complète possible, plusieurs interventions sont prévues. Celle d'Alain Jouret, en charge du suivi de la Convention au ministère des Affaires étrangères et qui a jusqu'ici été le représentant de la France aux réunions du Comité permanent. Celle de Marie-Line Meaux ensuite, du ministère de l'Equipement, qui connaît particulièrement bien les questions liées aux infrastructures et aux transports.
Malheureusement, comme vous avez pu le constater, Noël Lebel, dont l'intervention aurait été très précieuse compte tenu du rôle déterminant qu'il a joué ces dernières années dans la dynamique de la Convention alpine, n'est pas parmi nous aujourd'hui. Des raisons familiales l'ont empêché de se joindre à nous.
Après chacune de ces interventions, je vous propose que nous ayions un petit échange de vues qui vous permettra de poser les questions et d'apporter les commentaires que vous souhaiterez.
Nous terminerons cette réunion par un déjeuner qu'a bien voulu accueillir Monsieur le Préfet.
Monsieur Jouret, je vous passe la parole.
(Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 14 février 2005)