Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur le développement de la téléphonie mobile, et ses risques sur l'environnement et la santé, et sur la nécessité d'une couverture numérique maximum du territoire , Paris le 9 décembre 2004.

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Circonstance : Inauguration de l'exposition "Téléphonie mobile..." à Paris le 9 décembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président de la Cité des Sciences et de l'Industrie,
Monsieur le Président Directeur Général d'Orange,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier la Cité des Sciences et de l'Industrie et la société Orange d'avoir organisé cette exposition.
Car nous inaugurons aujourd'hui non seulement une exposition mais aussi l'ouverture de cette nouvelle Galerie de l'Innovation.
Ce nouvel espace a une vocation : exposer les produits, services et procédés innovants issus de la recherche, et fournir aux visiteurs les clefs pour en comprendre l'impact dans leur vie quotidienne et dans leur environnement.
Je suis convaincu que cet espace peut aussi devenir un véritable catalyseur de l'innovation, en favorisant la rencontre toujours féconde de l'industrie, de la science et de la société.
Et permettez-moi de vous le dire, il n'y avait pas de meilleur exemple de cette rencontre que le téléphone mobile !
Le téléphone mobile était il y a seulement quinze ans un objet futuriste, lourd et encombrant, réservé à une élite. Il est aujourd'hui le principal objet de la vie quotidienne des français.
La téléphonie mobile est un fait sans précédent dans l'histoire de notre économie et de notre société, par l'ampleur de la rupture technologique, par la vitesse de diffusion, et par la transformation de nos modes de vie.
En dix ans seulement,
* 98 % de la population française ont progressivement été couverts par les réseaux ;
* le nombre d'abonnés a augmenté de 50 % par an en moyenne. Cette diffusion touche toutes les générations : plus de la moitié des plus de 50 ans ont aujourd'hui adopté le téléphone mobile ;
* le coût de la minute de communication a été divisé par 5 ;
* le coût du terminal divisé par 30 ;
* son poids divisé par 20.
Cette formidable réussite n'est pas due à une planification centralisée et administrée, mais à la libéralisation du marché, ainsi qu'à la prise de risque et au volontarisme constant des entreprises :
* 11 milliards d'Euros ont été investis, contre 7 pour l'industrie aéronautique et spatiale ;
* le seul déploiement de la troisième génération en France représente un investissement de près de 10 milliards d'Euros dans les trois prochaines années, soit l'équivalent d'un réacteur nucléaire EPR par an ;
* le chiffre d'affaires global des opérateurs de téléphonie mobile avoisine désormais aussi celui de la construction aéronautique et spatiale ;
* en plus des 20.000 emplois créés chez les opérateurs, la téléphonie mobile en a généré 200.000 dans le reste de l'économie (fournisseurs, distributeurs, sous-traitants).
Permettez-moi de rappeler aussi le rôle décisif de la recherche française dans la mise au point et le développement de la norme GSM (ces trois lettres signifient : Groupe Spécial Mobile), puis de la norme UMTS.
Les télécoms se situent aujourd'hui au 3e rang des secteurs français qui investissent le plus en Recherche et Développement.
Je me félicite du dynamisme de la France dans ce domaine et du soutien apporté par mon ministère au développement de ces nouveaux outils de communication, via le Réseau National de Recherche en Télécommunications et en partenariat avec le ministère chargé de la Recherche.
Mais le véritable enjeu des années à venir, c'est le renouvellement de ce cycle économique et technologique pour la prochaine décennie.
La troisième génération et les nouveaux services multimédia peuvent constituer, j'en suis sûr, le moteur de ce nouveau cycle.
Le déploiement des réseaux mobiles de troisième génération marque en effet l'accélération de l'entrée de la France dans la société de l'information. L'apport essentiel de la troisième génération est de réaliser la convergence d'Internet et de la téléphonie mobile. Les réseaux UMTS devraient ainsi capter une part significative de l'accès à Internet au cours de la prochaine décennie.
De nombreux services seront offerts à l'utilisateur, au point que téléphoner ne devrait devenir, à terme, qu'une fonctionnalité parmi d'autres d'un portable.
Les services existant s'enrichissent d'ores et déjà et deviennent plus aisés à utiliser : les minimessages (SMS) s'accompagnent d'une photo ou d'une minividéo se transformant en messages multimédias (MMS). Les sonneries téléchargeables atteignent une qualité de son hi-fi. Surfer sur des sites de divertissement ou d'information gagne en vitesse.
En outre, la combinaison de l'interactivité et de la mobilité permet d'imaginer l'essor de multiples autres applications :
- transmission de communiqués de presse et d'informations correspondant aux centres d'intérêt de l'utilisateur,
- services de réservation en ligne (avion, train, cinéma, théâtre),
- services de transactions bancaires à distance,
- accès aux intranets et messageries électroniques des entreprises,
- applications domotiques,
- systèmes de localisation du plus proche magasin, restaurant, distributeur de billets, etc,
- systèmes de guidage en temps réel, intégrant la fluidité du trafic et les conditions météorologiques,
- applications de commerce électronique mobile.
Côté son, il sera possible de télécharger des morceaux de musique entiers. Cette offre sera d'ailleurs proposée par Orange au premier trimestre 2005. Mais c'est surtout l'image qui prend possession du téléphone mobile avec la visiophonie (voir son interlocuteur pendant qu'on lui parle), les jeux et séquences vidéo, voire la télévision.
Les combinés se transforment ainsi en véritables "couteaux suisses", incorporant un écran couleur, des caméras, un appareil photo, ainsi qu'un système d'exploitation pour gérer les contenus et un disque dur pour les stocker.
Même si le marché des services mobiles de troisième génération reste difficile à évaluer, les projections à l'horizon 2010 permettent d'illustrer son potentiel considérable :
o les taux de pénétration en téléphone mobile pourraient dépasser à terme le seuil des 100 %, comme l'illustre la poursuite de la croissance dans les pays les plus avancés,
o 70 % du trafic voix pourrait s'effectuer via les réseaux mobiles,
o les revenus liés au transfert des données représenteraient plus de 60 % des revenus des opérateurs mobiles.
Le nouveau cadre de régulation des télécommunications, issu de la loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle, donnera au secteur un cadre juridique favorable à la concurrence et à l'investissement, qui restent, j'en suis convaincu, les principaux moteurs de la croissance.
Je souhaiterais aussi évoquer avec vous aujourd'hui les deux préoccupations principales touchant au déploiement de la téléphonie mobile :
- les risques liés à l'environnement et la santé d'une part,
- les demandes de résorption des " zones blanches " d'autre part.
J'observe que ces deux préoccupations sont à la fois légitimes et contradictoires :
* D'une part, la question de l'intégration sanitaire et environnementale est essentielle.
Avec 36.000 stations de bases et 43 millions de terminaux, la téléphonie mobile soulève de légitimes interrogations, dans des domaines aussi variés que ceux de l'urbanisme, de l'intégration paysagère, ou de la sécurité sanitaire.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler que ces antennes relais s'ajoutent aux 50.000 autres stations radioélectriques: antennes de radiodiffusion, de télévision, de radio professionnelle, qui émettent également des signaux radioélectriques depuis plus d'un siècle maintenant. L'interaction des radiofréquences avec le corps humain est donc ancienne.
Face à ces questions, je souhaite privilégier :
- Le respect des normes européennes et nationales en vigueur. Un nouveau protocole de mesures du champ radioélectrique, mis au point par l'Agence Nationale des Fréquences, et intégrant la téléphonie mobile de troisième de génération, est en cours de préparation.
- La transparence : la carte présentant les implantations de stations, le résultat des mesures effectuées sur ces stations, et le site Internet lancé par mon Ministère pour présenter cette carte (www.cartoradio.fr), sont aujourd'hui pleinement opérationnels.
- Le dialogue entre les opérateurs, les collectivités locales, et le public. Une charte de bonnes pratiques a été conclue au printemps avec les opérateurs mobiles et l'Association des Maires de France. Elle formalise, pour la première fois au niveau national, les engagements pris par les opérateurs en matière d'information, de dialogue et de concertation avec les élus, les riverains et les associations pour l'implantation des antennes. J'invite chacun à s'approprier, chaque jour, dans chaque commune, pour chaque antenne, ces pratiques de concertation. C'est une condition essentielle de la confiance.
- Même si l'abondance de résultats non concluants tend à démobiliser mêmes les meilleures équipes, il est aussi indispensable de poursuivre les recherches afin d'affiner notre connaissance de l'impact des radiofréquences sur la santé. L'idée d'une Fondation dédiée à ces recherches a été émise. Elle mérite d'être approfondie. Il est indispensable d'une part que l'ensemble des grands émetteurs de radiofréquences y participent, d'autre part que sa gestion scientifique soit assurée en toute indépendance, sur des critères d'excellence.
* Mais d'autre part, dans le même temps où l'on craint les dangers supposés de la téléphonie mobile, on demande à être mieux desservis. Cette préoccupation est celle de l'aménagement numérique du territoire et de la résorption des " zones blanches ".
Malgré les efforts déjà accomplis, il existe encore plus de 3.000 communes rurales, correspondant à 2% de la population mais à 10% du territoire environ, qui ne sont couvertes par aucun opérateur mobile.
Les opérateurs se sont engagés, dans le cadre du renouvellement de leurs licences au printemps dernier, à achever la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile. Je veillerai personnellement à ce que ces engagements soient respectés.
Montesquieu a écrit que l'histoire du monde se réduisait à celle de la communication entre les hommes et entre les peuples. Cette exposition nous ouvre finalement les portes d'une nouvelle phase dans l'histoire du monde. Celle d'une société de l'information numérique, mobile et mondialisée, dans laquelle la France a le devoir de retrouver un rôle de grande puissance.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 10 décembre 2004)