Texte intégral
Monsieur le directeur général,
Sachez combien je suis sensible à l'accueil qui nous est réservé par le Conseil de l'Europe. Soyez remercié pour les moyens que vous avez mis à notre disposition pour que cette première conférence interrégionale de l'aide aux victimes puisse se dérouler ici, dans ce lieu riche en symboles et en espoirs en cette année 2005, année de l'Europe.
Messieurs les députés,
Monsieur l'ambassadeur,
Messieurs les Préfets,
Messieurs les Premiers Présidents,
Messieurs les Procureurs Généraux,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis européens,
Le 26 décembre 2004, entre 00h58 et 07h38, une série de tremblements de terre frappait violemment la côte ouest de l'Ile de Sumatra. La secousse la plus importante, d'une intensité de 8,9 points sur l'échelle de Richter, provoquait un raz de marée d'une ampleur exceptionnelle dans l'Océan Indien.
Ce terrible événement entraînait la mort de plus de 168.000 personnes, jetant des centaines de milliers d'autres dans le malheur. Parmi elles se trouvaient nos compatriotes.
A cet instant, mes pensées vont à toutes les victimes.
A ceux qui furent emportés. Aux blessés. A tous celles et ceux qui sont restés sans nouvelles d'une personne aimée. Je veux leur redire ma profonde solidarité.
Une aide internationale sans précédent s'est déclenchée en faveur des victimes de cette catastrophe. Notre pays tout entier s'est mobilisé pour participer aux actions humanitaires. Cet effort s'est également porté vers nos concitoyens rescapés, les familles des victimes et leurs proches.
Un dispositif d'accueil des rescapés a été mis en place. Les associations membres du réseau INAVEM se sont mobilisées pour apporter secours et assistance aux personnes qui le demandaient.
A ma demande, un guide destiné à faciliter leurs premières démarches a été réalisé. Il comporte des indications sur l'aide psychologique qui peut être apportée aux victimes et des informations pratiques sur leurs droits.
Mais cette mobilisation ne peut nous dissimuler certaines lacunes de l'aide internationale.
J'ai été frappée, comme bien d'autres, par le manque de coordination des aides humanitaires lors de cette catastrophe. La coordination des secours d'urgence dans le monde est depuis plusieurs années une de mes préoccupations.
C'est pour cette raison que, depuis 1997, je préconise la création d'une force d'intervention rapide capable de faire face aux grandes catastrophes et que je me réjouis du souhait exprimé par le président de la République, lors de ses voeux à la nation le 1er janvier 2005, de la création d'une telle force.
Cette force d'intervention rapide, que j'ai baptisée " Casques rouges ", n'est pas une nouvelle utopie, elle est une nécessité. Rappelons-nous qu'après le tremblement de terre qui a secoué le Nord du Maroc en février 2004, des secours durent être renvoyés, parce qu'ils faisaient double emploi ou n'étaient pas adaptés aux besoins.
Ni le dévouement des organisations non gouvernementales, ni la bonne volonté et la générosité des États ne suffisent pour affronter des drames tels que celui qui vient de frapper l'Asie du Sud.
La création de cette brigade de secours est donc une absolue nécessité : elle devra organiser la coordination des ressources humaines et matérielles.
Concrètement, elle réunira des spécialistes de la sécurité et du génie civil, des infirmiers, des médecins urgentistes, des psychiatres, des psychologues.
Koffi Annan, secrétaire général de l'Organisation des nations unies, a lui-même appelé de ses voeux la création de cette force humanitaire.
C'est aujourd'hui à la communauté internationale de répondre à cet impérieux besoin d'une organisation des secours à l'échelle planétaire.
Les situations génératrices d'accidents collectifs sont aujourd'hui multiples.
Force est de constater qu'il n'existe pas un domaine de l'activité humaine qui échappe au risque d'être confronté à un accident collectif :
- Les transports avec les carambolages de Mirambeau en novembre 1993 ou de Bourg-Achard en septembre 1997, l'incendie du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999, le naufrage de Banyolès en octobre 1998 ou celui du Joola en septembre 2002 ou encore l'accident d'avion de Charm-El-Cheikh le 3 janvier 2004...
- Les risques industriels avec l'exceptionnelle explosion de l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, mais aussi les explosions dans les immeubles d'habitation, par exemple le 4 décembre 1999 à Dijon ou le 26 décembre 2004 à Mulhouse ...
- Les risques nés de la force des éléments, tels que l'avalanche des Orres le 23 janvier 1998, ou la chute d'un arbre dans le parc de Pourtalès le 6 juillet 2001...
Il faut citer enfin les risques particuliers découlant du rassemblement en un même lieu d'un nombre important de personnes, en vérité trop important au regard de la capacité des installations, je pense par exemple à l'écroulement de la tribune du stade de Furiani le 5 mai 1992 ou à l'effondrement de la passerelle d'accès au paquebot Le Queen Mary 2 le 15 novembre 2003.
La liste de ces drames collectifs - pourtant loin d'être exhaustive - est bien longue.
Ces accidents collectifs, qui ont jalonné tristement l'actualité médiatique et judiciaire des ces vingt dernières années, ont coûté la vie à des centaines de personnes, blessé tant d'autres et meurtri à jamais des familles.
Aujourd'hui, 20 janvier 2005, mes pensées vont particulièrement aux victimes, et leurs familles, de la catastrophe aérienne du Mont Saint Odile : le lundi 20 janvier 1992, à 18h 20, l'Airbus A 320 du vol inter 5148 décollait de l'aéroport de Lyon-Satolas à destination de Strasbourg. A 19 heures 21, l'avion s'écrasait sur le Mont Saint Odile. Parmi les 96 personnes qui avaient pris place à bord, seulement 9 d'entre elles survivront au crash.
L'instruction de ce dossier est toujours en cours. Je comprends la lassitude de ceux qui attendent depuis trop longtemps que justice soit rendue. Je sais cependant que d'importants moyens humains ont été mobilisés pour faire aboutir les ultimes investigations.
J'ai la conviction profonde que les lenteurs de la justice ne font qu'accroître la situation de détresse des familles. Tout doit donc être mis en oeuvre pour que la justice soit rendue dans des délais raisonnables.
Confrontés, ces dernières années, à cette succession de catastrophes et d'accidents collectifs, l'institution judiciaire et les professionnels du droit ont dû rechercher un mode adapté d'aide, de soutien et d'accompagnement des victimes, qui permette une prise en charge individualisée répondant au nombre important de victimes.
Au demeurant, cette modification des pratiques avait déjà dû être engagée à la suite des attentats terroristes qui avaient frappé douloureusement successivement notre territoire, et ce dès le milieu des années 1980.
Des dispositifs particuliers de prise en charge des victimes d'accidents collectifs, à la fois dans l'urgence et dans la durée, ont donc été progressivement mis en place à l'initiative du ministère de la Justice.
Les associations de victimes et d'aide aux victimes ont joué un rôle déterminant dans l'élaboration de ces dispositifs. Je veux saluer ici leur action. Elles apportent un soutien indispensable pour les victimes et leurs proches.
Mais c'est aussi en raison de leurs actions que les pouvoirs publics, et en particulier l'institution judiciaire, ont eu une conscience accrue de ce que la dimension collective de ces drames nécessitait une réponse originale et spécifique destinée à aider, soutenir et accompagner les victimes.
C'est avec les associations que des réponses ont été inventées afin que le nombre important de victimes ne constitue pas un obstacle à leur prise en charge individualisée.
A cet égard, l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation, l'INAVEM, a joué un rôle déterminant, en mettant en oeuvre et développant la notion de réseau et offrant la possibilité de venir en aide à toutes les victimes de manière homogène sur l'ensemble du territoire.
Un premier pas a été franchi par la loi du 8 février 1995, complétée par le décret du 17 août 1995, qui a institué l'article 2-15 du code de procédure pénale permettant aux associations de défense des victimes de certains accidents collectifs de se constituer partie civile.
Ce texte a été complété par la loi du 9 septembre 2002 qui a étendu cette voie procédurale aux accidents collectifs survenus dans une propriété privée, couvrant ainsi toutes les hypothèses d'accidents collectifs. Enfin, la loi du 9 mars 2004 est venue accorder aux fédérations d'associations de victimes d'accidents collectifs, le droit de se constituer partie civile à l'instruction ou au procès. Le décret d'application permettant l'application de cette disposition devrait être publié dans les tous prochains jours.
A partir des enseignements tirés de la catastrophe survenue en 1992 au stade de Furiani, et à la suite de la réflexion apportée par le groupe de travail constitué en 1996 par la Chancellerie, un dispositif d'intervention local et national a pu être modélisé, puis mis en oeuvre à l'occasion d'autres catastrophes.
Ces méthodes nouvelles de prise en charge des victimes de tels évènements ont été largement diffusées auprès des parquets locaux par la circulaire du 13 juillet 1998, sur la politique pénale d'aide aux victimes d'infractions pénales.
Lorsqu'un accident collectif se produit, le schéma prévu s'articule autour des trois axes suivants :
- La mobilisation de l'association locale d'aide aux victimes, et en cas de besoin des associations d'aide aux victimes des départements voisins ou de la France entière pour apporter aide et assistance aux victimes ainsi qu'à leurs familles, et assurer leur accompagnement sur le plan matériel, social, juridique et psychologique ;
- La constitution d'un comité de suivi réunissant l'ensemble des acteurs institutionnels et associatifs concernés par la catastrophe, avec pour triple mission l'accompagnement, l'information et l'indemnisation des victimes ;
- L'organisation à échéance régulière de réunions d'information des familles sur les conditions de déroulement de l'enquête.
Malgré ces avancées, l'attention portée aux victimes d'accidents collectifs et la mise en place de mesures particulières en leur faveur dépendaient encore trop souvent ces dernières années de la bonne volonté des acteurs institutionnels.
Il convenait donc de passer à une nouvelle phase en proposant un modèle d'intervention permettant de parvenir à une coordination plus efficace de tous les services sollicités dans ces situations.
C'est la mission qui a été confiée au cours de l'année 2003 à un groupe de travail interministériel réuni dans le cadre du Conseil National de l'Aide aux Victimes. Ce groupe de travail a réuni des magistrats, des auxiliaires de justice, des responsables de services de l'Etat, des associations de victimes et d'aide aux victimes, des assureurs, ainsi que des spécialistes de la gestion de crise.
Certaines des propositions de ce groupe de travail ont d'ores et déjà été mises en oeuvre, comme la création d'une cellule de coordination " Accidents collectifs " au sein du Bureau de l'Aide aux Victimes du Service d'accès au droit et de la politique judiciaire de la ville qui est désormais en lien direct avec mon secrétariat d'Etat.
Alertée systématiquement en cas d'accidents collectifs ou d'actes de terrorisme, cette cellule a une double mission :
o coordonner en urgence les actions des différents services intervenants (parquet local, consulat, barreau, organismes d'assurance maladie, assureurs, associations d'aide aux victimes...).
o veiller à la mise en oeuvre par chaque acteur des dispositifs particuliers de prise en charge des victimes, du début jusqu'à la fin de la procédure (comités de suivi nationaux ou locaux, réunions d'information des victimes, préparation de grands procès...).
Un guide méthodologique sur " La prise en charge des victimes d'accidents collectifs " a également été élaboré sur la base des propositions des groupes. Il va être diffusé, à compter d'aujourd'hui, à tous les intervenants de terrain et figure dans le dossier d'accueil qui vous a été remis. Il a vocation à constituer un outil de travail commun à tous, facile d'accès et d'utilisation.
J'ai le ferme espoir que cet ouvrage répondra aux attentes de celles et ceux qui mettent leur énergie et leur compétence au service des victimes et qu'il portera ainsi plus loin la protection de leurs droits.
Je veux évoquer ici d'autres actions à destination des victimes d'accidents collectifs tels que celles qui ont été menées en vue de la préparation du procès de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc qui doit débuter le 31 janvier prochain à Bonneville.
J'étais, il y a deux semaines, à Bonneville pour m'assurer des conditions d'accueil des familles des victimes. Les locaux dans lesquels se tiendra le procès ont fait l'objet d'un aménagement spécial :
Accueil réservé aux parties civiles séparé du public et de la presse, places réservées dans la salle d'audience, mise à disposition de deux salles annexes dont une salle de repos, parking réservé pour les parties civiles. J'ai veillé à ce qu'une aide matérielle leur soit apportée. Par exemple, l'association d'aide aux victimes locale a procédé à des réservations de chambres d'hôtel pour les parties civiles qui le désiraient. J'ai consacré un budget à l'avance des frais engagés par les familles des victimes et donné des instructions afin que le versement de l'indemnisation des frais d'hébergement et de transport que les victimes devront engager soit accéléré.
Mais les conditions matérielles, d'aussi bonne qualité soient-elles, ne font pas tout. C'est pourquoi, j'ai voulu que les familles de victimes puissent avoir le soutien de psychologues pendant toute la durée du procès.
Je l'ai dit, je suis particulièrement sensible à la coordination des actions menées en faveur des victimes.
Dans le programme d'action que j'ai présenté au Conseil des ministres, le 29 septembre dernier, certaines mesures visent précisément à mieux coordonner la prise en charge des victimes en cas d'accident collectif, afin d'assurer, dès la survenance des faits, la prise en charge globale, coordonnée, immédiate, et dans la durée, des victimes.
Je pense notamment aux actions suivantes qui pourront être réalisées de concert entre le préfet et le procureur de la République :
- l'élaboration rapide de la liste des victimes et leur orientation,
- la mise en place de l'aide psychologique aux victimes et à leurs familles, d'abord par les CUMP (cellules d'urgence médico-psychologique), puis par les associations d'aide aux victimes (qui, pour ce faire, auront passé une convention au plan local),
(à cet égard, je me réjouis de la réactivation du Comité national de l'urgence médico-psychologique, outil essentiel de la coordination et de la rationnalisation de l'intervention des secours sur le territoire)
- l'information des familles au sein d'une cellule d'accueil et d'information des familles,
- la communication avec la presse, dans la protection de l'image et de la dignité des victimes.
L'aide aux victimes d'accidents collectifs a connu d'incontestables avancées ces dernières années. Confrontés à la succession de catastrophes et d'accidents collectifs, les pouvoirs publics et l'institution judiciaire ont dû rechercher un mode adapté de soutien et d'accompagnement des victimes, qui permette une prise en charge individualisée répondant au nombre important de victimes.
La création même du secrétariat d'État aux droits des victimes, unique en Europe, est venu confirmer la prise de conscience de l'État de son rôle dans la prise en charge des victimes d'accidents collectifs et témoigner de sa volonté résolue de mieux les aider, les accompagner.
Toutefois l'État ne peut tout faire. Associations d'aide aux victimes et associations de victimes, bénévoles et professionnels, services centraux de l'État et collectivités locales, chacun s'engage et agit à côté des victimes et pour elles. Il nous faut désormais aller plus loin, en concertant et coordonnant les efforts de tous et répondre, ensemble, aux attentes des victimes.
C'est pourquoi j'ai voulu que cette première conférence interrégionale soit consacrée à l'aide aux victimes d'accidents collectifs et qu'ensemble nous réfléchissions et déterminions des modes opératoires communs.
La réflexion sur ce sujet paraît d'autant plus importante que l'on assiste à une augmentation constante de la circulation des ressortissants des pays membres. Cette évolution justifie qu'une assistance transfrontalière en faveur des victimes soit organisée et que cette assistance puisse être mobilisée dans l'urgence.
Vous le verrez à l'occasion des travaux de cette journée, des pratiques innovantes ont été instaurées afin de gérer les suites de catastrophes concernant des victimes de différentes nationalités ou des victimes françaises à l'étranger.
Ainsi, lorsque des accidents ou des catastrophes impliquaient de nombreuses victimes de plusieurs pays, des dispositifs particuliers ont été instaurés. Ces dispositifs ont tenu compte des particularités des procédures pénales applicables dans les pays concernés et, en même temps, ils ont recherché, à chaque fois, des modalités pratiques d'une telle coopération en faveur des victimes.
Mais il reste encore beaucoup à faire.
Car ces initiatives sont souvent trop ponctuelles. Nous devons les modéliser, les rationaliser. Nous devons davantage travailler avec nos voisins européens. C'est main dans la main que nous progresserons encore.
En 2005, avant l'été, la Constitution européenne sera soumise au peuple français, par référendum. En approuvant la Constitution européenne, nous permettrons à l'Europe d'être plus démocratique, plus volontaire, plus puissante. Nous la rendrons capable de progrès économiques et sociaux plus rapides. Nous lui donnerons plus de chance de mieux coordonner les moyens à l'échelle européenne. La prise en charge d'accidents collectifs concernant les ressortissants de plusieurs États européens s'en trouvera facilitée. Enfin, nous tendrons vers une égalité de traitement des victimes sur le territoire européen.
Je vous souhaite une bonne journée de travail et d'échanges fructueux.
Je vous remercie.
(Source http://www.coe.int, le 26 janvier 2005)
Sachez combien je suis sensible à l'accueil qui nous est réservé par le Conseil de l'Europe. Soyez remercié pour les moyens que vous avez mis à notre disposition pour que cette première conférence interrégionale de l'aide aux victimes puisse se dérouler ici, dans ce lieu riche en symboles et en espoirs en cette année 2005, année de l'Europe.
Messieurs les députés,
Monsieur l'ambassadeur,
Messieurs les Préfets,
Messieurs les Premiers Présidents,
Messieurs les Procureurs Généraux,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis européens,
Le 26 décembre 2004, entre 00h58 et 07h38, une série de tremblements de terre frappait violemment la côte ouest de l'Ile de Sumatra. La secousse la plus importante, d'une intensité de 8,9 points sur l'échelle de Richter, provoquait un raz de marée d'une ampleur exceptionnelle dans l'Océan Indien.
Ce terrible événement entraînait la mort de plus de 168.000 personnes, jetant des centaines de milliers d'autres dans le malheur. Parmi elles se trouvaient nos compatriotes.
A cet instant, mes pensées vont à toutes les victimes.
A ceux qui furent emportés. Aux blessés. A tous celles et ceux qui sont restés sans nouvelles d'une personne aimée. Je veux leur redire ma profonde solidarité.
Une aide internationale sans précédent s'est déclenchée en faveur des victimes de cette catastrophe. Notre pays tout entier s'est mobilisé pour participer aux actions humanitaires. Cet effort s'est également porté vers nos concitoyens rescapés, les familles des victimes et leurs proches.
Un dispositif d'accueil des rescapés a été mis en place. Les associations membres du réseau INAVEM se sont mobilisées pour apporter secours et assistance aux personnes qui le demandaient.
A ma demande, un guide destiné à faciliter leurs premières démarches a été réalisé. Il comporte des indications sur l'aide psychologique qui peut être apportée aux victimes et des informations pratiques sur leurs droits.
Mais cette mobilisation ne peut nous dissimuler certaines lacunes de l'aide internationale.
J'ai été frappée, comme bien d'autres, par le manque de coordination des aides humanitaires lors de cette catastrophe. La coordination des secours d'urgence dans le monde est depuis plusieurs années une de mes préoccupations.
C'est pour cette raison que, depuis 1997, je préconise la création d'une force d'intervention rapide capable de faire face aux grandes catastrophes et que je me réjouis du souhait exprimé par le président de la République, lors de ses voeux à la nation le 1er janvier 2005, de la création d'une telle force.
Cette force d'intervention rapide, que j'ai baptisée " Casques rouges ", n'est pas une nouvelle utopie, elle est une nécessité. Rappelons-nous qu'après le tremblement de terre qui a secoué le Nord du Maroc en février 2004, des secours durent être renvoyés, parce qu'ils faisaient double emploi ou n'étaient pas adaptés aux besoins.
Ni le dévouement des organisations non gouvernementales, ni la bonne volonté et la générosité des États ne suffisent pour affronter des drames tels que celui qui vient de frapper l'Asie du Sud.
La création de cette brigade de secours est donc une absolue nécessité : elle devra organiser la coordination des ressources humaines et matérielles.
Concrètement, elle réunira des spécialistes de la sécurité et du génie civil, des infirmiers, des médecins urgentistes, des psychiatres, des psychologues.
Koffi Annan, secrétaire général de l'Organisation des nations unies, a lui-même appelé de ses voeux la création de cette force humanitaire.
C'est aujourd'hui à la communauté internationale de répondre à cet impérieux besoin d'une organisation des secours à l'échelle planétaire.
Les situations génératrices d'accidents collectifs sont aujourd'hui multiples.
Force est de constater qu'il n'existe pas un domaine de l'activité humaine qui échappe au risque d'être confronté à un accident collectif :
- Les transports avec les carambolages de Mirambeau en novembre 1993 ou de Bourg-Achard en septembre 1997, l'incendie du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999, le naufrage de Banyolès en octobre 1998 ou celui du Joola en septembre 2002 ou encore l'accident d'avion de Charm-El-Cheikh le 3 janvier 2004...
- Les risques industriels avec l'exceptionnelle explosion de l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, mais aussi les explosions dans les immeubles d'habitation, par exemple le 4 décembre 1999 à Dijon ou le 26 décembre 2004 à Mulhouse ...
- Les risques nés de la force des éléments, tels que l'avalanche des Orres le 23 janvier 1998, ou la chute d'un arbre dans le parc de Pourtalès le 6 juillet 2001...
Il faut citer enfin les risques particuliers découlant du rassemblement en un même lieu d'un nombre important de personnes, en vérité trop important au regard de la capacité des installations, je pense par exemple à l'écroulement de la tribune du stade de Furiani le 5 mai 1992 ou à l'effondrement de la passerelle d'accès au paquebot Le Queen Mary 2 le 15 novembre 2003.
La liste de ces drames collectifs - pourtant loin d'être exhaustive - est bien longue.
Ces accidents collectifs, qui ont jalonné tristement l'actualité médiatique et judiciaire des ces vingt dernières années, ont coûté la vie à des centaines de personnes, blessé tant d'autres et meurtri à jamais des familles.
Aujourd'hui, 20 janvier 2005, mes pensées vont particulièrement aux victimes, et leurs familles, de la catastrophe aérienne du Mont Saint Odile : le lundi 20 janvier 1992, à 18h 20, l'Airbus A 320 du vol inter 5148 décollait de l'aéroport de Lyon-Satolas à destination de Strasbourg. A 19 heures 21, l'avion s'écrasait sur le Mont Saint Odile. Parmi les 96 personnes qui avaient pris place à bord, seulement 9 d'entre elles survivront au crash.
L'instruction de ce dossier est toujours en cours. Je comprends la lassitude de ceux qui attendent depuis trop longtemps que justice soit rendue. Je sais cependant que d'importants moyens humains ont été mobilisés pour faire aboutir les ultimes investigations.
J'ai la conviction profonde que les lenteurs de la justice ne font qu'accroître la situation de détresse des familles. Tout doit donc être mis en oeuvre pour que la justice soit rendue dans des délais raisonnables.
Confrontés, ces dernières années, à cette succession de catastrophes et d'accidents collectifs, l'institution judiciaire et les professionnels du droit ont dû rechercher un mode adapté d'aide, de soutien et d'accompagnement des victimes, qui permette une prise en charge individualisée répondant au nombre important de victimes.
Au demeurant, cette modification des pratiques avait déjà dû être engagée à la suite des attentats terroristes qui avaient frappé douloureusement successivement notre territoire, et ce dès le milieu des années 1980.
Des dispositifs particuliers de prise en charge des victimes d'accidents collectifs, à la fois dans l'urgence et dans la durée, ont donc été progressivement mis en place à l'initiative du ministère de la Justice.
Les associations de victimes et d'aide aux victimes ont joué un rôle déterminant dans l'élaboration de ces dispositifs. Je veux saluer ici leur action. Elles apportent un soutien indispensable pour les victimes et leurs proches.
Mais c'est aussi en raison de leurs actions que les pouvoirs publics, et en particulier l'institution judiciaire, ont eu une conscience accrue de ce que la dimension collective de ces drames nécessitait une réponse originale et spécifique destinée à aider, soutenir et accompagner les victimes.
C'est avec les associations que des réponses ont été inventées afin que le nombre important de victimes ne constitue pas un obstacle à leur prise en charge individualisée.
A cet égard, l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation, l'INAVEM, a joué un rôle déterminant, en mettant en oeuvre et développant la notion de réseau et offrant la possibilité de venir en aide à toutes les victimes de manière homogène sur l'ensemble du territoire.
Un premier pas a été franchi par la loi du 8 février 1995, complétée par le décret du 17 août 1995, qui a institué l'article 2-15 du code de procédure pénale permettant aux associations de défense des victimes de certains accidents collectifs de se constituer partie civile.
Ce texte a été complété par la loi du 9 septembre 2002 qui a étendu cette voie procédurale aux accidents collectifs survenus dans une propriété privée, couvrant ainsi toutes les hypothèses d'accidents collectifs. Enfin, la loi du 9 mars 2004 est venue accorder aux fédérations d'associations de victimes d'accidents collectifs, le droit de se constituer partie civile à l'instruction ou au procès. Le décret d'application permettant l'application de cette disposition devrait être publié dans les tous prochains jours.
A partir des enseignements tirés de la catastrophe survenue en 1992 au stade de Furiani, et à la suite de la réflexion apportée par le groupe de travail constitué en 1996 par la Chancellerie, un dispositif d'intervention local et national a pu être modélisé, puis mis en oeuvre à l'occasion d'autres catastrophes.
Ces méthodes nouvelles de prise en charge des victimes de tels évènements ont été largement diffusées auprès des parquets locaux par la circulaire du 13 juillet 1998, sur la politique pénale d'aide aux victimes d'infractions pénales.
Lorsqu'un accident collectif se produit, le schéma prévu s'articule autour des trois axes suivants :
- La mobilisation de l'association locale d'aide aux victimes, et en cas de besoin des associations d'aide aux victimes des départements voisins ou de la France entière pour apporter aide et assistance aux victimes ainsi qu'à leurs familles, et assurer leur accompagnement sur le plan matériel, social, juridique et psychologique ;
- La constitution d'un comité de suivi réunissant l'ensemble des acteurs institutionnels et associatifs concernés par la catastrophe, avec pour triple mission l'accompagnement, l'information et l'indemnisation des victimes ;
- L'organisation à échéance régulière de réunions d'information des familles sur les conditions de déroulement de l'enquête.
Malgré ces avancées, l'attention portée aux victimes d'accidents collectifs et la mise en place de mesures particulières en leur faveur dépendaient encore trop souvent ces dernières années de la bonne volonté des acteurs institutionnels.
Il convenait donc de passer à une nouvelle phase en proposant un modèle d'intervention permettant de parvenir à une coordination plus efficace de tous les services sollicités dans ces situations.
C'est la mission qui a été confiée au cours de l'année 2003 à un groupe de travail interministériel réuni dans le cadre du Conseil National de l'Aide aux Victimes. Ce groupe de travail a réuni des magistrats, des auxiliaires de justice, des responsables de services de l'Etat, des associations de victimes et d'aide aux victimes, des assureurs, ainsi que des spécialistes de la gestion de crise.
Certaines des propositions de ce groupe de travail ont d'ores et déjà été mises en oeuvre, comme la création d'une cellule de coordination " Accidents collectifs " au sein du Bureau de l'Aide aux Victimes du Service d'accès au droit et de la politique judiciaire de la ville qui est désormais en lien direct avec mon secrétariat d'Etat.
Alertée systématiquement en cas d'accidents collectifs ou d'actes de terrorisme, cette cellule a une double mission :
o coordonner en urgence les actions des différents services intervenants (parquet local, consulat, barreau, organismes d'assurance maladie, assureurs, associations d'aide aux victimes...).
o veiller à la mise en oeuvre par chaque acteur des dispositifs particuliers de prise en charge des victimes, du début jusqu'à la fin de la procédure (comités de suivi nationaux ou locaux, réunions d'information des victimes, préparation de grands procès...).
Un guide méthodologique sur " La prise en charge des victimes d'accidents collectifs " a également été élaboré sur la base des propositions des groupes. Il va être diffusé, à compter d'aujourd'hui, à tous les intervenants de terrain et figure dans le dossier d'accueil qui vous a été remis. Il a vocation à constituer un outil de travail commun à tous, facile d'accès et d'utilisation.
J'ai le ferme espoir que cet ouvrage répondra aux attentes de celles et ceux qui mettent leur énergie et leur compétence au service des victimes et qu'il portera ainsi plus loin la protection de leurs droits.
Je veux évoquer ici d'autres actions à destination des victimes d'accidents collectifs tels que celles qui ont été menées en vue de la préparation du procès de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc qui doit débuter le 31 janvier prochain à Bonneville.
J'étais, il y a deux semaines, à Bonneville pour m'assurer des conditions d'accueil des familles des victimes. Les locaux dans lesquels se tiendra le procès ont fait l'objet d'un aménagement spécial :
Accueil réservé aux parties civiles séparé du public et de la presse, places réservées dans la salle d'audience, mise à disposition de deux salles annexes dont une salle de repos, parking réservé pour les parties civiles. J'ai veillé à ce qu'une aide matérielle leur soit apportée. Par exemple, l'association d'aide aux victimes locale a procédé à des réservations de chambres d'hôtel pour les parties civiles qui le désiraient. J'ai consacré un budget à l'avance des frais engagés par les familles des victimes et donné des instructions afin que le versement de l'indemnisation des frais d'hébergement et de transport que les victimes devront engager soit accéléré.
Mais les conditions matérielles, d'aussi bonne qualité soient-elles, ne font pas tout. C'est pourquoi, j'ai voulu que les familles de victimes puissent avoir le soutien de psychologues pendant toute la durée du procès.
Je l'ai dit, je suis particulièrement sensible à la coordination des actions menées en faveur des victimes.
Dans le programme d'action que j'ai présenté au Conseil des ministres, le 29 septembre dernier, certaines mesures visent précisément à mieux coordonner la prise en charge des victimes en cas d'accident collectif, afin d'assurer, dès la survenance des faits, la prise en charge globale, coordonnée, immédiate, et dans la durée, des victimes.
Je pense notamment aux actions suivantes qui pourront être réalisées de concert entre le préfet et le procureur de la République :
- l'élaboration rapide de la liste des victimes et leur orientation,
- la mise en place de l'aide psychologique aux victimes et à leurs familles, d'abord par les CUMP (cellules d'urgence médico-psychologique), puis par les associations d'aide aux victimes (qui, pour ce faire, auront passé une convention au plan local),
(à cet égard, je me réjouis de la réactivation du Comité national de l'urgence médico-psychologique, outil essentiel de la coordination et de la rationnalisation de l'intervention des secours sur le territoire)
- l'information des familles au sein d'une cellule d'accueil et d'information des familles,
- la communication avec la presse, dans la protection de l'image et de la dignité des victimes.
L'aide aux victimes d'accidents collectifs a connu d'incontestables avancées ces dernières années. Confrontés à la succession de catastrophes et d'accidents collectifs, les pouvoirs publics et l'institution judiciaire ont dû rechercher un mode adapté de soutien et d'accompagnement des victimes, qui permette une prise en charge individualisée répondant au nombre important de victimes.
La création même du secrétariat d'État aux droits des victimes, unique en Europe, est venu confirmer la prise de conscience de l'État de son rôle dans la prise en charge des victimes d'accidents collectifs et témoigner de sa volonté résolue de mieux les aider, les accompagner.
Toutefois l'État ne peut tout faire. Associations d'aide aux victimes et associations de victimes, bénévoles et professionnels, services centraux de l'État et collectivités locales, chacun s'engage et agit à côté des victimes et pour elles. Il nous faut désormais aller plus loin, en concertant et coordonnant les efforts de tous et répondre, ensemble, aux attentes des victimes.
C'est pourquoi j'ai voulu que cette première conférence interrégionale soit consacrée à l'aide aux victimes d'accidents collectifs et qu'ensemble nous réfléchissions et déterminions des modes opératoires communs.
La réflexion sur ce sujet paraît d'autant plus importante que l'on assiste à une augmentation constante de la circulation des ressortissants des pays membres. Cette évolution justifie qu'une assistance transfrontalière en faveur des victimes soit organisée et que cette assistance puisse être mobilisée dans l'urgence.
Vous le verrez à l'occasion des travaux de cette journée, des pratiques innovantes ont été instaurées afin de gérer les suites de catastrophes concernant des victimes de différentes nationalités ou des victimes françaises à l'étranger.
Ainsi, lorsque des accidents ou des catastrophes impliquaient de nombreuses victimes de plusieurs pays, des dispositifs particuliers ont été instaurés. Ces dispositifs ont tenu compte des particularités des procédures pénales applicables dans les pays concernés et, en même temps, ils ont recherché, à chaque fois, des modalités pratiques d'une telle coopération en faveur des victimes.
Mais il reste encore beaucoup à faire.
Car ces initiatives sont souvent trop ponctuelles. Nous devons les modéliser, les rationaliser. Nous devons davantage travailler avec nos voisins européens. C'est main dans la main que nous progresserons encore.
En 2005, avant l'été, la Constitution européenne sera soumise au peuple français, par référendum. En approuvant la Constitution européenne, nous permettrons à l'Europe d'être plus démocratique, plus volontaire, plus puissante. Nous la rendrons capable de progrès économiques et sociaux plus rapides. Nous lui donnerons plus de chance de mieux coordonner les moyens à l'échelle européenne. La prise en charge d'accidents collectifs concernant les ressortissants de plusieurs États européens s'en trouvera facilitée. Enfin, nous tendrons vers une égalité de traitement des victimes sur le territoire européen.
Je vous souhaite une bonne journée de travail et d'échanges fructueux.
Je vous remercie.
(Source http://www.coe.int, le 26 janvier 2005)