Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la gestion budgétaire de la défense, la recherche de compétitivité des industries de défense, les progrès de l'industrie européenne de défense et l'information sur l'impact économique de la défense, Paris le 21 juin 2004.

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Circonstance : Clôture du colloque "L'économie de la Défense en France et en Europe : un enjeu majeur de la compétition mondiale " organisé par le Conseil Économique de la Défense, Paris, le 21 juin 2004

Texte intégral

Messieurs les Ambassadeurs,
Mme la Secrétaire générale pour l'administration,
Messieurs les chefs d'état-major,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Si sa mission première est la protection de notre territoire, de nos compatriotes, de nos intérêts et de nos valeurs, la Défense affirme de plus en plus son rôle central dans l'économie.
Premier investisseur public, elle détermine une part non négligeable de notre dynamisme économique et social, par les emplois qu'elle créée, par son impact sur la recherche et l'innovation publiques.
Cette participation est trop peu connue des Français, et même de certains décideurs.
C'est pourquoi je me réjouis de ce premier bilan économique de la Défense présenté aujourd'hui par le CED.
Ce bilan démontre, si c'était encore nécessaire, combien le ministère de la Défense recherche l'utilisation la plus juste des moyens que la Nation met à sa disposition.
Il prouve aussi l'importance de sa participation à la vitalité économique de notre pays.
Je tiens à saluer le Conseil Economique de la Défense, et plus particulièrement son président Philippe Esper, pour le travail accompli et pour l'organisation de ce colloque, riche de réflexions et d'échanges.
C'est pour moi une grande satisfaction de clôturer cette journée et d'avoir l'occasion de vous exprimer mes ambitions :
- j'entends améliorer l'efficacité économique de la Défense ;
- je souhaite promouvoir l'enjeu de la Défense européenne ;
- je veux mieux faire connaître, à un public plus vaste, le poids de la Défense dans la santé économique de notre pays.
1. L'efficacité économique est un impératif pour tous les acteurs de la Défense.
1.1 L'efficacité s'impose d'abord au sein même du ministère de la Défense.
Du fait de ses engagements opérationnels, comme de ses responsabilités économiques et financières, le ministère de la Défense doit être particulièrement vigilant sur ce point.
En contrepartie des efforts financiers consentis par la Nation pour le respect de la loi de programmation militaire, j'entends que la Défense participe à la rationalisation de ses dépenses.
Ce mouvement est générateur d'économies.
La nature et le montant de nos investissements, l'importance du respect des engagements et des délais dans notre domaine, notre rôle dans la préparation de l'avenir exigent cette recherche d'efficacité.
Suivi des engagements, contrôle de gestion, recherche des meilleurs coûts, mutualisation des services, responsabilisation des personnels sont notre préoccupation constante.
Parce que les efforts concernent tous les niveaux, je me suis aussi engagée, dès cette année, à instaurer une rémunération liée aux résultats pour plusieurs grands responsables du ministère.
Nous le faisons en pleine transparence vis-à-vis du Parlement et du public le plus large.
1.2 La recherche d'efficacité concerne également les entreprises liées au ministère de la Défense.
C'est dans cet esprit que j'ai conduit les restructurations de DCN et de GIAT Industries.
La transformation de DCN en société de plein exercice est un succès.
Forte de son évolution statutaire, elle s'est modernisée et nous en voyons aujourd'hui les premiers résultats positifs.
Pour GIAT Industries, l'objectif était de maintenir un outil industriel nécessaire aux armées mais dans une configuration réaliste.
Dotée d'un nouveau contrat d'entreprise, GIAT Industries repart sur des bases saines.
Elle est désormais en mesure d'affronter l'environnement compétitif européen et international.
1.3 Cette exigence d'efficacité exclut les polémiques.
On ne peut opposer sommairement les dépenses " sociales " aux dépenses " régaliennes ".
Directement ou indirectement, une partie des dépenses de Défense est aussi dirigée vers le secteur " social ".
L'important pour l'État est de définir ses priorités et de les respecter.
On ne peut opposer défense nationale et défense européenne.
Pour que cette recherche d'efficacité soit source de progrès sur le long terme, nous devons pouvoir en évaluer les résultats et partager nos expériences au niveau européen, où se prennent de plus en plus de décisions en commun.
J'ai décidé de proposer à mes collègues ministres de la Défense d'instituer un tableau de bord européen.
Il permettra d'apprécier l'efficacité des politiques de défense européennes et, ainsi, notre contribution à la croissance de l'Union.
2. L'enjeu que représente la Défense européenne est central dans la montée en puissance de l'Europe
Malgré la multiplication des tensions et des risques dans le monde, malgré des progrès concrets et visibles depuis deux ans, le développement de la politique européenne de la Défense n'apparaît pas encore comme une priorité à tous les membres de l'Union.
La France poursuit son action déterminée pour convaincre et faire progresser l'Europe de la Défense.
2.1 Les progrès de la défense européenne reposent sur trois piliers.
- Pour nous, la défense européenne doit demeurer un engagement politique explicite, prioritaire et inscrit dans la durée.
- Entre les États membres, les choix industriels et financiers doivent privilégier l'optimisation européenne des investissements.
Il faut éviter les empilements coûteux.
Le rôle de l'Agence européenne est en cela déterminant.
- Les entreprises doivent se consolider et se rapprocher afin d'être capables de constituer des pôles européens ou mondiaux.
C'est forte de cette conviction que j'encourage la constitution d'un " EADS euro-naval ".
La récente annonce concernant l'acquisition d'HDW par Thyssen va dans le bon sens.
Elle contribue à clarifier la situation des chantiers navals en Allemagne, ce qui constitue, en quelque sorte, la contrepartie allemande du travail en cours chez nous.
2.2 Il faut rester vigilant quant aux problématiques de dépendance stratégique.
Les entreprises intervenant dans les secteurs sensibles ou stratégiques doivent préserver leur indépendance.
Il en va de l'intérêt de la France.
Il en va de l'intérêt de l'Europe.
Je me suis réjouie de la décision prise par le Premier ministre de nommer un " Monsieur Intelligence économique ".
De mon côté, j'ai engagé les parties concernées à faciliter la constitution d'un outil puissant, efficace, répondant aux besoins des entreprises qui cherchent à se développer dans les secteurs sensibles et stratégiques.
Plutôt que de créer de nouveaux fonds d'investissement, je privilégierais plutôt ceux qui existent et ont su démontrer leur expertise.
Je pense en particulier à la Financière de Brienne, qui devra cependant disposer de moyens plus importants et faire évoluer son mode de fonctionnement.
Créer les conditions d'une défense européenne forte, s'appuyant sur une industrie compétitive et autonome est un objectif mobilisateur.
Cet objectif ne doit cependant pas mobiliser les seuls décideurs politiques et économiques : pour donner de l'ampleur à l'Europe de la Défense, nous avons besoin des opinions publiques.
Cela exige qu'elles comprennent l'intérêt économique des efforts de défense.
3. Il est essentiel de mieux faire connaître l'impact économique de la Défense au quotidien.
Le CED a identifié trois publics cibles : les responsables économiques et politiques locaux, les jeunes et les chercheurs.
Chacun de ces publics joue effectivement un rôle éminent.
Les responsables économiques et politiques locaux sont naturellement concernés par les restructurations de la Défense.
Nous devons renforcer nos liens avec eux dans d'autres circonstances.
Le recrutement des militaires est créateur d'emplois pour les jeunes ; leur reconversion est source de dynamisme pour les entreprises, grâce aux qualités professionnelles et humaines qu'ils y apportent ; les terrains et bâtiments inutiles à la Défense permettent et valorisent les dynamiques d'aménagement du territoire.
Les jeunes aussi doivent être davantage sensibilisés à la question de l'économie de la Défense et plus généralement aux questions de défense.
La Défense un élément de cohésion sociale.
La réforme de la JAPD que j'ai menée, pour lui donner plus de contenu, est un premier élément de réponse, en leur faisant aussi découvrir les métiers de la défense.
Les chercheurs exercent un travail d'analyse et de critique insuffisamment connu et reconnu.
J'entends rapidement le valoriser.
A cet égard, j'ai proposé à mon collègue de la Recherche la signature d'un protocole permettant l'identification et le financement de projets d'intérêt dual.
Pour leur part, les instituts de recherche doivent être davantage responsabilisés et disposer de financements équilibrés entre aide publique et ressources propres.
Pour favoriser la recherche en économie de la Défense, j'ai également décidé la création d'un prix de la recherche universitaire dans ce domaine encore trop peu connu.
Comme le souligne le titre de ce colloque, "L'économie de la Défense en France et en Europe : un enjeu majeur de la compétition mondiale ", on ne peut avoir une vision simplement nationale de la question.
Mener une politique de Défense, c'est assurer la protection de notre territoire et de nos populations.
C'est aussi mener une politique économique dont les répercussions dépassent nos frontières.
De nos choix de politique de Défense dépendent des personnes, des industries, des opportunités de coopération qui déterminent, aujourd'hui et demain, la place de la France en Europe et dans le monde.

(Source http://www.defense.gouv.fr, le 25 juin 2004)