Déclaration de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, sur le dialogue social transnational et les engagements face à la mondialisation et les entreprises multinationales, Paris le 30 juin 2004.

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Circonstance : Rassemblement sur la construction du dialogue social transnational à la Mutualité à Paris le 30 juin 2004

Texte intégral

Le rassemblement de ces deux jours, nous a permis de faire connaître nos actions et d'échanger sur la mise oeuvre de la déclaration de notre dernier congrès "le monde que nous voulons".
Que disons-nous dans cette déclaration ?
Nous affirmons une ambition et prenons trois engagements.
Notre ambition est de donner :
- "de nouvelles chances au développement,
- de permettre l'accès aux soins vitaux pour tous,
- d'avoir une gestion responsable de notre patrimoine naturel,
- avec le respect des droits sociaux,
- en s'appuyant sur une démocratie pleine et continue,
- en s'appuyant sur une Europe forte pour une gouvernance mondiale à la fois plus efficace et plus juste".
Parmi nos engagements pour porter cette ambition, nous affirmons notre volonté " à agir sur et dans les entreprises multinationales pour les conduire sur la voie du développement durable et les pousser à assumer pleinement leur responsabilité sociale ".
Voilà résumé ce que nous affirmons avec notre signature CFDT "Des choix, des actes" .
Notre choix, c'est celui de l'ambition d'un monde juste et solidaire, c'est celui de notre engagement pour y contribuer.
Nos actes, c'est d'inscrire l'ensemble de la CFDT dans la prise en charge de la responsabilité sociale des entreprises devenue un véritable enjeu syndical.
Ce rassemblement sur deux jours est une mise en actes concrets de notre volonté de peser sur les entreprises multinationales.
Dans vos fédérations hier, vous avez pu confronter vos expériences de militants d'entreprises dont l'activité économique ne s'arrête pas aux frontières de l'hexagone.
Vous avez entendu ce matin, des militants CFDT en prise avec la responsabilité sociale, parler de leurs expériences.
A écouter leurs témoignages, notre volonté de "construire le dialogue social transnational" n'en semble que plus pertinente et plus juste.
Bâtir des réseaux de militants dans les entreprises multinationales pour peser sur les choix des dirigeants des grands groupes, est un choix qui s'impose.
Parce que c'est dans l'entreprise que se construit la légitimité de l'action syndicale coordonnée au-delà des frontières.
Parce que le syndicalisme a les moyens d'influencer le comportement des entreprises et de peser sur leur choix en matière de responsabilités sociale et environnementale.
La RSE qui ne saurait être destinée aux seules grandes entreprises, est devenue ces dernières années un concept largement utilisé par les multinationales.
- Pour certaines, la RSE est une simple affaire de marketing,
- D'autres en ont même fait un outil de communication externe efficace,
- Alors que d'autres encore veulent se cantonner à de simples déclarations unilatérales non contraignantes.
Malgré cette réalité à multiples facettes, il faut dépasser la vision réductrice de ces entreprises et faire de la RSE un véritable enjeu syndical.
Cela implique que nous sachions utiliser et développer des instruments fiables, permettant de mesurer les liens entre le développement économique et le social, entre le développement économique et les questions environnementales.
Les employeurs, aux niveaux européen et national, considèrent que la RSE doit être un engagement volontaire des entreprises.
Il ne faudrait pas que le patronat confonde démarche volontaire avec démarche unilatérale.
La CFDT revendique d'être associée avant l'adoption de codes de conduite, de chartes éthiques ou autres déclarations des entreprises.
Nous exigeons en effet que derrière tout engagement, la mise en oeuvre soit garantie et qu'un contrôle indépendant atteste de l'effectivité des mesures annoncées.
Ces trois phases - bâtir l'engagement, mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour en respecter les termes, contrôler de manière indépendante l'effectivité des mesures à tous les niveaux de l'entreprise - ne peuvent être laissées dans les mains du seul employeur.
L'expertise syndicale est un gage de cohérence des outils qu'utilisent les entreprises dans la mise en oeuvre de leur politique de développement socialement responsable.
Ainsi, laisser le développement économique, certes nécessaire, aux mains des seuls experts financiers pourrait conduire les entreprises à méconnaître les conséquences de leurs choix sur le social et l'environnement.
La RSE c'est avant tout, une démarche anticipatrice, qui doit amener les entreprises sur la voie du développement durable.
Une démarche à laquelle doivent être associées l'ensemble des parties prenantes, pour que la création de richesses et la rémunération des actionnaires ne soient pas les seules préoccupations de leurs dirigeants.
Si l'on accepte l'idée que le développement durable impose que le développement d'aujourd'hui ne se fasse pas au détriment de celui des générations futures, alors il devient un lieu majeur de l'intervention syndicale.
C'est bien cette même démarche, soucieuse de l'avenir, que nous défendons quand nous refusons de transférer la dette de la sécurité sociale sur les générations futures !
Dans une période où un événement chasse l'autre de plus en plus rapidement, il s'agit pour le syndicalisme de maintenir le cap, d'inscrire son action dans la durée, de ne pas confondre émotion et réaction politique.
- Sur le plan social, la CFDT revendique le "zéro chômeur", car garantir un emploi à chacun est le premier impératif social.
Offrir à chaque salarié l'accès à la formation, lui donner les moyens d'entretenir ses compétences et de les augmenter, c'est lui permettre de conserver un emploi sur le long terme.
Donner tous les moyens à un chômeur pour qu'il retrouve un emploi le plus vite possible participe de la même volonté.
- De la même façon sur la défense de l'environnement, la CFDT préférera toujours les mesures préventives aux réparations des catastrophes touchant durement l'environnement et les citoyens.
C'est une constante de son action depuis les années 70 avec la prévention des risques de l'amiante, du nucléaire notamment.
Peser sur les employeurs pour qu'ils prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer la préservation de la planète, est autrement plus exigeant que de les laisser faire et de réclamer ensuite des indemnités, certes justifiées, lorsque survient une catastrophe.
Aujourd'hui, de plus en plus d'acteurs agissent sur le terrain des entreprises.
- Certains contestent sans nuance la mondialisation et ses effets forcément néfastes pour l'avenir du monde.
- D'autres s'en tiennent à la légitimité d'une seule cause, telles que l'eau, la pollution, la défense d'une minorité particulière et que pour l'essentiel nous partageons, mais qui, par l'exclusivité et la partialité de leur engagement, passent à côté des questions les plus importantes.
- Et puis, il y a les acteurs soucieux de l'intérêt général sur le long terme, dont nous faisons partie.
Comme sur l'assurance maladie où la CFDT agit en partenariat avec d'autres : la mutualité, les associations d'usagers et organisations des professionnels de santé, le syndicalisme ne saurait aujourd'hui prétendre être le seul acteur légitime à traiter du développement durable. Là aussi, la CFDT veut développer des partenariats.
Ces dernières années, la société civile a interpellé les entreprises, pour que leur croissance et leur développement dans d'autres zones de la planète, soit facteur de mieux-être pour les populations concernées.
- Quelques entreprises multinationales ont franchi le pas en signant des accords de coopération avec de grandes ONG, comme Carrefour avec la FIDH, Lafarge avec WWF, Bodyshop avec Greenpeace
- Soulignons au passage que certaines ONG qui dénonçaient hier ces entreprises exploitant la misère du monde, ont changé leur stratégie en passant contrat avec elles.
Nous ne sommes pas restés pendant ce temps les bras croisés, la coopération de la CFDT avec d'autres acteurs de la société pour contribuer au développement durable, est depuis longtemps une réalité.
Nous travaillons au sein du collectif "de l'éthique sur l'étiquette" depuis sa création en 1995, avec des associations et des organisations de consommateurs.
La CFDT est le syndicat le plus impliqué dans le collectif, dont la Confédération, cinq fédérations, l'ASSECO et l'Institut Belleville sont adhérents.
Nous sommes également actifs dans la moitié des collectifs locaux, pour relayer les campagnes comme celle qui est en cours, "jouons le jeu pour les JO".
Le but recherché est de peser sur la grande distribution et les fabricants d'articles de sport, pour garantir que les produits vendus dans nos pays ont été fabriqués dans le respect des normes fondamentales de l'OIT (Organisation Internationale du Travail).
Le respect de ces normes par l'ensemble des entreprises nécessite des évaluations indépendantes.
C'est pourquoi, la CFDT avec d'autres syndicats européens s'est engagé dans la création d'une agence de notation sociale comme VIGEO, que Nicole nous a fait l'amitié de nous présenter.
C'est pour nous, un outil pertinent pour peser sur les entreprises, pour évaluer leur performance sociale.
Car l'investissement socialement responsable est un autre levier pour agir sur les stratégies d'entreprise.
C'est notre responsabilité d'organisation syndicale de s'assurer que l'épargne des salariés soit orientée vers des entreprises respectant les droits des travailleurs, partout où elles exercent leurs activités.
Le Comité Intersyndical de l'Epargne Salariale, qui labellise des fonds d'épargne des salariés respectant un cahier des charges, est une démarche concertée des organisations syndicales françaises - que seule FO n'a pas rejoint -, démontrant l'importance accordée à cette facette du syndicalisme d'aujourd'hui.
Enfin sur tous ces enjeux, l'Europe est notre meilleur instrument pour faire avancer la régulation sociale de la mondialisation.
L'Europe sociale, certes imparfaite aujourd'hui, dispose d'ores et déjà d'outils qui permettent d'agir dans ce sens.
Par exemple avec les CE européens, les représentants des travailleurs disposent d'un lieu d'information et de consultation transnational.
Il s'agit d'un formidable instrument pour tisser des liens entre syndicalistes de plusieurs pays, pour apprendre la culture des relations sociales de nos voisins et construire le dialogue social transnational.
Même si un gros effort reste à accomplir pour que les 2/3 des entreprises encore dépourvues de cette structure le soient, la CFDT a pleinement investi ces lieux. Vous avez fortement témoigné ces deux jours de la richesse et de la capacité de son action.
Présente dans les organisations internationales, la CFDT pèse au niveau global pour une mondialisation plus juste.
Présents dans les multinationales, vous agissez au niveau local par la négociation, l'action dans les CE, pour des comportements éthiques et responsables des entreprises.
Donnons plus de visibilité à notre action internationale par notre présence dans ces entreprises multinationales.
Soyons fiers de ce que nous faisons parce que nous apportons des résultats concrets aux salariés en France, mais aussi ailleurs dans le monde.
N'ayons pas peur de nous confronter à d'autres qui parlent de la mondialisation sans la vivre dans l'entreprise.
Dans les entreprises nous y sommes, la CFDT est présente et c'est par vos actions qui nous contribuerons petit à petit à construire "Le monde que nous voulons".
(source http://www.cfdt.fr, le 16 juillet 2004)