Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à Paris le 2 décembre 2004 et interview à "RTL" le 6 décembre 2004, sur les conséquences du "oui" à la constitution européenne des militants socialistes pour la vie interne du parti, sur l'engagement du chef de l'Etat dans le débat, sur les prochaines échéances présidentielles.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Les socialistes, après un débat d'une rare qualité qui a mobilisé l'ensemble des militants pendant plusieurs semaines à compter du mois de septembre - débat qui s'est conclu le 1er décembre et qui a été, je le crois, d'une rare intensité mais aussi d'une belle qualité -, ont approuvé à une forte majorité - près de 59 % - et une participation jamais atteinte dans l'histoire du Parti socialiste pour toutes ses consultations internes - plus de 80 % - le Traité constitutionnel européen.
Ils peuvent être fiers de leur Parti, d'eux-mêmes, de l'image qu'ils ont donnée de ce qu'est une formation politique, de ce qu'est un débat démocratique, de ce qu'est un vote.
Les socialistes ont, en définitive, servi à la fois leur parti, leur pays et l'Europe. Ils ont servi leur parti d'abord, parce qu'ils ont tout simplement servi la politique. Un parti, ce n'est pas une machine à désigner un chef ; un parti, ce n'est pas une organisation de spectacles ; un parti, ce n'est pas un appareil électoral ; un parti, ce n'est pas un budget que l'on pourrait dépenser librement, à sa guise. Un parti, à nos yeux, est un lieu d'échanges, un lieu de réflexion, un lieu de délibération collective pour l'intérêt général, où les adhérents font des choix qui engagent bien plus que leur propre avenir, bien plus que leur propre parti, mais leur pays tout entier.
En faisant le pari de la démocratie, à travers une consultation directe de nos adhérents sur le Traité constitutionnel, le Parti socialiste n'a pas pris un risque. Il a saisi une chance, une chance exceptionnelle d'être fidèle à lui-même, à l'image que l'on voulait donner de la vie en commun. Cette procédure a mobilisé considérablement nos militants mais, j'en ai conscience, a aussi frustré sans doute nos sympathisants. Beaucoup, et ils nous l'ont dit, auraient voulu participer à notre choix collectif. Soit pour dire " non ", soit -je le pense- beaucoup pour dire " oui ". Je veux ici leur dire que la meilleure façon, la prochaine fois, de prendre part à notre débat collectif, d'être partie prenante aux désignations que nous pourrons faire et surtout au projet que nous avons à préparer, c'est de nous rejoindre. Je lance, ici, un appel à tous nos sympathisants pour qu'ils deviennent, demain, et le plus tôt sera le mieux, membres de la famille qui est, aujourd'hui, la leur.
Les socialistes, par leur vote, ont également servi leur pays. A une forte majorité, ils ont été les premiers - en France - à prendre position sur la Constitution européenne. Ce texte qui fera l'objet d'un référendum dans le pays l'année prochaine. Mais, notre position, celle que les militants ont choisie à une forte majorité, devient d'abord la position de tous les socialistes. Mais, elle est déjà plus que cela. C'est autour de la réponse des socialistes que la campagne référendaire va se structurer. Toutes les grandes formations politiques, tous les citoyens, mais aussi les autorités les plus éminentes, vont avoir à se situer par rapport à notre position. C'est nous qui avons donné, les premiers, le " oui ", et ce sera aux autres de savoir comment ils auront à se situer. Nous avons donné nos arguments sur le Traité constitutionnel ; ils peuvent, demain, convaincre les Français comme ils ont convaincu les socialistes.
Le Parti socialiste a su prendre ses responsabilités. Il fera donc campagne sur ses thèmes, sur sa vision de l'Europe pour défendre un projet qui va faire avancer l'organisation politique de notre continent au plan institutionnel, mais aussi social.
Puisque nous avons pris nos responsabilités, d'autres doivent le faire également. Je demande donc au Président de la République d'organiser le référendum dans le pays en le déconnectant de tout enjeu de politique intérieure, en lui laissant son seul caractère : l'Europe, et en le protégeant de toute tentation d'instrumentalisation qui serait fatale à la consultation elle-même et à ceux qui en seraient à l'initiative.
Car, pour nous, servir la France, c'est aussi servir l'Europe.
Les socialistes, par leur choix, ont ouvert le processus de ratification dans toute l'Europe. Ils ont envoyé le meilleur signe possible pour mobiliser la confiance des Européens dans leur avenir commun. Ils ont montré leur attachement à l'acquis de la construction européenne, acquis que les socialistes - ces 20 dernières années - avaient étape par étape construit. Les socialistes ont tendu la main à tous les pays qui ont rejoint l'Europe ces derniers mois. Ils ont affirmé des valeurs de solidarité entre pays, solidarité entre citoyens, solidarité entre l'Europe et le reste du monde, des valeurs de paix en Europe et au-delà de l'Europe ; ces valeurs fondent notre conception de la construction européenne.
Enfin, le Parti socialiste a servi ses militants, son organisation, son pays - la France, l'Europe, tout en étant fidèle à son histoire, à ses engagements et à sa famille politique en Europe.
Aujourd'hui, j'adresse à Poul Rasmussen, le Président du Parti socialiste européen, la lettre qu'il attendait, la dernière, celle qui confirme le choix des socialistes français pour la ratification du Traité constitutionnel. Tout le PSE est désormais rassemblé pour exprimer un oui de combat pour l'Europe que nous voulons.
Merci de tout coeur aux militants d'avoir compris cet enjeu, qui n'était pas un enjeu de personne, ni un enjeu pour préparer d'autres échéances. C'était tout simplement l'enjeu de notre avenir. Cette victoire démocratique, venant après celles, au plan électoral, du printemps dernier, en annonce d'autres qui j'espère seront aussi belles, plus belles encore.
Nous les préparerons ensemble, tous les socialistes, rassemblés au-delà de la diversité de nos votes d'un jour, d'un soir. La démocratie, la vérité et la volonté seront les meilleurs arguments pour convaincre, le moment venu, les Français.
Démocratie, vérité, volonté, il nous revient d'en faire, à chaque étape, la démonstration, comme nous l'avons fait aujourd'hui pour le Traité constitutionnel européen.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 2 décembre 2004)
RTL
Q- Bonjour F. Hollande. Jeudi dernier, après que le Parti socialiste ait choisi le "oui" au traité constitutionnel européen, vous avez demandé au chef de l'Etat - je vous cite - "de laisser au futur référendum national sur ce traité son seul caractère, l'Europe, en le protégeant, avez-vous dit, de toute tentation d'instrumentalisation
qui lui serait fatal". Que redoutez-vous concrètement, F.
Hollande ?
R- Moi, je ne redoute rien particulièrement, mais je veux fixer les principes. Nous avons une consultation qui va avoir lieu maintenant dans le pays, sans doute au premier semestre, en tout cas le plus tôt sera le mieux. Je veux que ce référendum sur le traité constitutionnel soit déconnecté de tout enjeu de politique intérieure. Parce qu'il s'agit rien de moins que de l'Europe. S'il arrivait, pour des raisons qui m'apparaîtraient mystérieuses aujourd'hui, en tout cas condamnables, que le président de la République veuille en faire autre chose, alors je pense qu'il prendrait un grave risque par rapport à l'Europe et par rapport à la consultation. Mais pour le moment, j'affirme les principes, c'est-à-dire il faut que nous ayons un référendum - nous l'avions demandé, il va avoir lieu - et que ce référendum se tienne dans les conditions les meilleures pour l'Europe.
Q- Mais vous admettez, vous acceptez que le chef de l'Etat s'implique dans la campagne.
R- F. Mitterrand l'avait fait au moment de Maastricht. Chacun doit donner sa vision de l'Europe, son avis, c'est bien le moins quand on fait un référendum, mais ça doit se faire par rapport à ce seul enjeu.
Q- Un changement de Premier ministre avant cette campagne relèverait-il-il à votre avis de cette tentation d'instrumentalisation ?
R- Il aurait mieux valu d'ailleurs le changer beaucoup plus tôt. S'il peut intervenir ce changement, avant, après le référendum...
Q- ... ça vous est indifférent...
R -... ça, ce n'est pas ma question. Ce que je crois, c'est que pour les Français, il vaudrait mieux tout simplement changer de politique.
Q- Les députés et les sénateurs - restons sur l'Europe - seront appelés à voter sur ce traité au début de l'année dans le cadre d'une révision constitutionnelle. Les parlementaires socialistes seront-ils libres de leur vote, pourront-ils voter en conscience "oui" ou "non" à ce traité ? Ou sont-ils tenus, selon vous, par une discipline de groupe ?
R- Alors d'abord il n'y a qu'une seule position maintenant au Parti socialiste. Nous avons fait cette belle leçon de démocratie, les militants ont pris la parole, ils sont fait un choix - près de 60% pour le "oui" au traité constitutionnel. Je n'ai pas fait cette démarche-là pour terminer dans la confusion ! Donc, aujourd'hui, il n'y a qu'une seule position, c'est le "oui" ! Il va y avoir une révision de la Constitution française préalable à la ratification, et ça va sans doute intervenir au mois de février ou au mois de mars. Si le texte de révision est totalement conforme à ce que nous souhaitons, à partir de là, je ne vois pas pourquoi nous ferions une autre réponse qu'une réponse positive.
Q- L. Fabius, député de Seine-Maritime, pourra-t-il voter selon sa conscience, ou sera-t-il tenu par une discipline de groupe ?
R- Il devra voter selon la ligne de son parti. C'est d'autant plus évident qu'il est membre de la direction de son parti.
Q- Donc discipline de groupe.
R- Bien sûr. Cela a toujours été la règle que nous avons fixée entre nous sur les sujets les plus importants, et c'est d'autant plus valide, et vrai, que nous avons aujourd'hui une consultation interne qui ne souffre d'aucune contestation.
Q- Comment définiriez-vous ce matin, F. Hollande, vos rapports avec L. Fabius ?
R- Normaux. Je trouve qu'il y a eu entre nous une explication démocratique. Il y a eu une confrontation de points de vue, légitime, et il y a eu un vote clair. A partir de là, j'avais deux solutions : ou je rassemblais, ou je divisais. Et je considérais qu'au lendemain de ce bel exercice de démocratie, il fallait rassembler. Je l'ai fait, et donc j'ai proposé à L. Fabius, si lui-même le souhaitait, de rester à la direction du Parti socialiste.
Q- Vous dites "normaux"... ces rapports ont été méfiants, on l'a vu durant l'automne. L. Fabius souhaitait être le candidat, l'un des postulants à l'élection présidentielle, l'un des candidats à la candidature pour l'élection présidentielle de 2007. Pensez-vous que cette défaite du "non" et cette victoire du "oui" l'empêchent aujourd'hui de représenter le Parti socialiste en 2007 ?
R- J'ai voulu déconnecter là aussi l'enjeu du référendum interne au sein du Parti socialiste de toute compétition présidentielle. Peut-être que certains avaient d'autres échéances à l'esprit, pas moi en tant que premier secrétaire. Donc nous avons maintenant une configuration que chacun connaît : une direction rassemblée des socialistes, des échéances, celle de 2007 qui ne viendront qu'en 2007, et d'ici là, nous avons un projet à préparer. Nul n'est déclassé, surclassé, reclassé. Il n'y a pour l'instant qu'un seul objectif : le projet.
Q- Dans votre esprit, F. Hollande, le fait que quelqu'un ait appelé à voter "non" à ce traité constitutionnel ne l'empêche pas de
R- Ce seront aux militants d'en décider. Ils ont décidé clairement une ligne politique à travers le "oui" à la Constitution européenne. Ils devront donner cette cohérence ou la changer. Je n'en sais rien. Mais ce seront eux qui auront la parole, et eux seuls.
Q- Vous-même, F. Hollande, réfléchissez-vous à cette élection présidentielle pour votre propre compte ? Ou comment y réfléchissez-vous ?
R- Je réfléchis à 2007 pour le compte du Parti socialiste. Et je n'aurai qu'une seule attitude, comme premier secrétaire. Parce que, à la différence de beaucoup d'autres camarades talentueux, il se trouve que je suis premier secrétaire, ce qui me crée plus d'obligations et de devoirs que de droits. A partir de là, je n'aurai qu'une seule conception de l'avenir de mon parti : choisir le meilleur ou la meilleure candidate pour gagner. Et je n'aurai pas d'autre considération personnelle.
Q- Vous êtes comme N. Sarkozy... il faut choisir le meilleur...
R- ... avec plus de sincérité.
Q- Pourquoi ? Il n'est pas sincère ?
R- Je crois qu'il a cette ambition, et qu'il n'a que celle-là.
Q- Et vous, l'avez-vous ?
R- Je n'ai pas d'autre ambition... On a toujours de l'ambition pour soi-même...
Q- ... quelle est la vôtre, F. Hollande ?
R- ... mais elle n'a de sens qu'au service d'un collectif. Et ce que j'ai fait depuis deux ans et demi n'a pas été de servir ma propre carrière personnelle. J'ai eu à redresser un parti après l'échec que l'on sait en 2002. J'ai eu à le rassembler au moment d'un congrès, celui de Dijon, et de fixer une ligne : le réformisme de gauche. J'ai eu ensuite à préparer des élections, régionales, cantonales, européennes, qui n'étaient pas si faciles à gagner. Nous les avons remportées, et de quelle manière... Eh bien en servant une ambition collective, on sait toujours qu'on sert aussi son destin personnel.
Q- Quand vous lisez, vous entendez, F. Hollande, que vous êtes rentré dans la catégorie des présidentiables, vous vous dites que ces gens là racontent n'importe quoi ou vous vous dites que peut-être qu'ils ont raison ?
R- Vous savez j'arrive maintenant à un âge où...
Q- ... oh ! Ça va... ça va... vous êtes jeune encore...
R- ... même si j'ai encore de belles années devant moi, je l'espère, au moins au plan personnel, je sais ce qu'il faut garder des moments difficiles et des temps glorieux...
Q- ... un peu abscons comme réponse...
R- Non, mais je vais vous dire plus précisément les choses. Je sais que c'est sur la durée que l'on juge et les personnes et les politiques, et que je ne me fais pas d'illusions quand les bravos sont là, et je ne me fais pas non plus de problèmes particuliers ou personnels quand il y a plus de difficultés.
Q- L. Jospin rendrait-il service à la collectivité socialiste à laquelle vous venez de faire référence, en disant qu'il n'a plus d'ambition, qu'il ne va plus être candidat à une élection quelconque ?
R- Il l'a dit en 2002...
Q- ... et puis il maintient une espèce d'équivoque...
R- ... il intervient chaque fois, avec intelligence et pertinence, sur les sujets qui nous concernent, et il a à chaque fois le souci de l'intérêt collectif.
Q- Est-ce qu'il ne va pas clarifier sa position, étant donné l'ambiguïté qu'il y a autour de ses interventions ?
R- Il n'y a pas d'ambiguïté. Il a dit lui-même qu'il renonçait à la vie politique - c'était un soir terrible de 2002. Il dit qu'il est un militant engagé, une personnalité de qualité, et moi-même, je vous le dis, j'aurai toujours le souci de l'associer à nos décisions.
Q- F. Hollande, un encore jeune homme, F. Hollande...
R- Merci J.-.M. Aphatie, c'était ce que j'étais venu rechercher.
... Non je ne pense pas... était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 décembre 2004)