Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur l'oeuvre de quatre personnalités féminines qui ont fair progresser activement la cause de l'Europe, Paris le 8 mars 2000.

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Circonstance : Remise de décoration à Mmes. Geneviève Dourthe, Martine Frager-Berlet, Anne Vitale-Mardycks et Françoise Laborde à Paris le 8 mars 2000 à l'occasion de la Journée internationale des femmes

Texte intégral

Chère Geneviève Dourthe,
Chère Martine Frager-Berlet,
Chère Anne Vitale-Mardycks,
Chère Françoise Laborde,
Chèr(e)s ami(e)s
Le 8 mars est en France, officiellement depuis 1982, la Journée internationale des Femmes. Nous le savons tous.
Cependant, je ne sais pas si nous devons totalement nous en réjouir, au fond. Car si nous mettons tant d'énergie à marquer cette date, c'est bien parce que la cause de l'égalité est encore loin d'être entendue. Et nous ne pourrons véritablement nous réjouir que lorsque nous pourrons constater que nous n'avons plus besoin de fêter le 8 mars.
Alors, ce sera le signe que les choses auront beaucoup changé, en France et dans le reste du monde. J'aimerais qu'il en soit ainsi ; nous y travaillons toutes et tous. Mais, pour être franc, je n'ai pas la certitude que cette Fête disparaîtra rapidement du calendrier !
Rassurez-vous ! Cette introduction en demi-teinte ne m'empêche pas, bien au contraire, de me réjouir de vous accueillir ici aujourd'hui, avec vos amis, pour rendre hommage à votre action et à votre engagement, en tant que femmes et en tant que militantes de la cause européenne, en tant que femmes dans l'espace public européen.
Soyez les bienvenues !
J'aurais préféré rendre cet hommage à chacune séparément, mais l'idée d'organiser cette cérémonie amicale, précisément le 8 mars, me paraissait particulièrement sympathique. Malheureusement, il n'y a qu'un seul 8 mars par an, et je n'aurais pas eu -vous non plus, sans doute- la patience d'attendre quatre ans ! Pour un homme politique, au demeurant, se fixer une telle échéance est déraisonnable, car nous connaissons bien la fragilité des choses...
Ainsi donc, j'ai choisi cette formule pour son caractère symbolique.
La conséquence de ce choix est que l'éloge qui marque traditionnellement ce genre de cérémonie sera, pour chacune, assez bref. Ne m'en veuillez pas. J'ai voulu aussi, de cette manière, privilégier le côté convivial et amical de notre rencontre.
Et puis, je dois dire que j'éprouve une joie toute particulière à pouvoir, dans le même temps, servir deux causes qui me sont chères : celle de l'Europe et celle des femmes.
Chère Geneviève Dourthe, voilà moins d'un an que vous occupez les fonctions de Secrétaire générale du Mouvement européen, -cette grande association avec laquelle, le Ministre des Affaires européennes entretient, je dirais presque "par essence", les relations les plus étroites - et je sais que déjà il n'a plus de secret pour vous, enfin presque plus!
Plus largement, l'engagement associatif est une activité qui vous est familière, puisque vous avez été, dès 1994, Directrice générale de l'association "Forums Alternatives européennes", aux côtés de mon ami Charles Fiterman, qui a beaucoup fait pour rapprocher de l'Europe une gauche qui n'en était pas familière. Votre objectif, déjà, était d'agir en faveur de l'intégration européenne et de promouvoir une Europe démocratique et sociale.
Vous avez fait de cette association, grâce à votre travail, à votre enthousiasme, un interlocuteur incontournable des acteurs communautaires, ce qui mérite d'être souligné. Et c'est donc presque naturellement, en tout cas de façon totalement justifiée et méritée, que vous avez accédé, l'an dernier, au Secrétariat général du Mouvement européen, au sein duquel votre dévouement à la cause européenne et votre dynamisme, que nous saluons aujourd'hui, font merveille.
Chère Martine Frager-Berlet, inscrite au barreau de Paris dès 1977, c'est votre profession d'avocate qui semble vous avoir conduite vers Bruxelles, puisque vous y avez fondé et animé le bureau de Bruxelles de l'Ordre des avocats.
Sans doute cet engagement a-t-il été, sinon une révélation, du moins la source de grandes satisfactions et un appel à poursuivre votre travail au service de la cause européenne, puisque vous avez décidé, dès 1987, de quitter le barreau pour vous tourner vers d'autres fonctions et vous consacrer presque exclusivement à l'Europe.
Vous êtes, depuis 1988, responsable de l'Info-Euro-Centre de Paris, installé à la Chambre de Commerce et d'Industrie, et depuis 1994, consultante et formatrice aux affaires européennes.
Ainsi, vous participez à cet effort crucial de formation et d'information de nos concitoyens sur l'Europe.
Vous vous consacrez plus particulièrement à la tâche stratégique d'aider les petites et moyennes entreprises d'Ile-de-France dans leurs relations avec la machinerie communautaire. On imagine facilement leurs difficultés à s'y retrouver dans le dédale des appels d'offres publics ou des programmes communautaires !
C'est évidemment essentiel pour elles. Cela l'est aussi pour notre pays tout entier, parce qu'il est important que nos entreprises bénéficient des fonds de l'Union européenne dans des proportions comparables à l'effort qu'engage la France dans la construction européenne. C''est important aussi en termes d'image et de rayonnement.
Soyez-en donc remerciée et félicitée !
Vous avez, Chère Anne Vitale-Mardycks, un premier point commun avec Martine Frager-Berlet, c'est celui d'être avocate. Inscrite au barreau de Paris depuis 1978, vous vous êtes, en tant que spécialiste de droit économique et de droit des relations internationales, tournée, je dirais naturellement, vers les questions européennes.
Il est aujourd'hui difficile, en effet, lorsqu'on s'intéresse aux questions économiques, de ne pas s'intéresser aussi aux questions européennes. Ces deux domaines sont devenus, au gré de l'approfondissement de la construction européenne, de plus en plus étroitement imbriqués, et même inséparables.
Et si la plus grande partie des relations commerciales des Etats membres se réalise à l'intérieur de l'espace communautaire, le premier partenaire de l'Union, hors Europe, ce sont les Etats-Unis. Aussi, avez-vous choisi de vous spécialiser dans le domaine des relations commerciales transatlantiques. Vous y jouez un rôle actif et reconnu, en faveur d'un dialogue harmonieux et dépassionné, tout en étant sans faiblesse, entre les ensembles européen et américain.
Mais votre engagement européen a rapidement excédé le cadre strictement professionnel, puisque non seulement vous enseignez le droit, notamment communautaire, mais aussi et surtout, vous vous êtes engagée dans le mouvement associatif européen, au sein du Mouvement européen - ce dont je ne saurais jamais trop vous féliciter - ainsi que dans l'Union des avocats européens.
C'est donc à cet engagement, multiple et déterminé, en faveur de l'Europe, que j'ai voulu rendre hommage aujourd'hui.
Chère Françoise Laborde, je n'oserai énoncer que l'heure est venue de "vous dire vos quatre vérités", -ce serait un piètre jeu de mots- mais beaucoup de compliments, oui, sans doute, et plus de quatre.
Je serais tenté de croire qu'il est inutile de vous présenter. Tout le monde vous connaît, même si vous imposez à ceux qui vous apprécient - et d'abord à vos invités qui n'en sont pas friands, et c'est mon cas - un réveil bien matinal !
Il est vrai qu'on a de plus en plus souvent le plaisir de vous voir à des heures plus raisonnables, puisque vous présentez aussi le journal de 20 heures.
Bref, que ce soit à huit heures ou à vingt heures, votre visage est familier à beaucoup de téléspectateurs. Mais, pour autant, je ne suis pas sûr que tout le monde sache tout ce que vous avez fait au cours d'une carrière déjà très riche.
Votre passion pour l'Europe et ses sujets les plus ardus - comme la Politique agricole commune - semble s'être emparée de vous dès 1979, et c'est ainsi que, de la Dépêche du Midi à France 2, en passant par RFI, RMC, TF1 et FR3, vous avez, sans relâche, expliqué, commenté, analysé l'actualité européenne. Vous le faites avec pédagogie, talent, et surtout avec l'humour, la générosité et la bonne humeur que tous ceux qui vous connaissent apprécient tant.
Ainsi, vous contribuez, chacune d'entre vous dans son domaine de compétence, avec patience, persévérance et une grande efficacité, à faire progresser la cause de l'Europe, qui souffre encore, il faut le reconnaître, d'une relative méconnaissance de la part de nos concitoyens.
Cela m'invite, cela nous invite, chacun, chacune à notre place, plus que jamais, à ne pas employer uniquement notre énergie à faire l'Europe, mais aussi à la faire connaître et à la faire comprendre.
On a longtemps cru que les résultats des politiques européennes s'imposeraient d'eux-mêmes, avec la force de l'évidence. On a été naïf de croire cela. On a sans doute contribué à faire naître la méfiance et la tentation du repli sur soi, alors même que l'Europe, l'Union européenne à quinze aujourd'hui, à vingt-cinq ou trente peut-être, demain, est notre avenir et qu'il est passionnant de construire, ensemble, cet avenir commun.
Cette mission d'explication et d'information, elle est, en premier lieu, celle du ministre des Affaires européennes, j'en conviens et j'essaie d'assumer pleinement cette responsabilisé qui est la mienne. Nous avons d'ailleurs lancé plusieurs initiatives sur ce terrain depuis deux ans et demi.
Ainsi, j'ai mené l'année dernière, en partenariat avec la Commission européenne, une campagne d'information -modeste par ses moyens, mais pas par sa volonté pédagogique- sur la construction européenne à l'étape du traité d'Amsterdam. Nous avons également poursuivi, toujours avec la Commission, la mise en place du réseau national d'information sur l'Europe, avec la création, dans les régions -les Info points Europe- et dans les départements -les GuidEurope-, de points d'information sur l'Europe au service des citoyens, le plus près possible de chez eux. Certaines et certains d'entre vous, présents ici aujourd'hui, animent ces structures et je tiens à rendre hommage à votre action. Je compte bien profiter de l'occasion de la présidence française pour donner un coup de fouet à ces actions.
Mais je ne peux évidemment pas faire seul ce travail d'explication. J'ai déjà cité la Commission européenne, dont c'est un des rôles majeurs et dont je salue le bureau de représentation à Paris, avec qui nous collaborons étroitement.
Je citerai bien évidemment le monde associatif, magnifiquement représenté ici aujourd'hui, à la fois par les personnes dont j'ai le plaisir de récompenser l'action et l'engagement, mais aussi par tous nos nombreux invités.
Et puis bien sûr, je citerai les media, également très présents aujourd'hui parmi nous dans toutes leurs composantes, et dont le rôle est essentiel dans l'information du citoyen par le suivi de l'actualité "à chaud", mais aussi par la présentation de dossiers ou de documentaires plus spécialisés, visant à éclairer nos concitoyens sur ce qu'est le rôle de l'Europe dans le traitement de sujets majeurs comme la santé des consommateurs, la prévention des pollutions maritimes, ou encore l'aide aux régions sinistrées par un cataclysme naturel.
Je crois que c'est à travers ce type d'informations sur des sujets à la fois concrets et essentiels pour nos concitoyens que nous pourrons, sinon les convaincre, du moins les éclairer sur ce que l'Europe peut concrètement leur apporter.
Les sondages que j'avais fait réaliser l'an dernier dans la perspective des élections européennes, faisaient apparaître, de la part des femmes, une demande beaucoup plus grande d'informations concrètes et précises sur les résultats des politiques européennes. Cette exigence est, par sa nature même, une exigence citoyenne : celle d'être informé sur les enjeux et les résultats d'une politique.
J'y vois là, pour ma part, une raison supplémentaire de promouvoir la parité en politique, mais aussi dans le secteur économique et dans le secteur social, au niveau national, comme au niveau communautaire.
Je crois que l'on ne peut concevoir de vraie démocratie, ni de cohésion sociale forte -et c'est encore plus vrai dans l'espace européen-, sans une participation équilibrée des hommes et des femmes au fonctionnement des institutions, y compris, bien évidemment, au niveau où se prennent les décisions.
Vous avez, toutes les quatre, su vaincre les obstacles qui freinent encore, pour beaucoup de femmes, l'accès à des postes de responsabilité. Je vous en félicite et je vous encourage à poursuivre dans la voie que vous avez choisie pour l'avenir de l'Europe et de la parité ! Puisse votre exemple inspirer beaucoup de vos consoeurs attachées à la cause des femmes et à la construction de l'Europe!
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Geneviève Dourthe, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalière dans l'Ordre national du Mérite
Martine Frager-Berlet au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalière dans l'Ordre national du Mérite
Anne Vitale-Mardycks au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalière dans l'Ordre national du Mérite
Françoise Laborde au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalière dans l'Ordre national du Mérite.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, Le 10 mars 2000)