Entretiens de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, avec des télévisions et des radios le 7 janvier 2005 à Bruxelles et avec Europe 1 le 9 à Paris, sur le bilan des victimes françaises du raz de marée du 26 décembre 2004 en Asie du Sud et du Sud est.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1 - Télévision

Texte intégral

(Entretien avec des télévision et des radios à Bruxelles le 7 janvier 2005) :
Q - Quel est le bilan des victimes françaises à l'heure actuelle ?
R - Parmi les dizaines de milliers de victimes de cette tragédie, nous pensons à toutes ces familles, il y a en effet beaucoup de victimes françaises, des familles qui ont été traumatisées, amputées, bouleversées - j'en ai vu plusieurs sur place au Sri Lanka et en Thaïlande. Au moment où je vous parle, nous déplorons avec certitude 22 victimes françaises dont les corps ont été identifiés ou vont l'être au Sri Lanka et en Thaïlande, et pour une personne, en Inde. Et puis, toujours au moment où je vous parle, mais ces chiffres doivent être utilisés avec beaucoup de prudence et beaucoup de précaution, parce que derrière eux il y a des hommes, des femmes, des familles, il y a 69 personnes disparues pour lesquelles il reste peu d'espoir. Ce sont des personnes dont on sait, dont on nous a dit, qu'elles étaient sur place au moment du drame et dont on n'a pas retrouvé les corps. Il reste plusieurs centaines de personnes qui, nous dit-on, se trouvaient dans cette région, selon les hôtels, les compagnies aériennes, et dont nous n'avons pas de nouvelles. On peut donc être inquiet pour 250 ou 300 de ces personnes. Nous espérons, à force de lancer des appels comme ceux que je vous lance, qu'on nous dise où sont ces gens, s'ils sont revenus chez eux par leurs propres moyens. Chez eux, ce n'est pas forcément en France, cela peut être aussi là où ils habitent, là où ils travaillent, en Asie, en Amérique, il faut qu'ils nous disent s'ils sont revenus. Mais on peut être inquiet pour un certain nombre d'entre eux.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2005)
(Entretien avec Europe 1 à Paris le 9 janvier 2005) :
Q - Il y a quinze jours, l'Asie du Sud-Est était ravagée par le tsunami qui a fait, au dernier bilan, environ 156 000 morts. Bien sûr, cela peut paraître extrêmement réducteur mais quelles sont les dernières indications, les derniers chiffres dont vous disposez concernant les victimes françaises ?
R - Ce sont des chiffres qu'il faut utiliser avec beaucoup de prudence, parce que derrière ces chiffres il y a naturellement des familles, des femmes, des enfants, des parents qui sont traumatisés, endeuillés. Donc prenons garde ! Mais je peux dire aujourd'hui, avec certitude, qu'il y a 22 Français morts dans cette tragédie et 69 victimes dont le corps n'a pas été retrouvé. Ce sont des personnes disparues, ce chiffre doit être encore vérifié et précisé. Et puis, il y a plusieurs centaines de personnes, au moins 240-250, dont nous n'avons pas de nouvelles, qui ne sont pas rentrées à leur bureau, dont les enfants ne sont pas rentrés à l'école, dont les parents ne peuvent pas nous dire où ils se trouvent. Donc, nous continuons à faire toutes les vérifications nécessaires.
Q - Le travail de recherches se poursuit sur place en tout cas ?
R - Oui, nous irons jusqu'au bout de la vérification, naturellement en pensant à toutes ces familles et puis en pensant, vous l'avez dit, à ces dizaines et dizaines de milliers de victimes au Sri Lanka, en Indonésie, en Inde, en Thaïlande que nous devons aider, des gens qui sont morts, des familles qui sont endeuillées, beaucoup d'orphelins. Et puis, il faut reconstruire ces pays.
Q - L'aide humanitaire continue à se mettre en place, à être distribuée, parfois dans des conditions difficiles. Mais est-ce que vous pensez que ce grand élan de solidarité, qui s'est mis en place dans l'urgence, va se poursuivre dans les prochaines semaines, dans les prochains mois ? Là, il sera aussi extrêmement important.
R - Oui, nous avons d'abord des problèmes de transports. C'est la raison pour laquelle la France, par exemple, a envoyé le porte-hélicoptères "Jeanne d'Arc" avec plusieurs hélicoptères qui arrivera sur zone en fin de semaine, et d'autres navires. Les Américains sont là également. Il faut maintenant transporter l'aide, des aéroports vers les endroits, les villages, où il y en a besoin. Je suis sûr que cette aide va être acheminée, en tout cas ce sera le cas au niveau de l'Union européenne, au niveau de la France. Le problème ce sera ensuite de la mettre en uvre, de concrètement créer des projets, refaire des routes, des hôpitaux, des écoles, en tenant compte d'ailleurs du risque sismique. Donc le véritable enjeu, le véritable défi, c'est ce que j'appellerais "l'effet de suivi", au-delà de l'effet d'annonce, - et ces annonces sont naturellement fortes en émotion -, de la solidarité mondiale qui s'exprime, j'allais dire de la fraternité mondiale. L'important, le défi, c'est cet "effet de suivi" et je vais m'attacher à cet "effet de suivi", en tout cas pour ce qui concerne notre pays.
Q - Vous demandez aussi, vous souhaitez du moins, la mise en place d'une force humanitaire pourrait-on dire, pour d'éventuelles autres catastrophes ?
R - Oui, parce que ce n'est pas la bonne volonté qui manque. L'idée que j'ai proposée il y a maintenant quelques années, lorsque j'étais commissaire européen, - c'était après les tremblements de terre de Grèce et de Turquie -, c'est que l'on crée un petit état-major à Bruxelles ou quelque part en Europe, qui mutualiserait, qui mobiliserait autant que de besoin dans de telles crises en Europe et à l'extérieur de l'Europe, des unités nationales ou régionales de la sécurité civile prédisposées. Ainsi, on partirait ensemble, on se serait préparé ensemble, on aurait fait des entraînements, des exercices communs et on pourrait partir sur le double drapeau de l'Union européenne et de son propre pays.
Q - Et serait-ce plus efficace que ce qu'on vit actuellement ?
R - Actuellement on part un peu chacun pour soi, mais chacun à côté des autres, dans l'urgence. Ce que je voudrais, c'est que tout cela soit organisé et préparé et que la mutualisation de ces unités de protection civile et d'autres unités, - médecins, personnels médico-sociaux -, puissent être préparées, prévues, anticipées et que, lorsque la crise se produit, on soit prêt à réagir ensemble.
Q - M. Barnier, dans un tout autre domaine, quelles sont les informations dont vous disposez, ou que vous pouvez éventuellement communiquer, concernant le sort de cette journaliste de "Libération", Florence Aubenas, dont on est sans nouvelles depuis mercredi matin, qui a disparu à Bagdad ?
R - On est sans nouvelle de Florence Aubenas et de son guide accompagnateur Hussein Hanoun, que nous n'oublions pas. Ils ont disparu il y a maintenant plus de 3 jours. Ecoutez, nous avons reçu des indications de la part de journalistes qui ont rencontré des hommes armés, selon lesquelles ils sont en bonne santé, mais ce n'est qu'une indication intéressante que nous nous attachons à vérifier, ce n'est pas une preuve. Ce que je peux simplement dire, c'est que nous sommes mobilisés, le Quai d'Orsay, tous nos services sur place à Bagdad, sont à nouveau mobilisés comme nous l'avons été, du premier jour jusqu'à leur libération, pour Christian Chesnot et Georges Malbrunot.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2005)