Tribune de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, dans le quotidien "Les Echos" le 17 janvier 2005, intitulée "2005 : une année à ne pas rater".

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A l'occasion de la remise du rapport du groupe de haut niveau intitulé "Un monde plus sûr : notre affaire à tous", le 2 décembre dernier, le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a interpellé les dirigeants de tous les pays en les "encourageant vivement à reprendre la balle au bond". A cet égard, 2005, année de défis majeurs et d'opportunités nombreuses, sera décisive et mérite toute notre attention.
Lors du Sommet du Millénaire en septembre 2000, la communauté internationale a pris acte des changements intervenus depuis la création de l'ONU en 1945 et a décidé de faire face aux nouveaux enjeux que sont la sécurité, le désarmement, l'élimination de la pauvreté, la protection de l'environnement et les Droits de l'Homme. Elle a décidé de renforcer l'Organisation des Nations unies afin de disposer d'un instrument plus efficace pour y répondre. Elle s'est aussi rassemblée autour de huit objectifs de développement volontaristes et ambitieux, dont le premier est de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la pauvreté et de la faim d'ici à 2015.
Le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui se tiendra à la veille de la 60ème Assemblée générale des Nations unies du 14 au 16 septembre prochain doit être l'occasion de dresser un bilan cinq ans après ces engagements. A un tiers du parcours, soyons lucides : les perspectives ne sont pas satisfaisantes. Au rythme actuel, la plupart des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ne seront pas atteints, en particulier en Afrique subsaharienne. Face à ce constat, 2005 doit donc être l'occasion de réaffirmer nos engagements, au Nord comme au Sud, et de prendre les mesures indispensables pour réaliser nos objectifs, ambitieux mais indispensables pour tous.
Cela exige de renforcer nos moyens. Pour atteindre les buts que nous avons fixés, il nous faut un outil commun fort, bâti autour du dialogue multilatéral. Là est la clef d'un monde plus sûr et plus équitable. Un nouveau consensus doit se forger pour faire face aux nouvelles menaces qui ne connaissent pas de frontières et exigent une réponse multilatérale. Il revient maintenant aux Etats de s'approprier ces mesures et de les rendre opérationnelles.
La position de la France est connue : élargissement du Conseil de sécurité pour les deux catégories de membres, permanents et non permanents ; renforcement des moyens de gestion des sorties de crise ; création d'une instance politique de gouvernance économique et sociale ; mise en place d'une véritable organisation des Nations unies pour l'environnement ; renforcement de la protection des droits humains.
Renforcer nos moyens, c'est aussi accroître les ressources disponibles. Pour faire face à nos responsabilités, des initiatives ont été lancées. Le Royaume-Uni, soutenu par plusieurs pays, dont la France, propose un mécanisme d'emprunts garantis par les pays riches qui permettrait de disposer immédiatement des montants estimés nécessaires à la réalisation des OMD. La France, en partenariat avec le Brésil, le Chili et l'Espagne, propose que ce mécanisme soit complété par la mise en place de contributions internationales, volontaires ou obligatoires, prélevées sur les richesses engendrées par la mondialisation, et capables d'assurer des ressources à moyen et long terme pour le développement. Ces deux initiatives font l'objet d'études complémentaires à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international et à la Commission européenne. Nous souhaitons que des mesures concrètes puissent être prises rapidement. Elles pourraient notamment trouver un premier point d'application dans le domaine de la lutte contre le sida ou encore en matière de vaccination.
Enfin, l'amélioration de la situation des pays les moins développés n'est pas seulement une question de financement. Nous avons le devoir d'assurer une plus grande qualité de l'aide que nous fournissons et de consolider les capacités d'absorption de nos partenaires du Sud.
Consciente de ces enjeux, pour la paix, la justice et l'avenir du multilatéralisme, la France portera d'une voix forte ces débats et ces initiatives. Le 3ème Forum sur le développement humain, qui se tient à Paris cette semaine, est la première occasion d'ouvrir cette année décisive en mettant en relation tous les acteurs du développement pour trouver des solutions durables et justes aux questions de développement.
De nombreux projets sont ainsi sur la table. 2005 doit être l'année de leur mise en uvre. La tragédie que traversent les pays d'Asie du Sud et du Sud-Est aujourd'hui nous rappelle que le développement n'attend pas. Mais soyons aussi conscients que la mobilisation en faveur d'autres continents ne doit pas se relâcher. L'urgence en Asie ne fait pas disparaître celle des plus pauvres en Afrique, dans les Caraïbes ou en Amérique latine. Pour tous, il faut aujourd'hui agir avec le souci d'être concret et efficace. Notre crédibilité, comme celle de tous les gouvernements, est en jeu.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 janvier 2005)