Texte intégral
Q- J.-P. Elkabbach-.Vous ressemblez au SAMU. On vous appelle d'urgence quand ça chauffe. P. Devedjian, bonjour. Merci d'être là.
R- "Celui qui m'appelle aujourd'hui, c'est J.-P. Elkabbach."
Q-
Oui, c'est qu'il y a le sentiment que ça va mal ou que ça chauffe. Vous avez de l'intuition, P. Devedjian, et je crois qu'elle est souvent bonne. A . Juppé est actuellement à Bordeaux. Se prépare-t-il à renoncer ou à repartir ?
R- "Je crois d'abord que la priorité pour lui, ça doit être son combat judiciaire. Il est affecté. Son honneur est en cause, et je crois que c'est la priorité pour lui. La vie politique, elle est pour lui évidemment obérée par cela, et la priorité, ça sera de rendre des comptes à la justice et de s'exonérer de ce qu'on lui reproche. "
Q- Ce matin, qu'est-ce que vous lui dites, vous ?
R- "Je lui dis d'avoir du courage, que la justice, ce n'est pas un jugement, ce n'est pas deux jugements, c'est trois jugements, c'est celui du tribunal, celui de la Cour d'appel et éventuellement celui de la Cour de cassation. La Justice, elle n'est prononcée qu'à l'issue de tout ce processus et non pas à un moment donné. "
Q- Vous voulez dire qu'il se consacre uniquement à la bataille judiciaire, la sienne, [pour laver] son honneur et qu'il se détache de la politique ou qu'il aille au combat ?
R- "Non, je pense qu'il doit se concentrer sur son combat judiciaire, ce qui ne l'empêche pas de continuer à exercer une activité politique. Mais c'est sûr que son activité politique, elle est entamée par ce qui lui arrive. Et puis je pense que la souffrance que cela représente pour lui le conduit à donner la priorité à cela."
Q- [Une souffrance] qu'H. Emmanuelli a reconnue et exprimée de manière assez émouvante. Est-ce que vous voulez dire qu'après, avec la blessure, [ce n'est] pas la rupture, mais d'une certaine façon l'armure pour de nouvelles batailles ?
R- "Je pense qu'une épreuve pareille surmontée peut le rendre plus fort. C'est une vraie épreuve, mais elle peut l'améliorer. "
Q- Les trois personnalités indépendantes désignées par le Président de la République commencent probablement dès aujourd'hui leur mission d'enquête administrative sur d'éventuelles pressions sur les magistrats. Ces faits, disait hier soir le communiqué de Matignon, sont d'une extrême gravité s'ils sont avérés. S'ils le sont, pour qui c'est grave ?
R- "C'est grave pour la justice, c'est grave pour le fonctionnement même de la justice dans notre pays, si c'est vrai. Mais j'observe que le procureur de la République de Nanterre, dans la presse de ce matin, a déjà fait connaître que deux éléments qui ont été invoqués sont douteux. Premièrement, les effractions auraient été commises par un ouvrier chargé de la maintenance en présence d'un magistrat et donc d'une manière assez transparente. Et, deuxièmement, s'agissant des menaces, le procureur précise que c'est d'abord des menaces à l'égard d'A . Juppé et que l'auteur dit que si A . Juppé n'était pas frappé d'inéligibilité, alors lui-même emploierait des mesures de force. "
Q- Alors, la conclusion de P. Devedjian ? C'est-à-dire, on dit s'ils sont avérés, ces faits, ils peuvent ou ils pourraient ne pas l'être ?
R- "Il y a encore un doute en tous les cas là-dessus et c'est tout l'objet de l'enquête qui va avoir lieu de les établir. "
Q- Vous voulez des preuves ?
R- "Pour des choses aussi graves énoncées par des magistrats, donc des gens qui ont justement le sens de la mesure et du doute, il faut qu'on ait des certitudes parce que les conséquences, à ce moment-là, si les faits sont bien établis, doivent être lourdes et importantes. On ne peut pas tolérer que la justice subisse des pressions et surtout de cette nature."
Q- Le Président de la République s'en est mêlé, naturellement, hier avec son Premier ministre.
R- "C'est sa fonction, il est le gardien."
Q- C'est son rôle, absolument. Mais un signe d'autorité naturelle, mais en même temps on sent de colère aussi, non ?
R- "De colère, non. Sa vocation, c'est d'assurer le respect de l'autorité judiciaire. Il a pris d'ailleurs des moyens spectaculaires puisque les trois plus hauts magistrats de ce pays des trois ordres, la Cour des comptes, le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, je veux dire, ce qu'ils diront sera irrécusable."
Q- Et justement, s'ils disent qu'effectivement il y a eu entrave au fonctionnement de la justice ?
R- "Il faudra aller jusqu'au bout pour purger cela et que ceux qui se sont laissés aller ou qui se sont livrés à de tels actes soient vigoureusement sanctionnés. Ce n'est pas possible. C'est les fondements de la République qui sont en cause."
Q- Les juges ont prononcé leur jugement vendredi en toute indépendance. F. Hollande disait hier sur Europe 1 que c'était une décision de justice. Vous, quand vous lisez les attendus implacables des juges, vous dites que la décision est aussi politique ?
R- "Non, non, je ne dis pas ça. Mais c'est une décision du tribunal, c'est une décision de justice. Je dis simplement qu'elle est d'une sévérité exceptionnelle. C'est la plus forte peine d'inéligibilité, 10 ans, qui n'ait jamais été prononcée dans une affaire de financement de parti politique. Or, A . Juppé n'était poursuivi que pour sept emplois fictifs ce qui est sept de trop certainement, mais ce qui est infiniment moins grave que par exemple ce qui est arrivé à l'affaire URBA pour le Parti socialiste et dont les responsables n'ont eu que deux ans d'inéligibilité. Donc, il y a vraiment deux poids, deux mesures pour des faits peu graves, relativement peu graves pour lesquels était poursuivi A . Juppé, de principe."
Q- Mais vous savez bien que ce n'est pas seulement les sept.
R- "Attendez, il n'était jugé que pour ça, pardonnez-moi. Le tribunal se doit de statuer uniquement.... autrement, ce serait de la politique."
Q- Mais les juges ont dit qu' A. Juppé était directement subordonné au président du mouvement. Vous voyez ce que ça veut dire.
R- "Je vois très bien ce que ça veut dire. Alors là, on sort du droit pour faire de la politique, si on dit ça. Moi, je ne veux pas retenir ça dans le jugement du tribunal. Je veux retenir seulement l'analyse de la loi. Mais si on veut se fonder sur de tels considérants, alors on est hors du champ de la justice. "
Q- "Mais il a trompé la confiance du peuple souverain" : c'est toujours le jugement et la loi ou c'est la politique ?
R- "J'espère que le jugement n'est pas fondé sur de tels considérants parce que le tribunal est le gardien de la loi, il n'est pas le gardien de la confiance du peuple. D'ailleurs, le peuple lui-même l'exerce, son contrôle, sur ses élus, il l'exerce de manière très forte d'ailleurs."
Q- Mon confrère B. Frappat, de La Croix, résume bien, me semble-t-il, la question : logique de juges contre logique d'élus. Qui détient aujourd'hui la légitimité ?
R- "Non, les juges sont la bouche de la loi, disait Montesqieu. Et les élus doivent se conformer à la loi. Quand les élus violent la loi, les juges ont raison"
Q- Les élus quels qu'ils soient ?
R- "Quels qu'ils soient, les juges ont raison et doivent, c'est leur devoir, les sanctionner, mais seulement quand ils ont violé la loi et sur le fondement du viol de la loi et aucun autre considérant."
Q- Je sais que vous avez entendu F. Hollande sur Europe 1 hier soir. Il s'en est pris avec véhémence à J. Chirac, au système RPR et à vous, sa majorité. Il a ajouté une phrase, je vous demande de la commenter, " quand J. Chirac quittera l'Elysée, il encourra d'une manière ou d'une autre des poursuites judiciaires. "
R- "Monsieur Hollande prend ses désirs pour des réalités et je trouve ces propos d'une particulière indécence. Le Parti socialiste a été lui-même mêlé à des affaires de financement plus graves, beaucoup plus graves que celles qui sont reprochées à A . Juppé et il a encore des comptes à rendre dans une affaire qui est instruite aujourd'hui dans le Sud-Ouest et pour lequel les dirigeants socialistes sont impliqués. Et par conséquent, en matière de financement des partis politiques, tous les partis malheureusement se sont livrés à ces choses-là. Donc, aujourd'hui, il y a une forme de Tartuffe à vouloir jeter l'opprobre sur l'un d'eux sous prétexte qu'on est dans l'opposition."
Q- Mais alors, vous qui n'êtes pas favorable aux Tartuffes, pourquoi vous ne reconnaissez pas qu'il y a eu effectivement, je ne dis pas une prise illégale d'intérêt, mais des mesures qui n'étaient pas dans la loi ?
R- "Le RPR comme tous les partis politiques - dans le cas d'espèce, je ne connais pas le détail du dossier, mais d'une manière générale et à d'autres occasions, il a d'ailleurs été condamné par ailleurs, le RPR, donc, comme tous les autres partis politiques - a recouru à des modes de financement que la loi ne permettait pas. Ca, c'est un fait, j'en conviens."
Q- P. Devedjian, l'appel d'A . Juppé n'efface pas les faits reprochés. Il maintient les poursuites. Est-ce qu'il annule la peine prononcée ? Est-ce que vous voulez dire qu'on repart à zéro ?
R- "Oui, on repart à zéro. D'ailleurs, le Premier ministre a eu raison de dire que le jugement était provisoire."
Q- Beaucoup le lui reprochent. Il a commenté une décision de justice.
R- "Mais on a le droit de commenter une décision de justice, pourvu qu'on le fasse en termes modérés. D'ailleurs, la science juridique, c'est quoi ? C'est le commentaire des décisions de justice. Et donc, le Premier ministre a juridiquement raison de dire cela, parce que l'appel réduit le jugement à néant. On repart complètement à zéro."
Q- Et le maire de Bordeaux, le président de l'UMP, est dans l'intervalle présumé innocent, si je comprends bien ce que vous dites.
R- "Oui, il l'est totalement."
Q- Et il peut garder toutes ses activités ?
R- "Il a juridiquement tout à fait le droit. "
Q- Et vous pensez que politiquement, il peut garder toutes ses activités ?
R- "C'est son choix. C'est à lui de déterminer sa stratégie pour organiser sa défense. Je pense que la priorité, c'est de défendre son honneur. Et la politique a un rôle dans ce domaine et il doit faire des choix stratégiques. Personne ne peut les lui dicter, ils lui appartiennent."
Q- On va être fixé peut-être dans la journée, demain matin. A sept semaines des régionales et des cantonales, qui dirige ou inspire aujourd'hui l'UMP ?
R- "Les élections régionales, ce sont des élections locales. A . Juppé d'ailleurs n'est lui-même pas candidat et donc"
Q- Il pourrait laisser la place ?
R- "Cela ne me paraît pas indispensable. "
Q- Qu'il reste ?
R- "Qu'il laisse la place. Il peut conserver sa place. D'abord, la présomption d'innocence, c'est qu'il conserve sa place. Et d'autre part, cette campagne, finalement, elle est éclairante sur des débats locaux beaucoup plus que sur ce débat qui a encore une fois touché tous les partis politiques."
Q- Un mot, j'allais oublier, vous êtes proche de N. Sarkozy. Vous travaillez à côté de lui place Beauvau. Comment il réagit ?
R- "Il réagit avec, il est affecté par cela parce que, bien sûr, on a toujours parlé de leur rivalité, mais en fait aussi, ce sont des amis. La rivalité n'empêche pas l'amitié. Et N. Sarkozy n'a jamais voulu et n'a jamais souhaité qu'A . Juppé soit frappé aussi cruellement. "
(Source : premier ministre, Service d'information du gouvernernement, le 2 février 2004)
R- "Celui qui m'appelle aujourd'hui, c'est J.-P. Elkabbach."
Q-
Oui, c'est qu'il y a le sentiment que ça va mal ou que ça chauffe. Vous avez de l'intuition, P. Devedjian, et je crois qu'elle est souvent bonne. A . Juppé est actuellement à Bordeaux. Se prépare-t-il à renoncer ou à repartir ?
R- "Je crois d'abord que la priorité pour lui, ça doit être son combat judiciaire. Il est affecté. Son honneur est en cause, et je crois que c'est la priorité pour lui. La vie politique, elle est pour lui évidemment obérée par cela, et la priorité, ça sera de rendre des comptes à la justice et de s'exonérer de ce qu'on lui reproche. "
Q- Ce matin, qu'est-ce que vous lui dites, vous ?
R- "Je lui dis d'avoir du courage, que la justice, ce n'est pas un jugement, ce n'est pas deux jugements, c'est trois jugements, c'est celui du tribunal, celui de la Cour d'appel et éventuellement celui de la Cour de cassation. La Justice, elle n'est prononcée qu'à l'issue de tout ce processus et non pas à un moment donné. "
Q- Vous voulez dire qu'il se consacre uniquement à la bataille judiciaire, la sienne, [pour laver] son honneur et qu'il se détache de la politique ou qu'il aille au combat ?
R- "Non, je pense qu'il doit se concentrer sur son combat judiciaire, ce qui ne l'empêche pas de continuer à exercer une activité politique. Mais c'est sûr que son activité politique, elle est entamée par ce qui lui arrive. Et puis je pense que la souffrance que cela représente pour lui le conduit à donner la priorité à cela."
Q- [Une souffrance] qu'H. Emmanuelli a reconnue et exprimée de manière assez émouvante. Est-ce que vous voulez dire qu'après, avec la blessure, [ce n'est] pas la rupture, mais d'une certaine façon l'armure pour de nouvelles batailles ?
R- "Je pense qu'une épreuve pareille surmontée peut le rendre plus fort. C'est une vraie épreuve, mais elle peut l'améliorer. "
Q- Les trois personnalités indépendantes désignées par le Président de la République commencent probablement dès aujourd'hui leur mission d'enquête administrative sur d'éventuelles pressions sur les magistrats. Ces faits, disait hier soir le communiqué de Matignon, sont d'une extrême gravité s'ils sont avérés. S'ils le sont, pour qui c'est grave ?
R- "C'est grave pour la justice, c'est grave pour le fonctionnement même de la justice dans notre pays, si c'est vrai. Mais j'observe que le procureur de la République de Nanterre, dans la presse de ce matin, a déjà fait connaître que deux éléments qui ont été invoqués sont douteux. Premièrement, les effractions auraient été commises par un ouvrier chargé de la maintenance en présence d'un magistrat et donc d'une manière assez transparente. Et, deuxièmement, s'agissant des menaces, le procureur précise que c'est d'abord des menaces à l'égard d'A . Juppé et que l'auteur dit que si A . Juppé n'était pas frappé d'inéligibilité, alors lui-même emploierait des mesures de force. "
Q- Alors, la conclusion de P. Devedjian ? C'est-à-dire, on dit s'ils sont avérés, ces faits, ils peuvent ou ils pourraient ne pas l'être ?
R- "Il y a encore un doute en tous les cas là-dessus et c'est tout l'objet de l'enquête qui va avoir lieu de les établir. "
Q- Vous voulez des preuves ?
R- "Pour des choses aussi graves énoncées par des magistrats, donc des gens qui ont justement le sens de la mesure et du doute, il faut qu'on ait des certitudes parce que les conséquences, à ce moment-là, si les faits sont bien établis, doivent être lourdes et importantes. On ne peut pas tolérer que la justice subisse des pressions et surtout de cette nature."
Q- Le Président de la République s'en est mêlé, naturellement, hier avec son Premier ministre.
R- "C'est sa fonction, il est le gardien."
Q- C'est son rôle, absolument. Mais un signe d'autorité naturelle, mais en même temps on sent de colère aussi, non ?
R- "De colère, non. Sa vocation, c'est d'assurer le respect de l'autorité judiciaire. Il a pris d'ailleurs des moyens spectaculaires puisque les trois plus hauts magistrats de ce pays des trois ordres, la Cour des comptes, le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, je veux dire, ce qu'ils diront sera irrécusable."
Q- Et justement, s'ils disent qu'effectivement il y a eu entrave au fonctionnement de la justice ?
R- "Il faudra aller jusqu'au bout pour purger cela et que ceux qui se sont laissés aller ou qui se sont livrés à de tels actes soient vigoureusement sanctionnés. Ce n'est pas possible. C'est les fondements de la République qui sont en cause."
Q- Les juges ont prononcé leur jugement vendredi en toute indépendance. F. Hollande disait hier sur Europe 1 que c'était une décision de justice. Vous, quand vous lisez les attendus implacables des juges, vous dites que la décision est aussi politique ?
R- "Non, non, je ne dis pas ça. Mais c'est une décision du tribunal, c'est une décision de justice. Je dis simplement qu'elle est d'une sévérité exceptionnelle. C'est la plus forte peine d'inéligibilité, 10 ans, qui n'ait jamais été prononcée dans une affaire de financement de parti politique. Or, A . Juppé n'était poursuivi que pour sept emplois fictifs ce qui est sept de trop certainement, mais ce qui est infiniment moins grave que par exemple ce qui est arrivé à l'affaire URBA pour le Parti socialiste et dont les responsables n'ont eu que deux ans d'inéligibilité. Donc, il y a vraiment deux poids, deux mesures pour des faits peu graves, relativement peu graves pour lesquels était poursuivi A . Juppé, de principe."
Q- Mais vous savez bien que ce n'est pas seulement les sept.
R- "Attendez, il n'était jugé que pour ça, pardonnez-moi. Le tribunal se doit de statuer uniquement.... autrement, ce serait de la politique."
Q- Mais les juges ont dit qu' A. Juppé était directement subordonné au président du mouvement. Vous voyez ce que ça veut dire.
R- "Je vois très bien ce que ça veut dire. Alors là, on sort du droit pour faire de la politique, si on dit ça. Moi, je ne veux pas retenir ça dans le jugement du tribunal. Je veux retenir seulement l'analyse de la loi. Mais si on veut se fonder sur de tels considérants, alors on est hors du champ de la justice. "
Q- "Mais il a trompé la confiance du peuple souverain" : c'est toujours le jugement et la loi ou c'est la politique ?
R- "J'espère que le jugement n'est pas fondé sur de tels considérants parce que le tribunal est le gardien de la loi, il n'est pas le gardien de la confiance du peuple. D'ailleurs, le peuple lui-même l'exerce, son contrôle, sur ses élus, il l'exerce de manière très forte d'ailleurs."
Q- Mon confrère B. Frappat, de La Croix, résume bien, me semble-t-il, la question : logique de juges contre logique d'élus. Qui détient aujourd'hui la légitimité ?
R- "Non, les juges sont la bouche de la loi, disait Montesqieu. Et les élus doivent se conformer à la loi. Quand les élus violent la loi, les juges ont raison"
Q- Les élus quels qu'ils soient ?
R- "Quels qu'ils soient, les juges ont raison et doivent, c'est leur devoir, les sanctionner, mais seulement quand ils ont violé la loi et sur le fondement du viol de la loi et aucun autre considérant."
Q- Je sais que vous avez entendu F. Hollande sur Europe 1 hier soir. Il s'en est pris avec véhémence à J. Chirac, au système RPR et à vous, sa majorité. Il a ajouté une phrase, je vous demande de la commenter, " quand J. Chirac quittera l'Elysée, il encourra d'une manière ou d'une autre des poursuites judiciaires. "
R- "Monsieur Hollande prend ses désirs pour des réalités et je trouve ces propos d'une particulière indécence. Le Parti socialiste a été lui-même mêlé à des affaires de financement plus graves, beaucoup plus graves que celles qui sont reprochées à A . Juppé et il a encore des comptes à rendre dans une affaire qui est instruite aujourd'hui dans le Sud-Ouest et pour lequel les dirigeants socialistes sont impliqués. Et par conséquent, en matière de financement des partis politiques, tous les partis malheureusement se sont livrés à ces choses-là. Donc, aujourd'hui, il y a une forme de Tartuffe à vouloir jeter l'opprobre sur l'un d'eux sous prétexte qu'on est dans l'opposition."
Q- Mais alors, vous qui n'êtes pas favorable aux Tartuffes, pourquoi vous ne reconnaissez pas qu'il y a eu effectivement, je ne dis pas une prise illégale d'intérêt, mais des mesures qui n'étaient pas dans la loi ?
R- "Le RPR comme tous les partis politiques - dans le cas d'espèce, je ne connais pas le détail du dossier, mais d'une manière générale et à d'autres occasions, il a d'ailleurs été condamné par ailleurs, le RPR, donc, comme tous les autres partis politiques - a recouru à des modes de financement que la loi ne permettait pas. Ca, c'est un fait, j'en conviens."
Q- P. Devedjian, l'appel d'A . Juppé n'efface pas les faits reprochés. Il maintient les poursuites. Est-ce qu'il annule la peine prononcée ? Est-ce que vous voulez dire qu'on repart à zéro ?
R- "Oui, on repart à zéro. D'ailleurs, le Premier ministre a eu raison de dire que le jugement était provisoire."
Q- Beaucoup le lui reprochent. Il a commenté une décision de justice.
R- "Mais on a le droit de commenter une décision de justice, pourvu qu'on le fasse en termes modérés. D'ailleurs, la science juridique, c'est quoi ? C'est le commentaire des décisions de justice. Et donc, le Premier ministre a juridiquement raison de dire cela, parce que l'appel réduit le jugement à néant. On repart complètement à zéro."
Q- Et le maire de Bordeaux, le président de l'UMP, est dans l'intervalle présumé innocent, si je comprends bien ce que vous dites.
R- "Oui, il l'est totalement."
Q- Et il peut garder toutes ses activités ?
R- "Il a juridiquement tout à fait le droit. "
Q- Et vous pensez que politiquement, il peut garder toutes ses activités ?
R- "C'est son choix. C'est à lui de déterminer sa stratégie pour organiser sa défense. Je pense que la priorité, c'est de défendre son honneur. Et la politique a un rôle dans ce domaine et il doit faire des choix stratégiques. Personne ne peut les lui dicter, ils lui appartiennent."
Q- On va être fixé peut-être dans la journée, demain matin. A sept semaines des régionales et des cantonales, qui dirige ou inspire aujourd'hui l'UMP ?
R- "Les élections régionales, ce sont des élections locales. A . Juppé d'ailleurs n'est lui-même pas candidat et donc"
Q- Il pourrait laisser la place ?
R- "Cela ne me paraît pas indispensable. "
Q- Qu'il reste ?
R- "Qu'il laisse la place. Il peut conserver sa place. D'abord, la présomption d'innocence, c'est qu'il conserve sa place. Et d'autre part, cette campagne, finalement, elle est éclairante sur des débats locaux beaucoup plus que sur ce débat qui a encore une fois touché tous les partis politiques."
Q- Un mot, j'allais oublier, vous êtes proche de N. Sarkozy. Vous travaillez à côté de lui place Beauvau. Comment il réagit ?
R- "Il réagit avec, il est affecté par cela parce que, bien sûr, on a toujours parlé de leur rivalité, mais en fait aussi, ce sont des amis. La rivalité n'empêche pas l'amitié. Et N. Sarkozy n'a jamais voulu et n'a jamais souhaité qu'A . Juppé soit frappé aussi cruellement. "
(Source : premier ministre, Service d'information du gouvernernement, le 2 février 2004)