Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de remercier La Tribune et NPA Conseil pour l'organisation de ce colloque sur la nouvelle donne audiovisuelle.
En permettant à chacun d'abattre ses cartes, et peut-être, mieux encore, de connaître le dessous des cartes, cet évènement contribuera utilement à éclairer sur les stratégies en présence.
Parce qu'une nouvelle donne audiovisuelle sera bien distribuée en 2005 !
Avec la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et la loi du 9 juillet 2004 sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle, dont les derniers décrets d'applications seront publiés dans les prochaines semaines, s'achève la mise en place d'un nouveau cadre juridique, simplifié et harmonisé, pour l'ensemble du secteur des communications. L'année 2005 sera la première année d'application de ce nouveau cadre législatif et réglementaire.
Mais cette évolution juridique reste relativement lente et modeste, à côté de la véritable révolution technologique qui est entrain de bouleverser en profondeur l'ensemble de l'industrie des communications.
La numérisation des contenus, leur compression et leur traitement, et surtout leur diffusion sur un nombre croissant de réseaux - câble, satellite, Internet haut débit et télévision numérique terrestre - remettent en cause les modèles traditionnels de l'économie française de l'audiovisuel.
Le rythme de cette mutation est de plus en plus effréné : alors qu'il s'était écoulé près de quinze ans entre le lancement du Plan Câble et le démarrage des premiers bouquets numériques par satellite, les débuts de la télévision sur ADSL et de la TNT auront été effectués en quelques mois seulement.
A cette prolifération des réseaux de distribution s'ajoute la multiplication des terminaux (téléviseurs à écrans plats, décodeurs à disques durs, modules home cinéma.) et des services (pay per view, vidéo à la demande à l'acte ou sur abonnement, services interactifs, télévision haute définition.).
Le périmètre du secteur s'élargit avec l'implication d'acteurs nouveaux, venus des télécommunications, et chaque jour voit émerger de nouveaux modèles économiques.
La frontière administrative entre audiovisuel et télécommunications, qui est une spécificité française, subira encore, cette année, les assauts de la mondialisation.
Déjà, au sein de l'OMC, les services audiovisuels et les services de télécommunications commencent à s'imbriquer. L'Union européenne vient d'ailleurs de prendre un engagement de libéralisation des services de diffusion de la télévision par satellite, au titre des services de télécommunication. Au sein de la Commission européenne elle-même, le portefeuille de l'audiovisuel vient d'être rattaché à celui des télécommunications. Dans le même sens, les directives communautaires du paquet télécom, que nous venons de transposer, créent un même cadre juridique pour l'audiovisuel et les télécommunications.
La frontière entre audiovisuel et télécommunications subira surtout les attaques, beaucoup plus violentes, du progrès technologique, et en particulier de l'Internet haut débit.
Permettez-moi de citer en particulier la nouvelle définition des services de télévision soumis à la compétence du CSA à la loi audiovisuelle de 1986 : " Est considéré comme service de télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l'ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composée d'une suite ordonnée d'émissions comportant des images et des sons ".
L'atout essentiel de la télévision sur Internet, fixe ou mobile, est précisément de permettre l'interactivité, c'est-à-dire une consommation individualisée et non simultanée. Le haut-débit risque donc de rendre de plus en plus artificielle la frontière administrative tracée, en France, entre audiovisuel et télécommunications.
De nouveaux décodeurs arriveront sur le marché au premier semestre 2005 - j'en ai déjà un dans mon bureau - qui permettent de recevoir tant la télévision sur ADSL que la TNT.
Cette nouvelle génération de décodeurs apporte finalement à l'économie numérique beaucoup plus que ne le pourrait une loi ou un décret.
D'une part, un éditeur de chaîne gratuite de la télévision numérique terrestre ne pourra plus, comme par le passé, refuser d'être distribué par un fournisseur de services de télévision sur ADSL. L'intense débat juridique sur la possibilité pour un éditeur de chaîne gratuite de la télévision hertzienne terrestre de refuser d'être intégré à un bouquet distribué sur ADSL se trouve ainsi clos, non par l'effet d'un texte ou d'une jurisprudence, mais par un progrès technique très simple, consistant à ajouter un tuner TNT à une boîte ADSL.
D'autre part, un même décodeur de télévision numérique pourra délivrer un service alternant la télévision sur Internet, selon un mode de consommation individualisé, et la télévision numérique terrestre, reçue de manière simultanée. La régulation de ce service relèvera donc tantôt de la compétence de l'ART et du code des communications électroniques, tantôt de celle du CSA et de la loi de 1986. De même, la télévision sur mobile, pour être attractive, alternera des passages diffusés sur Internet haut débit et d'autres sur numérique terrestre. Un même service risque, là encore, de dépendre tantôt de l'ART et du code des communications électroniques, tantôt du CSA et de la loi de 1986, selon que le programme se situe dans un instant de consommation individualisé ou de diffusion simultanée.
Au total, je suis convaincu que la révolution technologique en cours ne va pas tarder à poser de nouveau, et plus rapidement qu'on ne le croit, la question de la dualité de législation, de réglementation, de régulation, et d'administration de l'économie numérique.
Je ne crois pas que la France pourra longtemps, seule en Europe et dans le monde, échapper à ce puissant mouvement de convergence de l'audiovisuel et des télécommunications.
La nouvelle donne ne placera aucun des deux secteurs sous la coupe de l'autre. Chacun aura sa carte à jouer.
L'économie numérique conduit bien sûr à un accroissement sans précédent de l'offre de programmes.
L'image numérique constitue en effet le principal vecteur de croissance de l'économie de l'information, qu'elle soit fixe ou mobile, véhiculée par le satellite, le câble, l'ADSL, ou le numérique terrestre, stockée sur le disque dur d'un ordinateur, d'un téléphone portable, d'un baladeur ou d'un appareil photo numérique.
Cette croissance se poursuit aujourd'hui dans deux directions principales :
?L'amélioration de la qualité de l'image, avec la haute définition ;
?La diversification des usages, avec la mobilité.
Ces deux directions se situent précisément à la confluence de l'audiovisuel et des télécommunications.
Or ces industries n'ont pas encore suffisamment l'habitude de travailler ensemble. Il y a là un handicap propre à notre pays, qui sépare, voire oppose, presque systématiquement, contenus et contenants, croyant ainsi opposer l'intérêt culturel à l'appétit commercial. Cette opposition est vaine, parce que les nouveaux gisements de créativité et de croissance se situent précisément à la frontière de ces deux mondes.
Afin de favoriser la coopération entre audiovisuel et télécommunications, j'ai lancé le 8 juillet dernier le forum de la haute-définition, et le 23 novembre dernier le forum de la télévision mobile. Après un premier temps de suspicion, ces deux forums connaissent actuellement un véritable succès.
Le HD Forum a pris toute sa part en particulier dans la bataille qui a abouti à un succès inespéré, le 23 décembre dernier, avec l'arbitrage rendu par le Premier Ministre en faveur de l'introduction de la haute définition dans la télévision numérique terrestre. Introduire la haute-définition dans la TNT, cela veut dire, nécessairement, recourir à la nouvelle génération de formats de compression MPEG4, dont la France est un spécialiste reconnu au plan mondial.
Que n'a-t-on pas entendu sur MPEG4 depuis six mois ? Ce format n'est pas finalisé. Il ne sera pas mûr, au mieux, avant 2007 ou 2008. Il ne s'agit que d'une tentative de l'industrie des télécommunications de déstabiliser le paysage audiovisuel français. Nous sommes en retard de dix ans sur nos grands voisins pour le lancement de la TNT, mais il vaut bien mieux copier sagement la technique qu'ils ont déjà éprouvée, c'est-à-dire MPEG2, plutôt que de risquer de prendre une longueur d'avance avec MPEG4. On nous aura donc tout dit pour nous dissuader d'innover.
Mais malgré cette omniprésence médiatique et sceptique, et surtout grâce à la mobilisation sans faille de l'ensemble des industriels de l'audiovisuel et des télécommunications, et à l'engagement remarquable du monde du cinéma, le Premier ministre a finalement arbitré, le 23 décembre dernier, en faveur de la haute définition et de MPEG4.
C'est donc bien aujourd'hui, et non pas en 2007 ou 2008, qu'ont lieu, depuis l'émetteur de la Tour Eiffel, les premières émissions MPEG4 de la télévision numérique terrestre française.
Et c'est avec fierté que je vous le dis, la France n'est plus en retard de dix ans pour le déploiement de la TNT au format MPEG2. Elle est maintenant en avance pour le déploiement de la TNT au format MPEG4.
Le choix de ce format autorisera la France à diffuser, dans les prochaines années, au moins 5 chaînes haute définition sur le numérique terrestre. Une sélection d'éditeurs devra être opérée, selon des règles à fixer dans un véhicule législatif qui pourrait être le projet de loi sur les droits d'auteur dans la société de l'information, prochainement examiné par le Parlement.
Face au déferlement sur Internet des cultures américaine et demain chinoise, je suis convaincu que la promotion du pluralisme des médias et de la diversité culturelle passe non par la vaine défense d'une ligne Maginot entre audiovisuel et télécommunications, mais par l'accompagnement de la convergence technologique.
Je suis favorable, par exemple, à l'extension du régime des quotas de diffusion de la directive TVSF à l'ensemble des services audiovisuels, quel que soit leur mode de diffusion, y compris la vidéo et la musique à la demande. Pour être efficaces dans la nouvelle économie numérique, les politiques publiques doivent à mon sens fixer un niveau de réglementation moins élevé, mais s'appliquer à un champ plus vaste. Il faut privilégier le principe de neutralité technologique. A chaque fois qu'une administration entrave une technologie de diffusion particulière, c'est une perte de bien être pour la société de l'information dans son ensemble. Les choix technologiques doivent résulter prioritairement de l'innovation des entreprises et du libre choix des consommateurs, et non de décisions administratives.
Et c'est bien le libre choix du consommateur qui devrait nous conduire dans les prochaines années à assister au déploiement simultané et équilibré :
- des technologies de l'individualisé, c'est-à-dire Internet,
- et des techniques du simultané, c'est-à-dire le numérique terrestre.
Cet équilibre entre Internet et numérique terrestre reprend finalement une dualité humaine fondamentale, entre une envie de consommation solitaire et un besoin de partage collectif.
Les deux faits marquants de l'évolution du paysage audiovisuel seront ainsi, dans les prochaines années, d'une part l'émergence de la télévision sur Internet, fixe comme mobile, et d'autre part le déploiement de la télévision numérique terrestre, elle aussi, je l'espère, fixe comme mobile.
La télévision sur Internet haut débit fixe, par ADSL, décollera véritablement au cours de l'année 2005, avec l'extension des zones desservies en haut débit pour les deux opérateurs existants (France Télécom et Free), l'arrivée d'un troisième opérateur (Neuf Télécom), l'accroissement de l'offre de programmes disponibles chez chacun de ces trois opérateurs, ainsi qu'une baisse de tarif qui devrait permettre à la télévision sur ADSL d'être aussi compétitive que le câble et le satellite avant la fin de l'année 2005. Dans ces conditions, l'objectif de 600.000 abonnés à la télévision sur ADSL avant la fin de l'année 2005 me paraît réaliste.
La télévision sur Internet haut débit mobile va commencer elle aussi son envol, avec l'arrivée de la troisième génération de téléphonie mobile. Les deux offres de troisième génération proposent déjà plusieurs chaînes de télévision en direct et des services de vidéo à la demande. L'objectif de 500.000 abonnés fin 2005 me paraît réaliste.
Cependant, le lancement de la télévision numérique terrestre restera indiscutablement le grand évènement de ce premier trimestre 2005.
Permettez moi d'insister sur ce point, le numérique terrestre ne sera en aucun cas la victime d'Internet. Il possède des qualités propres, qu'un réseau Internet ne peut fournir. Le numérique terrestre ne souffre pas des mêmes problèmes d'encombrement et de couverture territoriale qu'Internet. Il permet une consommation de masse et instantanée. Je le répète, TNT et ADSL ne sont donc non pas concurrents mais complémentaires. Bien plus encore, la TNT peut constituer un atout considérable pour la télévision par Internet haut débit, soit qu'elle ajoute ses chaînes gratuites aux bouquets disponibles sur ADSL fixe, soit qu'elle permette de développer, grâce à la technologie DVB-H, des services de télévision mobile plus attractifs.
J'ajouterai que l'organisation actuelle de la TNT laisse libre des ressources en fréquences, en particulier le multiplex R5, et que la cessation de la diffusion de la télévision analogique libèrera aussi d'autres ressources. La replanification des fréquences correspondantes, qui déterminera durablement les nouveaux usages et leurs conditions d'emploi, devra être achevée en Europe pour septembre 2005. C'est pourquoi il me paraît essentiel d'anticiper ces nouveaux besoins, afin de connaître les enjeux industriels et les capacités de les satisfaire.
J'adresserai dans les prochains jours au Conseil Général des Technologies de l'Information une lettre de mission lui demandant de procéder à une analyse de ce " dividende numérique ", permettant d'appréhender :
?l'état de la question au plan européen en ce qui concerne l'utilisation des fréquences ainsi rendues disponibles ;
?les besoins nouveaux pouvant être satisfaits par ces ressources supplémentaires ;
?l'intérêt industriel des ces nouveaux usages.
Je veillerai à ce que le CGTI consulte l'ensemble des industriels de l'audiovisuel et des télécommunications.
Pour conclure, je souhaite que ce colloque sur la nouvelle donne audiovisuelle soit l'occasion, non pas de construire de nouveaux châteaux de cartes, qui risqueraient d'être de nouveau balayés par un progrès technologique incessant, mais de participer à l'émergence d'un véritable modèle français de diffusion de la télévision.
Ce modèle conjuguerait plus étroitement :
- d'une part le pluralisme des médias, la diversité culturelle, le soutien à la création, et l'élargissement de l'offre de programme,
- et d'autre part le progrès technique et économique, qui se traduit en particulier par l'amélioration de la qualité, avec la haute définition, et la diversification des usages, avec la télévision mobile.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 25 janvier 2005)
Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de remercier La Tribune et NPA Conseil pour l'organisation de ce colloque sur la nouvelle donne audiovisuelle.
En permettant à chacun d'abattre ses cartes, et peut-être, mieux encore, de connaître le dessous des cartes, cet évènement contribuera utilement à éclairer sur les stratégies en présence.
Parce qu'une nouvelle donne audiovisuelle sera bien distribuée en 2005 !
Avec la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et la loi du 9 juillet 2004 sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle, dont les derniers décrets d'applications seront publiés dans les prochaines semaines, s'achève la mise en place d'un nouveau cadre juridique, simplifié et harmonisé, pour l'ensemble du secteur des communications. L'année 2005 sera la première année d'application de ce nouveau cadre législatif et réglementaire.
Mais cette évolution juridique reste relativement lente et modeste, à côté de la véritable révolution technologique qui est entrain de bouleverser en profondeur l'ensemble de l'industrie des communications.
La numérisation des contenus, leur compression et leur traitement, et surtout leur diffusion sur un nombre croissant de réseaux - câble, satellite, Internet haut débit et télévision numérique terrestre - remettent en cause les modèles traditionnels de l'économie française de l'audiovisuel.
Le rythme de cette mutation est de plus en plus effréné : alors qu'il s'était écoulé près de quinze ans entre le lancement du Plan Câble et le démarrage des premiers bouquets numériques par satellite, les débuts de la télévision sur ADSL et de la TNT auront été effectués en quelques mois seulement.
A cette prolifération des réseaux de distribution s'ajoute la multiplication des terminaux (téléviseurs à écrans plats, décodeurs à disques durs, modules home cinéma.) et des services (pay per view, vidéo à la demande à l'acte ou sur abonnement, services interactifs, télévision haute définition.).
Le périmètre du secteur s'élargit avec l'implication d'acteurs nouveaux, venus des télécommunications, et chaque jour voit émerger de nouveaux modèles économiques.
La frontière administrative entre audiovisuel et télécommunications, qui est une spécificité française, subira encore, cette année, les assauts de la mondialisation.
Déjà, au sein de l'OMC, les services audiovisuels et les services de télécommunications commencent à s'imbriquer. L'Union européenne vient d'ailleurs de prendre un engagement de libéralisation des services de diffusion de la télévision par satellite, au titre des services de télécommunication. Au sein de la Commission européenne elle-même, le portefeuille de l'audiovisuel vient d'être rattaché à celui des télécommunications. Dans le même sens, les directives communautaires du paquet télécom, que nous venons de transposer, créent un même cadre juridique pour l'audiovisuel et les télécommunications.
La frontière entre audiovisuel et télécommunications subira surtout les attaques, beaucoup plus violentes, du progrès technologique, et en particulier de l'Internet haut débit.
Permettez-moi de citer en particulier la nouvelle définition des services de télévision soumis à la compétence du CSA à la loi audiovisuelle de 1986 : " Est considéré comme service de télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l'ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composée d'une suite ordonnée d'émissions comportant des images et des sons ".
L'atout essentiel de la télévision sur Internet, fixe ou mobile, est précisément de permettre l'interactivité, c'est-à-dire une consommation individualisée et non simultanée. Le haut-débit risque donc de rendre de plus en plus artificielle la frontière administrative tracée, en France, entre audiovisuel et télécommunications.
De nouveaux décodeurs arriveront sur le marché au premier semestre 2005 - j'en ai déjà un dans mon bureau - qui permettent de recevoir tant la télévision sur ADSL que la TNT.
Cette nouvelle génération de décodeurs apporte finalement à l'économie numérique beaucoup plus que ne le pourrait une loi ou un décret.
D'une part, un éditeur de chaîne gratuite de la télévision numérique terrestre ne pourra plus, comme par le passé, refuser d'être distribué par un fournisseur de services de télévision sur ADSL. L'intense débat juridique sur la possibilité pour un éditeur de chaîne gratuite de la télévision hertzienne terrestre de refuser d'être intégré à un bouquet distribué sur ADSL se trouve ainsi clos, non par l'effet d'un texte ou d'une jurisprudence, mais par un progrès technique très simple, consistant à ajouter un tuner TNT à une boîte ADSL.
D'autre part, un même décodeur de télévision numérique pourra délivrer un service alternant la télévision sur Internet, selon un mode de consommation individualisé, et la télévision numérique terrestre, reçue de manière simultanée. La régulation de ce service relèvera donc tantôt de la compétence de l'ART et du code des communications électroniques, tantôt de celle du CSA et de la loi de 1986. De même, la télévision sur mobile, pour être attractive, alternera des passages diffusés sur Internet haut débit et d'autres sur numérique terrestre. Un même service risque, là encore, de dépendre tantôt de l'ART et du code des communications électroniques, tantôt du CSA et de la loi de 1986, selon que le programme se situe dans un instant de consommation individualisé ou de diffusion simultanée.
Au total, je suis convaincu que la révolution technologique en cours ne va pas tarder à poser de nouveau, et plus rapidement qu'on ne le croit, la question de la dualité de législation, de réglementation, de régulation, et d'administration de l'économie numérique.
Je ne crois pas que la France pourra longtemps, seule en Europe et dans le monde, échapper à ce puissant mouvement de convergence de l'audiovisuel et des télécommunications.
La nouvelle donne ne placera aucun des deux secteurs sous la coupe de l'autre. Chacun aura sa carte à jouer.
L'économie numérique conduit bien sûr à un accroissement sans précédent de l'offre de programmes.
L'image numérique constitue en effet le principal vecteur de croissance de l'économie de l'information, qu'elle soit fixe ou mobile, véhiculée par le satellite, le câble, l'ADSL, ou le numérique terrestre, stockée sur le disque dur d'un ordinateur, d'un téléphone portable, d'un baladeur ou d'un appareil photo numérique.
Cette croissance se poursuit aujourd'hui dans deux directions principales :
?L'amélioration de la qualité de l'image, avec la haute définition ;
?La diversification des usages, avec la mobilité.
Ces deux directions se situent précisément à la confluence de l'audiovisuel et des télécommunications.
Or ces industries n'ont pas encore suffisamment l'habitude de travailler ensemble. Il y a là un handicap propre à notre pays, qui sépare, voire oppose, presque systématiquement, contenus et contenants, croyant ainsi opposer l'intérêt culturel à l'appétit commercial. Cette opposition est vaine, parce que les nouveaux gisements de créativité et de croissance se situent précisément à la frontière de ces deux mondes.
Afin de favoriser la coopération entre audiovisuel et télécommunications, j'ai lancé le 8 juillet dernier le forum de la haute-définition, et le 23 novembre dernier le forum de la télévision mobile. Après un premier temps de suspicion, ces deux forums connaissent actuellement un véritable succès.
Le HD Forum a pris toute sa part en particulier dans la bataille qui a abouti à un succès inespéré, le 23 décembre dernier, avec l'arbitrage rendu par le Premier Ministre en faveur de l'introduction de la haute définition dans la télévision numérique terrestre. Introduire la haute-définition dans la TNT, cela veut dire, nécessairement, recourir à la nouvelle génération de formats de compression MPEG4, dont la France est un spécialiste reconnu au plan mondial.
Que n'a-t-on pas entendu sur MPEG4 depuis six mois ? Ce format n'est pas finalisé. Il ne sera pas mûr, au mieux, avant 2007 ou 2008. Il ne s'agit que d'une tentative de l'industrie des télécommunications de déstabiliser le paysage audiovisuel français. Nous sommes en retard de dix ans sur nos grands voisins pour le lancement de la TNT, mais il vaut bien mieux copier sagement la technique qu'ils ont déjà éprouvée, c'est-à-dire MPEG2, plutôt que de risquer de prendre une longueur d'avance avec MPEG4. On nous aura donc tout dit pour nous dissuader d'innover.
Mais malgré cette omniprésence médiatique et sceptique, et surtout grâce à la mobilisation sans faille de l'ensemble des industriels de l'audiovisuel et des télécommunications, et à l'engagement remarquable du monde du cinéma, le Premier ministre a finalement arbitré, le 23 décembre dernier, en faveur de la haute définition et de MPEG4.
C'est donc bien aujourd'hui, et non pas en 2007 ou 2008, qu'ont lieu, depuis l'émetteur de la Tour Eiffel, les premières émissions MPEG4 de la télévision numérique terrestre française.
Et c'est avec fierté que je vous le dis, la France n'est plus en retard de dix ans pour le déploiement de la TNT au format MPEG2. Elle est maintenant en avance pour le déploiement de la TNT au format MPEG4.
Le choix de ce format autorisera la France à diffuser, dans les prochaines années, au moins 5 chaînes haute définition sur le numérique terrestre. Une sélection d'éditeurs devra être opérée, selon des règles à fixer dans un véhicule législatif qui pourrait être le projet de loi sur les droits d'auteur dans la société de l'information, prochainement examiné par le Parlement.
Face au déferlement sur Internet des cultures américaine et demain chinoise, je suis convaincu que la promotion du pluralisme des médias et de la diversité culturelle passe non par la vaine défense d'une ligne Maginot entre audiovisuel et télécommunications, mais par l'accompagnement de la convergence technologique.
Je suis favorable, par exemple, à l'extension du régime des quotas de diffusion de la directive TVSF à l'ensemble des services audiovisuels, quel que soit leur mode de diffusion, y compris la vidéo et la musique à la demande. Pour être efficaces dans la nouvelle économie numérique, les politiques publiques doivent à mon sens fixer un niveau de réglementation moins élevé, mais s'appliquer à un champ plus vaste. Il faut privilégier le principe de neutralité technologique. A chaque fois qu'une administration entrave une technologie de diffusion particulière, c'est une perte de bien être pour la société de l'information dans son ensemble. Les choix technologiques doivent résulter prioritairement de l'innovation des entreprises et du libre choix des consommateurs, et non de décisions administratives.
Et c'est bien le libre choix du consommateur qui devrait nous conduire dans les prochaines années à assister au déploiement simultané et équilibré :
- des technologies de l'individualisé, c'est-à-dire Internet,
- et des techniques du simultané, c'est-à-dire le numérique terrestre.
Cet équilibre entre Internet et numérique terrestre reprend finalement une dualité humaine fondamentale, entre une envie de consommation solitaire et un besoin de partage collectif.
Les deux faits marquants de l'évolution du paysage audiovisuel seront ainsi, dans les prochaines années, d'une part l'émergence de la télévision sur Internet, fixe comme mobile, et d'autre part le déploiement de la télévision numérique terrestre, elle aussi, je l'espère, fixe comme mobile.
La télévision sur Internet haut débit fixe, par ADSL, décollera véritablement au cours de l'année 2005, avec l'extension des zones desservies en haut débit pour les deux opérateurs existants (France Télécom et Free), l'arrivée d'un troisième opérateur (Neuf Télécom), l'accroissement de l'offre de programmes disponibles chez chacun de ces trois opérateurs, ainsi qu'une baisse de tarif qui devrait permettre à la télévision sur ADSL d'être aussi compétitive que le câble et le satellite avant la fin de l'année 2005. Dans ces conditions, l'objectif de 600.000 abonnés à la télévision sur ADSL avant la fin de l'année 2005 me paraît réaliste.
La télévision sur Internet haut débit mobile va commencer elle aussi son envol, avec l'arrivée de la troisième génération de téléphonie mobile. Les deux offres de troisième génération proposent déjà plusieurs chaînes de télévision en direct et des services de vidéo à la demande. L'objectif de 500.000 abonnés fin 2005 me paraît réaliste.
Cependant, le lancement de la télévision numérique terrestre restera indiscutablement le grand évènement de ce premier trimestre 2005.
Permettez moi d'insister sur ce point, le numérique terrestre ne sera en aucun cas la victime d'Internet. Il possède des qualités propres, qu'un réseau Internet ne peut fournir. Le numérique terrestre ne souffre pas des mêmes problèmes d'encombrement et de couverture territoriale qu'Internet. Il permet une consommation de masse et instantanée. Je le répète, TNT et ADSL ne sont donc non pas concurrents mais complémentaires. Bien plus encore, la TNT peut constituer un atout considérable pour la télévision par Internet haut débit, soit qu'elle ajoute ses chaînes gratuites aux bouquets disponibles sur ADSL fixe, soit qu'elle permette de développer, grâce à la technologie DVB-H, des services de télévision mobile plus attractifs.
J'ajouterai que l'organisation actuelle de la TNT laisse libre des ressources en fréquences, en particulier le multiplex R5, et que la cessation de la diffusion de la télévision analogique libèrera aussi d'autres ressources. La replanification des fréquences correspondantes, qui déterminera durablement les nouveaux usages et leurs conditions d'emploi, devra être achevée en Europe pour septembre 2005. C'est pourquoi il me paraît essentiel d'anticiper ces nouveaux besoins, afin de connaître les enjeux industriels et les capacités de les satisfaire.
J'adresserai dans les prochains jours au Conseil Général des Technologies de l'Information une lettre de mission lui demandant de procéder à une analyse de ce " dividende numérique ", permettant d'appréhender :
?l'état de la question au plan européen en ce qui concerne l'utilisation des fréquences ainsi rendues disponibles ;
?les besoins nouveaux pouvant être satisfaits par ces ressources supplémentaires ;
?l'intérêt industriel des ces nouveaux usages.
Je veillerai à ce que le CGTI consulte l'ensemble des industriels de l'audiovisuel et des télécommunications.
Pour conclure, je souhaite que ce colloque sur la nouvelle donne audiovisuelle soit l'occasion, non pas de construire de nouveaux châteaux de cartes, qui risqueraient d'être de nouveau balayés par un progrès technologique incessant, mais de participer à l'émergence d'un véritable modèle français de diffusion de la télévision.
Ce modèle conjuguerait plus étroitement :
- d'une part le pluralisme des médias, la diversité culturelle, le soutien à la création, et l'élargissement de l'offre de programme,
- et d'autre part le progrès technique et économique, qui se traduit en particulier par l'amélioration de la qualité, avec la haute définition, et la diversification des usages, avec la télévision mobile.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 25 janvier 2005)