Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère fédérale suisse, cheffe du département fédéral des affaires étrangères, sur divers dossiers internationaux et sur la création et le fonctionnement d'un observatoire franco-suisse visant à conforter la place internationale de Genève, Genève le 21 janvier 2005.

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Circonstance : Voyage de Michel Barnier en Suisse le 21 janvier 2005 : entretien avec Micheline Calmy-Rey, conseillère fédérale suisse, le 21 à Genève

Texte intégral

J'étais aujourd'hui dans le bureau du président Poutine, qui nous a reçus pendant près d'une heure quinze, avec Mme Alliot-Marie, à l'occasion de réunions auxquelles participaient quatre ministres, ceux des Affaires étrangères et de la Défense, de Russie et de France. Ces réunions ont commencé hier et se sont déroulées toute la journée d'aujourd'hui.
Je suis à nouveau très heureux de renforcer les relations politiques et amicales que nous avons avec Micheline Calmy-Rey, conseillère fédérale. Nous nous connaissons bien, et pas seulement pour la proximité qui reste la mienne, même si je n'ai plus de responsabilités en Savoie du sud depuis plus de six ans, je reste attaché à cette province où se trouvent mes racines. Je suis donc très heureux de cette réunion qui avait comme objet principal "la Genève internationale", qui est aussi "la Genève francophone", et les différents aspects concrets pour renforcer la place de Genève. Ceci a toujours été un souci et un espoir du côté français, aussi bien dans l'Ain qu'en Haute-Savoie. Comme ministre de la République française, je relayerai ce souci et cet espoir. Nous avons donc décidé de créer ce groupe de travail, d'observation, permanent, qui dira où se situent les difficultés, les problèmes d'ordre fiscal, de transport, que nous nous attacherons à régler de manière constructive et pragmatique afin de conforter cette "Genève internationale".
Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de dire à votre conseillère fédérale la sympathie du gouvernement français à l'égard des citoyens de votre pays, en particulier des familles, nombreuses, qui ont été victimes du tsunami. Nous avons, nous-mêmes, un grand nombre de familles françaises qui ont été touchées. Ce qui a été frappant, c'est le formidable élan de générosité et de disponibilité qui s'est manifesté à l'issue de cette catastrophe, qui est l'une des premières grandes catastrophes mondiales. Ceci prouve que nous sommes bien sur la même planète ! Je dirais qu'il fallait mieux prévenir. Il faudrait installer dans cette région de l'océan Indien, mais aussi probablement dans la Méditerranée et dans l'Atlantique, des systèmes d'alerte et de prévention contre les risques sismiques. J'ai soutenu, déjà en tant que commissaire européen, et aujourd'hui comme ministre français, derrière le président de la République, l'idée d'une force européenne de protection civile.
Une autre leçon, c'est le fait que les tragédies sont encore plus tragiques dans les pays pauvres et qu'ils y résistent moins bien. Il faut de toute façon trouver de nouvelles ressources pour l'aide au développement et pour la lutte contre la pauvreté. La présidence de la République française et d'autres chefs d'Etat, le président Lula, le président Lagos, le Premier ministre Zapatero, plaident pour une forme de ressource permanente à la hauteur des enjeux. Il s'agirait d'une fiscalité internationale qui permettrait, assise sur les mouvements de la mondialisation, de garantir une aide au développement et des moyens à la lutte contre la pauvreté. Nous sommes tous concernés.
Nous avons également abordé le problème de la cohésion. Vous vous souvenez que j'ai animé, pendant près de cinq ans, la politique de cohésion européenne. J'ai quelques souvenirs et je vais m'efforcer de relayer cette préoccupation qui m'a été exprimée. Puis, nous avons parlé de l'Ukraine et de ce conflit central, qui est le plus ancien et qui demeure, celui du Proche-Orient. Vous avez entendu l'état d'esprit français et européen qui est de regarder devant nous, avec les Etats Unis, au lendemain de l'investiture du président Bush pour un nouveau mandat de 4 ans.
Nous sommes dans un nouvel élan des relations transatlantiques. J'ai dit l'autre jour à Washington que, si nous parvenons à atteindre ce nouvel état d'esprit transatlantique, il faut comme première priorité rétablir la paix au Proche-Orient, la paix entre Palestiniens et Israéliens. L'année 2005 doit être l'année de la paix et du dialogue retrouvé entre Palestiniens et Israéliens. D'autant plus qu'il y a un nouveau contexte dans cette région, avec le président Mahmoud Abbas, qui vient d'être élu, ainsi qu'un nouveau gouvernement israélien. Nous pensons que les Nations unies, les Européens, les Russes et les Américains, les pays de cette région, doivent agir ensemble pour que le Processus de paix soit remis en route.
Q - Le thème israélo-palestinien sera-t-il abordé à Davos ?
R - La Suisse est une terre où le dialogue est favorisé. Ceci fut le cas pour "l'Initiative de Genève" que nous avons soutenue et qui a été très importante. Davos est un lieu de dialogue. En mars, nous aurons à Londres une autre réunion sur ce sujet et puis, il arrivera le moment où nous nous retrouverons tous ensemble, les Palestiniens et les Israéliens, avec le Quartet.
Q - La France va-t-elle soutenir l'idée britannique d'"un plan Marshall pour l'Afrique" ?
R - Les Britanniques, qui vont présider le G8 et l'Union européenne, sont très volontaristes pour le développement de l'Afrique, et nous sommes heureux de ce volontarisme que nous partageons. Ils ont évoqué cette idée de "Plan Marshall", mais également d'autres idées, comme le partenariat privé-public, avec des préfinancements à l'aide de prêts. Cependant, nous pensons qu'il faut aller plus loin, nous allons soutenir, durant la présidence britannique du G8 et de l'Union européenne, les idées qui ont été, par ailleurs, présentées à New York et appuyées par près de 110 pays. Il s'agit de trouver, dans le cadre des ressources ou des échanges liés à la mondialisation, le moyen de dégager une recette permanente dédiée à la lutte contre la pauvreté et au développement.
Q - Avez-vous parlé des prochains référendums en Suisse ?
R - Oui, j'étais très intéressé par les explications qui m'ont été données mais vous comprendrez que, comme ministre français, je ne m'exprimerai pas sur ces votes qui sont les affaires des citoyens de ce pays.
Q - Vous avez parlé de la création d'un observatoire entre la France et la Suisse. Comment va-t-il fonctionner ?
R - Il s'agit, en fait, de groupes de travail très opérationnels, pratiques, d'alerte et de suivie, qui informeront des problèmes et des préoccupations, en temps réel, les préfectures de l'Ain et de Haute-Savoie, les élus locaux, lorsqu'ils seront concernés, l'Etat français, le gouvernement, les ministères des Finances, des Transports et des Affaires étrangères.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 janvier 2005)