Déclaration de M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, sur l'entrée en vigueur en France de l'application de la commission zéro et ses conséquences sur l'évolution du marché du tourisme, notamment pour les agences de voyages, Paris le 4 décembre 2004.

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Circonstance : 30e congrès de Selectour Voyage à Paris le 4 décembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président (Philippe DEMONCHY)
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui participer au 30ème Congrès du " réseau de l'hippocampe ", consacré aux " défis de demain et aux fondamentaux durables ", et je remercie son Président, Philippe DEMONCHY, pour son invitation.
Ma présence parmi vous sera (je vous prie par avance de m'en excuser) de courte durée car je dois assister à partir de 10h00 à un séminaire gouvernemental restreint sur les questions européennes.
J'ai tenu néanmoins à venir ce matin pour deux raisons :
- pour témoigner à votre Président, Philippe DEMONCHY, mon amitié et mon admiration pour son talent visionnaire et sa grande réussite professionnelle dans le monde des voyages, avant qu'il ne passe le témoin en 2005.
- mais aussi pour m'adresser à vous, directeurs et responsables d'agences qui êtes venus si nombreux, pour vous dire que le Ministre délégué au Tourisme est bien votre partenaire au moment où je sais les nombreuses inquiétudes qui traversent la profession à quelques mois de l'entrée en vigueur de la commission zéro.
Revenons peut-être quelques instants sur le calendrier annoncé de cette commission zéro, qui ne touche plus seulement Air France mais également d'autres compagnies européennes ainsi que les loueurs de voiture. Notre pays est l'un des derniers concernés en Europe.
Le principe du commissionnement des agences par les compagnies aériennes a totalement cessé aux Etats-Unis en 2001, en Scandinavie en janvier 2003 et en Allemagne depuis le 1er septembre 2004.
L'accord signé entre le SNAV et Air France le 23 juillet dernier prévoit un arrêt de la commission au 1er avril 2005.
Il prévoit également une phase d'accompagnement pendant 1 an, un plan spécifique pour les agences indépendantes, mais surtout un maintien de frais de service par Air France pendant 3 ans.
Ce nouveau modèle économique a déjà eu et aura de nombreuses répercussions pour votre profession. La première, et la plus évidente est que, comme dans la plupart des marchés européens, l'agent de voyages sera désormais rémunéré directement par ses clients.
L'agent de voyages devient donc un véritable consultant, avec une mission de conseil. Une assistance que le client ne trouve ni auprès des " call center " des compagnies aériennes, ni sur les sites internet.
Cette dimension humaine fondamentale, va devenir, dans les prochaines années, l'atout de base de votre profession. Car au-delà de la commission zéro, qui vous obligera à trouver d'autres modes de rétribution du service rendu (la vente d'un billet en est un) une pression forte s'exerce par ailleurs sur les réseaux de distribution traditionnels avec la montée en puissance des agences en ligne.
Celles-ci ont déjà réussi le défi de la croissance, avec des taux de progression qui dépassent souvent ces dernières années les 50 %. Elles sont en passe aujourd'hui de réussir celui de la rentabilité, au moins pour les principales enseignes.
La prochaine étape sera, à n'en pas douter, celle de la qualité et du service rendu, où des marges de progression importantes existent.
Leur priorité étant en effet la mise en ligne d'une offre compétitive, la relation avec le client reste embryonnaire, pour ne pas dire inexistante.
Il est d'ailleurs intéressant à cet égard de constater que les agences virtuelles se mettent à "rêver de briques", pour reprendre le titre d'un article récent qui évoquait l'ouverture de points de vente avec ce constat paradoxal que "70 à 80 % des clients préfèrent les agences de quartier traditionnelles" !
Le tout-internet n'est donc pas pour demain. Cela signifie que les agences traditionnelles conservent une vraie marge de manoeuvre.
C'est la valeur ajoutée générée par la gestion du besoin de sens, d'émotion, d'humanité.
C'était tout l'objectif d'ailleurs du précédent congrès de Selectour intitulé "d'expert à expert" : grâce aux nouvelles technologies, le client surinformé est devenu un expert.
Pour démontrer sa capacité de conseil et emporter l'acte de vente, l'agent de voyage doit être, en expertise, au moins un cran au-dessus.
La formation des vendeurs, la capacité de proposer du sur-mesure à des clientèles ciblées - les senior, les familles, les célibataires - les petits plus du service à la carte (réservations de taxis, de restaurants et pourquoi pas de baby-sitters), le service après-vente, les facilités de paiement et bien sûr les garanties, tous ces paramètres constituent désormais les nouveaux contours de vos métiers.
Il est évident que l'ambiance d'une agence, sa capacité à susciter les sens, à donner envie de voyager ne pourront jamais être remplacés par un écran d'ordinateur.
Mais, à ces nouveaux modes de vente s'ajoutent bien entendu de nouveaux produits. En premier lieu, et c'est l'un des grands thèmes de votre Congrès, le marché franco-français. 80 % des Français qui partent en vacances partent en France. 10 % seulement utilisent pour cela une agence de voyages : la marge de progression est donc considérable.
Mais aussi, puisque les agences seront désormais totalement libres en ce qui concerne leurs partenaires aériens, les compagnies low-cost, avec lesquelles des relations commerciales intéressantes peuvent être nouées.
Il faut y ajouter de nouveaux marchés : celui des seniors, qui ne sont pas toujours très à l'aise pour utiliser internet, par manque de pratique, par manque de confiance et par volonté de privilégier les contacts humains. Cette variable de la confiance est évidemment très importante et doit constituer l'un des principaux points d'appui de la valorisation des agences.
Comme l'a noté Gérard MERMET, sociologue et auteur des " Francoscopie " : " le tourisme est devenu quelque-chose d'anxiogène ". Le consommateur a besoin d'être sécurisé. Là encore, le contact humain est irremplaçable.
Dans cette description des nouveaux outils, des nouveaux marchés, des nouveaux besoins des agences traditionnelles, j'ai omis de mentionner jusqu'ici la stratégie ultime d'adaptation de votre profession : celle de se tourner vers un réseau.
Cette fois le tableau est bien complet et il ressemble finalement assez précisément à ce que vous avez construit, Cher Philippe DEMONCHY.
Je parlais en introduction de talent visionnaire et il vous en aura fallu pour créer, dès 1970, l'amorce d'un réseau qui compte aujourd'hui plus de 525 points de vente dans toute la France.
Il vous a fallu ce talent visionnaire aussi pour croire, dès 1981, au potentiel du marché France, en éditant la brochure " Partir en France ", ce qui vous place aujourd'hui en leader du tourisme en France avec une offre très diversifiée.
Nous voici arrivés maintenant au terme de mon propos. Mais je ne voudrais pas conclure sans vous confirmer que le Ministre que je suis n'entend pas rester inerte face aux mutations rapides que vous traversez.
Lors du deuxième Comité interministériel du tourisme du 23 juillet 2004, le Gouvernement a décidé de soutenir la profession d'agent de voyages au travers de plusieurs actions :
- la réalisation d'une étude sur l'avenir et l'évolution du secteur professionnel confiée à l'AFIT ;
- la mise en place d'un tableau de bord portant sur la mesure des flux de touristes vers la France et vers l'étranger ;
- et le lancement d'une campagne de communication destinée à valoriser les agents de voyages.
Cette campagne, pour laquelle l'Etat a déjà dégagé 100 000 euros, a vocation à intégrer la thématique du marché franco-français que votre profession souhaite mettre en avant. Pour sa mise en uvre, un partenariat pourrait être utilement noué avec Maison de la France, les Professionnels, dont bien sûr Selectour, et la Fédération nationale des Comités départementaux du Tourisme.
Ce serait, une nouvelle fois, une belle illustration de ce partenariat public-privé que j'appelle de mes vux car il nous permet de mutualiser nos forces et d'accroître l'impact de nos actions.
J'ai souhaité également agir sur la demande, grâce notamment à l'extension du dispositif des chèques-vacances : les salariés des entreprises de moins de 50 salariés pourront désormais y accéder plus facilement et je rappelle qu'un accord a été signé entre le SNAV et l'Agence Nationale des Chèques Vacances pour que ce mode de paiement soit plus largement accepté dans les réseaux de distribution. C'est un marché qu'il ne faut pas négliger.
J'ai, enfin, souhaité améliorer l'offre. Afin de renforcer l'attractivité de notre pays, j'ai lancé le Plan Qualité France pour fédérer l'ensemble des démarches qualité initiées dans de nombreux secteurs professionnels de l'activité touristique.
A l'occasion des 2ème Assises nationales du Tourisme, mercredi dernier, j'ai d'ailleurs signé 22 Chartes d'engagement avec les principales fédérations et syndicats professionnels, dont le SNAV.
Les démarches de qualité sont essentielles.
Selectour mène une action exemplaire dans le monde des voyages : 60 des entreprises faisant partie du réseau bénéficient déjà de la certification de services Qualicert basée sur la qualité de l'accueil.
Le Plan Qualité France est désormais bien là pour accompagner ces efforts.
Monsieur le Président, votre engagement en faveur du tourisme réceptif est déterminant.
Je souhaite d'ailleurs rappeler que vous êtes président de ResinFrance depuis 1999. Nous avons eu l'occasion, le 29 septembre dernier, d'inaugurer la troisième version de cet outil technologique particulièrement performant au service de la commercialisation des produits touristiques français. Vos adhérents pourront en avoir, aujourd'hui, un aperçu complet.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les messages que je souhaitais vous adresser aujourd'hui : des messages de mobilisation et de confiance. Je ne doute pas de votre capacité de réactivité et d'anticipation face aux difficultés, c'est la raison d'être de votre réseau.
Et le symbole que vous vous êtes choisi. L'hippocampe n'est pas seulement ce petit cheval de mer capable de prendre, par mimétisme, la couleur de son environnement pour échapper à ses prédateurs.
C'est aussi, ce qui est moins connu, une région du cerveau qui régit l'accès à l'étendue de la mémoire. La connaissance alliée à la vigilance. Vous êtes dès lors parfaitement armés pour les combats futurs.
Je vous remercie.


(Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 7 décembre 2004)