Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Votre assemblée générale est la première occasion pour moi d'une rencontre publique comme Ministre de l'Agriculture de l'Alimentation de la Pêche et de la Ruralité et je m'en réjouis : cela me donne l'occasion de vous confirmer toute l'attention que je porte à votre filière qui est un secteur essentiel du développement de l'agro-industrie française.
M. le Président, les sujets qui vous intéressent sont nombreux. C'est les points qui concernent directement le sucre que je vais traiter en premier, compte tenu de son actualité et de la perspective de la réforme de l'Organisation Commune de Marché (OCM). J'évoquerai ensuite les sujets qui préoccupent plus largement le monde agricole, comme la mise en oeuvre prochaine de la conditionnalité des aides et la future loi d'Orientation Agricole.
J'ai prévu de garder pour la fin les biocarburants auxquels vous avez montré avec constance depuis plus d'une décennie, et ce matin encore, votre attachement.
I- Le SUCRE, au plan international
La campagne qui s'achève verra la France égaler le record de productivité exprimé en tonnes de sucre par hectare. De ce fait, et malgré une légère baisse des surfaces concernées, la production française de sucre restera stable. Ceci confirme la maîtrise de la productivité dont font preuve les betteraviers. C'est une certitude sur laquelle les professionnels et les pouvoirs publics doivent pouvoir s'appuyer pour préparer l'avenir.
En effet, alors que la baisse du dollar semble vouloir effacer le raffermissement constaté sur le marché mondial du sucre, les principales questions sur le plan international restent posées.
Sur le plan bilatéral, le dossier des importations préférentielles de sucre originaires des Balkans occidentaux n'a pas encore formellement évolué même s'il semble que nous puissions compter sur la mise en place d'un contingent en 2005. Il y a eu aussi beaucoup de discussions sur le dossier Mercosur et le dernier échange d'offre de septembre n'a pas mis fin au déséquilibre des offres déjà constaté en mai. C'est une des raisons pour lesquelles ce dossier est encore en débat. Le sucre ne figure pas dans les concessions proposées par l'Union européenne, mais celles sur l'éthanol doivent être rééquilibrées de même que sur d'autres produits comme la viande bovine ou la volaille, les céréales ou les produits dérivés de l'amidon par exemple. La France s'est toujours fermement exprimée en faveur d'un accord équilibré, articulé de façon cohérente avec le calendrier de l'OMC. Cette ligne sera maintenue.
S'agissant justement du calendrier de l'OMC, la France a donné en juillet dernier son approbation à la signature d'un accord-cadre. Celui-ci permet en effet de préserver la PAC réformée tout en prévoyant un niveau de parallélisme satisfaisant entre toutes les formes de subventions à l'exportation sans hypothéquer l'avenir en matière d'accès au marché à travers la reconnaissance de la notion de produits sensibles. Pour autant cet accord ne se traduira dans les faits qu'au terme de négociations à venir et dont la prochaine grande échéance est la réunion interministérielle de Hong-Kong, prévue pour décembre 2005.
Les conclusions du Panel sucre -déclenché par la plainte du Brésil de l'Australie et de la Thaïlande- ne sont pas définitives puisque l'Union Européenne a annoncé son intention de faire appel de la décision de septembre dernier. Le résultat de l'appel est prévisible pour mars ou avril prochain.
II- Sucre : l'actualité européenne
Bien sûr tout cela pèse sur les réflexions quant à l'avenir de l'OCM sucre. Comme vous le savez, les réflexions actuelles se basent sur les deux communications présentées par M. Fishler devant le Conseil et le Parlement en octobre 2003 et en juillet 2004.
De fait, l'OCM sucre se trouve à la croisée des chemins.
D'une part, cette OCM offre jusqu'au 1er juillet 2006 aux producteurs européens ainsi qu'à ceux des pays bénéficiant d'accords préférentiels l'indispensable visibilité aussi bien en prix qu'en quantité.
Mais d'autre part, la montée en puissance de ces accords préférentiels amènerait très rapidement après 2006 un déséquilibre de cette OCM même en cas de reconduction sans changement.
Lors du récent Conseil des ministres des 22 et 23 novembre, mon prédécesseur a eu l'occasion de défendre l'attachement de la France à ce que l'actuel règlement aille à son terme prévu du 30 juin 2006 ainsi qu'à quatre principes fondamentaux : maintenir une préférence communautaire suffisante, préserver la compétitivité des entreprises européennes, reconnaître les spécificités des Régions ultra-périphériques, et enfin examiner la situation des pays en développement, et tout particulièrement du groupe des ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique).
Sur l'ensemble du Conseil, il faut constater que 19 Etats au moins sur les 25 partagent un même souci de la protection du marché intérieur européen contre les importations ainsi que de la bonne tenue du marché. Tous ces Etats émettent des doutes sur la capacité des instruments évoqués par la Commission à atteindre réellement leurs objectifs.
Cela concerne en particulier la définition des règles d'origines et l'initiative " Tous sauf les armes " en faveur des Pays les Moins Avancés. A cet égard, la France joue un rôle très actif dans la discussion qui a lieu en ce moment à Bruxelles sur le Système des Préférences Généralisées pour que soient adoptées des dispositions efficaces, simples et immédiatement opérantes en matière de sauvegarde contre des importations massives de produits agricoles pour prévenir les perturbations de marché.
La proposition de la Commission est attendue pour mai-juin 2005. Elle devra répondre à ces préoccupations légitimes, et aussi prévoir une meilleure approche de la difficile question de la restructuration du secteur sucrier de l'Union.
En effet, l'approche des états déficitaires en sucre et celle des états excédentaires semble différer sur cette question. D'autres pistes que celles évoquées par la Commission ont été évoquées par certains, comme l'idée d'un fonds de restructuration. Cette idée qui permettrait de procéder à une restructuration sur la base du volontariat doit être davantage creusée, c'est d'ailleurs ce qui a été dit par la France au Conseil de novembre dernier.
III- L'actualité française du sucre : Plan National Nutrition et Santé, Définition de la betterave marchande
La question de la réforme de l'OCM est essentiel, mais d'autres sujets comptent aussi.
Je pense tout d'abord aux implications du récent rapport de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments qui concerne votre filière. Je souscris bien sûr comme vous aux bonnes pratiques alimentaires que les Français -dans leur ensemble- respectent d'ailleurs plutôt mieux que d'autres. Au-delà de cela, il faut rappeler que l'agence émet des avis sur la base desquels le Gouvernement prendra ses décisions en toute indépendance. Quant aux campagnes de promotion, ma conviction est qu'il faut examiner les choses globalement. Moi, ma mission est de faire en sorte que les produits agricoles soient respectés et ne soient ni mis au ban ni injustement critiqués comme vous le craignez. J'y veillerai, soyez-en sûrs.
Je ne doute pas que l'interprofession sucrière trouvera facilement une position commune sur ce sujet. En effet, je me réjouis de constater qu'au-delà des difficultés conjoncturelles, elle parvient toujours à dégager les principes d'une négociation " gagnant - gagnant ".
Pour ce qui est des textes relatifs à la définition de la betterave marchande qui datent de plus de quarante ans, je peux vous confirmer que je suis parfaitement en ligne mes collègues du Gouvernement concernés. Les services concernés -Agriculture, Industrie, Répression des fraudes- vont engager l'actualisation de ces textes, avec au préalable un travail de clarification objective de la question. Je ne doute pas qu'avec leur soutien, l'interprofession -à laquelle vous avez encore ce matin témoigné votre attachement- arrivera également à trouver un accord sur les modalités de mise en uvre d'une telle action tout en respectant l'équité entre planteurs et sucriers. Je l'appelle en tout cas de mes voeux.
IV- La future Loi d'Orientation Agricole, la mise en oeuvre de la conditionnalité
Les interprofessions, Monsieur le Président, seront d'ailleurs bien au coeur de la future Loi d'Orientation Agricole. Il me paraît en effet impérieux de revoir notre dispositif national sur les organisations économiques et donc des interprofessions.
Leurs missions se révèlent plus que jamais nécessaires dans le contexte de mise en oeuvre de la politique agricole commune réformée et de débat entre l'amont et l'aval des filières sur les relations commerciales et la réglementation alimentaire.
Vous avez également évoqué la conditionnalité des aides, instaurée par l'accord de Luxembourg. Face à son entrée en vigueur dés le premier janvier de 2005, de nombreux agriculteurs s'interrogent sur les modalités de sa mise en oeuvre. Ces interrogations m'ont été fortement relayées dès mon arrivée au Ministère de l'Agriculture. J'en ai pris toute la mesure. Je saisis l'occasion que vous me donnez aujourd'hui pour préciser mon analyse et mes orientations en la matière.
Depuis l'accord de Luxembourg, la conditionnalité des aides constitue une contrepartie des crédits consacrés à la PAC. Pour la France qui est la 1ère bénéficiaire de la PAC, elle représente donc un enjeu majeur.
D'autre part, la situation des agriculteurs - les premiers concernés par cette nouvelle règle du jeu - doit être prise en compte au premier chef.
La mise en oeuvre de la conditionnalité nécessite donc une période d'adaptation et une application progressive. J'ai déjà sensibilisé la Commission européenne à ce sujet. J'ai aussi souligné auprès de mes services chargés des contrôles, la nécessité d'être très pragmatiques dans l'application des règles nouvelles, attentifs à la réalité du terrain et de traiter avec discernement certaines anomalies.
Afin de faire connaître ces dispositions dans les meilleurs délais aux agriculteurs j'ai d'ailleurs décidé de m'adresser personnellement à chacun d'entre eux à l'occasion de l'envoi en cours des livrets qui présentent l'application de la conditionnalité.
V- Les biocarburants
Je terminerais mon propos en abordant le thème des biocarburants.
L'objectif du Gouvernement est ambitieux et a été clairement et fortement affirmé. Aujourd'hui, et fait important c'est devenu une évidence partagée : les biocarburants sont une contribution essentielle du monde agricole à la protection de l'environnement.
Le Président de la République a rappelé toute l'importance qu'il attachait aux bioénergies en général et aux biocarburants en particulier.
Le Gouvernement a, à plusieurs occasions, réaffirmé avec force sa volonté de développer les capacités de production de biocarburants.
Le Premier ministre a annoncé le 7 septembre dernier que la France entend atteindre à horizon 2010, l'objectif communautaire d'incorporation des biocarburants dans les carburants utilisés pour les transports, fixé à 5,75 %, objectif voté par le Parlement avec l'accord du Gouvernement lors du vote de la loi d'orientation sur l'énergie. Pour cela, la France est amenée à tripler d'ici 2007 sa production de biocarburants. C'est le plan biocarburants 2007.
Le Premier ministre m'en a confié la coordination.
L'objectif de ce plan est triple :
·- Agricole : notre potentiel agricole est énorme et nous pouvons rapidement mobiliser des surfaces importantes. Cela représente beaucoup d'emplois industriels et agricoles maintenus ou créés, de l'ordre de 6 000.
·- Environnemental : dans le cadre général du protocole de Kyoto, les biocarburants sont un atout essentiel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports ;
·- Economique : c'est pour nous le moyen de réduire notre facture pétrolière et de limiter notre dépendance énergétique.
Mon prédécesseur, Hervé Gaymard, a rendu compte - dans le calendrier prévu - auprès de ses collègues de Gouvernement du résultat de la concertation que le Premier ministre lui avait confiée. De nouveaux outils ont été introduit dans le débat parlementaire. Il convient désormais de soupeser précisément les réglages fins du plan, de telle sorte que collectivement nous menions à bien ce plan ambitieux et atteignons avec efficacité le but que nous nous sommes fixé.
Enfin, nous avons conscience de la nécessaire prise en compte du volet importations dans le diagnostic des forces en présence.
Comme vous le savez, les appels à candidatures seront lancés prochainement et dépouillés au printemps 2005, ce qui permettra aux unités nouvelles d'être opérationnelles à temps. Le calendrier est tenu et j'ai à coeur qu'il le reste.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous confirmer que les perspectives pour l'éthanol se traduiront d'ores et déjà par un doublement des agréments en 2005 en faveur de votre filière.
Pour 2006 et 2007, le Gouvernement sera en mesure très prochainement de préciser comment il convient de décliner le reste du plan, pour que son objectif soit atteint.
Il s'agit d'une bonne nouvelle qui ouvre la voie à des développements ambitieux pour l'éthanol.
Conclusion
Monsieur le Président, ce n'est pas la première fois que nous nous rencontrons et je constate avec plaisir que le temps n'a en rien entamé ni votre détermination ni votre capacité à anticiper ni votre combativité sur tous les fronts qui se traduisent par l'efficacité de votre équipe et de son réseau.
Je suis heureux de vous avoir entendu parler si passionnément de compétitivité. Je suis arrivé ce matin avec la certitude que votre secteur trouvera un nouvel équilibre. Je vous quitte avec la conviction que les betteraviers sont prêts et c'est de bon augure pour l'avenir.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 15 décembre 2004)