Texte intégral
Q- ... Le 29 mai, imaginons, le 29 mai le "non" l'emporte. Que se passe-t-il les jours
suivants ?
R- L'avenir est ouvert. En tous les cas, nous avons échappé au pire, à savoir la perte de l'indépendance française, la fin de la République et toute une série de conséquences nocives, qui nous seraient arrivées si on avait adopté la Constitution européenne, de façon irréversible, pratiquement. Alors, échappons d'abord au pire et puis ensuite, eh bien il conviendra de reconstruire. Mais je ne suis pas le Premier ministre ni non plus le président de la République, c'est à eux de proposer quelque chose d'autre.
Q- Vous avez lu les déclarations de D. de Villepin...
R- Oui, le candidat, j'ai compris.
Q- Que dit-il ? Quel que soit le résultat, il y aura inflexion de la
politique actuellement conduite.
R- Je crois que l'on va assister pendant un mois et demi, à un déluge de démagogie et que tous les gens qui ont quelque chose à demander au Gouvernement doivent se précipiter pour le faire parce que les vannes vont être ouvertes. Il y a le feu à la cuisine, le feu à la cambuse, alors on est prêt à lâcher n'importe quoi pour pouvoir faire monter le "oui" qui a l'air assez faible ces jours-ci.
Q- Oui, J.-M. Le Pen, ça veut dire que D. de Villepin est candidat, pour vous.
R- Ça m'a paru absolument clair, je crois, ainsi qu'à tous les téléspectateurs ou auditeurs qui ont pu l'écouter.
Q- Alors, vous allez très loin, vous dites : " Si les Français votent "oui", c'est la fin de la France, la fin de la République française, la fin de l'histoire, c'est même une haute trahison " c'est ce que vous dites.
R- Absolument, puisque l'article 5 prévoit que le président de la République est garant de l'indépendance de la Nation. Or, quand cette Nation devient totalement dépendante d'un autre ensemble politique, il est bien évident que c'est une haute trahison. Pour moi, les mots n'ont plus aucune valeur. Il était chargé, lui, de défendre la France, la République française, la Constitution française. Or il propose que cette Constitution soit remplacée par une autre Constitution qui est la Constitution d'un autre pays, qui comprend d'ailleurs 25...
Q- Il n'est jamais écrit que la Constitution européenne doit se substituer à la Constitution française.
R- Mais c'est évident, absolument évident !
Q- Où l'avez-vous lu ?
R- Partout !
Q- Quel est l'article ?
R- Elle la remplace, on n'a pas besoin de le dire.
Q- Oui, mais quel est l'article ?
R- Cela va sans dire puisque la nouvelle formation politique a un drapeau, a une devise et qu'elle a surtout...
Q- Mais on a déjà un drapeau européen.
R- Elle a surtout l'ensemble des pouvoirs politiques, que théoriquement devraient détenir les institutions françaises. Mais notez que d'ores et déjà, dans le processus européen, 60 % des lois qui s'imposent en France sont le fait de l'Europe et non plus de la France. On se demande d'ailleurs pourquoi on continue à payer des députés qui votent 5 % du budget et qui votent 40 % des lois.
Q- J.-M. Le Pen, on a déjà un drapeau européen, on a déjà une monnaie, déjà.
R- Oui, mais elle ne s'impose pas, c'était...
Q- La monnaie s'impose, oui, la monnaie s'impose.
R- Pas à tous les pays, je vous signale.
Q- Non, non, c'est vrai.
R- Je vous signale d'ailleurs que les observateurs mondiaux considèrent que c'est dans la zone euro qu'il y a le moins de croissance dans le monde, et je crois qu'un certain nombre de pays qui n'ont pas l'euro s'en félicitent, comme l'Angleterre par exemple.
Q- Bien. Donc, imaginons, nous votons non, est-ce que l'on doit renégocier un traité ?
R- Si nous votons "non", à mon avis - mais cet avis n'est peut-être pas partagé par les gens qui sont au pouvoir - l'ensemble du processus européen, tel qu'il a été mené depuis 20 ans est remis en cause, c'est-à-dire que pour moi les cartes sont redistribuées et il importe que les pays européens, qui ont intérêt à coopérer les uns avec les autres, définissent une autre forme qui préserve l'indépendance des pays, leur liberté, leur droit de disposer d'eux-mêmes et qui, en particulier pour nous, Français, nous redonnent nos chances d'être une Nation historique.
Q- Est-ce que la France doit quitter l'Union européenne, si nous votons "non" ?
R- Ecoutez, l'Union européenne aura une autre forme. Alors, tout dépend des conséquences qui seront interprétées par les gens, aussi bien à Bruxelles qu'à Paris, qu'est-ce qu'ils penseront devoir faire face à la réponse du peuple français. Il est évident que cette réponse aura, à mon avis, un effet de détonateur et que beaucoup de pays qui s'apprêtaient, dans la passivité, à accepter la tutelle de l'Europe, et même son remplacement, eh bien vont se regimber et vont probablement faire comme les Français. Vous savez, on a donné la réponse du peuple espagnol comme très favorable à l'Europe alors que 32 % seulement des électeurs inscrits ont voté pour le "oui".
Q- J.-M. Le Pen, J. Chirac doit partir si le non l'emporte ?
R- Ecoutez, s'il s'implique, comme il a essayé maintenant de s'impliquer, il me semble que ça va de soi. Moi, la conception que j'ai du président de la République dans une affaire comme celle là, c'est que la parole étant donnée au peuple, eh bien le président de la République doit s'abstraire, il est un arbitre, en quelque sorte. Or, là, l'arbitre veut être seul sur le terrain et ne veut surtout pas avoir d'adversaire. Alors, s'il s'implique plus encore qu'il ne l'a fait dans sa détestable prestation juvénile, il est évident qu'il va impliquer sa fonction dans la défaite du "oui".
Q- Et vous demanderez son départ.
R- Il ira de soi, me semble-t-il. Le général de Gaulle, dans une circonstance comme celle-là, avait tiré la conclusion et il s'était bien moins impliqué que, paraît-il, le président de la République souhaite le faire dans les jours qui viennent.
Q- Je ne vois toujours pas, J.-M. Le Pen, où la Constitution européenne se substitue à la Constitution française, dans le texte. Quel est l'article ? Moi je cherche...
R- Mais enfin, ce n'est pas une question de texte ou d'article. Quand une entreprise vous rachète, elle ne met pas dans le contrat que vous vous substituez au conseil d'administration de la maison qui a été absorbée, cela va de soi ...
Q- N'est-ce pas là une interprétation ?
R- Eh bien écoutez, eh bien c'est la mienne en tout cas.
Q- Non ? Je cherche, J.-M. Le Pen, je cherche, je l'ai sous les yeux.
R- Je ne vais pas faire le casuiste avec vous. Il va de soi que désormais les pouvoirs législatifs, exécutifs, judiciaires, n'appartiennent plus aux autorités françaises ni aux institutions françaises mais aux institutions européennes.
Q- Pour vous, vous ne placez pas ce débat sur le terrain économique et social.
R- Il est bien sûr placé sur le terrain économique et social puisque, à l'inverse des promesses qui ont été faites depuis 20 ans, en quelque sorte plus on s'enfonce dans l'Europe et plus cela va mal, comme peuvent s'en rendre compte les gens : délocalisations, désindustrialisation, montée du chômage, montée de l'insécurité, montée de l'immigration. Eh bien il est très clair que plus on s'avance dans l'Europe, plus on s'enfonce dans l'Europe, plus on s'enfonce dans la misère et la pauvreté.
Q- C'est l'Europe qui est la cause de tout.
R- Non, l'Europe et les gouvernements qui soutiennent l'Europe et promeuvent l'Europe. Je ne sais pas faire la part des responsabilités du Gouvernement, de la présidence de la République et de l'Europe en elle-même, elles sont conjointes puisqu'ils marchent d'un même pas.
Q- Vous êtes pro-européen ?
R- Ça veut dire quoi ?
Q- Eh bien je ne sais pas, je ne sais pas, pour une union entre les Etats d'Europe occidentale...
R- Je suis européen, je suis né à La Trinité Sur Mer, Morbihan, qui est un département de la France, qui est une des Nations européennes. Alors, je suis européen. Je suis partisan de la plus grande coopération possible entre les peuples européens, et les autres d'ailleurs, mais enfin, ce sont nos voisins, il faut s'arranger d'abord avec nos voisins, mais dans le respect de l'indépendance de la France, de la liberté des Français de disposer d'eux-mêmes, ce qui ne serait pas le cas définitivement si on votait "oui" au référendum.
Q- Alors, où s'arrête l'Europe ? Prenons un exemple.
R- Il est bien évident que quand vous voulez faire un club de football, vous invitez des footballeurs, vous n'invitez pas des tennismen ou des rugbymen, parce qu'à ce moment là vous voulez faire un club omnisports. Quand vous voulez faire un club européen, vous invitez des pays européens. Or il est bien évident que, par exemple, le cas de la Turquie, la Turquie n'est européenne ni par la géographie ni par l'histoire, ni par les murs, ni par les coutumes, ni par la sociologie. Bon, par conséquent, ce n'est pas un pays européen. C'est un pays avec lequel nous pouvons et devons entretenir les meilleures relations possibles, c'est un pays très respectable, mais ça n'est pas un pays européen.
Q- Vous savez que le Premier ministre turc n'a pas signé la Constitution européenne, J.-M. Le Pen.
R- Si, si, si, il l'a signée, je peux même vous apporter la photo, si vous le souhaitez.
Q- Il a signé l'acte final de la conférence intergouvernementale qui a négocié la Constitution.
R- Absolument. Mais si vous n'appelez pas ça une signature, alors...
Q- Mais est-ce un engagement politique, juridique, de l'Union à
l'égard de la Turquie ?
R- Ecoutez, vous pinaillez, là.
Q- Mais je vous pose la question.
R- Il est tout à fait évident que les tenants du "oui" ont l'intention de faire entrer la Turquie et quand ils nous disent que ça se passera dans dix ou quinze ans, ils se moquent du monde. Il est évident - et il faut que les Français sachent - que l'entrée de la Turquie, ce n'est pas l'entrée seulement de 80 et demain 100 millions de Turcs, c'est aussi 100 millions de turcophones de plus, puisque les pays turcophones qui avoisinent la Turquie ont la nationalité turque par essence.
Q- Pour vous, c'est la première raison de dire "non" ?
R- C'est une des innombrables raisons. La première raison, c'est de perdre notre indépendance. Ecoutez, quand vous avez une petite affaire, vous la gérez, vous êtes le patron, vous faites ce que vous voulez, c'est votre droit. Eh bien, quand vous apportez votre petite affaire dans un grand consortium et que vous ne représentez plus que 12 % du capital et que vous n'avez plus qu'un seul représentant sur 25 au conseil d'administration, pensez-vous que vos capacités de liberté des décisions et d'indépendance n'ont pas été diminuées ? Bien sûr que non, vous n'êtes plus rien, en quelque sorte. Nous avons aujourd'hui un commissaire sur 25, c'est le commissaire aux Transports, monsieur Barrot. Eh bien, avec la Constitution européenne, nous pourrions ne plus l'avoir, parce que l'on va passer de 25 commissaires à 20 commissaires. Par conséquent, il serait très possible que dans la prochaine Commission, il n'y ait pas de représentant français.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2005)
suivants ?
R- L'avenir est ouvert. En tous les cas, nous avons échappé au pire, à savoir la perte de l'indépendance française, la fin de la République et toute une série de conséquences nocives, qui nous seraient arrivées si on avait adopté la Constitution européenne, de façon irréversible, pratiquement. Alors, échappons d'abord au pire et puis ensuite, eh bien il conviendra de reconstruire. Mais je ne suis pas le Premier ministre ni non plus le président de la République, c'est à eux de proposer quelque chose d'autre.
Q- Vous avez lu les déclarations de D. de Villepin...
R- Oui, le candidat, j'ai compris.
Q- Que dit-il ? Quel que soit le résultat, il y aura inflexion de la
politique actuellement conduite.
R- Je crois que l'on va assister pendant un mois et demi, à un déluge de démagogie et que tous les gens qui ont quelque chose à demander au Gouvernement doivent se précipiter pour le faire parce que les vannes vont être ouvertes. Il y a le feu à la cuisine, le feu à la cambuse, alors on est prêt à lâcher n'importe quoi pour pouvoir faire monter le "oui" qui a l'air assez faible ces jours-ci.
Q- Oui, J.-M. Le Pen, ça veut dire que D. de Villepin est candidat, pour vous.
R- Ça m'a paru absolument clair, je crois, ainsi qu'à tous les téléspectateurs ou auditeurs qui ont pu l'écouter.
Q- Alors, vous allez très loin, vous dites : " Si les Français votent "oui", c'est la fin de la France, la fin de la République française, la fin de l'histoire, c'est même une haute trahison " c'est ce que vous dites.
R- Absolument, puisque l'article 5 prévoit que le président de la République est garant de l'indépendance de la Nation. Or, quand cette Nation devient totalement dépendante d'un autre ensemble politique, il est bien évident que c'est une haute trahison. Pour moi, les mots n'ont plus aucune valeur. Il était chargé, lui, de défendre la France, la République française, la Constitution française. Or il propose que cette Constitution soit remplacée par une autre Constitution qui est la Constitution d'un autre pays, qui comprend d'ailleurs 25...
Q- Il n'est jamais écrit que la Constitution européenne doit se substituer à la Constitution française.
R- Mais c'est évident, absolument évident !
Q- Où l'avez-vous lu ?
R- Partout !
Q- Quel est l'article ?
R- Elle la remplace, on n'a pas besoin de le dire.
Q- Oui, mais quel est l'article ?
R- Cela va sans dire puisque la nouvelle formation politique a un drapeau, a une devise et qu'elle a surtout...
Q- Mais on a déjà un drapeau européen.
R- Elle a surtout l'ensemble des pouvoirs politiques, que théoriquement devraient détenir les institutions françaises. Mais notez que d'ores et déjà, dans le processus européen, 60 % des lois qui s'imposent en France sont le fait de l'Europe et non plus de la France. On se demande d'ailleurs pourquoi on continue à payer des députés qui votent 5 % du budget et qui votent 40 % des lois.
Q- J.-M. Le Pen, on a déjà un drapeau européen, on a déjà une monnaie, déjà.
R- Oui, mais elle ne s'impose pas, c'était...
Q- La monnaie s'impose, oui, la monnaie s'impose.
R- Pas à tous les pays, je vous signale.
Q- Non, non, c'est vrai.
R- Je vous signale d'ailleurs que les observateurs mondiaux considèrent que c'est dans la zone euro qu'il y a le moins de croissance dans le monde, et je crois qu'un certain nombre de pays qui n'ont pas l'euro s'en félicitent, comme l'Angleterre par exemple.
Q- Bien. Donc, imaginons, nous votons non, est-ce que l'on doit renégocier un traité ?
R- Si nous votons "non", à mon avis - mais cet avis n'est peut-être pas partagé par les gens qui sont au pouvoir - l'ensemble du processus européen, tel qu'il a été mené depuis 20 ans est remis en cause, c'est-à-dire que pour moi les cartes sont redistribuées et il importe que les pays européens, qui ont intérêt à coopérer les uns avec les autres, définissent une autre forme qui préserve l'indépendance des pays, leur liberté, leur droit de disposer d'eux-mêmes et qui, en particulier pour nous, Français, nous redonnent nos chances d'être une Nation historique.
Q- Est-ce que la France doit quitter l'Union européenne, si nous votons "non" ?
R- Ecoutez, l'Union européenne aura une autre forme. Alors, tout dépend des conséquences qui seront interprétées par les gens, aussi bien à Bruxelles qu'à Paris, qu'est-ce qu'ils penseront devoir faire face à la réponse du peuple français. Il est évident que cette réponse aura, à mon avis, un effet de détonateur et que beaucoup de pays qui s'apprêtaient, dans la passivité, à accepter la tutelle de l'Europe, et même son remplacement, eh bien vont se regimber et vont probablement faire comme les Français. Vous savez, on a donné la réponse du peuple espagnol comme très favorable à l'Europe alors que 32 % seulement des électeurs inscrits ont voté pour le "oui".
Q- J.-M. Le Pen, J. Chirac doit partir si le non l'emporte ?
R- Ecoutez, s'il s'implique, comme il a essayé maintenant de s'impliquer, il me semble que ça va de soi. Moi, la conception que j'ai du président de la République dans une affaire comme celle là, c'est que la parole étant donnée au peuple, eh bien le président de la République doit s'abstraire, il est un arbitre, en quelque sorte. Or, là, l'arbitre veut être seul sur le terrain et ne veut surtout pas avoir d'adversaire. Alors, s'il s'implique plus encore qu'il ne l'a fait dans sa détestable prestation juvénile, il est évident qu'il va impliquer sa fonction dans la défaite du "oui".
Q- Et vous demanderez son départ.
R- Il ira de soi, me semble-t-il. Le général de Gaulle, dans une circonstance comme celle-là, avait tiré la conclusion et il s'était bien moins impliqué que, paraît-il, le président de la République souhaite le faire dans les jours qui viennent.
Q- Je ne vois toujours pas, J.-M. Le Pen, où la Constitution européenne se substitue à la Constitution française, dans le texte. Quel est l'article ? Moi je cherche...
R- Mais enfin, ce n'est pas une question de texte ou d'article. Quand une entreprise vous rachète, elle ne met pas dans le contrat que vous vous substituez au conseil d'administration de la maison qui a été absorbée, cela va de soi ...
Q- N'est-ce pas là une interprétation ?
R- Eh bien écoutez, eh bien c'est la mienne en tout cas.
Q- Non ? Je cherche, J.-M. Le Pen, je cherche, je l'ai sous les yeux.
R- Je ne vais pas faire le casuiste avec vous. Il va de soi que désormais les pouvoirs législatifs, exécutifs, judiciaires, n'appartiennent plus aux autorités françaises ni aux institutions françaises mais aux institutions européennes.
Q- Pour vous, vous ne placez pas ce débat sur le terrain économique et social.
R- Il est bien sûr placé sur le terrain économique et social puisque, à l'inverse des promesses qui ont été faites depuis 20 ans, en quelque sorte plus on s'enfonce dans l'Europe et plus cela va mal, comme peuvent s'en rendre compte les gens : délocalisations, désindustrialisation, montée du chômage, montée de l'insécurité, montée de l'immigration. Eh bien il est très clair que plus on s'avance dans l'Europe, plus on s'enfonce dans l'Europe, plus on s'enfonce dans la misère et la pauvreté.
Q- C'est l'Europe qui est la cause de tout.
R- Non, l'Europe et les gouvernements qui soutiennent l'Europe et promeuvent l'Europe. Je ne sais pas faire la part des responsabilités du Gouvernement, de la présidence de la République et de l'Europe en elle-même, elles sont conjointes puisqu'ils marchent d'un même pas.
Q- Vous êtes pro-européen ?
R- Ça veut dire quoi ?
Q- Eh bien je ne sais pas, je ne sais pas, pour une union entre les Etats d'Europe occidentale...
R- Je suis européen, je suis né à La Trinité Sur Mer, Morbihan, qui est un département de la France, qui est une des Nations européennes. Alors, je suis européen. Je suis partisan de la plus grande coopération possible entre les peuples européens, et les autres d'ailleurs, mais enfin, ce sont nos voisins, il faut s'arranger d'abord avec nos voisins, mais dans le respect de l'indépendance de la France, de la liberté des Français de disposer d'eux-mêmes, ce qui ne serait pas le cas définitivement si on votait "oui" au référendum.
Q- Alors, où s'arrête l'Europe ? Prenons un exemple.
R- Il est bien évident que quand vous voulez faire un club de football, vous invitez des footballeurs, vous n'invitez pas des tennismen ou des rugbymen, parce qu'à ce moment là vous voulez faire un club omnisports. Quand vous voulez faire un club européen, vous invitez des pays européens. Or il est bien évident que, par exemple, le cas de la Turquie, la Turquie n'est européenne ni par la géographie ni par l'histoire, ni par les murs, ni par les coutumes, ni par la sociologie. Bon, par conséquent, ce n'est pas un pays européen. C'est un pays avec lequel nous pouvons et devons entretenir les meilleures relations possibles, c'est un pays très respectable, mais ça n'est pas un pays européen.
Q- Vous savez que le Premier ministre turc n'a pas signé la Constitution européenne, J.-M. Le Pen.
R- Si, si, si, il l'a signée, je peux même vous apporter la photo, si vous le souhaitez.
Q- Il a signé l'acte final de la conférence intergouvernementale qui a négocié la Constitution.
R- Absolument. Mais si vous n'appelez pas ça une signature, alors...
Q- Mais est-ce un engagement politique, juridique, de l'Union à
l'égard de la Turquie ?
R- Ecoutez, vous pinaillez, là.
Q- Mais je vous pose la question.
R- Il est tout à fait évident que les tenants du "oui" ont l'intention de faire entrer la Turquie et quand ils nous disent que ça se passera dans dix ou quinze ans, ils se moquent du monde. Il est évident - et il faut que les Français sachent - que l'entrée de la Turquie, ce n'est pas l'entrée seulement de 80 et demain 100 millions de Turcs, c'est aussi 100 millions de turcophones de plus, puisque les pays turcophones qui avoisinent la Turquie ont la nationalité turque par essence.
Q- Pour vous, c'est la première raison de dire "non" ?
R- C'est une des innombrables raisons. La première raison, c'est de perdre notre indépendance. Ecoutez, quand vous avez une petite affaire, vous la gérez, vous êtes le patron, vous faites ce que vous voulez, c'est votre droit. Eh bien, quand vous apportez votre petite affaire dans un grand consortium et que vous ne représentez plus que 12 % du capital et que vous n'avez plus qu'un seul représentant sur 25 au conseil d'administration, pensez-vous que vos capacités de liberté des décisions et d'indépendance n'ont pas été diminuées ? Bien sûr que non, vous n'êtes plus rien, en quelque sorte. Nous avons aujourd'hui un commissaire sur 25, c'est le commissaire aux Transports, monsieur Barrot. Eh bien, avec la Constitution européenne, nous pourrions ne plus l'avoir, parce que l'on va passer de 25 commissaires à 20 commissaires. Par conséquent, il serait très possible que dans la prochaine Commission, il n'y ait pas de représentant français.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2005)