Déclarations de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, et interviews, à "Televen" le 12 et à "El Universal" le 20 mars, sur l'aide de la France au Vénézuela, notamment pour la reconstruction des régions sinistrées par les inondations, ainsi que sur la présence culturelle française au Vénézuela, Caracas les 12, 13 et 14 mars 2000.

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Circonstance : Voyage de M. Charles Josselin au Vénézuela du 11 au 15 mars 2000

Média : El Universal - Televen - Télévision

Texte intégral

Discours lors de la réception avec la communauté française le 12 mars :
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Madame,
Chers amis,
Permettez-moi d'abord de remercier M. Laurent Aublin et son épouse pour cette réception qu'ils ont organisée et à laquelle je suis heureux que vous ayez pu participer.
C'est avec plaisir que je vous retrouve, un peu plus d'un an après ma dernière visite à Caracas, lorsque j'avais représenté le gouvernement français lors de l'investiture du président Chavez : j'avais pu alors rencontrer la plupart d'entre vous, et notamment votre délégué au Conseil supérieur des Français à l'étranger, M. Patrick Deterville.
Entre ces deux rencontres, est survenu le drame de décembre 1999, et mes premières pensées vont aux victimes de cette catastrophe, morts ou disparus, dont quatre Français, et aussi à ceux qui ont tout perdu, parmi lesquels se trouvent également plusieurs familles françaises, - et à M. Georges Fontaine, qui les représente ici, je veux dire toute ma compassion, et exprimer aussi la volonté que la solidarité française puisse continuer à s'exercer en faveur de nos compatriotes.
Cette tragédie nationale à laquelle je me suis particulièrement intéressé - puisqu'aussi bien le ministre chargé de la Coopération et de la Francophonie est aussi chargé de l'action humanitaire et de l'aide d'urgence - cette tragédie a provoqué, déclenché un extraordinaire élan de solidarité, dans lequel la France a tenu sa place. Je sais que la communauté française du Venezuela a été au premier rang, s'est montrée même d'une grande générosité dans des collectes organisées notamment par l'ambassade, vos associations, la chambre de commerce franco-vénézuélienne et le lycée. Je voudrais tout particulièrement saluer le geste des enfants, vos enfants, qui ont partagé avec les petits sinistrés leurs cadeaux de Noël. Que toutes et tous en soient remerciés et félicités.
Le gouvernement français, lui aussi, a fait son devoir, et cela dès le lendemain du drame. La cellule d'urgence du ministère des Affaires étrangères a organisé l'envoi rapide au Venezuela de ce qui était le plus immédiatement nécessaire : médicaments, eau, vivres, vaccins, vêtements, tentes, couvertures. Nos forces armées ont organisé des rotations aériennes depuis la Martinique pour acheminer une partie de cette aide, et mis à la disposition un transport qui a permis de la distribuer et d'aider les services de secours. La Sécurité civile est intervenue pour installer dans la région du Barlovento, dans la nuit de Noël, cinq unités de potabilisation de l'eau.
Les organisations non gouvernementales, " Médecins Sans Frontières ", " Médecins du Monde ", " ELISA ", " Groupes Secours Catastrophe français ", ont, de leur côté, soigné les populations sinistrées. Les équipes de la Croix-Rouge française sont sur le terrain depuis décembre. Elles ont livré 156 tonnes d'aide humanitaire, et continuent à jouer un rôle précieux précisément pour la potabilisation de l'eau dans la région de Vargas. Cette grande institution, représentée ici par son directeur des relations internationales, le Docteur Robert Sebbagh, sera chargée de diriger la reconstruction du village de Nuevo Guapo, projet entrepris en commun par l'ambassade, les Français et les entreprises françaises du Venezuela, l'association FRAVEN, dont je salue la présidente, Mme Marie-Thérèse Prevel. M. l'Ambassadeur avait cité à l'instant ce beau projet, visité hier par la délégation qui m'accompagne et survolé il y a quelques heures par les hélicoptères dans lesquels nous avions pris place, sera bien sûr également soutenu par mon ministère.
Je viens d'évoquer le survol que nous avons fait des zones les plus touchées - je dois vous dire que j'en ai retiré des impressions évidemment très fortes, du Guapo, de ce nouveau futur village que nous allons construire mais aussi de ces villes côtières, les fleuves, les torrents de boue et de pierres qui occupent encore tout l'espace. On mesure assez la souffrance, l'effroi, la terreur des pauvres habitants qui se sont vus écrasés, balayés par la nature en furie. Malheureusement l'année 1999 aura été fertile en catastrophes et l'année 2000 ne commence pas très très bien de ce point de vue puisqu'en ce moment même nous intervenons au Mozambique, à Madagascar où les choses sont peut-être moins graves que dans les plaines littorales de Maputo ou de Beira, mais où la situation évidemment est très préoccupante.
En tout cas, pour revenir au Venezuela, je voudrais dire qu'après la phase d'intervention d'urgence, la France est maintenant engagée dans l'aide à la reconstruction. En réalité, dès le 24 décembre, le président Jacques Chirac a proposé au président Hugo Chavez l'aide de la France, tant à titre bilatéral que dans le cadre des organisations internationales dont nous sommes membres actifs, comme la Banque mondiale ou la Banque interaméricaine de développement. A la suite de cette suggestion, une réunion d'information s'est tenue à Madrid le 21 février pour commencer à examiner comment ces organisations, en association avec divers pays, pourront intervenir pour aider à la reconstruction. La France a, bien entendu, activement participé à cette réunion, et ne ménagera pas ses efforts pour aider le Venezuela à mobiliser les mécanismes internationaux d'aide.
Dans le cadre de notre politique de coopération bilatérale, le directeur du Développement et de la Coopération technique du ministère des Affaires étrangères est déjà venu à Caracas sur ma demande, dès janvier, pour évaluer les besoins. Une série de missions techniques se déroule depuis lors, la dernière est en cours actuellement et concerne l'aménagement du territoire et M. Guigou, le délégué à l'Aménagement du territoire, a bien voulu détacher pour cette mission trois de ses collaborateurs qui vont aider le Venezuela presqu'à se redessiner en quelque sorte et surtout à éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Au-delà de la réparation des dommages, le gouvernement du Venezuela veut, en effet, s'attaquer aux problèmes structurels du développement mis en lumière par ce désastre. C'est évidemment une orientation que nous approuvons et nous soutenons cette démarche. C'est l'objet le plus immédiat de ma visite : demain, j'aurai un entretien avec le président Chavez et plusieurs membres de son gouvernement pour examiner plus avant l'implication française dans cette vaste tâche de la reconstruction.
Mais ma venue a, en réalité, aussi un objectif plus large : faire le point de la relation politique, économique et de coopération entre la France et le Venezuela. Cette relation peut être approfondie et élargie, en y impliquant davantage d'acteurs, ONG, bien sûr, entreprises (je suis heureux qu'au moment de ma visite, une délégation d'entreprises françaises soit arrivée au Venezuela, plusieurs membres de cette délégation sont parmi nous que j'aurai plaisir à saluer tout à l'heure), les collectivités locales ont aussi leur rôle à jouer, à commencer par nos départements français d'Amérique où j'étais hier et avant-hier avec le président Chirac, qui en aura profité pour mettre l'accent sur la coopération régionale et le rôle particulier que Martinique, Guadeloupe, Guyane doivent jouer dans cette zone Caraïbe. La France, en tout cas, se veut prête à développer ses activités au Venezuela quand ce pays sortira de la profonde crise économique qui vous affecte tous à un titre ou à un autre.
Parmi ces activités déjà bien développées figure évidemment notre coopération culturelle. Demain, j'aurai le plaisir d'inaugurer l'espace France de l'Alliance française de Chacaito, un service nouveau offert à tous ceux qui s'intéressent à notre culture, à notre économie, à notre pays en général, et aux possibilités qu'offre la France pour y effectuer des études.
Je n'aurai, malheureusement, pas le temps de me rendre à nouveau au lycée, que j'ai visité l'an dernier. Mais je sais que cet établissement se porte bien, et je suis heureux de pouvoir m'entretenir ce soir avec son proviseur, les parents d'élèves et professeurs qui ont répondu à l'invitation de notre ambassadeur.
Partout où elle existe, l'école est en quelque sorte le cur de la communauté française. Vous savez que l'Etat, précisément mon ministère, consentent un effort sans équivalent pour aider ce réseau scolaire, qui suscite les passions à mesure de son importance pour nos compatriotes. Je voudrais vous redire ici toute mon appréciation pour ceux qui se consacrent avec ardeur et abnégation à cette mission prioritaire de l'éducation. Cette mission n'a rien à voir avec un repli identitaire, et il est primordial de mettre partout en avant les échanges culturels et éducatifs, au sein de ces établissements. Je sais que c'est le cas du lycée français de Caracas, puisqu'il comporte une section vénézuélienne, et que son proviseur tient à cur de développer les activités communes aux deux sections. Je sais que cet effort ne va pas de soi, et je souhaite le saluer tout particulièrement, et en féliciter l'équipe dirigeante du lycée, les enseignants, ainsi que les parents et les élèves eux-mêmes, et les encourager à faire encore plus et mieux, car nous avons tous à gagner, et en premier lieu les élèves, à une ouverture de notre système d'enseignement sur les autres cultures, notamment lorsqu'on y est normalement confronté. Ce souhait s'applique, bien entendu, à nos amis vénézuéliens, puisque nous devons saisir toute occasion pour leur transmettre un peu de notre culture et leur apprendre à aimer notre langue.
Je sais que votre communauté a bien d'autres problèmes, qui sont le reflet des problèmes actuels du Venezuela. Je sais aussi que vous êtes très attachés au pays qui vous accueille, pour certains, depuis de nombreuses années, toute une vie !
D'autres sont au Venezuela pour des séjours plus courts, dans le cadre d'un contrat, d'un chantier, et plus généralement des activités de nos entreprises à l'étranger. Je connais bien maintenant, puisque j'effectue ici ma deuxième visite, l'importance de la présence économique de la France, particulièrement dans des secteurs comme la fourniture d'équipements (le chantier de la ligne 4 du métro de Caracas va prochainement commencer, passées les récentes incertitudes, nous nous en félicitons). Je pense aussi aux activités pétrolières, qui voient notre grand groupe national Total-Elf-Fina occuper ici une place de premier plan. Comme je l'ai déjà dit, le soutien à la présence économique française est au cur de la visite que j'effectue à Caracas, et j'aurai évidemment l'occasion de l'évoquer avec mes interlocuteurs vénézuéliens. En évoquant ces sujets, j'aurai à l'esprit non seulement les intérêts de l'économie française et de l'économie vénézuélienne, mais aussi l'enjeu de l'emploi, qui concerne également les Français du Venezuela.
A tous, quelles que soient vos activités et la raison de votre présence au Venezuela, j'ai souhaité ce soir venir marquer l'intérêt du gouvernement français, de l'Etat français dans son ensemble, et je vais maintenant avoir le plaisir de le faire sur un mode plus personnel en essayant de rencontrer les uns et les autres.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mars 2000)
Entretien avec la chaine de télévision "Televen" le 12 mars :
Q - Quelles sont vos impressions, Monsieur le Ministre, à la suite du survol que vous venez d'effectuer au-dessus du barrage du Guapo et du littoral de Vargas, les deux zones les plus affectées par les inondations de décembre dernier ?
R - Il y a un vieil adage qui a valeur universelle : c'est dans le malheur qu'on reconnaît ses amis. La France est amie du Venezuela ; elle en a fait la preuve en étant aux côtés des Vénézuéliens dès les premières heures de la tragédie et j'ai pu mesurer, à l'instant, l'ampleur de cette tragédie, même si je ne peux évidemment pas me permettre, après un simple survol, d'apprécier et mesurer les souffrances que les populations ont endurées.
En tout cas, ces flots de boue et de pierre que nous avons pu voir à l'instant et qui ont fracassé les maisons de Los Corales, de Macuto, de Carmen de Uria, de Caraballeda, m'ont laissé évidemment, comme à ceux qui m'accompagnent, une impression très forte mais j'y vois des raisons supplémentaires pour aider maintenant à reconstruire.
Q - Quelle sera la participation de la France à la reconstruction des zones affectées ?
R - Autour de moi, des experts en matière d'urbanisme, de transport, d'aménagement du territoire qui sont venus avant moi et vont rester après moi et qui vont, aux côtés des Vénézuéliens, les aider à poser les bonnes questions pour définir de nouvelles règles, probablement, pour éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets, mais aussi pour redessiner, en quelque sorte, la carte de cette côte du Venezuela. C'est je crois aussi l'ambition des autorités, c'est l'ambition du ministre, Carlos Genatios, qui m'a accompagné et est spécialement chargé de cet immense dossier.
Q - A la suite de la réunion de Madrid, le gouvernement français envisage-t-il une participation financière à la reconstruction des zones affectées ?
R - La France a déjà participé, notamment au travers des aides que l'Europe a apportées, au financement de l'urgence. S'agissant de la reconstruction, je crois que c'est auprès des bailleurs de fonds internationaux, Banque mondiale, en particulier, Banque interaméricaine que les moyens sont actuellement mobilisés. J'ajoute enfin qu'en ce moment même une délégation importante d'industriels français est au Venezuela, non seulement, pour aider à reconstruire, mais aussi pour aider au développement du Venezuela et je suis heureux de voir que c'est de l'avenir dont nous allons maintenant parler.
Q - Pourriez-vous, dans cette perspective, préciser le montant des sommes que le gouvernement français serait prêt à consentir ?
R - C'est précisément de tout cela dont je vais parler demain avec les responsables du Venezuela puisque j'aurai l'honneur d'être reçu par le président de la République, Hugo Chavez, j'ai déjà eu l'occasion de le rencontrer plusieurs fois ; je représentais d'ailleurs le gouvernement français lors de son investiture, il y a plus d'un an et je rencontrerai plusieurs des ministres chargés de ces dossiers. C'est avec eux et avec les experts qui m'accompagnent que nous allons préciser toutes ces questions, mais, je le répète, il y a l'aide bilatérale de la France, mais aussi la participation de la France au sein de ces grandes institutions multilatérales auxquelles, bien entendu, nous appartenons./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mars 2000)
Déclaration devant les entrepreneurs français et vénézueliens le 12 mars :
Avec la permission de notre hôte que je remercie ainsi que Mme Aublin pour cette occasion de nous rencontrer. Je voudrais vous dire deux ou trois choses.
C'est donc la seconde fois que je viens au Venezuela puisque j'étais venu au mois de février 1999 pour l'investiture du président Chavez que j'avais rencontré à Paris une première fois, avant son élection puis à nouveau à Rio lorsqu'il y a eu le Groupe de Rio qui marquait la reprise un peu forte des relations entre l'Europe et le continent latino-américain.
Mon voyage, c'est l'occasion de donner un coup de projecteur sur ce qu'a fait la France à la suite de la tragédie qu'a connue le Venezuela mais surtout, parler avec les responsables vénézuéliens du rôle que la France peut jouer dans la reconstruction, d'où la présence au Venezuela, pas forcément à mes côtés, en partie, d'experts représentants les ministères plus directement impliqués par ces questions, l'urbanisme, le logement, travaux publics unité portuaire. Je rappelle que M. Smag, ingénieur général des ponts, ancien directeur du port du Havre était ici il y a quelques jours pour aider à la réflexion sur la reconstruction de la Gueira. Il y a aussi, et c'est un peu nouveau, trois représentants de la Datar parce que, tout de suite, les autorités nous ont dit l'envie qu'ils avaient d'être aidé en matière d'aménagement du territoire. Il y a des gens capables de les aider à réfléchir sur une organisation du territoire qui permettrait de desserrer la pression sur la côte pour réinvestir un peu l'intérieur du pays et éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets en termes d'urbanisme. Nous avons donc quelques experts et je suis heureux que nous ayons là une forme d'appui institutionnel un peu nouvelle. Cela étant, si mon voyage est un coup de projecteur sur tout cela, il s'inscrit aussi dans le cadre d'une relation de coopérations normales que nous voulons la plus forte possible entre la France et le Venezuela, coopération qui a des aspects culturels très marquées, j'en ai parlé ce matin avec la vice-ministre chargée de l'enseignement supérieur car le ministre Navarro a été appelé à la présidence ce matin. Mais, il est clair que la coopération, c'est aussi la présence économique, la présence des entreprises françaises et j'en profite à nouveau pour dire combien nous apprécions le travail fait depuis longtemps par quelques unes d'entre elles qui ont une place tout à fait remarquable sur les secteurs de pointe, je pense évidemment au pétrole. Je pense à ces réalisations exceptionnelles que sont le métro de Caracas mais, chaque fois que je cours le monde, je le fais souvent, je mets en évidence les secteurs où les entreprises françaises sont en situation de pôle d'excellence, transport, l'eau, l'énergie, le téléphone etc. Mais d'autres entreprises qui représentent d'autres secteurs sont également présentes, je suis heureux donc de les saluer et je suis heureux également qu'il y ait eu simultanéité entre ma visite, ce n'est pas totalement l'effet du hasard et une délégation d'entreprises françaises qui sont ici, j'en suis sûr aussi, avec la perspective de cette immense tâche de reconstruction dont nous avons pu mesurer un peu l'ampleur en survolant hier les zones les plus touchées. Les entreprises qui je pense, veulent inscrire leur action ici dans la durée, l'ambassadeur et ses services sont évidemment prêts à les y aider. Merci aussi au travail que les entreprises ont fait au moment de cette tragédie, merci de l'aide apportée à la reconstruction de Guano qui va être un signal français un peu fort. Nous avons, là aussi survoler la zone hier et nous avons obligation d'un beau résultat, dans tous les sens du terme. De plus, c'est un bel exemple de partenariat avec l'association France-Vénézuela, je suis heureux d'en saluer la représente Mme Powel mais je sais que les entreprises ont déjà également participées.
Moi je vais, avec le ministre des Finances dire la disponibilité des entreprises françaises pour participer à cet effort, sachant que notre aide s'organisera davantage sur le plan financier, au travers de nos participations dans les institutions multilatérales, mais nous pouvons en bilatéral, avoir un rôle particulier en matière de financement d'études car nous avons des lignes budgétaires spécifiques pour le faire et nous allons nous y employer.
Il est clair que dans cette affaire, il faut qu'il y ait un partenariat très serré entre les représentants des administrations françaises et les entreprises. D'où l'intérêt du dialogue que nous avons ce midi et je vais de suite me rasseoir pour souhaiter qu'à l'occasion de cette rencontre, vous puissiez nous dire, sans vouloir en faire un déjeuner débat, mais si je n'ai pas réponse à tout, autour des ministres, il y a toujours des experts qui peuvent apporter des précisions et ils ne manqueront pas de répondre à vos questions.
Peut-être pourriez-vous déjà nous dire comment se passe votre voyage, j'ai la chance d'avoir en face de moi, le président de la chambre de commerce franco-vénézuelienne qui est devenu un ami, nous nous connaissons maintenant depuis quelques temps déjà. Peut-être souhaitera-t-il lui-même nous dire un peu comment il sent les choses, une sorte de note d'ambiance des chances des entreprises françaises aussi dans un pays qui est à un moment important de son histoire, avec des problèmes structurels économiques lourds, nous en sommes convaincus, où beaucoup reste à faire mais où tout est possible, dans une certaine mesure.
Je crois que c'est avec cet état d'esprit qu'il faut aborder cette visite, je le dis aux représentants des entreprises françaises qui sont ici. En tout cas, nous sommes, et je crois pouvoir m'exprimer au nom de l'ambassadeur mais aussi au nom de tous les représentants de l'administration qui sont ici, à votre disposition. Je n'ai pas cité tout le monde mais je n'aurai gars d'oublier le rôle qu'aura joué, dans cette période, la société civile, les ONG et cette ONG singulière qui est la " Croix Rouge " représentée ici par son directeur international le docteur Sebal.
Merci de m'avoir écouté et place à l'échange.
Diplomatie GAZEAU-SECRET
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mars 2000)
Discours pour l'inauguration de l'Espace France à l'Alliance française de Caracas le 13 mars :
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Sénateur,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Merci d'abord, Monsieur l'Ambassadeur pour les propos aimables que vous venez d'avoir à mon endroit. Je veux bien prendre une part de responsabilité devant tout cela mais on comprendra que je veuille d'abord souligner la part qu'auront prise vos équipiers. Mais, vous savez bien, à Paris, c'est vrai aussi, et comme j'ai la chance d'être entouré, on arrive de temps en temps à réaliser des équipements comme celui que nous venons d'inaugurer. Comme je suis entouré aussi, on me prépare des discours, ce qui me prive du bonheur d'improviser mais qui m'enlève aussi la pression que représente toute improvisation.
Alors, je vais lire un texte très court, au cours duquel vous apprendrez, mais vous le savez déjà, que c'est ma seconde visite au Venezuela, puisque la première était pour l'investiture du président Chavez, que nous venons de rencontrer très longuement, en compagnie d'une délégation qui comptait, bien sûr, votre ambassadeur, mais aussi le sénateur Dreyfus-Schmidt qui me fait l'amitié de m'accompagner pendant ce voyage mais qui s'intéresse aussi au monde Caraïbe, un certain nombre de collaborateurs, puis de nombreux représentants des entreprises françaises, ayant eu donc, à l'instant, l'occasion d'entendre le président Chavez, de dialoguer avec lui, de dire aussi les conditions qui faciliteraient l'implication des entreprises françaises dans le paysage, conditions qui ont aussi été évoquées ce midi, à l'occasion du déjeuner auquel nous a convié M. l'Ambassadeur. Mais je crois que je cède à la facilité de l'improvisation, je vais revenir à mon texte.
C'est, en effet, lors de mon premier voyage que dans ces mêmes lieux on m'avait entretenu d'un projet ambitieux, créer au Venezuela un espace d'échanges, de dialogue, de suivi des programmes de coopération. Ce projet à pris corps en dépit des difficultés inhérentes à tout acte d'association, en dépit aussi des circonstances dramatiques qu'a connues le Venezuela. Faut-il rappeler qu'une partie du mobilier, prévue pour ces locaux, a disparu, en décembre, dans le port dévasté de la Guaira.
Symbole, en tout cas, de la volonté farouche de vivre et d'aller de l'avant que n'ont cessé de manifester les Vénézuéliens, et témoignage de la solidarité que la France a voulu leur témoigner en les accompagnant dans le malheur et l'adversité, l'Espace France ouvre aujourd'hui ses portes.
Dans un contexte de profondes mutations et de transformation des institutions et des appareils de l'Etat vénézuélien, nous avons considéré que le moment était venu, pour nous aussi, d'engager une réflexion sur les objectifs, les méthodes et les moyens de notre dispositif de coopération ainsi que sur les redéploiements nécessaires à la valorisation de l'offre française et à son adéquation aux attentes de nos partenaires.
Engagé par le service de Coopération et d'Action culturelle de l'ambassade, en étroit partenariat avec la direction de l'Alliance française de Caracas, avec le soutien technique et financier de la DGCID du ministère français des Affaires étrangères et en coordination avec le Poste d'expansion économique, le projet d'un centre de ressources orienté vers l'information sur les études et l'information générale sur la France contemporaine se concrétise donc dans l'Espace France.
Ce Centre regroupe une médiathèque pourvue de ressources documentaires importantes : livres, périodiques, vidéos, CD, CD-Rom et bases de données, d'une connexion Internet dotée de plusieurs postes de documentation et d'un service d'information universitaire et scientifique. Et j'ai pu vérifier, puisque j'en avais fait la remarque l'an dernier que l'offre, notamment de romans français, intègre les plus grands, dont Louis Guilloux, un enfant de mon département : l'an dernier, il n'y avait pas de livres de Louis Guilloux ici. A présent, il y en a trois.
Plus particulièrement destiné aux étudiants, aux anciens boursiers du gouvernement français, aux scientifiques et aux professionnels susceptibles d'entamer ou de prolonger une relation privilégiée avec la France, il constituera la tête d'un réseau francophone appelé à se développer rapidement et ce dernier pourra s'appuyer sur nos partenaires des alliances de province (Mérida, dont j'ai salué à l'instant le président, Valencia, Maracaibo), sur le Lycée franco-vénézuélien de Caracas, sur les différentes associations francophones (l'association des ingénieurs dont le président est parmi nous, l'association des médecins, des professeurs de français), et bien entendu la Chambre de commerce franco-vénézuélienne qui est représentée ce soir par son président.
En conclusion, l'Espace France devrait nous permettre d'atteindre rapidement quelques objectifs clairs :
- D'abord le regroupement de compétences jusqu'alors dispersées et la coordination de l'information délivrée ;
- mais aussi l'identification de nos partenaires francophones et leur association plus directe aux programmes de coopération ;
- et puis, enfin la constitution et l'animation d'un véritable réseau.
Dans tous les cas, l'Espace France constituera une structure fédératrice et un outil de coordination et de communication de l'action de la France au Venezuela.
Je suis en tout cas convaincu que l'Espace France deviendra très vite un outil de référence et un instrument fondamental du renforcement de notre coopération avec le Venezuela, et ce, en particulier dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, que la France considère comme prioritaire et pour lequel elle consent, dans sa politique de coopération, un effort particulier et j'eus l'occasion de m'en entretenir ce matin avec Mme la vice-ministre chargée des enseignements supérieurs et représentée par la directrice de l'enseignement supérieur que j'ai eu le plaisir de saluer il y a quelques instants. En somme, c'est un espace où la jeunesse du Venezuela pourra, grâce aux techniques modernes de communication, se rapprocher de la France, exprimer, partager avec elle ses rêves, ses espoirs, ses ambitions pour un monde plus juste, ouvert à tous dans la reconnaissance des diversités de chacun.
Je ne voudrais pas donner l'impression du breton qui tire à lui trop complètement la couverture. S'il y a des bretons, je m'empresse de les saluer. Je rappelle ce mot de Jean Guehenno qui disait : "s'il y a deux bretons dans une foule, premièrement il est sûr qu'ils se retrouveront, deuxièmement, il faudra que tout le monde le sache". Je m'empresse de vous faire remarquer que les premières liaison-image entre l'Europe et les Amériques ont été réalisées à partir de ce qu'on appelle le radôme de Pleumeur-Bodou, c'est une installation qui se trouve dans mon département des Côtes d'Armor et c'est de là que le général de Gaulle a fait passer sa propre image par les ondes pour la première fois. Cela prouve que très peu d'océan sépare le Venezuela de ma propre région. En tout cas, je voudrais adresser tous mes vux de réussite aux personnels qui vont avoir l'exigeante responsabilité d'une tâche extraordinairement exaltante. Je suis sûr qu'ils la réussiront très bien.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mars 2000)
Conférence de presse le 14 mars 2000 :
Mesdames et Messieurs,
Avant de quitter Caracas, j'ai souhaité vous rencontrer pour faire un dernier point au terme d'une visite qui m'aura permis, depuis dimanche midi, d'abord de survoler les sites les plus affectés par la tragédie de décembre, puis de rencontrer plusieurs dirigeants vénézuéliens : le président Chavez qui m'a longuement reçu, hier soir ; le ministre des Affaires étrangères, Jose Vicente Rangel auquel m'unissent des liens très anciens ; le ministre Carlos Genatios, avec lequel, d'ailleurs, j'ai fait le survol dont je parlais, à l'instant, puisqu'il est en charge, en particulier, du dossier de la reconstruction ; le ministre de l'Environnement, Jésus Perez, auquel a été confié le dossier de l'eau, un problème très sensible évidemment pour les Vénézuéliens et qui intéresse également la France ; le ministre des Finances, José Rojas, que j'ai vu ce matin en compagnie, d'ailleurs, du ministre de la Planification, Jorge Giordani. Toutes ces rencontres ont été l'occasion d'un dialogue, très franc, très direct et, je le crois, constructif. Un dialogue auquel ont participé, d'ailleurs, les représentants des entreprises françaises actuellement à Caracas, qui sont venus, à la fois, analyser la situation et apprécier la coopération qu'ils seraient susceptibles d'apporter au Venezuela dans sa tâche de reconstruction.
La France est amie du Venezuela depuis très longtemps. Elle a suivi l'évolution d'une situation qui a conduit en décembre 1998, à l'élection du commandant Chavez, lequel veut bien témoigner à la France, également, un grand intérêt. Il a visité notre pays, au lendemain de son élection, avant même son investiture ; il y est revenu depuis et, hier soir, il a à nouveau souligné l'importance qu'il attache au dialogue politique entre la France et le Venezuela.
En ce qui me concerne, puisqu'aussi bien, je suis ministre de la Coopération, y compris de la Coopération culturelle, je n'oublie pas non plus l'importance des relations culturelles qui unissent nos deux pays, comme en témoignent la présence d'un lycée français important et de l'Alliance française qui abrite dans ses locaux l'"Espace France", à la fois centre de ressources et médiathèque, que j'ai eu la chance de pouvoir inaugurer hier.
Puisque je suis également en charge de l'action humanitaire et de l'aide d'urgence, je souhaitais évidemment venir sur place mesurer le travail auquel ont dû faire face, d'abord les Vénézuéliens - je veux souligner le rôle particulier que l'armée vénézuélienne a joué dans cette période - mais aussi les ONG du monde, singulièrement les ONG françaises et en particulier la Croix Rouge française qui est beaucoup intervenue, qui a été un des acteurs de l'intervention française : une intervention qui aura été saluée par sa rapidité, puisque quelques jours seulement après la tragédie, les premiers secours français arrivaient, les spécialistes de la sécurité civile étaient en place et les entreprises françaises apportaient les unités de potabilisation de l'eau, qui ont permis d'apporter une réponse immédiate à ce besoin essentiel des populations affectées. Mais le temps de l'urgence est derrière vous, même si je sais qu'il y a encore des problèmes douloureux pour les réfugiés, dont s'occupe activement le gouvernement vénézuélien. Il faut maintenant reconstruire, il faut aussi innover, il faut redessiner le paysage vénézuélien, redistribuer - c'est ce que nous disent vouloir les responsables - la population vénézuélienne pour éviter des concentrations excessives mais surtout un urbanisme qui, par son improvisation, portait en lui les risques qui se sont, hélas vérifiés.
Pour éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets, il faut reconstruire autrement. C'est là que l'expertise française, en matière d'aménagement du territoire, mais aussi d'urbanisme, de transport et d'énergie soit prête à se mobiliser, dès lors que les conditions juridiques, financières, bien évidemment, le permettront. Lorsque je parle financement, j'évoque, bien sûr, non seulement les aides bilatérales que les Etats peuvent consentir, mais surtout les concours financiers que les grandes institutions financières, dont c'est le rôle, peuvent apporter. C'est vrai de la Banque mondiale, c'est vrai de la Banque interaméricaine de développement, c'est vrai de l'Europe, toutes institutions auprès desquelles la France entend jouer un rôle positif pour mobiliser la solidarité en faveur du Venezuela, sachant que les autorités vénézuéliennes, elles-mêmes, attendent de nous, d'abord, capacités d'expertise, de réflexion, d'aide à la décision et que le Venezuela, fort heureusement, a les moyens aussi d'apporter sa contribution propre à cette reconstruction. Voilà ce qui ressort de ma visite. J'en retire la conviction que le peuple vénézuélien aura fait preuve d'un courage immense pendant cette période et qu'il est en train de commencer à cicatriser ses blessures. Il lui faudra du temps : nous sommes, s'il le veut bien, à ses côtés pour l'aider à rebâtir un autre avenir.
Q - Quand pensez-vous, que l'aide française pourra se concrétiser ? La France a-t-elle prévu une ligne spéciale pour le Venezuela ? Dans quels secteurs ?
R - S'agissant des secteurs dans lesquels les entreprises françaises pensent pouvoir apporter leur expertise, fruit de leur expérience et de leur présence internationale, je mentionnerai tout particulièrement :
- l'eau, car c'est probablement un des secteurs dans lesquels les entreprises françaises, qu'il s'agisse de distribution ou de traitement de l'eau sont parmi les meilleures au monde : on ne saurait oublier que ce sont des entreprises françaises qui assurent la gestion de l'eau dans plusieurs dizaines de très grandes villes au monde ;
- le transport, parce que, là aussi, qu'il s'agisse d'expertise en matière de construction de routes, d'autoroutes, de lignes de chemin de fer, de locomotives, je crois que la France est connue pour être l'un des pays les plus performants ;
- l'énergie, parce que là encore, nous avons une grande entreprise "Electricité de France" qui est probablement dans ce domaine l'une des plus importantes au monde et autour d'elle, des entreprises habituées depuis longtemps à fournir les équipements, les installations mais aussi les relais de gestion.
Ajoutons-y, et j'en oublie, il y a le téléphone, mais aussi nous avons quelques grandes entreprises qui sont spécialistes de ces techniques modernes d'échanges et de communications. Mais l'objectif n'était pas de faire la liste des entreprises. Je pourrais vous communiquer, c'est facile, la liste des entreprises qui faisaient partie de cette délégation et vous y verrez, justement, l'entreprise, par exemple, chargée des travaux publics. Nous savons bien que le dossier des travaux publics va être évidemment au premier rang de la reconstruction dont nous parlions à l'instant.
Je ne repars pas avec des dossiers tout faits. Je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui quelqu'un sache combien va coûter la reconstruction de la Guaira. Il n'est pas sûr qu'on sache de quel port on veut assurer la reconstruction ou pour quoi faire.
C'est dire qu'aujourd'hui, même s'il y a urgence, et je comprends l'impatience des Vénézuéliens, il est urgent de réfléchir à ce que l'on veut faire pour éviter de mal faire, pour éviter de reproduire des erreurs qui ont déjà causé tant de malheurs mais aussi pour profiter, en quelque sorte, de cette tragédie pour doter le Venezuela d'équipements qui soient réellement conformes à ses besoins.
Et je vois bien l'impatience, mais entre l'estimation globale faite par la CEPAL qui dit, en tout, trois milliards de dollars, c'est le chiffre global qui a été affiché et la déclinaison en projets précis sur le terrain, il faut un peu plus de temps de cela. Et ne croyez pas qu'on puisse inventer comme cela une solution, ce n'est pas vrai.
D'autres pays peuvent faire le choix d'une annonce financière et dire : "moi, j'annonce tant de millions de dollars" qui n'arrivent pas. Ils n'arrivent pas parce qu'il ne suffit pas d'annoncer les crédits : encore faut-il qu'il y ait une utilisation précise à ce crédit. Et si je peux, en répondant à votre question, aider à éviter la confusion entre l'argent annoncé et l'argent arrivé, alors j'en serais très satisfait car il y a là une vraie ambiguïté. A ce point que pour un peu, on dirait : "mais où est passé l'argent ?" Il a déjà été annoncé. Dans ce domaine, je le répète la France sait combien elle a déjà dépensé dans l'urgence. Elle sait déjà les premières expertises auxquelles elle a commencé à se livrer, autour du port de la Guaira, en envoyant des spécialistes. Sur le tracé des torrents et l'aménagement des cônes de déjection qui est un dossier tout-à-fait essentiel où là aussi nous avons déjà envoyé des spécialistes. En matière d'aménagement du territoire, pour commencer à réfléchir à ces villes nouvelles qu'il va falloir construire. Là, ça je peux vous le dire, c'est fait. Je peux vous dire combien nous allons payer et rapidement sur la reconstruction de Nuevo Guapo, parce que là nous avons fait le choix de nous en occuper directement. Mais, sur le point de savoir quels sont les investissements que les entreprises sont susceptibles de réaliser dans le cadre de la reconstruction et avec quels financements, pardonnez-moi, mais aujourd'hui, je ne suis pas capable de vous le dire, mais ce qui est sûr, c'est que vous en aurez des nouvelles dans le mois qui vient.
Je voudrais vous dire la certitude que les bons projets trouveront des financements. Le monde est assez riche pour cela. Nous avons commencé à travailler avec nos amis vénézuéliens, et en particulier, avec le ministre ou les ministres particulièrement chargés de ce dossier, je pense notamment à Carlos Genatios. Dans quelques jours à Bruxelles, une réunion est prévue qui va mobiliser sur le Venezuela, la Commission européenne, le Conseil des ministres européens. Je pense moi-même y représenter la France et là encore nous allons continuer à affiner en quelque sorte l'analyse et réunir les moyens financiers nécessaires mais, je pense que ces projets là ne peuvent évidemment pas faire oublier le besoin de répondre dans l'urgence aux situations que les dizaines de milliers de réfugiés rencontrent encore. Là aussi, la société civile se mobilise, les ONG sont au rendez-vous, parmi elles un certain nombre d'ONG françaises pour se livrer à des tâches diverses y compris l'appui psychologique aux enfants qui ont été traumatisés par ce qu'ils ont vécu. Ca fait aussi partie d'un appui qu'il est difficile de quantifier.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrais vous poser deux questions :
1) - Après vos entretiens avec les autorités vénézuéliennes, je voudrais savoir si, en repartant de Caracas, vous connaissez les grandes lignes du plan de reconstruction de l'Etat de Vargas.
2) - Vous avez évoqué, lors du bilan de votre visite, l'apport que la France et les institutions financières internationales seraient prêtes à consentir une fois les conditions juridiques et financières garanties. Pourriez-vous pouvez préciser ce que vous entendez par conditions juridiques et financières ?
R - A la deuxième question, je peux répondre : nous avons ce matin parlé de la signature d'un accord dont le nom exact est accord de protection des investissements, qui est en chantier depuis quelques mois et que, je l'espère, nous allons pouvoir signer très rapidement. Cet accord permettra aux entreprises françaises d'investir comme elles le souhaitent, non seulement dans la reconstruction, mais aussi, plus généralement, dans le développement du Venezuela : je ne voudrais pas que le dossier de la reconstruction, qui est évidemment le dossier le plus visible, fasse oublier la volonté de la France d'avoir une coopération dans la durée avec le Venezuela et bien après que nous aurons reconstruit. Il faudra que nos relations continuent à s'enrichir mutuellement et à s'intensifier. Nous voulons nous inscrire dans la durée. C'est un élément important.
En réponse à votre première question, bien sûr que les ministres que nous avons rencontrés nous ont dit comment ils voyaient l'avenir du Venezuela, en général et de cette région en particulier. Mais vous comprendrez que ce n'est pas à moi à dessiner, à la place des ministres compétents la carte de l'Etat de Vargas. Je ne voudrais pas qu'on puisse me reprocher de m'ingérer dans les affaires du Venezuela : la coopération, c'est tout le contraire de l'ingérence, c'est du partenariat. Vous comprendrez, donc, que je vous renvoie aux ministres compétents pour répondre à la première question.
***
Chers amis, vous connaissez le vieil adage : "jamais deux sans trois". C'était mon second voyage, il y en aura certainement au moins un troisième, j'espère qu'il y en aura davantage. Je voudrais dire mon espoir de revenir très vite, et d'observer les progrès sur le terrain. Je voudrais surtout redire ma confiance dans l'avenir du Venezuela.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mars 2000)
Entretien avec le quotidien vénézuelien "El Universal" le 20 mars :
Q - Quels sont les montants et la nature de l'aide que la France va apporter au Venezuela pour la reconstruction de Vargas ?
R - Cette question est une simplification du problème. Les choses ne se font pas de cette manière. Il y a des pays qui annoncent des chiffres énormes et deux ans après, aucun centime n'est encore parvenu au pays récipiendaire.
Q - Vous faites allusion aux Etats-Unis ?
R - Je le vérifie partout, sur tous les continents. On peut faire plaisir au moment de l'annonce mais ce n'est pas une manière pédagogique de convaincre les pays auxquels nous voulons manifester notre solidarité.
Il faut d'abord leur apprendre à exprimer leurs nécessités. De l'argent, pour quoi faire ? Pour reconstruire une ville, sans doute. Mais comment ? Comment éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ? Comment tirer parti de la reconstruction ? Que faire pour la distribution de l'eau et l'assainissement de l'environnement ? Comment gérer l'organisation des populations ? Voilà les conditions d'une construction cohérente et durable.
Q - Une aide conditionnelle.
R - Je sais ce que nous avons déjà apporté : des médicaments, des tentes, des vaccins, des couvertures. Les avions que nous avons envoyés depuis la France et la Martinique. Le travail des ONG. En tout, 235 MF ont été consacrés à l'aide d'urgence.
Q - Seulement l'aide d'urgence.
R - De plus en plus, l'aide se distribue à travers les organisations multilatérales. Nous payons nos contributions à ces organismes, de même qu'au FMI, à l'Union européenne : chaque fois que celle-ci fait un apport de fonds, la participation de la France est de l'ordre de 25% des sommes accordées. Mais nous, nous inscrivons les crédits lorsque les projets ont été évalués, après en avoir discuté entre partenaires.
Q - Est-ce que la France a déjà achevé l'évaluation ?
R - Non, pas encore, car nos spécialistes viennent, à peine, de terminer une étude sur le port de La Guaira. Je mets au défi quiconque de me dire combien va coûter la reconstruction de ce port, car on ne sait pas encore quel type de port on va construire.
On a pratiquement le même problème pour tout, hormis pour la construction d'ouvrages classiques telle la construction d'une nouvelle route ou d'un pont. La France travaille également dans l'identification des besoins, dans l'aménagement du territoire et dans la correction des torrents et des bassins versants. Ce dernier point est extrêmement important pour préserver les zones d'habitation, car les études sont formelles, il faut corriger ces couloirs.
Q - Le gouvernement vénézuélien n'a-t-il pas fait de projets ?
R - Une ville nouvelle ne se construit pas comme cela. Il faut choisir le lieu adéquat, déterminer la dimension de la superficie, prévoir les services. Je comprends parfaitement l'impatience des populations sinistrées, qui exigent une réponse immédiate à leurs problèmes mais en même temps, il est nécessaire de prendre le temps de la réflexion pour ne pas reconstruire à l'identique et prendre le risque de nouvelles catastrophes.
Q - Quel est le rôle de l'initiative privée française dans la reconstruction de Vargas ?
R - Quinze hommes d'affaires m'accompagnent, qui représentent une capacité de connaissance, d'expérience et de mobilisation de financements très importante. Mais pour reconstruire, il faut justifier les financements avec des taux d'intérêt qui doivent se négocier et là encore cela renvoie au marché et aux institutions internationales. L'un des intérêts de ma visite a été de permettre le dialogue entre les entreprises françaises et le président Chavez. Les entreprises françaises sont prêtes à venir, à condition qu'un certain nombre de conditions soient réunies en ce qui concerne l'environnement juridique et fiscal, de manière que l'on puisse mobiliser la confiance des marchés internationaux. Cela est une donnée très importante.
Q - Surtout parce qu'il existe de la méfiance à l'égard du Venezuela.
R - Précisément, c'est évident.
Q - A quoi attribuez-vous cette méfiance ?
R - Je crois que cela est dû au fait que le discours du président Chavez avait une connotation révolutionnaire, ce qui ne plaît jamais à l'establishment financier. Cette méfiance est due également à ce que son arrivée sur la scène politique vénézuélienne s'est faite au détriment d'une organisation politique plus traditionnelle, qui était l'interlocuteur habituel des milieux financiers internationaux. Et voilà qu'arrive un militaire, que l'on ne considère pas, dans ces milieux, comme un interlocuteur. Ajoutons aussi un discours très volontaire sur le partage, la lutte contre la pauvreté et la dénonciation de la corruption.
Q - Dénoncer la corruption mais non pas la punir.
R - Vous êtes mieux placé que moi pour savoir comment les choses se passent ici. Mais je sais aussi qu'entre l'intention de lutter contre la corruption et la réalité de la sanction, il y a tout l'espace qui sépare le commandement du terrain, avec tous les intermédiaires, toute la chaîne de commandement. Il faudra sans doute du temps pour mobiliser cette chaîne de commandement. On me dit que la volonté de lutter contre la corruption est réelle, mais, entre la Constitution, la loi, la décision du tribunal et la sanction, il y a toute l'épaisseur qui sépare une démocratie achevée d'une démocratie en reconstruction.
Q - Le gouvernement français ne partage-t-il pas la méfiance des secteurs financiers internationaux envers le Venezuela ?
R - Non, nous n'avons pas peur du gouvernement vénézuélien. Cela est clair.
Q - Vous ne pensez donc pas qu'il y a une tendance autoritaire chez le président Chavez ?
R - Il y a à peine un an qu'il est arrivé au pouvoir.
Q - Une année qui paraît un siècle.
R - Vous avez l'impression qu'il y a un siècle parce qu'il y a une extraordinaire impatience de la part de la population de voir se réaliser les promesses qui ont été faites, comme s'il suffisait de ce que Chavez gagne pour que ces promesses deviennent réalité. Paradoxalement, chaque élection est un moment douloureux pour la démocratie. Mais je serais tenté de vous dire, pour résumer la position française, que nous agissons sous le signe de la confiance et de la vigilance, parce que nous connaissons parfaitement les risques que porte en lui-même un régime arrivé au pouvoir en ces conditions, avec un soutien populaire considérable, qui, en lui-même peut entraîner quelques dangers. Confiance, vigilance, mais aussi exigence. Nous nous sentons proches des Vénézuéliens, nous nous sentons capables, autorisés, presque obligés à dire aux Vénézuéliens, très franchement et très directement, ce qui pourrait nous apparaître, ici ou là, comme une dérive, comme un faux pas.
Q - Quand vous évoquez les exigences, voulez-vous dire que l'on va établir des conditions déterminées pour accorder l'aide française : démocratie, refus de la concentration du pouvoir, renforcement des institutions ?
R - Une nouvelle Constitution a été adoptée à la majorité. La cruauté du temps a voulu que ce soit au moment même où la nature a frappé le Venezuela.
Q - Ce qui a conduit un hiérarque de l'Eglise à dire que c'était un châtiment de Dieu.
R - Je fais davantage confiance à Dieu qu'à l'Eglise pour reconnaître les siens. Mais, revenons à notre sujet, je dis qu'il y a une Constitution. Est-elle respectée ? Pour moi, c'est la seule condition. L'Etat de droit s'apprécie par rapport à la manière dont vit une Constitution. Nous coopérons avec la Chine, qui a une organisation démocratique quelque peu singulière. Mais les Etats-Unis le font également. Les exigences des populations nous obligent à intervenir pour soulager leurs souffrances immédiates mais nous le faisons aussi parce que nous sommes convaincus que c'est en coopérant avec ces pays que nous pourrons les attirer et les pousser vers une organisation démocratique plus semblable à celle que nous souhaitons pour eux. Il nous en a fallu du temps, à nous Français, pour arriver à un système d'alternance, qui fait l'admiration du monde.
Q - Vous avez fait remarquer qu'au sein de l'Union européenne, il existe des visions différentes sur le Venezuela et que lors de votre prochain voyage aux Etats-Unis, vous vous feriez l'avocat du Venezuela. N'allez-vous pas vous transformer en avocat du diable ?
R - L'avocat d'un pays dont la situation est depuis longtemps difficile et qui vient d'être durement frappé par une tragédie, ce qui nous oblige à lui manifester une plus grande compréhension. Mais je le répète : confiance, vigilance, exigence. La France a déjà eu l'occasion d'exprimer sa différence quant à la manière dont fonctionnent les institutions de Bretton Woods ou les Nations unies. Nous avons contribué à faire évoluer la sensibilité des dirigeants du FMI et de la Banque mondiale, pour éviter la dictature des indicateurs. La tendance observée dans ces organismes prend mieux en compte les droits sociaux, l'accès à la santé et à l'éducation.
Q - Quelle est la situation actuelle de M. Illich Ramirez Sanchez, dont le gouvernement vénézuélien essaie d'obtenir le transfert ?
R - Ilich Ramirez Sanchez a été jugé et condamné pour des crimes commis en France et actuellement on le traite comme un Français condamné pour les mêmes raisons.
Q - Existe-t-il des possibilités pour qu'il soit transféré au Venezuela ?
R. Cela n'est pas à l'ordre du jour.
Q - Parfois nous, les Latino-américains, nous percevons, surtout dans la gauche européenne et dans les secteurs dits progressistes, une sorte de romantisme au moment de porter un jugement sur ce qui se passe sur notre continent. Pendant très longtemps, la révolution cubaine a suscité un grand enthousiasme auprès des intellectuels français : or, à présent la réalité nous montre que ce romantisme était une erreur totale, que la révolution cubaine s'est achevée en dictature. Est-ce un regard de même nature que vous portez sur le Venezuela ?
R - Comparaison n'est pas raison, dit le proverbe français. Je ne porte pas non plus un jugement si négatif sur un pays qui donne, certes pas autant que je le souhaiterais, des signes de mouvement dignes d'être encouragés. Probablement Cuba s'est enfermée dans sa lutte contre les Etats-Unis, mais il est également vrai que les Etats Unis ont enfermé Cuba. Je voudrais bien que des pays dits démocratiques aient un tel accès à la santé, à l'éducation. En ce qui concerne les Droits de l'Homme, il n'y a pas seulement les droits politiques, il y a aussi les droits sociaux. Pour les pauvres, les droits sociaux comptent au moins autant que les droits politiques.
Q - Après quarante ans de révolution, il ne devrait plus y avoir de pauvres à Cuba.
R - Il n'y a pas un seul analphabète. Trouvez-moi les pays où il n'y a pas d'analphabètes. Je suis prêt à faire la comparaison avec toutes les autres démocraties formelles, pour le moins une centaine de pays au monde.
Q - A quoi sert-il de savoir lire si on peut seulement lire ce qu'autorise le régime ? Où est la liberté de choisir ?
R - Cela va permettre aux Cubains, le jour de ces ouvertures que vous et moi espérons, un superbe festin culturel./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2000)