Texte intégral
Q- J.-M. Aphatie-. Bonjour G. de Robien. Vous présenterez tout à l'heure lors d'une conférence de presse les règles du "permis probatoire", à partir du 1er mars prochain. Les nouveaux conducteurs n'auront que 6 points sur leur permis de conduire, au lieu des 12 traditionnels. Les 6 autres, ils les auront au bout de deux ou trois ans, s'ils ne commettent pas d'infraction durant cette période, justement appelée "période probatoire." Quel but poursuivez-vous avec cette réforme, G. de Robien ?
R- " Démontrer d'abord que la conduite automobile, ça n'est pas automatique. Lorsqu'on a son permis, on n'est pas forcément un conducteur chevronné, même si on a pris beaucoup de leçons, même si on croit avoir une certaine pratique dans son jardin ou autour de sa pelouse. Je crois vraiment qu'il y a une progressivité dans l'apprentissage et dans la formation de la conduite. Cette progressivité, c'est tout au long de la vie, dès l'enfance, puisque vous savez que, dès l'école primaire, on peut remettre des attestations de "première sécurité routière", puis le "brevet de sécurité routière", puis "la conduite accompagnée." Et après la conduite accompagnée, on peut passer le permis, avec certaines facilités d'ailleurs. Quand on a fait une conduite accompagnée, avant le permis, la période du permis probatoire, si on l'obtient, n'est que de deux ans, au lieu de trois ans. Ensuite on obtient le permis. Donc deux ans ou trois ans pendant lesquels on n'a que six points. Et donc c'est une période "d'apprentissage prolongé" on va dire, de la conduite automobile. "
Q- Une incitation à la prudence et on voit qu'il y a de quoi faire parce que, par exemple en janvier, les chiffres de la Sécurité routière ne sont pas bons. Il y a plus d'accidents corporels, par rapport en janvier 2004 par rapport à janvier 2003.
R- " Il y a deux morts de plus en janvier 2004 par rapport à janvier 2003. "
Q- Et plus de 7 % de plus d'accidents corporels.
R- " Et plus 4,9 % d'accidents corporels, de blessés, et ceci, évidemment, nous interpelle, alors qu'on était habitué depuis dix-huit mois à une baisse continue. Il faut reconnaître une chose, c'est que janvier 2003 avait traduit une baisse tout à fait exceptionnelle, puisqu'il y avait eu 34 % de moins en janvier 2003 par rapport à janvier 2002. Néanmoins, on aurait préféré que janvier 2004 traduise la prolongation d'une baisse continue depuis dix-huit mois. Donc c'est pour nous une sorte d'avertissement. On n'en fait pas encore assez pour la sécurité routière. On n'en fait pas encore assez pour la formation, pour le permis de conduire, et en même temps aussi pour la répression, parce que tout est mélangé bien sûr, tout est complémentaire, et donc nous allons accentuer à travers le permis probatoire - je pense l'apprentissage. On en verra les résultats à court et à moyen terme, mais probablement à moyen terme, le permis probatoire. Je pense que l'arrivée des mille radars aussi en France invitera les conducteurs à être beaucoup moins rapides encore sur les routes. Et puis il y aura beaucoup de contrôles en ce qui concerne l'alcoolémie, parce que ça encore c'est un fléau qui entraîne beaucoup de tués. "
Q- A l'autre bout de l'échelle, vous réfléchissez aussi à la situation des conducteurs âgés. Une commission a été mise en place dans ce but-là au ministère de la Santé. Elle préconise aux pouvoirs publics, donc à vous Gilles de Robien, d'interdire - par exemple entre autres mesures - aux plus de 75 ans d'utiliser leur véhicule à plus de 50 kilomètres de chez eux. C'est une bonne mesure ?
R- " Non, j'ai lu ça dans un journal mais c'est absolument inexact. Complètement inexact. "
Q- Que la commission le propose ?
R- " Complètement inexact. Complètement inexact. Je remarque une chose : c'est que les personnes, dites âgées, à partir de 75 ans, ont deux fois moins - 1,9, presque deux fois moins - d'accidents que les autres ! Donc on ne va certainement pas cibler, prendre des mesures particulières pour des gens qui ont moins d'accidents que les autres ! "
Q- Même la visite médicale dont on avait parlé pour les plus 75 ans ?
R- " Si on installe la visite médicale, moi je souhaite que ce soit pour tout le monde ! Parce qu'on peut être à trente ans, ou à quarante ans, en défaut de réflexes. On peut avoir un défaut de vision, on peut avoir un défaut d'audition. Et donc si on prend vraiment des mesures médicales, de contrôle médical, je pense que c'est tout au long de la vie. Et puis si on cherche les tranches d'âges qui ont le plus d'accidents, eh bien ce sont les jeunes. Ils représentent à peu près 15 ou 16 % je crois de la pyramide des âges. Ils ont deux fois plus d'accidents que la pyramide des âges ne leur en donnerait si c'était étalé. C'est-à-dire qu'ils représentent 30% des accidents corporels, 30 % des tués. Ce n'est pas acceptable. C'est donc vis-à-vis des jeunes qu'il faut faire des efforts considérables. Le permis probatoire y aide, mais il y a aussi des mesures qui sont à prendre en direction des jeunes. "
Q- Et donc vous réfléchissez à une visite médicale pour tout le monde, y compris pour les jeunes.
R- " Pour tout le monde. Et par exemple les cyclomoteurs aussi. Vous savez que l'immatriculation va être acquise en juillet 2004. Comme il y a beaucoup de jeunes en cyclomoteur, on espère aussi avoir une baisse de l'hécatombe des jeunes, surtout de ceux qui ont des deux-roues. "
Q- Je voudrais vous soumettre cette réflexion que tenait J.-P. Soisson. Lundi, il était à votre place : "c'est une succession de petites mesures, de mesures qui paraissent sans importance, depuis les radars, aux mesures sans tabac, aux mesures contre l'alcool, qui créent un mécontentement qui au bout du compte favorise le Front national." Qu'est-ce que vous pensez de cette analyse, G. de Robien ?
R- " Je ne suis pas du tout d'accord avec J.-P. Soisson ! C'est au contraire des mesures comme ça qui permettent de vivre ensemble de façon plus harmonieuse. C'est des mesures comme ça qui permettent de sauver des vies humaines. C'est peut-être des mesures comme celles-là qui nous permettent de nous retrouver autour d'une table, dans un studio, parce qu'on est encore en vie, parce qu'on n'est pas blessé. Et dire qu'économiser des vies humaines, que d'avoir moins de blessés dans les hôpitaux, que d'avoir une route apaisée fait monter le Front national, non. Je crois que tout ce qui apaise au contraire, c'est une manière de vivre qui, au lieu de créer des tensions, au contraire , apaise ces tensions, et ne favorise pas les extrémismes. "
Q- Ca ne fait pas baisser le Front national. On le voit aux sondages.
R- " Je pense que si le Front national monte ou baisse, selon les sondages, c'est pour bien d'autres raisons : des insatisfactions, des amertumes ou autre chose mais certainement pas les mesures en tout cas en faveur de la route apaisée, et des mesures contre la violence routière. Ça, je n'y crois pas ! Je pense que quand on regarde les sondages - je crois les sondages dans ce cas - il y a une très grande majorité des Français qui sont favorables aux mesures, qu'elles soient préventives ou coercitives, en faveur de la prévention routière. "
Q- "On t'aime Alain, reste avec nous Alain." Est-ce que vous n'en avez pas fait beaucoup, G. de Robien, dans la majorité autour d'A. Juppé de sa condamnation ?
R- " "Fait beaucoup." Ca veut dire quoi ? "
Q- En faire trop.
R- " Vous savez que je n'étais pas au congrès UMP, et je n'y étais pas convié d'ailleurs puisque je suis UDF et par conséquent que les amis d'A. Juppé, de sa famille politique lui demandent de rester après toute l'histoire qu'ils ont déjà vécue ensemble depuis des décennies, avec, on va dire le "dévouement" d'A. Juppé en faveur de sa famille politique, qu'il y ait des liens affectifs qui se soient créés, très forts, entre les militants et le président, ça n'est pas pour m'étonner ! "
Q- Une voix manquait quand même au concert de louanges envers A. Juppé. Vous savez laquelle ?
R- " Vous allez me le dire. "
Q- F. Bayrou, le président de l'UDF. On ne l'a pas entendu. Rien du tout.
R- " Au concert d'A. Juppé, c'était l'UMP. Je ne vois pas ce que F. Bayrou aurait fait au congrès de l'UMP. "
Q- Non, non, mais pendant toute la semaine, F. Bayrou : rideau, silence, rien !
R- " Vous savez, certains ont reproché d'avoir été trop louangeurs vis-à-vis d'A. Juppé, d'autres d'avoir été agressifs par rapport à A. Juppé. Je pense qu'il y a aussi une autre attitude, qui est celle de la dignité, qui est de se taire quand il y a un peu de polémique qui tourne autour d'une décision de justice. "
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 février 2004)