Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Chers Amis,
De mémoire de congressiste, c'est la première fois qu'un Premier ministre nous fait l'honneur de conclure les travaux d'un congrès de la FNSEA. Au nom de tous les responsables, de tous les paysans réunis ici, au nom de tous les adhérents de la FNSEA, je vous remercie de votre participation à nos travaux.
Vous êtes, Monsieur le Premier ministre, issu d'une famille agricole et votre père vous a guidé dans les arcanes de la défense professionnelle et de la prise de responsabilités.
Vous nous connaissez bien, nous vous connaissons bien. Dans la considération et le respect mutuel, vous savez que je vais vous tenir un discours franc, sans concession : un discours de responsable, qui s'adresse à vous au nom des paysans de France.
Monsieur le Premier ministre, le moral n'y est plus et les campagnes se désespèrent. Gel, inondations, sécheresse, crises à répétition, augmentation des charges, baisses du revenu : voilà ce que nous engrangeons depuis de trop nombreuses années.
Et comme si cela ne suffisait pas, s'y ajoutent une désastreuse réforme de la PAC et des négociations internationales dominées par un libéralisme débridé.
Dans ces conditions, il faut être un syndicaliste bien trempé pour réfléchir à l'avenir et donner des perspectives aux paysans.
La France est la première puissance agricole européenne. En quarante ans, résolument Européens, les paysans ont participé à la construction de la politique agricole commune.
Une PAC qui a permis de développer, de structurer, d'organiser l'agriculture, au point d'en faire le " pétrole vert " de notre pays.
La France ne peut pas accepter une Union européenne qui n'aurait plus d'ambition agricole. Notre pays doit défendre sa pôle position agricole et agro-alimentaire, en Europe et dans le monde. Ayons une attitude offensive, comme d'autres puissances agricoles qui n'ont pas de complexe à défendre leur position.
Vous n'entendez jamais le Président américain dire qu'il va baisser la garde sur son agriculture. Et regardez l'activisme de Lula pour nous vendre son modèle brésilien au nom des pays en développement.
Mais, au sein de l'Union, les partisans d'une Europe agricole puissante, véritable modèle de développement à promouvoir, sont devenus minoritaires.
De réforme en remise en cause, la PAC n'est plus que l'ombre d'elle-même. D'élargissement en élargissement, la sensibilité agricole s'est étiolée. Aujourd'hui, que veut la majorité des Etats ?
En forçant à peine le trait, on pourrait dire qu'elle veut se débarrasser de l'agriculture et se contenter d'importations à bas prix. C'est l'indépendance alimentaire de l'Europe qui est en danger. Et nous paysans, on voudrait nous cantonner au rang de simples jardiniers ! C'est une perspective inconcevable pour nous.
L'agriculture est une activité spécifique qui ne peut être banalisée. Nos fermes ne sont pas délocalisables.
Ainsi, malgré nos avertissements et nos mises en garde, l'irrémédiable a été consommé.
Que reste-t-il de la PAC après la réforme de Luxembourg ? Qu'en restera-t-il à l'issue des débats sur les perspectives financières et les négociations à l'OMC ?
Certes, la croissance de notre économie n'est pas encore suffisante pour nous donner de grandes marges de manuvre.
Certes, nous avons atteint un endettement record qui compromet l'avenir.
Certes, la voie est étroite entre ceux qui ne veulent pas payer plus, ceux qui considèrent leurs avantages comme acquis, et ceux qui réclament beaucoup.
Ce n'est pas une raison pour accepter un financement de l'Union européenne au rabais. Il faut de l'ambition et ne pas se contenter de contributions plafonnées à 1 % du Produit Intérieur Brut. Nous savons qu'à moins de 1,14 %, les dépenses agricoles seront la variable d'ajustement. Et ce seront les paysans qui devront assurer le financement du développement rural.
C'est hors de question ! Monsieur le Premier Ministre, la France doit s'engager résolument pour donner les moyens à l'Europe.
Venons-en aux négociations internationales. La conclusion du cycle de Doha, à la fin de cette année à Hong Kong, nous inquiète beaucoup.
Pour justifier une totale libéralisation des échanges, on invoque le développement des pays les moins avancés. C'est un prétexte d'une rare hypocrisie. Il n'y a pas de moyen plus sûr et plus rapide pour tuer tout espoir de progrès pour ces pays.
Refusons cette pensée unique du tout libéral. Ne nous laissons pas laminer par une mondialisation effrénée : l'agriculture ne sera pas le textile !
Monsieur le Premier ministre, il faut sauver la préférence communautaire. Sans quoi, nous pouvons faire une croix sur la PAC, mais aussi sur notre union douanière. L'Europe sera une vaste zone de libre-échange. Je dirais même plus : l'Europe ne sera plus qu'une simple zone de libre-échange.
Face à de tels enjeux, le pouvoir politique doit reprendre ses droits sur une commission omniprésente et omnipotente. La démocratie doit l'emporter sur la bureaucratie !
Monsieur le Premier ministre, dites-nous quelles sont les ambitions de la France pour l'Europe. Une Europe qui est riche de ses expériences et de sa culture, une Europe qui est puissante quand elle donne à chacun les moyens de se réaliser et de se développer !
Après Bruxelles, Genève, Doha, Hong Kong, revenons à Paris. Et là, il existe une activité qui semble rapporter : battre le pavé !
Depuis plusieurs mois, c'est une occupation qui se développe et qui permet de trouver ici et là quelques millions d'euros pour satisfaire des revendications.
Monsieur le Premier ministre, ne nous encouragez pas à en faire autant pour obtenir des moyens budgétaires et financiers à la hauteur de nos ambitions et des missions du ministère de l'agriculture
Nos ambitions, nous les avons exprimées dans notre rapport d'orientation. Nous vous proposons le contenu d'une loi d'orientation qui donne des repères et des perspectives aux agriculteurs.
Au début des années 60, nos prédécesseurs avaient eu le courage et la détermination de fixer des objectifs d'envergure à l'agriculture française.
Le but affiché alors était celui du développement des productions basé sur des exploitations familiales à 2 UTH. Les outils ont été mis en uvre. La France a obtenu aussi un consensus européen autour de ce projet avec la mise en place de la PAC.
Les succès ont été au rendez-vous. La révolution silencieuse s'est mise en marche.
Aujourd'hui, le contexte a profondément changé. La donne européenne et internationale n'est plus la même ; la société, devenue en majorité urbaine, affirme des besoins et des attentes nouvelles ; l'agriculture française est moderne, puissante, structurée.
Voilà pourquoi l'enjeu majeur pour les vingt prochaines années, c'est la pérennité des exploitations agricoles en tant qu'entreprises. Désormais, le défi est plus de maintenir des unités performantes sur l'ensemble du territoire que d'organiser un développement des productions.
Il nous faut donc réunir les moyens de conserver une agriculture française compétitive, performante et conquérante. Une agriculture qui répond aux attentes de la société et joue pleinement son rôle économique et social sur l'ensemble du territoire.
Monsieur le Premier ministre, la France a la chance d'avoir un climat et des sols propices à la production agricole, des femmes et des hommes formés et compétents. Ne gâchons pas cette chance. Gardons notre bon sens, en nous rappelant que l'agriculture et l'agro-alimentaire sont les piliers de notre développement rural et de la vie de nos territoires, un des meilleurs résultats de notre commerce extérieur.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est reconnaître qu'à côté de sa valeur patrimoniale, il y a une valeur économique, conséquence du travail, de la compétence et de l'ingéniosité du paysan.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est assurer sa transmission à sa valeur économique, favoriser le renouvellement des générations par l'installation des jeunes.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est lui donner les moyens de se moderniser. Le plan bâtiment est un bon exemple. Faites en autant pour les autres productions. Et renforcez la politique de bonification pour qu'elle garde tout son intérêt.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est reconnaître que comme toute entreprise, elle doit trouver l'essentiel de ses revenus sur les marchés.
Vouloir reconnaître et pérenniser l'exploitation, c'est lui donner les moyens de s'insérer dans une filière où sa production sera valorisée. C'est enfin promouvoir de nouveaux débouchés non alimentaires pour nos productions : ne reproduisons pas pour les biocarburants les erreurs du dossier protéines en son temps.
Nous attendons vos objectifs 2010 pour permettre dès maintenant la programmation des investissements.
Mais, donner des marges de manuvre à nos exploitations, reconnaître leurs caractéristiques de petites entreprises ne signifient pas que la FNSEA aurait soudainement cédé aux sirènes du libéralisme. Nous sommes des entrepreneurs. Nous restons des paysans. Nous tenons aux outils d'encadrement qui sont indispensables pour investir et travailler dans la durée.
C'est particulièrement vrai pour notre politique des structures : le foncier est aujourd'hui objet de tant de convoitises que l'agriculture ne pourrait pas se passer d'instruments de régulation.
Organisation et intervention aussi dans le domaine économique. L'obtention de prix rémunérateurs passe par l'organisation, la traçabilité, l'étiquetage, les signes de qualité.
Monsieur le Premier ministre, nous préférons gérer les marchés que gérer les crises. Il est devenu insupportable d'être sans cesse bloqués avec pour seule raison, ce mot qui est froid comme l'acier : non-euro-compatible.
Appliquons intelligemment les textes communautaires et à défaut de vouloir se présenter comme les meilleurs élèves de la classe, soyons les plus astucieux. Soyons aussi sans complexe pour mettre les moyens nécessaires à la promotion de nos produits à l'étranger : comment comprendre que nous réduisons la voilure alors que nos principaux concurrents envoient le spi ?
Autre cheval de bataille pour nous : la commercialisation de nos produits. Monsieur le Premier ministre, il est temps de moraliser les pratiques de la grande distribution.
Sa logique est implacable : des prix toujours plus bas, des profits toujours plus élevés ! On ne peut pas nous demander plus de sécurité, plus de qualité, plus d'environnement, plus de bien-être animal avec des prix toujours plus bas.
Si rien n'est fait, la marge arrière se transformera en marche arrière pour des milliers d'entreprises et des dizaines de milliers de producteurs et de salariés. Il y a quelques années, le mammouth écrasait les prix. Maintenant, il écrase les producteurs. Et tout cela pour faire, paraît-il, le bonheur du consommateur, dont on oublie qu'il est aussi le contribuable.
Monsieur le Premier ministre, nous connaissons votre engagement et votre détermination sur cette question. Je vous demande de ne pas fléchir.
La responsabilité du gouvernement français est aussi directement engagée sur nos charges d'exploitations. Il en va là encore, de la compétitivité de nos entreprises. Dans notre rapport d'orientation, nous avons défini nos priorités que j'ai rappelées hier au ministre de l'agriculture.
Je voudrais insister sur deux points :
D'abord, vous devez alléger la fiscalité qui pèse sur les exploitations. La FNSEA attend dans les meilleurs délais la suppression de la Taxe sur le Foncier Non Bâti, annoncée par le Président de la République lui-même.
Et face au coût de l'énergie qui ne cesse de grimper, il faut reconduire le remboursement de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers, première étape avant sa suppression totale. Enfin, nous réclamons une amélioration significative de la déduction fiscale pour aléas.
Deuxième priorité : le coût du travail.
L'emploi agricole et agro-alimentaire en France, c'est 1,7 million de salariés répartis sur tout le territoire. Sans remettre aucunement en cause le progrès social, expliquez-moi comment nous pouvons faire face à une hausse cumulée du SMIC de 22,5 % en 3 ans, avec des prix à la baisse.
De nombreuses entreprises employeurs de main-d'uvre sont à bout de souffle, d'autant plus qu'elles subissent des distorsions insupportables.
On ne sait pas assez que les charges salariales varient de 1 à 8 au sein de l'Union européenne. Il faut trouver rapidement des ajustements pour alléger les coûts salariaux dans les exploitations.
Enfin, sur la question de l'emploi, la FNSEA entend être présente et reconnue en tous lieux comme représentative des employeurs agricoles.
Dans trop d'instances, nous n'avons encore que des strapontins alors que l'agriculture doit être reconnue à part entière comme les secteurs des services, du commerce et de l'industrie.
Monsieur le Premier ministre, j'ai voulu appeler votre attention sur quelques points essentiels. J'aurais pu en évoquer bien d'autres.
Mon propos, aujourd'hui, c'est de vous dire que la FNSEA croit encore pour demain à une agriculture vivante, prospère, compétitive, ancrée dans tous nos territoires et liée à une industrie agro-alimentaire innovante et performante.
Recherche, développement, innovation : voilà trois mots-clés qui doivent nous permettre de préparer l'avenir, dans l'indépendance et la performance.
Les seuls combats perdus d'avance sont ceux qui n'ont pas été livrés. Vous voyez notre détermination, nous ne baisserons pas les bras de sitôt.
Il ne faut pas oublier que l'agriculture, au-delà des productions, ce sont d'abord et avant tout des femmes et des hommes qui s'engagent, qui prennent des risques et veulent vivre passionnément de leur métier. Toujours mieux formés et informés, présents sur tout le territoire, ils attendent des investissements collectifs afin de ne pas être écartés de la modernité.
Les agriculteurs aujourd'hui veulent de meilleures conditions de vie et de travail, leur permettant d'avoir du temps libre et d'accéder à la culture et aux loisirs. Comme tout le monde, ils doivent pouvoir partir en vacances.
Les paysans et le monde rural ont besoin de services publics et de services au public tout aussi efficaces qu'en milieu urbain. Ces thèmes sont votre " dada ". Faites en surtout votre cheval de bataille.
Enfin, il faut tordre le cou à tous les procès que certains font aux paysans qui seraient pollueurs et fournisseurs de produits de qualité douteuse.
Des efforts considérables ont été engagés et portent leurs fruits : sensibilisation de l'aval, mise en uvre et reconnaissance de l'agriculture raisonnée.
Notre engagement environnemental est total, notre implication dans le développement durable est indiscutable : c'est cela qui doit être mis en valeur.
Vous êtes un homme de la campagne : expliquez à vos ministres et à votre administration que les prédateurs ne font pas bon ménage avec la brebis et l'agneau.
Merci, Monsieur le Premier ministre, de nous avoir honorés de votre présence. Nous savons le nombre d'arbitrages favorables dont nous avons été l'objet de votre part. Il y en aura sûrement d'autres dont nous aurons besoin.
Le soutien des pouvoirs publics dans leur ensemble nous est nécessaire pour préparer cet avenir que nous appelons de nos vux.
Dans un pays qui accueille plus de touristes qu'il n'a d'habitants, 'oublions pas, que la France est belle parce qu'elle est cultivée.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.fnsea.fr, le 5 avril 2005)
Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Chers Amis,
De mémoire de congressiste, c'est la première fois qu'un Premier ministre nous fait l'honneur de conclure les travaux d'un congrès de la FNSEA. Au nom de tous les responsables, de tous les paysans réunis ici, au nom de tous les adhérents de la FNSEA, je vous remercie de votre participation à nos travaux.
Vous êtes, Monsieur le Premier ministre, issu d'une famille agricole et votre père vous a guidé dans les arcanes de la défense professionnelle et de la prise de responsabilités.
Vous nous connaissez bien, nous vous connaissons bien. Dans la considération et le respect mutuel, vous savez que je vais vous tenir un discours franc, sans concession : un discours de responsable, qui s'adresse à vous au nom des paysans de France.
Monsieur le Premier ministre, le moral n'y est plus et les campagnes se désespèrent. Gel, inondations, sécheresse, crises à répétition, augmentation des charges, baisses du revenu : voilà ce que nous engrangeons depuis de trop nombreuses années.
Et comme si cela ne suffisait pas, s'y ajoutent une désastreuse réforme de la PAC et des négociations internationales dominées par un libéralisme débridé.
Dans ces conditions, il faut être un syndicaliste bien trempé pour réfléchir à l'avenir et donner des perspectives aux paysans.
La France est la première puissance agricole européenne. En quarante ans, résolument Européens, les paysans ont participé à la construction de la politique agricole commune.
Une PAC qui a permis de développer, de structurer, d'organiser l'agriculture, au point d'en faire le " pétrole vert " de notre pays.
La France ne peut pas accepter une Union européenne qui n'aurait plus d'ambition agricole. Notre pays doit défendre sa pôle position agricole et agro-alimentaire, en Europe et dans le monde. Ayons une attitude offensive, comme d'autres puissances agricoles qui n'ont pas de complexe à défendre leur position.
Vous n'entendez jamais le Président américain dire qu'il va baisser la garde sur son agriculture. Et regardez l'activisme de Lula pour nous vendre son modèle brésilien au nom des pays en développement.
Mais, au sein de l'Union, les partisans d'une Europe agricole puissante, véritable modèle de développement à promouvoir, sont devenus minoritaires.
De réforme en remise en cause, la PAC n'est plus que l'ombre d'elle-même. D'élargissement en élargissement, la sensibilité agricole s'est étiolée. Aujourd'hui, que veut la majorité des Etats ?
En forçant à peine le trait, on pourrait dire qu'elle veut se débarrasser de l'agriculture et se contenter d'importations à bas prix. C'est l'indépendance alimentaire de l'Europe qui est en danger. Et nous paysans, on voudrait nous cantonner au rang de simples jardiniers ! C'est une perspective inconcevable pour nous.
L'agriculture est une activité spécifique qui ne peut être banalisée. Nos fermes ne sont pas délocalisables.
Ainsi, malgré nos avertissements et nos mises en garde, l'irrémédiable a été consommé.
Que reste-t-il de la PAC après la réforme de Luxembourg ? Qu'en restera-t-il à l'issue des débats sur les perspectives financières et les négociations à l'OMC ?
Certes, la croissance de notre économie n'est pas encore suffisante pour nous donner de grandes marges de manuvre.
Certes, nous avons atteint un endettement record qui compromet l'avenir.
Certes, la voie est étroite entre ceux qui ne veulent pas payer plus, ceux qui considèrent leurs avantages comme acquis, et ceux qui réclament beaucoup.
Ce n'est pas une raison pour accepter un financement de l'Union européenne au rabais. Il faut de l'ambition et ne pas se contenter de contributions plafonnées à 1 % du Produit Intérieur Brut. Nous savons qu'à moins de 1,14 %, les dépenses agricoles seront la variable d'ajustement. Et ce seront les paysans qui devront assurer le financement du développement rural.
C'est hors de question ! Monsieur le Premier Ministre, la France doit s'engager résolument pour donner les moyens à l'Europe.
Venons-en aux négociations internationales. La conclusion du cycle de Doha, à la fin de cette année à Hong Kong, nous inquiète beaucoup.
Pour justifier une totale libéralisation des échanges, on invoque le développement des pays les moins avancés. C'est un prétexte d'une rare hypocrisie. Il n'y a pas de moyen plus sûr et plus rapide pour tuer tout espoir de progrès pour ces pays.
Refusons cette pensée unique du tout libéral. Ne nous laissons pas laminer par une mondialisation effrénée : l'agriculture ne sera pas le textile !
Monsieur le Premier ministre, il faut sauver la préférence communautaire. Sans quoi, nous pouvons faire une croix sur la PAC, mais aussi sur notre union douanière. L'Europe sera une vaste zone de libre-échange. Je dirais même plus : l'Europe ne sera plus qu'une simple zone de libre-échange.
Face à de tels enjeux, le pouvoir politique doit reprendre ses droits sur une commission omniprésente et omnipotente. La démocratie doit l'emporter sur la bureaucratie !
Monsieur le Premier ministre, dites-nous quelles sont les ambitions de la France pour l'Europe. Une Europe qui est riche de ses expériences et de sa culture, une Europe qui est puissante quand elle donne à chacun les moyens de se réaliser et de se développer !
Après Bruxelles, Genève, Doha, Hong Kong, revenons à Paris. Et là, il existe une activité qui semble rapporter : battre le pavé !
Depuis plusieurs mois, c'est une occupation qui se développe et qui permet de trouver ici et là quelques millions d'euros pour satisfaire des revendications.
Monsieur le Premier ministre, ne nous encouragez pas à en faire autant pour obtenir des moyens budgétaires et financiers à la hauteur de nos ambitions et des missions du ministère de l'agriculture
Nos ambitions, nous les avons exprimées dans notre rapport d'orientation. Nous vous proposons le contenu d'une loi d'orientation qui donne des repères et des perspectives aux agriculteurs.
Au début des années 60, nos prédécesseurs avaient eu le courage et la détermination de fixer des objectifs d'envergure à l'agriculture française.
Le but affiché alors était celui du développement des productions basé sur des exploitations familiales à 2 UTH. Les outils ont été mis en uvre. La France a obtenu aussi un consensus européen autour de ce projet avec la mise en place de la PAC.
Les succès ont été au rendez-vous. La révolution silencieuse s'est mise en marche.
Aujourd'hui, le contexte a profondément changé. La donne européenne et internationale n'est plus la même ; la société, devenue en majorité urbaine, affirme des besoins et des attentes nouvelles ; l'agriculture française est moderne, puissante, structurée.
Voilà pourquoi l'enjeu majeur pour les vingt prochaines années, c'est la pérennité des exploitations agricoles en tant qu'entreprises. Désormais, le défi est plus de maintenir des unités performantes sur l'ensemble du territoire que d'organiser un développement des productions.
Il nous faut donc réunir les moyens de conserver une agriculture française compétitive, performante et conquérante. Une agriculture qui répond aux attentes de la société et joue pleinement son rôle économique et social sur l'ensemble du territoire.
Monsieur le Premier ministre, la France a la chance d'avoir un climat et des sols propices à la production agricole, des femmes et des hommes formés et compétents. Ne gâchons pas cette chance. Gardons notre bon sens, en nous rappelant que l'agriculture et l'agro-alimentaire sont les piliers de notre développement rural et de la vie de nos territoires, un des meilleurs résultats de notre commerce extérieur.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est reconnaître qu'à côté de sa valeur patrimoniale, il y a une valeur économique, conséquence du travail, de la compétence et de l'ingéniosité du paysan.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est assurer sa transmission à sa valeur économique, favoriser le renouvellement des générations par l'installation des jeunes.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est lui donner les moyens de se moderniser. Le plan bâtiment est un bon exemple. Faites en autant pour les autres productions. Et renforcez la politique de bonification pour qu'elle garde tout son intérêt.
Vouloir pérenniser et consolider l'exploitation, c'est reconnaître que comme toute entreprise, elle doit trouver l'essentiel de ses revenus sur les marchés.
Vouloir reconnaître et pérenniser l'exploitation, c'est lui donner les moyens de s'insérer dans une filière où sa production sera valorisée. C'est enfin promouvoir de nouveaux débouchés non alimentaires pour nos productions : ne reproduisons pas pour les biocarburants les erreurs du dossier protéines en son temps.
Nous attendons vos objectifs 2010 pour permettre dès maintenant la programmation des investissements.
Mais, donner des marges de manuvre à nos exploitations, reconnaître leurs caractéristiques de petites entreprises ne signifient pas que la FNSEA aurait soudainement cédé aux sirènes du libéralisme. Nous sommes des entrepreneurs. Nous restons des paysans. Nous tenons aux outils d'encadrement qui sont indispensables pour investir et travailler dans la durée.
C'est particulièrement vrai pour notre politique des structures : le foncier est aujourd'hui objet de tant de convoitises que l'agriculture ne pourrait pas se passer d'instruments de régulation.
Organisation et intervention aussi dans le domaine économique. L'obtention de prix rémunérateurs passe par l'organisation, la traçabilité, l'étiquetage, les signes de qualité.
Monsieur le Premier ministre, nous préférons gérer les marchés que gérer les crises. Il est devenu insupportable d'être sans cesse bloqués avec pour seule raison, ce mot qui est froid comme l'acier : non-euro-compatible.
Appliquons intelligemment les textes communautaires et à défaut de vouloir se présenter comme les meilleurs élèves de la classe, soyons les plus astucieux. Soyons aussi sans complexe pour mettre les moyens nécessaires à la promotion de nos produits à l'étranger : comment comprendre que nous réduisons la voilure alors que nos principaux concurrents envoient le spi ?
Autre cheval de bataille pour nous : la commercialisation de nos produits. Monsieur le Premier ministre, il est temps de moraliser les pratiques de la grande distribution.
Sa logique est implacable : des prix toujours plus bas, des profits toujours plus élevés ! On ne peut pas nous demander plus de sécurité, plus de qualité, plus d'environnement, plus de bien-être animal avec des prix toujours plus bas.
Si rien n'est fait, la marge arrière se transformera en marche arrière pour des milliers d'entreprises et des dizaines de milliers de producteurs et de salariés. Il y a quelques années, le mammouth écrasait les prix. Maintenant, il écrase les producteurs. Et tout cela pour faire, paraît-il, le bonheur du consommateur, dont on oublie qu'il est aussi le contribuable.
Monsieur le Premier ministre, nous connaissons votre engagement et votre détermination sur cette question. Je vous demande de ne pas fléchir.
La responsabilité du gouvernement français est aussi directement engagée sur nos charges d'exploitations. Il en va là encore, de la compétitivité de nos entreprises. Dans notre rapport d'orientation, nous avons défini nos priorités que j'ai rappelées hier au ministre de l'agriculture.
Je voudrais insister sur deux points :
D'abord, vous devez alléger la fiscalité qui pèse sur les exploitations. La FNSEA attend dans les meilleurs délais la suppression de la Taxe sur le Foncier Non Bâti, annoncée par le Président de la République lui-même.
Et face au coût de l'énergie qui ne cesse de grimper, il faut reconduire le remboursement de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers, première étape avant sa suppression totale. Enfin, nous réclamons une amélioration significative de la déduction fiscale pour aléas.
Deuxième priorité : le coût du travail.
L'emploi agricole et agro-alimentaire en France, c'est 1,7 million de salariés répartis sur tout le territoire. Sans remettre aucunement en cause le progrès social, expliquez-moi comment nous pouvons faire face à une hausse cumulée du SMIC de 22,5 % en 3 ans, avec des prix à la baisse.
De nombreuses entreprises employeurs de main-d'uvre sont à bout de souffle, d'autant plus qu'elles subissent des distorsions insupportables.
On ne sait pas assez que les charges salariales varient de 1 à 8 au sein de l'Union européenne. Il faut trouver rapidement des ajustements pour alléger les coûts salariaux dans les exploitations.
Enfin, sur la question de l'emploi, la FNSEA entend être présente et reconnue en tous lieux comme représentative des employeurs agricoles.
Dans trop d'instances, nous n'avons encore que des strapontins alors que l'agriculture doit être reconnue à part entière comme les secteurs des services, du commerce et de l'industrie.
Monsieur le Premier ministre, j'ai voulu appeler votre attention sur quelques points essentiels. J'aurais pu en évoquer bien d'autres.
Mon propos, aujourd'hui, c'est de vous dire que la FNSEA croit encore pour demain à une agriculture vivante, prospère, compétitive, ancrée dans tous nos territoires et liée à une industrie agro-alimentaire innovante et performante.
Recherche, développement, innovation : voilà trois mots-clés qui doivent nous permettre de préparer l'avenir, dans l'indépendance et la performance.
Les seuls combats perdus d'avance sont ceux qui n'ont pas été livrés. Vous voyez notre détermination, nous ne baisserons pas les bras de sitôt.
Il ne faut pas oublier que l'agriculture, au-delà des productions, ce sont d'abord et avant tout des femmes et des hommes qui s'engagent, qui prennent des risques et veulent vivre passionnément de leur métier. Toujours mieux formés et informés, présents sur tout le territoire, ils attendent des investissements collectifs afin de ne pas être écartés de la modernité.
Les agriculteurs aujourd'hui veulent de meilleures conditions de vie et de travail, leur permettant d'avoir du temps libre et d'accéder à la culture et aux loisirs. Comme tout le monde, ils doivent pouvoir partir en vacances.
Les paysans et le monde rural ont besoin de services publics et de services au public tout aussi efficaces qu'en milieu urbain. Ces thèmes sont votre " dada ". Faites en surtout votre cheval de bataille.
Enfin, il faut tordre le cou à tous les procès que certains font aux paysans qui seraient pollueurs et fournisseurs de produits de qualité douteuse.
Des efforts considérables ont été engagés et portent leurs fruits : sensibilisation de l'aval, mise en uvre et reconnaissance de l'agriculture raisonnée.
Notre engagement environnemental est total, notre implication dans le développement durable est indiscutable : c'est cela qui doit être mis en valeur.
Vous êtes un homme de la campagne : expliquez à vos ministres et à votre administration que les prédateurs ne font pas bon ménage avec la brebis et l'agneau.
Merci, Monsieur le Premier ministre, de nous avoir honorés de votre présence. Nous savons le nombre d'arbitrages favorables dont nous avons été l'objet de votre part. Il y en aura sûrement d'autres dont nous aurons besoin.
Le soutien des pouvoirs publics dans leur ensemble nous est nécessaire pour préparer cet avenir que nous appelons de nos vux.
Dans un pays qui accueille plus de touristes qu'il n'a d'habitants, 'oublions pas, que la France est belle parce qu'elle est cultivée.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.fnsea.fr, le 5 avril 2005)