Texte intégral
La célébration du centenaire du parti socialiste est tout sauf un acte convenu, un exercice académique. C'est un acte politique qui consiste, pour un mouvement comme le nôtre, à savoir d'où il vient pour mieux fixer là où il veut aller.
Il s'agit sûrement de notre Histoire, celle des socialistes depuis 100 ans, de leur diversité, de leur action ; il s'agit essentiellement de nos valeurs, de notre identité et de notre avenir. Nous sommes en présence, témoins et acteurs, avec le Parti socialiste -et quoiqu'on puisse penser de lui- d'une aventure collective, humaine, politique qui a marqué, marque et marquera encore la vie de notre pays.
Ce parti a connu des épopées (unité du Parti, Front populaire, Libération, victoires de Mai 1981, de Juin 1997...), a vécu des douleurs (guerres qu'il n'a pas pu empêcher, de celles auxquelles il a participé -on a parlé de la décolonisation et épreuves du pouvoir qui font, à chaque fois, douter de l'utilité d'y parvenir).
C'est donc le moment, 100 ans, que nous avons choisi pour revenir sur nous-mêmes mais aussi sur la politique en France, dès lors que notre parti joue, depuis plusieurs décennies, un rôle décisif dans la gauche et dans le pays. Nous sommes la force principale de la gauche et, sur les 25 dernières années, nous avons gouverné la France durant 15 ans.
C'est donc l'occasion à la fois de porter un regard authentique sur un siècle d'histoire et de tirer les leçons pour affronter les temps présents et prononcer une promesse d'avenir.
Avons-nous fait, dans le siècle qui vient de s'écouler, les choix nécessaires ? Est-ce que, au-delà des manques que nous avons constatés ou des sujets de fierté que nous proclamons, nous avons pris au bon moment les bonnes décisions ? Nous pouvons saluer l'uvre accomplie, par cinq générations de socialistes, depuis 1905, depuis ce fameux Congrès du Globe des 23/24 et 25 avril. Ainsi, Jaurès a eu raison, au péril de sa vie, d'anticiper et de combattre la perspective du cataclysme politique et humain du conflit militaire de 14/18. Ce conflit qui, au-delà des 10 millions de morts, a enfanté, d'une certaine manière, le fascisme et le nazisme des années 30 et 40 à l'Ouest, et le totalitarisme à l'Est et ce jusqu'au début des années 90.
Léon Blum a, à juste titre, clamé, en 1920, dans un geste prémonitoire face au communisme, que la liberté individuelle et collective ne se marchandait pas, que la fin ne pouvait justifier les moyens. Il a ainsi posé plus qu'un acte de résistance, un acte de lucidité et de courage qui nous sert encore de boussole aujourd'hui de référence et de boussole. Léon Blum et la SFIO ont eu raison d'accepter la responsabilité du pouvoir, c'est ce qui a permis les congés payés, la réduction du temps de travail, les grandes conventions collectives... c'est-à-dire la capacité, pour les socialistes, de respecter à la fois leurs engagements et d'occuper l'Etat. Daniel Mayer a eu raison de tenir bon dans la Résistance. Les socialistes ont aussi pu contribuer avec d'autres (communistes et gaullistes) à restaurer la République et à reconstruire le pays. Ils ont été largement associés au pacte social et républicain, dont nous défendons encore aujourd'hui les principes face aux attaques de la droite.
Certes, il y a eu la période de la SFIO de 1947 à 1958 -période dans la guerre froide, période difficile- où il est commode de pointer un doigt accusateur. Cette sévérité est légitime. Mais, elle ne doit pas se confondre avec l'injustice vis-à-vis d'une action d'ensemble qui a permis une rapide reconstruction, un vrai progrès social et a engagé le pays dans la construction européenne. Ce fut le résistant et le déporté Christian Pineau qui signa pour la France le premier Traité de Rome. Et, aujourd'hui, lorsque nous défendons le Traité constitutionnel -y compris dans ce qu'il reprend des traités antérieurs- sachons bien que le Premier Traité, celui de Rome, fut signé par un socialiste.
À Epinay, en juin 71 avec François Mitterrand, ils ont assumé un double pari : celui de leur unité et celui de l'union de la gauche autour d'un programme commun de gouvernement. Ces paris ont été gagnés et de quelle façon le 10 mai 1981. Cette stratégie, qui vaut encore sous d'autres formes aujourd'hui, a permis à la gauche non seulement de gouverner dans la durée, mais de réformer profondément. Sans elle, pas d'abolition de la peine de mort, pas de retraite à 60 ans, par de libération des ondes ou de retour de la culture comme première priorité, pas de décentralisation, pas davantage d'instauration du RMI. Et, en 1995 puis en 1997, avec Lionel Jospin, nous avons eu raison de rassembler la gauche d'une autre façon, d'une façon qui n'avait jamais été aussi large, puisque cela allait au-delà du Parti communiste (les Verts et tous ceux qui voulaient se reconnaître dans ce changement). Rassemblement large, trop large, dont le délitement est l'une des raisons de notre échec de 2002. Mais, n'oublions pas là encore, ce que pour cette génération, les progrès furent imposants : création d'emplois, 35 heures puis Couverture Maladie Universelle. A chaque étape, chaque génération de socialistes a contribué au progrès.
Dans ce siècle, nous nous sommes approchés du pouvoir pendant plusieurs décennies. Nous l'avons occupé fugitivement, quelques mois, quelques années, pour l'exercer pleinement sans jamais y rester plus d'une législature. Nous avons, à chaque fois, fait avancer des réformes, changer profondément la donne, construit des acquis sur lesquels la droite peine heureusement à revenir. Mais, nous avons à chaque fois -parce que c'est la démocratie- laissé la place et ce qui doit être aujourd'hui l'enjeu pour les socialistes, ce n'est pas simplement de gouverner, mais de gouverner durablement.
Dans cette longue histoire, chaque génération a été amenée à affronter des problèmes récurrents qui font sans doute la singularité du socialisme français. Le siècle des socialistes a été marqué par une double tension : l'aspiration à l'unité et la tentation de la diversité ; le désir de pouvoir et le délice de la protestation.
Ce couple (unité/diversité, pouvoir/protestation), comme l'on dirait de forces en physique, est encore à l'uvre aujourd'hui. C'est de notre capacité collective à dépasser cette tension-là, c'est-à-dire à la surmonter que dépendra l'avenir du Parti socialiste et l'alternance en France ainsi que ses formes.
1/ - La tension entre unité et diversité
La diversité est dans la culture même du socialisme, dans ses origines théoriques, dans son rapport à l'Etat, dans la multiplicité de ses inspirations, dans les parcours de ses dirigeants, dans ses singularités locales ou régionales.
Toute son histoire est marquée par des affrontements de personnes (qui sont d'ailleurs le lot de toutes les organisations humaines, même les plus petites !), mais aussi par de vraies confrontations dont les figures les plus emblématiques n'étaient -en fait- que des révélations de forces :
Jaurès contre Guesde, ce n'était pas seulement un problème de direction du Parti, c'était un problème de choix stratégique sur ce que doit être le socialisme ; Le débat Blum/Cachin n'était pas simplement de savoir qui, au lendemain de la première guerre mondiale, devait décider du sort du socialisme, c'est un choix essentiel pour savoir si nous gardons la liberté ou si nous en faisons l'occultation ; Le débat entre Blum, Paul Faure, Pivert, Déat, marque là encore une volonté d'être fidèle à soi-même de la part de Blum ; Et le débat Mayer/Mollet n'est pas un débat que l'on pourrait réduire simplement à une question de direction plus à gauche ou non du Parti, c'est un choix de conception aussi du socialisme. De la même manière, il y a eu plus tard le débat entre la première et la deuxième gauche qui a permis ensuite des synthèses.
Et encore aujourd'hui, sans que je n'ai besoin de donner des noms, chacun voit quel est l'enjeu ; il ne se réduit pas à des positions personnelles, il se manifeste d'abord par des orientations stratégiques et des choix qui peuvent peser pour longtemps dans la vie de notre parti.
Cette diversité, lorsqu'elle a été mal maîtrisée, a toujours produit l'échec, et parfois pire, a conduit à des séparations qui ont été sans lendemain pour ceux qui se sont éloignés. L'expérience le prouve : il n'y a pas d'avenir en dehors du Parti socialiste. Pour des socialistes qui se veulent socialistes, ils n'ont qu'un parti, c'est le Parti socialiste.
En revanche, l'unité est le socle sur lequel se bâtissent toutes les victoires : 1905, 1936, 1981, 1997. Cette unité est toujours une volonté. Jaurès disait " Notre parti semble coupé en deux et les méfiances surabondent. Et pourtant, je garde la conviction que l'unité socialiste se fera ". " Cette unité, elle ne peut s'imposer par patriotisme de parti ", c'est-à-dire une méthode qui consisterait à écarter le débat de peur de ne pouvoir le surmonter. L'unité se construit toujours sur une synthèse autour d'une dynamique majoritaire, c'est-à-dire d'un vote, d'une démocratie interne, d'une orientation voulue par les militants et d'un rassemblement qui se fait autour d'elle. C'est ainsi que le respect de la majorité -comme des minorités- est assuré. Le vote n'est pas simplement une manière, pour la majorité, d'imposer sa direction sur l'ensemble du parti, l'organisation du vote est ce qui permet à tous les socialistes d'être représentés, d'exister dans leur parti en fonction des droits et des devoirs qui leur ont été confiés par les militants. Le vote pour le choix de nos orientations, pour nos congrès, pour la désignation de nos candidats à tous les niveaux est le principe essentiel sur lequel il ne peut pas y avoir d'exception. C'est la raison pour laquelle il faut rappeler aujourd'hui la nécessité de faire voter dans le parti et de respecter les choix des militants.
Enfin, l'unité des socialistes est toujours la condition du rassemblement de la gauche. Elle ne le garantit pas. On l'a vu en 1978 ou en 2002. Mais, elle en est toujours le préalable, car c'est la cohérence qui aimante. Le débat pour l'unité fait le combat pour l'union. En revanche, la division à l'intérieur crée la suspicion à l'extérieur. Le doute fractionne.
Ainsi, chaque fois que le Parti socialiste a jeté le trouble, par ses controverses, sur la pertinence de sa propre ligne, il a donné prise à ses concurrents à gauche pour briser l'union ou pour s'en écarter. Et il s'est ainsi éloigné du pouvoir et a privé les Français de l'alternance espérée.
L'unité des socialistes est la condition du rassemblement de la gauche et le rassemblement de la gauche est la condition d'une victoire de l'alternance. Tel est aujourd'hui le mandat qui nous est confié.
2/ - La tension entre pouvoir et protestation
Le PS a entretenu tout au long du siècle un rapport ambigu avec le pouvoir.
D'un côté, il est le but avoué de son action, l'instrument nécessaire de ses intentions transformatrices. Sa démarche électorale et parlementaire, puis présidentielle depuis 1965, n'a pas d'autre sens. Et, quand les socialistes parviennent au pouvoir, ils y prennent vite ses habitudes, voire même pour certains des aisances. Et, très rapidement, le soupçon d'illégitimité tombe au point d'ailleurs, à tort, de laisser identifier notre parti comme un parti de gouvernement comme les autres.
De l'autre, le pouvoir d'Etat est toujours vécu au PS comme le risque de l'échec, de la peur de la coupure voire la crainte de la trahison. N'est-ce pas Léon Blum qui, en 1942, déclarait " n'avoir jamais recherché le pouvoir et en avoir détourné son parti aussi longtemps que cela a paru possible " ! À la peur de ne pas être à la hauteur des espérances s'ajoute la mauvaise conscience d'abord communiste -aujourd'hui gauchiste- d'une collusion avec le système établi, le marché, la mondialisation. La tentation protestataire et l'exigence de rupture peuvent avoir des fondements qui nous éloignent non pas du pouvoir mais du rôle qui doit être le nôtre de changer le cours des choses.
Cette ambiguïté peut tourner, dans certaines périodes, à la schizophrénie : encrage à gauche dans l'opposition ; navigation à la godille au pouvoir. Ce double discours, au prétexte fallacieux de coller à l'électorat, loin de régler la crise du politique l'entretient, la nourrit même. C'est pourquoi il y a, dans l'histoire du Parti socialiste, une autre leçon à tirer : c'est en étant nous-mêmes que nous sommes fidèles à notre électorat ; ce n'est pas en suivant tel ou tel mouvement d'opinion, telle ou telle croyance, tel ou tel pronostic que nous pouvons atteindre nos objectifs, c'est d'abord en étant socialistes, en fonction des engagements que nous avons pris et des orientations que nous nous sommes données.
Il faut donc en finir avec la mythologie de la conquête du pouvoir qui serait pure et son exercice qui ne le serait plus. Le compromis avec le réel n'est pas la compromission de l'idéal.
Il ne s'agit pas simplement de théoriser une pratique, mais d'assumer ce rapport au pouvoir pour se donner les moyens de réformer durablement. Il ne s'agit pas de modérer nos intentions ou de verser dans l'accompagnement du marché ou de la société. Au contraire, il s'agit de faire bon usage de la volonté et de la vérité autour d'un contrat clair avec le pays. Ça ne garantit pas mécaniquement le succès, mais cela autorise toujours sa possibilité et surtout la durée de l'action réformatrice.
Ainsi, après 100 ans de vie -j'allais dire de vie commune, mais n'exagérons rien ; nous n'étions pas là au départ et nous ne serons pas là à l'arrivée- nous sommes passés de l'expression impatiente d'une exigence sociale dans la République à la volonté de maîtriser un capitalisme mondialisé. Dans ce moment, le Parti socialiste doit affirmer clairement son identité pour les années qui viennent :
Le PS est un parti de gouvernement, mais pas seulement un parti d'alternance. La gauche n'est pas là pour gérer au mieux les affaires, mais pour transformer au plus loin le prétendu ordre des choses ;
Le PS reconnaît l'économie de marché, mais est un anti-libéralisme, puisqu'il fait prévaloir les valeurs de solidarité, d'égalité, de préparation de l'avenir sur les critères de rentabilité ou le profit ;
Le PS a vocation à représenter une très large part de la société ; il n'a pas à choisir entre catégories populaires et classes moyennes. Il porte en lui-même des thèmes fédérateurs : Education, logement, emploi, environnement... qui garantissent précisément la vie en commun. Et il exprime des aspirations individuelles qui dépassent les statuts sociaux : liberté, le droit des femmes, la lutte contre les discriminations, laïcité, culture, écologie... ;
Le PS est internationaliste et c'est à l'échelle du monde que le combat pour la répartition des richesses, le développement durable, la paix doit être mené. Quand je vois -ici ou ailleurs- que l'on se méfie déjà de pays qui viendraient nous rejoindre, que l'on craint un certains nombre d'investissements ailleurs que chez nous, que l'on a peur pour notre propre travail -à raison sans doute-, mais est-ce que c'est l'image qu'un socialiste peut donner. Pour nous, la conception internationaliste ne conduit-elle pas justement non pas à s'ouvrir dans n'importes quelles conditions, mais à accueillir des pays et d'abord ceux qui ont été séparés de nous par la dictature soviétique, qui ont été privés pendant des années de liberté et de prospérité et qui nous demandent accueil, non pas hospitalité mais égalité de droits et de devoirs. En tant qu'internationaliste, je participe de ce combat européen ; je reconnais l'élargissement, l'unification de l'Europe comme le prolongement même de notre combat. Et, l'engagement européen s'inscrit dans cette perspective, autour d'un compromis assumé et d'une alliance avec l'ensemble des partis socialistes européens. Nous appartenons à une famille plus large, même si notre histoire, nos traditions, nos conditions politiques sont différentes. 100 ans de socialisme, c'est 100 ans de socialisme avec d'autres, c'est 100 ans d'internationalisme.
Alain Bergounioux a évoqué les caractéristiques originales du socialisme français dans l'introduction de notre réunion, à savoir un parti qui ne représente pas à lui seul toute la gauche politique et un parti insuffisamment en prise sur la vie sociale, et notamment avec le syndicalisme.
L'avenir du PS dépend de la manière avec laquelle il sera capable de dépasser ces handicaps :
Le premier est politique : le Parti socialiste est devenu, depuis 1981, la composante principale de la gauche. Cette position dominante s'est renforcée avec les élections de 2004. Il est le plus fort à gauche, mais il ne peut pas gagner seul. Dès lors, il porte une double responsabilité :
Fixer une ligne mobilisatrice et crédible pour toute la gauche. Son projet est en effet la base à partir de laquelle un accord de gouvernement est possible avec tous ceux qui acceptent la responsabilité du pouvoir. De nous dépend la ligne future de ce gouvernement.
Respecter ses partenaires autour d'un contrat de législature permettant une vraie solidarité dans l'action et l'exercice d'une responsabilité collective dans la durée. C'est ce que j'appelle la gauche durable. L'objectif n'est pas de gagner simplement une élection, mais la suivante, de vaincre le syndrome du socialisme français.
Le second est social : On ne refait pas l'Histoire. Et notamment celle du syndicalisme français. Le Parti socialiste n'est pas un parti social-démocrate au sens d'une formation politique disposant d'une relation privilégiée avec un mouvement syndical puissant. Cette configuration spécifique a conduit le PS à privilégier l'action étatique à la négociation et la loi sur le contrat.
Le syndicalisme s'est lui-même construit dans un rapport soit de délégation conflictuelle, soit de concurrence ombrageuse. Rarement de partenariat. Cette situation explique, pour partie, nos difficultés au pouvoir et la faiblesse du syndicalisme.
Le réformisme a besoin d'un nouveau mode de relation entre la gauche et les acteurs sociaux (syndicats, associations, mouvements...) respectueux de l'autonomie, ne confondant pas les rôles, mais permettant une élaboration commune de propositions et un partage des responsabilités pour les mettre en uvre. La démocratie sociale devient, dès lors, une réforme qui conditionne notre propre réussite et non pas seulement le dialogue social dans notre pays. Il ne peut pas y avoir de gauche durable s'il n'y a pas une démocratie politique rénovée et une démocratie sociale vivante.
Pour toutes ces raisons, il faut être prêts. Prêts, cela veut d'abord dire autour d'un projet avec les socialistes ; prêts à gouverner avec d'autres ; prêts à dialoguer d'ores et déjà avec ceux qui veulent avancer sur des propositions et des progrès pour l'avenir.
CONCLUSION
Telles sont, après 100 ans de luttes, de réussites et parfois de déceptions, d'espérance et de désillusions, les leçons qu'il faut tirer de notre histoire commune.
Le combat n'est pas plus difficile à mener qu'hier car il n'y a pas d'âge d'or. La mondialisation d'aujourd'hui, c'est le mur de l'argent d'hier et les marchés imposaient déjà leur loi -le cartel des gauches est tombé sous le coup du mur de l'argent, le Front populaire est tombé avec les dévaluations et la Banque de France résistant autant que possible pour mettre le gouvernement du Front populaire en situation d'échec et les dévaluations des années 80 ! Finalement, la plus belle conquête de la gauche c'est l'euro ; cela permet même de protéger les gouvernements de droite de leur incompétence ! La régulation internationale doit être le prolongement des régulations nationales du XXe Siècle.
Il n'est pas moins mobilisateur. Des progrès considérables ont été acquis. D'autres nous attendent :
La République jusqu'au bout ; nous en sommes loin avec un partage inégal des pouvoirs ;
La citoyenneté éclairée, alors qu'il y a tant à faire sur l'Education, la Recherche, la culture ;
Le progrès partagé, alors que nous maîtrisons péniblement la science, la technologie et que nous ne la diffusons que peu au service du plus grand nombre ;
L'égalité des destins ; qui peut dire aujourd'hui qu'elle est garantie ?
Le développement durable de la planète.
Le doute sur la politique étant déjà présent dès le siècle dernier, l'anti-parlementarisme, la méfiance à l'égard des politiques, la surenchère des extrêmes, le populisme Tout cela mine la démocratie depuis qu'elle existe. Cela fait partie du combat qui est le nôtre : donner espoir, donner confiance, dire la vérité et être fidèles à nous-mêmes.
Avoir confiance en nous-mêmes, en nos idées, en nos valeurs, en notre identité si nous l'assumons, en notre démarche, tel est le combat des socialistes, sans cesse répété, inlassablement renouvelé, inéluctablement reproduit. C'est la marche vers un horizon qui paraît se dérober à mesure que l'on s'en approche.
C'est pour cet idéal-là, cette utopie possible, que des générations de militants ont donné leur temps, leur talent et parfois leur vie en ayant conscience de participer à un mouvement qui n'appartient plus à un siècle, mais à l'histoire de l'humanité.
C'est à ceux-là, à ces anonymes, à ces socialistes que je veux rendre hommage pour leur dire que la responsabilité qui est aujourd'hui la nôtre est encore plus grande, compte tenu de tout ce qu'ils ont fait pour nous.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 26 avril 2005)
Il s'agit sûrement de notre Histoire, celle des socialistes depuis 100 ans, de leur diversité, de leur action ; il s'agit essentiellement de nos valeurs, de notre identité et de notre avenir. Nous sommes en présence, témoins et acteurs, avec le Parti socialiste -et quoiqu'on puisse penser de lui- d'une aventure collective, humaine, politique qui a marqué, marque et marquera encore la vie de notre pays.
Ce parti a connu des épopées (unité du Parti, Front populaire, Libération, victoires de Mai 1981, de Juin 1997...), a vécu des douleurs (guerres qu'il n'a pas pu empêcher, de celles auxquelles il a participé -on a parlé de la décolonisation et épreuves du pouvoir qui font, à chaque fois, douter de l'utilité d'y parvenir).
C'est donc le moment, 100 ans, que nous avons choisi pour revenir sur nous-mêmes mais aussi sur la politique en France, dès lors que notre parti joue, depuis plusieurs décennies, un rôle décisif dans la gauche et dans le pays. Nous sommes la force principale de la gauche et, sur les 25 dernières années, nous avons gouverné la France durant 15 ans.
C'est donc l'occasion à la fois de porter un regard authentique sur un siècle d'histoire et de tirer les leçons pour affronter les temps présents et prononcer une promesse d'avenir.
Avons-nous fait, dans le siècle qui vient de s'écouler, les choix nécessaires ? Est-ce que, au-delà des manques que nous avons constatés ou des sujets de fierté que nous proclamons, nous avons pris au bon moment les bonnes décisions ? Nous pouvons saluer l'uvre accomplie, par cinq générations de socialistes, depuis 1905, depuis ce fameux Congrès du Globe des 23/24 et 25 avril. Ainsi, Jaurès a eu raison, au péril de sa vie, d'anticiper et de combattre la perspective du cataclysme politique et humain du conflit militaire de 14/18. Ce conflit qui, au-delà des 10 millions de morts, a enfanté, d'une certaine manière, le fascisme et le nazisme des années 30 et 40 à l'Ouest, et le totalitarisme à l'Est et ce jusqu'au début des années 90.
Léon Blum a, à juste titre, clamé, en 1920, dans un geste prémonitoire face au communisme, que la liberté individuelle et collective ne se marchandait pas, que la fin ne pouvait justifier les moyens. Il a ainsi posé plus qu'un acte de résistance, un acte de lucidité et de courage qui nous sert encore de boussole aujourd'hui de référence et de boussole. Léon Blum et la SFIO ont eu raison d'accepter la responsabilité du pouvoir, c'est ce qui a permis les congés payés, la réduction du temps de travail, les grandes conventions collectives... c'est-à-dire la capacité, pour les socialistes, de respecter à la fois leurs engagements et d'occuper l'Etat. Daniel Mayer a eu raison de tenir bon dans la Résistance. Les socialistes ont aussi pu contribuer avec d'autres (communistes et gaullistes) à restaurer la République et à reconstruire le pays. Ils ont été largement associés au pacte social et républicain, dont nous défendons encore aujourd'hui les principes face aux attaques de la droite.
Certes, il y a eu la période de la SFIO de 1947 à 1958 -période dans la guerre froide, période difficile- où il est commode de pointer un doigt accusateur. Cette sévérité est légitime. Mais, elle ne doit pas se confondre avec l'injustice vis-à-vis d'une action d'ensemble qui a permis une rapide reconstruction, un vrai progrès social et a engagé le pays dans la construction européenne. Ce fut le résistant et le déporté Christian Pineau qui signa pour la France le premier Traité de Rome. Et, aujourd'hui, lorsque nous défendons le Traité constitutionnel -y compris dans ce qu'il reprend des traités antérieurs- sachons bien que le Premier Traité, celui de Rome, fut signé par un socialiste.
À Epinay, en juin 71 avec François Mitterrand, ils ont assumé un double pari : celui de leur unité et celui de l'union de la gauche autour d'un programme commun de gouvernement. Ces paris ont été gagnés et de quelle façon le 10 mai 1981. Cette stratégie, qui vaut encore sous d'autres formes aujourd'hui, a permis à la gauche non seulement de gouverner dans la durée, mais de réformer profondément. Sans elle, pas d'abolition de la peine de mort, pas de retraite à 60 ans, par de libération des ondes ou de retour de la culture comme première priorité, pas de décentralisation, pas davantage d'instauration du RMI. Et, en 1995 puis en 1997, avec Lionel Jospin, nous avons eu raison de rassembler la gauche d'une autre façon, d'une façon qui n'avait jamais été aussi large, puisque cela allait au-delà du Parti communiste (les Verts et tous ceux qui voulaient se reconnaître dans ce changement). Rassemblement large, trop large, dont le délitement est l'une des raisons de notre échec de 2002. Mais, n'oublions pas là encore, ce que pour cette génération, les progrès furent imposants : création d'emplois, 35 heures puis Couverture Maladie Universelle. A chaque étape, chaque génération de socialistes a contribué au progrès.
Dans ce siècle, nous nous sommes approchés du pouvoir pendant plusieurs décennies. Nous l'avons occupé fugitivement, quelques mois, quelques années, pour l'exercer pleinement sans jamais y rester plus d'une législature. Nous avons, à chaque fois, fait avancer des réformes, changer profondément la donne, construit des acquis sur lesquels la droite peine heureusement à revenir. Mais, nous avons à chaque fois -parce que c'est la démocratie- laissé la place et ce qui doit être aujourd'hui l'enjeu pour les socialistes, ce n'est pas simplement de gouverner, mais de gouverner durablement.
Dans cette longue histoire, chaque génération a été amenée à affronter des problèmes récurrents qui font sans doute la singularité du socialisme français. Le siècle des socialistes a été marqué par une double tension : l'aspiration à l'unité et la tentation de la diversité ; le désir de pouvoir et le délice de la protestation.
Ce couple (unité/diversité, pouvoir/protestation), comme l'on dirait de forces en physique, est encore à l'uvre aujourd'hui. C'est de notre capacité collective à dépasser cette tension-là, c'est-à-dire à la surmonter que dépendra l'avenir du Parti socialiste et l'alternance en France ainsi que ses formes.
1/ - La tension entre unité et diversité
La diversité est dans la culture même du socialisme, dans ses origines théoriques, dans son rapport à l'Etat, dans la multiplicité de ses inspirations, dans les parcours de ses dirigeants, dans ses singularités locales ou régionales.
Toute son histoire est marquée par des affrontements de personnes (qui sont d'ailleurs le lot de toutes les organisations humaines, même les plus petites !), mais aussi par de vraies confrontations dont les figures les plus emblématiques n'étaient -en fait- que des révélations de forces :
Jaurès contre Guesde, ce n'était pas seulement un problème de direction du Parti, c'était un problème de choix stratégique sur ce que doit être le socialisme ; Le débat Blum/Cachin n'était pas simplement de savoir qui, au lendemain de la première guerre mondiale, devait décider du sort du socialisme, c'est un choix essentiel pour savoir si nous gardons la liberté ou si nous en faisons l'occultation ; Le débat entre Blum, Paul Faure, Pivert, Déat, marque là encore une volonté d'être fidèle à soi-même de la part de Blum ; Et le débat Mayer/Mollet n'est pas un débat que l'on pourrait réduire simplement à une question de direction plus à gauche ou non du Parti, c'est un choix de conception aussi du socialisme. De la même manière, il y a eu plus tard le débat entre la première et la deuxième gauche qui a permis ensuite des synthèses.
Et encore aujourd'hui, sans que je n'ai besoin de donner des noms, chacun voit quel est l'enjeu ; il ne se réduit pas à des positions personnelles, il se manifeste d'abord par des orientations stratégiques et des choix qui peuvent peser pour longtemps dans la vie de notre parti.
Cette diversité, lorsqu'elle a été mal maîtrisée, a toujours produit l'échec, et parfois pire, a conduit à des séparations qui ont été sans lendemain pour ceux qui se sont éloignés. L'expérience le prouve : il n'y a pas d'avenir en dehors du Parti socialiste. Pour des socialistes qui se veulent socialistes, ils n'ont qu'un parti, c'est le Parti socialiste.
En revanche, l'unité est le socle sur lequel se bâtissent toutes les victoires : 1905, 1936, 1981, 1997. Cette unité est toujours une volonté. Jaurès disait " Notre parti semble coupé en deux et les méfiances surabondent. Et pourtant, je garde la conviction que l'unité socialiste se fera ". " Cette unité, elle ne peut s'imposer par patriotisme de parti ", c'est-à-dire une méthode qui consisterait à écarter le débat de peur de ne pouvoir le surmonter. L'unité se construit toujours sur une synthèse autour d'une dynamique majoritaire, c'est-à-dire d'un vote, d'une démocratie interne, d'une orientation voulue par les militants et d'un rassemblement qui se fait autour d'elle. C'est ainsi que le respect de la majorité -comme des minorités- est assuré. Le vote n'est pas simplement une manière, pour la majorité, d'imposer sa direction sur l'ensemble du parti, l'organisation du vote est ce qui permet à tous les socialistes d'être représentés, d'exister dans leur parti en fonction des droits et des devoirs qui leur ont été confiés par les militants. Le vote pour le choix de nos orientations, pour nos congrès, pour la désignation de nos candidats à tous les niveaux est le principe essentiel sur lequel il ne peut pas y avoir d'exception. C'est la raison pour laquelle il faut rappeler aujourd'hui la nécessité de faire voter dans le parti et de respecter les choix des militants.
Enfin, l'unité des socialistes est toujours la condition du rassemblement de la gauche. Elle ne le garantit pas. On l'a vu en 1978 ou en 2002. Mais, elle en est toujours le préalable, car c'est la cohérence qui aimante. Le débat pour l'unité fait le combat pour l'union. En revanche, la division à l'intérieur crée la suspicion à l'extérieur. Le doute fractionne.
Ainsi, chaque fois que le Parti socialiste a jeté le trouble, par ses controverses, sur la pertinence de sa propre ligne, il a donné prise à ses concurrents à gauche pour briser l'union ou pour s'en écarter. Et il s'est ainsi éloigné du pouvoir et a privé les Français de l'alternance espérée.
L'unité des socialistes est la condition du rassemblement de la gauche et le rassemblement de la gauche est la condition d'une victoire de l'alternance. Tel est aujourd'hui le mandat qui nous est confié.
2/ - La tension entre pouvoir et protestation
Le PS a entretenu tout au long du siècle un rapport ambigu avec le pouvoir.
D'un côté, il est le but avoué de son action, l'instrument nécessaire de ses intentions transformatrices. Sa démarche électorale et parlementaire, puis présidentielle depuis 1965, n'a pas d'autre sens. Et, quand les socialistes parviennent au pouvoir, ils y prennent vite ses habitudes, voire même pour certains des aisances. Et, très rapidement, le soupçon d'illégitimité tombe au point d'ailleurs, à tort, de laisser identifier notre parti comme un parti de gouvernement comme les autres.
De l'autre, le pouvoir d'Etat est toujours vécu au PS comme le risque de l'échec, de la peur de la coupure voire la crainte de la trahison. N'est-ce pas Léon Blum qui, en 1942, déclarait " n'avoir jamais recherché le pouvoir et en avoir détourné son parti aussi longtemps que cela a paru possible " ! À la peur de ne pas être à la hauteur des espérances s'ajoute la mauvaise conscience d'abord communiste -aujourd'hui gauchiste- d'une collusion avec le système établi, le marché, la mondialisation. La tentation protestataire et l'exigence de rupture peuvent avoir des fondements qui nous éloignent non pas du pouvoir mais du rôle qui doit être le nôtre de changer le cours des choses.
Cette ambiguïté peut tourner, dans certaines périodes, à la schizophrénie : encrage à gauche dans l'opposition ; navigation à la godille au pouvoir. Ce double discours, au prétexte fallacieux de coller à l'électorat, loin de régler la crise du politique l'entretient, la nourrit même. C'est pourquoi il y a, dans l'histoire du Parti socialiste, une autre leçon à tirer : c'est en étant nous-mêmes que nous sommes fidèles à notre électorat ; ce n'est pas en suivant tel ou tel mouvement d'opinion, telle ou telle croyance, tel ou tel pronostic que nous pouvons atteindre nos objectifs, c'est d'abord en étant socialistes, en fonction des engagements que nous avons pris et des orientations que nous nous sommes données.
Il faut donc en finir avec la mythologie de la conquête du pouvoir qui serait pure et son exercice qui ne le serait plus. Le compromis avec le réel n'est pas la compromission de l'idéal.
Il ne s'agit pas simplement de théoriser une pratique, mais d'assumer ce rapport au pouvoir pour se donner les moyens de réformer durablement. Il ne s'agit pas de modérer nos intentions ou de verser dans l'accompagnement du marché ou de la société. Au contraire, il s'agit de faire bon usage de la volonté et de la vérité autour d'un contrat clair avec le pays. Ça ne garantit pas mécaniquement le succès, mais cela autorise toujours sa possibilité et surtout la durée de l'action réformatrice.
Ainsi, après 100 ans de vie -j'allais dire de vie commune, mais n'exagérons rien ; nous n'étions pas là au départ et nous ne serons pas là à l'arrivée- nous sommes passés de l'expression impatiente d'une exigence sociale dans la République à la volonté de maîtriser un capitalisme mondialisé. Dans ce moment, le Parti socialiste doit affirmer clairement son identité pour les années qui viennent :
Le PS est un parti de gouvernement, mais pas seulement un parti d'alternance. La gauche n'est pas là pour gérer au mieux les affaires, mais pour transformer au plus loin le prétendu ordre des choses ;
Le PS reconnaît l'économie de marché, mais est un anti-libéralisme, puisqu'il fait prévaloir les valeurs de solidarité, d'égalité, de préparation de l'avenir sur les critères de rentabilité ou le profit ;
Le PS a vocation à représenter une très large part de la société ; il n'a pas à choisir entre catégories populaires et classes moyennes. Il porte en lui-même des thèmes fédérateurs : Education, logement, emploi, environnement... qui garantissent précisément la vie en commun. Et il exprime des aspirations individuelles qui dépassent les statuts sociaux : liberté, le droit des femmes, la lutte contre les discriminations, laïcité, culture, écologie... ;
Le PS est internationaliste et c'est à l'échelle du monde que le combat pour la répartition des richesses, le développement durable, la paix doit être mené. Quand je vois -ici ou ailleurs- que l'on se méfie déjà de pays qui viendraient nous rejoindre, que l'on craint un certains nombre d'investissements ailleurs que chez nous, que l'on a peur pour notre propre travail -à raison sans doute-, mais est-ce que c'est l'image qu'un socialiste peut donner. Pour nous, la conception internationaliste ne conduit-elle pas justement non pas à s'ouvrir dans n'importes quelles conditions, mais à accueillir des pays et d'abord ceux qui ont été séparés de nous par la dictature soviétique, qui ont été privés pendant des années de liberté et de prospérité et qui nous demandent accueil, non pas hospitalité mais égalité de droits et de devoirs. En tant qu'internationaliste, je participe de ce combat européen ; je reconnais l'élargissement, l'unification de l'Europe comme le prolongement même de notre combat. Et, l'engagement européen s'inscrit dans cette perspective, autour d'un compromis assumé et d'une alliance avec l'ensemble des partis socialistes européens. Nous appartenons à une famille plus large, même si notre histoire, nos traditions, nos conditions politiques sont différentes. 100 ans de socialisme, c'est 100 ans de socialisme avec d'autres, c'est 100 ans d'internationalisme.
Alain Bergounioux a évoqué les caractéristiques originales du socialisme français dans l'introduction de notre réunion, à savoir un parti qui ne représente pas à lui seul toute la gauche politique et un parti insuffisamment en prise sur la vie sociale, et notamment avec le syndicalisme.
L'avenir du PS dépend de la manière avec laquelle il sera capable de dépasser ces handicaps :
Le premier est politique : le Parti socialiste est devenu, depuis 1981, la composante principale de la gauche. Cette position dominante s'est renforcée avec les élections de 2004. Il est le plus fort à gauche, mais il ne peut pas gagner seul. Dès lors, il porte une double responsabilité :
Fixer une ligne mobilisatrice et crédible pour toute la gauche. Son projet est en effet la base à partir de laquelle un accord de gouvernement est possible avec tous ceux qui acceptent la responsabilité du pouvoir. De nous dépend la ligne future de ce gouvernement.
Respecter ses partenaires autour d'un contrat de législature permettant une vraie solidarité dans l'action et l'exercice d'une responsabilité collective dans la durée. C'est ce que j'appelle la gauche durable. L'objectif n'est pas de gagner simplement une élection, mais la suivante, de vaincre le syndrome du socialisme français.
Le second est social : On ne refait pas l'Histoire. Et notamment celle du syndicalisme français. Le Parti socialiste n'est pas un parti social-démocrate au sens d'une formation politique disposant d'une relation privilégiée avec un mouvement syndical puissant. Cette configuration spécifique a conduit le PS à privilégier l'action étatique à la négociation et la loi sur le contrat.
Le syndicalisme s'est lui-même construit dans un rapport soit de délégation conflictuelle, soit de concurrence ombrageuse. Rarement de partenariat. Cette situation explique, pour partie, nos difficultés au pouvoir et la faiblesse du syndicalisme.
Le réformisme a besoin d'un nouveau mode de relation entre la gauche et les acteurs sociaux (syndicats, associations, mouvements...) respectueux de l'autonomie, ne confondant pas les rôles, mais permettant une élaboration commune de propositions et un partage des responsabilités pour les mettre en uvre. La démocratie sociale devient, dès lors, une réforme qui conditionne notre propre réussite et non pas seulement le dialogue social dans notre pays. Il ne peut pas y avoir de gauche durable s'il n'y a pas une démocratie politique rénovée et une démocratie sociale vivante.
Pour toutes ces raisons, il faut être prêts. Prêts, cela veut d'abord dire autour d'un projet avec les socialistes ; prêts à gouverner avec d'autres ; prêts à dialoguer d'ores et déjà avec ceux qui veulent avancer sur des propositions et des progrès pour l'avenir.
CONCLUSION
Telles sont, après 100 ans de luttes, de réussites et parfois de déceptions, d'espérance et de désillusions, les leçons qu'il faut tirer de notre histoire commune.
Le combat n'est pas plus difficile à mener qu'hier car il n'y a pas d'âge d'or. La mondialisation d'aujourd'hui, c'est le mur de l'argent d'hier et les marchés imposaient déjà leur loi -le cartel des gauches est tombé sous le coup du mur de l'argent, le Front populaire est tombé avec les dévaluations et la Banque de France résistant autant que possible pour mettre le gouvernement du Front populaire en situation d'échec et les dévaluations des années 80 ! Finalement, la plus belle conquête de la gauche c'est l'euro ; cela permet même de protéger les gouvernements de droite de leur incompétence ! La régulation internationale doit être le prolongement des régulations nationales du XXe Siècle.
Il n'est pas moins mobilisateur. Des progrès considérables ont été acquis. D'autres nous attendent :
La République jusqu'au bout ; nous en sommes loin avec un partage inégal des pouvoirs ;
La citoyenneté éclairée, alors qu'il y a tant à faire sur l'Education, la Recherche, la culture ;
Le progrès partagé, alors que nous maîtrisons péniblement la science, la technologie et que nous ne la diffusons que peu au service du plus grand nombre ;
L'égalité des destins ; qui peut dire aujourd'hui qu'elle est garantie ?
Le développement durable de la planète.
Le doute sur la politique étant déjà présent dès le siècle dernier, l'anti-parlementarisme, la méfiance à l'égard des politiques, la surenchère des extrêmes, le populisme Tout cela mine la démocratie depuis qu'elle existe. Cela fait partie du combat qui est le nôtre : donner espoir, donner confiance, dire la vérité et être fidèles à nous-mêmes.
Avoir confiance en nous-mêmes, en nos idées, en nos valeurs, en notre identité si nous l'assumons, en notre démarche, tel est le combat des socialistes, sans cesse répété, inlassablement renouvelé, inéluctablement reproduit. C'est la marche vers un horizon qui paraît se dérober à mesure que l'on s'en approche.
C'est pour cet idéal-là, cette utopie possible, que des générations de militants ont donné leur temps, leur talent et parfois leur vie en ayant conscience de participer à un mouvement qui n'appartient plus à un siècle, mais à l'histoire de l'humanité.
C'est à ceux-là, à ces anonymes, à ces socialistes que je veux rendre hommage pour leur dire que la responsabilité qui est aujourd'hui la nôtre est encore plus grande, compte tenu de tout ce qu'ils ont fait pour nous.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 26 avril 2005)