Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Vous avez entendu la télévision et la radio égrener les chiffres des bénéfices des grandes entreprises. Des bénéfices records. Tous les secteurs sont concernés. Dans les banques, les profits ont augmenté en moyenne de 25 %. Dans l'automobile, Renault a augmenté les siens de 43 % en un an. De l'acier aux cosmétiques, en passant par l'agroalimentaire, les entreprises se portent bien. Madame Bettencourt, première fortune de France, a de quoi se réjouir des 143 % d'augmentation des bénéfices de la société L'Oréal dont elle est la principale actionnaire. Arcelor, devenu le géant de l'acier en fusionnant des entreprises qui avaient fait leur chemin en mettant à la porte des milliers et des milliers d'ouvriers de la sidérurgie, a multiplié ses bénéfices par 9 cette année. La palme revient à Total. Cette entreprise pollueuse des côtes bretonnes et vendéennes, responsable de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, Total, a réalisé un bénéfice historique de 9 milliards d'euros. Le plus important jamais réalisé en France !
Comparez donc ces chiffres à l'évolution de vos salaires ! Et je ne parle même pas des montants, mais seulement des pourcentages d'augmentation. Comparez l'accroissement des fortunes que cela représente pour quelques centaines, quelques milliers tout au plus, de gros actionnaires, avec l'aggravation de la pauvreté pour des millions de chômeurs et de précaires !
On dirait que coexistent dans ce pays deux mondes, à des années-lumière l'un de l'autre. Dans l'un, on vit dans un luxe inimaginable pour le commun des mortels, où même un petit larbin politique peut se permettre "de ne pas avoir su" le montant du loyer de son modeste 600 m2, loyer tout de même de 14.000 euros par mois aux frais de l'État, c'est-à-dire 100.000 F, ou 10 millions anciens pour la vieille génération ! Pourtant, ce ministre n'est qu'un petit serviteur, non pas de l'État, comme tous ces ministres aiment à se présenter, mais seulement de la bourgeoisie.
Un commentateur à la télévision a d'ailleurs remarqué que, si le ministre de l'Économie -car, évidemment, il s'agit de lui- avait choisi d'être un haut cadre dans le privé, il toucherait un salaire qui lui permettrait de payer largement un loyer d'un tel montant sans que personne n'y trouve à redire.
Et puis, il y a l'autre monde, où quand on ne sait pas quel est le montant de son loyer, c'est parce qu'on n'a pas de logement. Un monde où, lorsqu'un patron lâche une hausse de salaire de 3 ou 4 %, c'est tout juste s'il ne passe pas pour un philanthrope ! Un autre monde où, même parmi ceux qui ont un travail stable, un travailleur sur sept gagne moins que le SMIC.
Oui, on dirait deux mondes. Et pourtant, justement, il ne s'agit pas de deux mondes, il s'agit du même. Et c'est précisément la pauvreté des uns qui fait la richesse des autres. C'est précisément parce qu'on écrase les salaires, parce qu'on augmente les cadences, parce qu'on demande toujours plus aux travailleurs, que les profits augmentent. Les médecins du travail et certains économistes eux-mêmes s'alarment des 600 morts par an par accidents du travail ou de maladies professionnelles. La Sécurité sociale dénombre 45.000 personnes par an rendues totalement ou partiellement invalides pour les mêmes raisons. Il n'y a même pas de statistiques sur celles et ceux physiquement ou moralement détruits par la fatigue, le harcèlement, le stress. Un économiste ajoute : "les entreprises usent les salariés de plus en plus jeunes".
On nous dit qu'il faut que les entreprises se développent et que leur fonction est de faire du profit. Mais à quoi leur sert ce profit ? A investir dans des usines ? Dans des machines nouvelles ? Pour créer des emplois ? Pour produire à meilleur marché, grâce à une mécanisation supérieure ? Non ! A enrichir les actionnaires.
Voilà à quoi aboutissent les efforts et les sacrifices des travailleurs. Et ce qui n'est pas distribué aux propriétaires et aux actionnaires sert à racheter des entreprises déjà existantes. Des trusts sont rachetés par d'autres pour créer des trusts plus gigantesques encore. Et l'absorption faite, on restructure, c'est-à-dire on licencie. C'est une économie de plus en plus usuraire au seul profit des possesseurs de capitaux.
Alors, si les gros actionnaires, si les riches ont des raisons de se réjouir à l'annonce de ces chiffres, les travailleurs, eux, n'en ont aucune. Ces profits ont été obtenus au prix de leur fatigue, de leur usure et de leur salaire. Mais cela ne se traduit pas par une amélioration de leur vie.
Au contraire, c'est précisément parce que la part des profits ne cesse d'augmenter dans le revenu national, que la part des salaires ne cesse de baisser.
Cela ne se traduit pas non plus par une amélioration pour la société. L'accroissement considérable des profits ne se traduit pas par plus d'argent pour la santé publique, pour l'Éducation nationale, pour les transports collectifs. C'est l'inverse : on prélève sur tout ce qui est utile à la vie sociale afin d'augmenter les profits.
Pour que quelques centaines de milliers de gros actionnaires puissent toucher des dividendes de plus en plus élevés, pour que les dynasties bourgeoises se retrouvent à la tête de richesses de plus en plus phénoménales, on pousse vers la pauvreté de plus en plus de travailleurs, on démantèle les services publics et on ruine toute la vie sociale.
Voilà le mécanisme de leur économie. C'est le mécanisme naturel, si on peut dire, qui fonctionne tout seul. Il écrase impitoyablement ceux qui travaillent pour enrichir ceux qui monopolisent la propriété des grandes entreprises.
Et l'État ne cherche pas à compenser un tant soit peu cette inégalité, cette injustice fondamentale. Au contraire, il l'aggrave car toutes les mesures prises par le gouvernement vont dans le sens de favoriser encore et toujours les riches. Toutes les mesures vont dans le sens de leur laisser les mains de plus en plus libres pour exploiter toujours plus les travailleurs.
La dernière en date d'une succession d'attaques du gouvernement contre les travailleurs est la nouvelle loi sur le temps de travail qui a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale. C'est une crapulerie.
La loi Aubry n'était certes pas cette avancée sociale que nous présentent les dirigeants du Parti socialiste. Comment oublier que cette loi, si elle apportait aux travailleurs une réduction de leur horaire légal de travail, leur a, aussi, imposé la flexibilité des horaires, l'annualisation du temps de travail, le blocage des salaires ? Comment oublier que le salaire de beaucoup de travailleurs a été amputé, sans même parler de l'intensification du rythme du travail car, partout où ils le pouvaient, les patrons s'efforçaient de faire sortir la même production en moins d'heures travaillées ?
Et puis, sous prétexte de dédommager les patrons, la loi Aubry leur accordait des subventions, au détriment notamment du budget de la Sécurité sociale. Le bouquet, c'est que le patronat et la droite n'ont pas cessé de dénoncer, depuis ce que coûte les 35 heures. Ce n'est pourtant pas la réduction du temps de travail qui a coûté cher, ce sont les sommes versées aux patrons !
Mais enfin, il y avait au moins la réduction du temps de travail ! Encore faut-il préciser qu'il y avait tellement d'exceptions prévues que quatre millions de travailleurs, celles et ceux notamment des petites entreprises, n'en ont jamais bénéficié !
La nouvelle loi Raffarin ne touche pas aux avantages que les patrons ont tirés de la loi Aubry, mais les travailleurs ne bénéficieront même plus de la réduction du temps de travail !
Et les ministres chantent les louanges de ce qu'ils appellent la "liberté supplémentaire" : celle de travailler plus pour gagner plus. Comme si c'étaient les travailleurs qui avaient la liberté de choisir leur temps de travail !
Ce n'est une liberté supplémentaire que pour les patrons ! Pour les travailleurs, ce sera l'obligation de travailler plus, les semaines où leur patron a une commande urgente. Pour gagner plus ? Mais c'est une triste plaisanterie ! Les heures supplémentaires n'étant plus décomptées par semaine, dans bien des cas il n'y aura pas de majoration du tout et, même lorsqu'il y en aura, la majoration pourrait n'être que de 10 % au lieu de 25 % !
Des centaines de milliers de travailleuses ou de travailleurs qui n'ont que des emplois à temps partiel non choisi ou précaire, deux heures par ci, trois heures par là, voudraient bien travailler plus, ne serait-ce que 35 heures par semaine pour toucher une paie qui mérite ce nom. On ne leur en laisse pas la possibilité ! Et tous ceux, les licenciés, les chômeurs qui n'ont pas de travail du tout ?
Alors, que le patronat, que le gouvernement assurent donc un emploi et un salaire correct aux trois millions de chômeurs et aux trois autres millions de demi-chômeurs !
Travailler plus pour gagner plus ? Mais ce ne sont pas ceux qui travaillent le plus qui vivent le mieux ! Ceux qui font tourner les usines ou font rouler les trains ; celles qui font tinter les caisses enregistreuses dans les supermarchés ou font fonctionner les banques ; ceux qui bâtissent, ce sont eux qui ont des fins de mois difficiles et qui sont sous la menace d'un licenciement qui leur fera perdre leur gagne-pain.
Oui, la nouvelle loi sur le temps de travail est une crapulerie qui s'ajoute à toutes celles que le gouvernement a imposées aux travailleurs au fil du temps en parlant chaque fois de "réforme". Car chaque fois que ce gouvernement parle de "réforme", vous pouvez être sûrs que c'est une mesure destinée à aggraver la condition ouvrière. La réforme des retraites oblige à travailler plus longtemps pour une retraite amputée. Les réformes de la Sécurité sociale ont augmenté la cotisation pour la CSG, et il faut payer plus pour le forfait hospitalier, et les malades ont à prendre en charge 1 euro par consultation chez le médecin. Conséquence, aussi, de cette réforme : la hausse annoncée des cotisations aux mutuelles.
Se prépare également la réforme du Code du travail. Le peu qui, dans le code actuel, protège les travailleurs est encore trop pour les patrons, ils ne veulent aucun frein légal à l'exploitation.
La législation du travail est foulée aux pieds depuis bien longtemps. Les conventions collectives sont vidées de leur contenu. Le Medef veut se débarrasser de tout ce qui représente un tant soit peu les intérêts collectifs des travailleurs. Il ne veut pas avoir affaire à l'ensemble du monde du travail. Il préfère des accords entreprise par entreprise, des accords où un patron n'a affaire qu'à 50, 500 ou 1.000 travailleurs à qui il peut imposer ce qu'il veut par chantage et menace.
Dans le passé, l'État avait fait mine hypocritement de protéger un peu les travailleurs contre la férocité de leurs patrons. Le gouvernement ne fait même plus semblant. Il livre ouvertement les travailleurs au patronat.
Lorsque le gouvernement affirme que l'État n'a pas à intervenir dans la relation entre "partenaires sociaux" -comme ils disent- cela veut dire laisser les mains libres à chaque patron pour imposer sa décision dans son entreprise en la faisant cautionner par des syndicats soit trop faibles pour s'y opposer, soit franchement complaisants ?
Moins de code du travail, moins de syndicat ou des syndicats à la botte des patrons, voilà la législation sociale souhaitée par le grand patronat. Et l'État fait là où le MEDEF lui dit de faire.
Raffarin se félicite de ce qu'il appelle la "stabilisation du chômage". Mais les statistiques mentent, comme les ministres qui les brandissent.
Cela fait trente ans que tous les Premiers ministres nous promettent que le chômage va baisser. Et cela fait trente ans que le chômage reste à un niveau intolérable.
Aussi n'est-il n'est pas étonnant que la pauvreté s'aggrave dans le pays. De plus en plus de travailleurs vivent dans des conditions insupportables. Regardons seulement la question du logement, une question vitale pour tous. Non seulement, cela ne s'est pas amélioré depuis 50 ans, mais cela s'aggrave sans cesse. Il y a dans ce pays plusieurs dizaines de milliers de personnes qui sont "sans domicile fixe", en fait sans domicile tout court. Et combien d'entre eux étaient des travailleurs qui, en perdant leur emploi, ont tout perdu, leur salaire, leur logement et souvent leur famille ?
Et à côté de ces sans domicile officiellement reconnus, il y a les sans domicile déguisés, tous ceux qui en seraient réduits à dormir sous les ponts si des parents, des proches, ne faisaient pas l'effort de se serrer dans leur propre logement, même lorsqu'il est exigu. Pour la première fois, la fondation Abbé Pierre en a recensé le nombre : ils sont plus d'un million. Et même parmi ceux qui ont un domicile, pour beaucoup ce n'est qu'un taudis infect.
Tous les gouvernements promettent des programmes de construction de logements sociaux. Mais de promesse en promesse, leur nombre se réduit. Quant à ceux qui ont été construits dans le temps, ils tombent en ruines. Compter sur un HLM même pour ceux qui y ont droit, c'est attendre cinq ans, voire dix ans ou plus.
Le véritable problème n'est pas seulement celui des logements sociaux, le problème est surtout que les salaires sont trop bas pour qu'une famille ouvrière puisse se payer un logement décent.
Dans la région parisienne, pour trouver un F2 disponible, il faut compter au bas mot 600 euros, voire 800 ou 1.000. Mais comment y arriver lorsqu'on gagne les moins de 1.200 euros du SMIC ? Et comment garder son logement, déjà difficile à payer même en travaillant, lorsqu'on a été licencié et qu'on se retrouve avec les 425 euros du RMI ?
On nous parle de "spéculation immobilière", comme si c'était une maladie inguérissable. Mais pourquoi le gouvernement, qui sait pourtant si bien restreindre les droits des travailleurs, ne pourrait-il restreindre les privilèges des spéculateurs ? Il ne le peut pas, parce qu'il ne le veut pas. Et il ne le veut pas parce qu'il est du côté du profit et des profiteurs, pas du côté des salariés locataires.
Voilà la situation des travailleurs aujourd'hui : elle est intolérable, elle est inacceptable !
Et c'est cette société, qui fonctionne sur une base aussi pourrie, qu'on essaie de nous présenter comme la société idéale !
Les bien pensants ricanent en prétendant que le communisme a échoué en URSS et que le capitalisme est la seule forme économique et sociale viable.
Mais le prétendu communisme en Union soviétique n'a eu qu'une histoire de 70 ans. Il a été tenté dans un des pays les plus arriérés d'Europe, le pays qui avait été celui des tsars et des moujiks, du fouet, un pays ravagé par la faim. Malgré toutes les tares de son régime bureaucratisé, l'Union soviétique est pourtant devenue une des premières puissances mondiales, rivalisant avec les États-unis dans l'espace alors que l'Europe était encore à la traîne.
Mais quel est donc le bilan du capitalisme, alors qu'il a trois siècles, et même plus, d'histoire ? Il s'est développé sur la rapine, la traite des Noirs, les massacres coloniaux. Il a engendré deux guerres mondiales. Et on constate ici même, en France, un des pays les plus riches de la planète, qu'il est incapable de satisfaire les besoins élémentaires de tous. Et en Allemagne, considérée comme le pays le plus riche d'Europe, le nombre de chômeurs vient de dépasser les 5 millions, chiffre jamais atteint depuis la grande crise des années 1930.
Mais surtout quel est donc son bilan à l'échelle de l'ensemble de la planète ? Parce que la planète capitaliste, ce n'est pas seulement la France, l'Allemagne ou les États-unis, des pays où, l'un dans l'autre, on survit même en étant pauvre. Mais c'est aussi Haïti. Et c'est aussi l'Afrique. C'est aussi les guerres ethniques ou tribales, derrière lesquelles il y a bien souvent des entreprises capitalistes qui cherchent à mettre la main, ici sur les diamants, là sur le manganèse, ailleurs sur le pétrole.
On nous a rappelé récemment, à juste titre, les horreurs du nazisme. Mais le nazisme n'est pas né de rien. Il a poussé sur le terreau du capitalisme ! Et qu'on ne nous dise pas que ces horreurs-là c'est fini ! Aucune des nombreuses guerres menées directement ou indirectement par l'impérialisme, de l'Afghanistan à l'Irak, en passant par le Moyen-Orient ou la Côte-d'Ivoire, aucune des guerres locales en Afrique ou ailleurs n'a fait certes autant de victimes que la guerre mondiale. Mais, ensemble, elles n'en sont pas loin !
Voilà le système que justifient tous nos dirigeants politiques. Voilà le système qu'ils servent. Eh bien, nous continuons à penser que ni ce système ni ceux qui le défendent ne représentent l'avenir. Tôt ou tard, l'humanité reprendra sa marche en avant. Et cela passera inéluctablement par la fin du capitalisme et par la réorganisation de la société sur une base égalitaire, c'est-à-dire communiste.
Les perspectives d'une société socialiste ou communiste, c'est-à-dire d'une société débarrassée de la dictature du grand capital et du profit, n'est plus représentée par les grands partis qui se disent socialistes ou communistes. Ces partis ont non seulement abandonné ces perspectives, mais ne défendent même plus les intérêts quotidiens des classes populaires.
François Hollande et ses compères se gardent de promettre d'annuler les mesures prises depuis trois ans par le gouvernement Chirac-Raffarin. Ils savent qu'ils auront à les reprendre à leur compte. Ils expliqueront alors que c'est la faute à leurs prédécesseurs, qu'ils n'y peuvent rien.
Le Parti communiste, lui, maintenant qu'il est dans l'opposition, défend certaines des revendications des travailleurs. Mais cela ne l'engage pas vraiment, car il sait que, si le Parti socialiste accepte encore, la prochaine fois, des ministres communistes, ces derniers seront toujours la cinquième roue du carrosse gouvernemental. Ils ne pourront pas changer la politique d'un gouvernement socialiste, ils ne pourront que la cautionner.
Le Parti socialiste soutient également les manifestations de lycéens. Oui, les lycéens ont eu raison de descendre dans la rue pour protester contre la loi Fillon. Oui, ils ont eu raison de réagir contre la modification du bac et de faire reculer le ministre de l'Éducation nationale sur ce point-là. Car le projet de Fillon de supprimer le bac unique à l'échelle du pays au profit d'un bac par contrôle continu dans chaque lycée officialisait juridiquement un enseignement à deux vitesses, avec des diplômes de valeurs différentes, suivant qu'on sort d'un lycée bourgeois ou d'un lycée de quartier populaire. Les lycéens ont raison de continuer. Car même sur le bac, si Fillon a reculé, c'est peut-être pour mieux faire passer son projet plus tard, pendant les grandes vacances peut-être. Et il y a tout le reste de son projet qu'il essaie de faire passer à toute vitesse.
Il y a la politique de restriction de crédits, qui fait que dans les écoles des quartiers populaires, on ferme ou on regroupe des classes et qu'il n'y a ni les infrastructures nécessaires ni le nombre d'enseignants pour assurer une éducation convenable à tous.
Mais la politique de restriction de crédits à l'Éducation nationale n'a pas commencé avec Fillon. Elle ne se réduit pas à son projet de loi. C'est la politique de tous les gouvernements qui se succèdent depuis des années et de tous les ministres de l'Éducation nationale.
C'est un ministre socialiste, Allègre, qui a même le triste honneur d'avoir trouvé l'expression méprisante pour justifier cette politique, en affirmant qu'il fallait "dégraisser le mammouth". Et une des plus grandes mobilisations de lycéens des vingt dernières années s'est produite en 1990, sous le gouvernement socialiste de Rocard et dont le ministre de l'Éducation s'appelait Jospin.
Oui, il faut stopper cette politique. Il faut consacrer plus d'argent à créer des classes supplémentaires dans les quartiers populaires, à embaucher des enseignants, des éducateurs supplémentaires. Les lycéens ont intérêt à se donner pour objectif d'obliger l'État à consacrer l'argent des impôts à l'Éducation nationale plutôt que de financer des armes ou de subventionner le grand patronat.
Le Parti socialiste et le Parti communiste sont aujourd'hui divisés sur le vote au référendum sur la Constitution européenne. Le Parti communiste mène la campagne du "non" alors que le Parti socialiste, dans sa majorité, appelle à voter oui. Mais ces deux partis s'entendent pour dramatiser l'enjeu de ces élections et présenter le vote à ce référendum comme une échéance importante pour le monde du travail.
Pour notre part, à Lutte Ouvrière, nous voterons "non" à ce référendum. Nous voterons non parce que le projet de Constitution européenne sur lequel on nous demande notre opinion, n'apporte rien, ni au monde du travail ni aux peuples. Il n'apporte ni des libertés supplémentaires ni des possibilités plus grandes pour les travailleurs pour se défendre face à l'avidité patronale. Cette Constitution est destinée à compléter la domination économique des puissances occidentales sur la partie pauvre de l'Europe par la domination juridique.
Ces puissances occidentales, qui ont déjà mis la main sur les usines, sur les banques, sur les grands commerces des pays de l'Est, ne sont même pas capables d'assurer aux travailleurs de cette partie de l'Europe le même niveau de vie qu'en occident. Ils voudraient, au contraire, continuer à jouer sur les différences de salaires en délocalisant parfois, au mieux de leurs profits, ou en faisant venir ici des travailleurs de là-bas, mais avec des salaires de là-bas. C'est le sens de la directive dite "Bolkestein".
Voilà pourquoi, et j'en profite pour le dire, il est de notre intérêt à nous tous, travailleurs de l'ensemble de l'Europe, d'agir pour que les salaires soient les mêmes pour tous, quel que soit le pays d'origine. Voilà pourquoi un des objectifs des luttes futures que les travailleurs européens ne manqueront pas de mener dans les années à venir, devra être l'augmentation des salaires partout jusqu'à ce qu'ils soient du même niveau et permettent partout de vivre. C'est la seule façon d'empêcher les patrons de jouer les travailleurs les uns contre les autres. Notre intérêt à tous, à l'échelle de tout le continent, c'est d'être unis face à nos exploiteurs.
Et puis cette Constitution n'est même pas capable d'assurer les mêmes droits d'un bout à l'autre de l'Europe. Par exemple, elle ne reconnaît pas le divorce. Elle ne reconnaît pas non plus le droit à l'interruption de grossesse à l'échelle de l'ensemble de l'Union Dans plusieurs pays, ce droit est réservé aux plus riches qui peuvent se payer le voyage pour aller là où le régime est plus tolérant. A plus forte raison, elle n'impose pas à tous les médecins l'obligation de pratiquer les IVG là où elles sont légales.
La Constitution européenne accumule les paragraphes pour réglementer le commerce et l'homogénéiser d'un bout à l'autre du continent mais elle ne tente même pas d'aligner les droits au niveau le plus favorable.
Nous n'avons jamais eu la naïveté d'attendre de la Constitution européenne qu'elle améliore le sort des travailleurs. Aucune constitution, pas plus celle de la France que d'autres, n'est faite pour cela.
Mais enfin, les institutions européennes auraient pu au moins peser pour balayer la crasse réactionnaire accumulée, ici quant aux droits des femmes, là quant au poids des Églises dans la vie sociale, ailleurs en matière de libertés publiques. Mais les institutions européennes, qui sont si pointilleuses sur les conditions de concurrence, n'en ont rien à faire et de la condition des femmes, et des libertés publiques. En tout cas, pas au point d'avoir une politique contraignante vis-à-vis des aspects les plus réactionnaires des législations nationales existantes.
Oh oui, les droits du capital au profit sont unifiés à l'échelle du continent, mais pas le droit des personnes, pas le droit des travailleurs, pas le droit des êtres humains !
Alors je réaffirme que nous sommes pour une Europe unie, fraternelle, sans frontières entre les peuples ! Mais que nous disons non, mille fois non, à cette Constitution européenne !
Nous voterons non, mais nous nous opposerons aux arguments de ceux des partisans du non qui appellent à ce vote en prétendant que c'est un moyen de parer aux coups contre les travailleurs puisque ces coups viendraient de Bruxelles. C'est une fumisterie ! Ce n'est pas Bruxelles, ce sont nos propres capitalistes, notre propre gouvernement qui nous attaque ! Et ce sont eux aussi dont les capitaux sont ici, dont les sièges sociaux sont ici, qui sont à la portée de notre colère !
Tous ceux qui, au lieu de désigner aux travailleurs leurs ennemis véritables, ici, à portée de main, les détournent vers des objectifs éloignés, abstraits, inaccessibles, veulent en réalité interdire aux travailleurs d'agir. Ils voudraient que les travailleurs en restent à se plaindre, à râler sur les malheurs du temps. Ils ne veulent pas leur dire que, oui, on peut faire reculer nos ennemis car, jusqu'à nouvel ordre, toutes leurs usines, tous leurs chantiers, toutes leurs banques, toute leur économie ne fonctionnent qu'avec notre travail et que cela nous donne la capacité de les faire reculer !
Et nous disons aussi que ce n'est pas le "oui" ou le "non" à ce référendum qui va améliorer en quoi que ce soit le sort des travailleurs. Ce n'est pas au référendum que cela se passe. Et c'est en cela que c'est une escroquerie de détourner les travailleurs sur le référendum à venir ou encore sur les élections présidentielles de 2007.
Face à l'offensive du patronat et du gouvernement, ce qu'il faut, c'est la contre-offensive de tous les travailleurs.
Les travailleurs ne peuvent compter ni sur le Parti socialiste, ni même sur le Parti communiste pour préparer cette contre offensive. Eux, ils n'ont que les élections de 2007 en ligne de mire.
Ils ne peuvent pas plus compter sur les directions syndicales. Les confédérations syndicales ont attendu jusqu'au 5 février dernier pour appeler à une manifestation contre la politique anti-ouvrière du gouvernement.
Le 5 février, sans être assez puissant pour inquiéter le gouvernement, a été un succès. Il a fallu attendre onze jours pour que les confédérations annoncent une nouvelle journée d'action pour le 10 mars. Et encore pas toutes, parce que cette fois-ci la CFDT ne s'y associe pas. Elle trouve qu'associer dans une même journée d'action les travailleurs du privé et du public, ce n'est pas bien car, affirme un représentant de la CFDT cité par Le Parisien, "il y a un risque de kidnapping des mots d'ordre du privé" !
Allez savoir ce que cela veut dire ! Mais ce qui est clair, c'est que même cette journée d'action du 10 mars, dont on ne sait pas encore bien par quoi elle se traduira, est de trop pour François Chérèque ! Ce qui est clair, c'est que l'idée même que les travailleurs du public et du privé agissent ensemble lui donne des boutons, alors que nous subissons les uns et les autres les mêmes attaques, alors que travailleurs du public et du privé, nous avons intérêt à nous battre ensemble !
Mais, bien au-delà, le véritable problème est que, pour redonner confiance aux travailleurs, il faudrait que les centrales syndicales aient un plan d'action annoncé publiquement, où les actions s'enchaînent les unes après les autres, au lieu des improvisations laborieusement marchandées entre confédérations et dont, chaque fois, les travailleurs ignorent si elles seront suivies ou sans lendemain.
Oui, il faut un plan de lutte susceptible de convaincre les travailleurs qu'il est non seulement nécessaire de riposter aux attaques, mais aussi que cette riposte est possible. Mais cela exige des initiatives, des actions, discutées à l'avance, des grèves et des manifestations où chaque action prépare la suivante clairement annoncée.
Et qu'on ne nous dise pas que les travailleurs ne sont pas prêts aujourd'hui à s'engager dans l'action sous prétexte que la crainte du chômage est forte et que la démoralisation est grande. Car comment faire en sorte que cet état d'esprit change et que la confiance revienne si les directions syndicales elles-mêmes abandonnent les exigences vitales de la classe ouvrière au nom du "réalisme".
Comment les travailleurs pourraient-ils se persuader que cela est nécessaire et possible, si même leurs organisations syndicales abandonnent ces revendications pour finir par ne plus réclamer que des négociations ?
Mais tout le monde sait que les négociations sans rapport de force, c'est accepter et cautionner ce que les patrons veulent imposer aux travailleurs !
Oui, pour empêcher que les travailleurs s'enfoncent dans la pauvreté, il faut affirmer haut et fort qu'une augmentation générale de tous les salaires est indispensable ! Oui, pour empêcher la société aller à la catastrophe, il faut interdire les licenciements collectifs !
Alors, je ne sais pas ce qui mettra le feu aux poudres ! Mais cette riposte, elle viendra ! Elle viendra parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de se défendre ! Elle viendra parce que nous ne pouvons pas accepter que, d'année en année, le sort des travailleurs se dégrade et que l'avenir des enfants des classes populaires apparaisse plus sombre encore que le présent des parents.
Rappelons-nous comment, en 1995, les seuls cheminots ont pu faire reculer Juppé, lui qui assurait, quelques semaines avant le développement de la grève, avec morgue, qu'il était "droit dans ses bottes" et qu'il n'avait pas à s'occuper des clameurs de la rue !
Tous les travailleurs de ce pays, quelle que soit leur corporation, ont besoin d'une augmentation substantielle de leur salaire ! Tous ont besoin de se protéger contre les menaces de licenciement et de la précarité ! Il faut que l'ensemble de la classe ouvrière se retrouve autour de quelques objectifs simples, répondant à ces exigences, pour faire reculer le gouvernement ! Il faut un mouvement ample, incontrôlable par le gouvernement, et qui menace d'échapper à toute prévision !
Ceux qui les ont vécus se souviennent des premiers jours de mai 1968, ou même des premiers jours des grèves de 1995, avant que les appareils syndicaux les contrôlent, les canalisent et annoncent qu'ils étaient prêts à négocier. C'est lorsque le mouvement est explosif, lorsqu'à chaque jour de grève les possédants ont à redouter que le lendemain soit pire pour eux, qu'ils ont cette peur salutaire qui seule les fait céder.
Alors, nous n'en sommes pas là, au jour d'aujourd'hui. Mais nous pouvons dire et répéter autour de nous ces vérités. Nous avons à dire que les licenciements et le chômage, ce n'est pas normal et qu'on peut y mettre fin en empêchant les patrons de licencier, en les obligeant à répartir de travail entre tous sans baisse de salaire, en prenant sur le profit !
Nous avons à dire que la baisse incessante du pouvoir d'achat des travailleurs n'est pas normale, alors que les entreprises, les grands groupes industriels et financiers, les grandes dynasties françaises jonglent avec les milliards !
Alors, le développement des luttes se fera peut-être par une explosion générale, imprévisible, du mécontentement ouvrier ; il se fera peut-être progressivement par des luttes et des succès partiels, les plus combatifs entraînant les autres. Mais il est important qu'il y ait des travailleurs, des travailleuses, des militants, pour affirmer haut et fort les exigences du monde du travail, et qui ne se résignent pas, qui ne renoncent pas, fût-ce au nom d'un faux réalisme, et qui maintiennent haut notre drapeau !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 22 février 2005)
Vous avez entendu la télévision et la radio égrener les chiffres des bénéfices des grandes entreprises. Des bénéfices records. Tous les secteurs sont concernés. Dans les banques, les profits ont augmenté en moyenne de 25 %. Dans l'automobile, Renault a augmenté les siens de 43 % en un an. De l'acier aux cosmétiques, en passant par l'agroalimentaire, les entreprises se portent bien. Madame Bettencourt, première fortune de France, a de quoi se réjouir des 143 % d'augmentation des bénéfices de la société L'Oréal dont elle est la principale actionnaire. Arcelor, devenu le géant de l'acier en fusionnant des entreprises qui avaient fait leur chemin en mettant à la porte des milliers et des milliers d'ouvriers de la sidérurgie, a multiplié ses bénéfices par 9 cette année. La palme revient à Total. Cette entreprise pollueuse des côtes bretonnes et vendéennes, responsable de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, Total, a réalisé un bénéfice historique de 9 milliards d'euros. Le plus important jamais réalisé en France !
Comparez donc ces chiffres à l'évolution de vos salaires ! Et je ne parle même pas des montants, mais seulement des pourcentages d'augmentation. Comparez l'accroissement des fortunes que cela représente pour quelques centaines, quelques milliers tout au plus, de gros actionnaires, avec l'aggravation de la pauvreté pour des millions de chômeurs et de précaires !
On dirait que coexistent dans ce pays deux mondes, à des années-lumière l'un de l'autre. Dans l'un, on vit dans un luxe inimaginable pour le commun des mortels, où même un petit larbin politique peut se permettre "de ne pas avoir su" le montant du loyer de son modeste 600 m2, loyer tout de même de 14.000 euros par mois aux frais de l'État, c'est-à-dire 100.000 F, ou 10 millions anciens pour la vieille génération ! Pourtant, ce ministre n'est qu'un petit serviteur, non pas de l'État, comme tous ces ministres aiment à se présenter, mais seulement de la bourgeoisie.
Un commentateur à la télévision a d'ailleurs remarqué que, si le ministre de l'Économie -car, évidemment, il s'agit de lui- avait choisi d'être un haut cadre dans le privé, il toucherait un salaire qui lui permettrait de payer largement un loyer d'un tel montant sans que personne n'y trouve à redire.
Et puis, il y a l'autre monde, où quand on ne sait pas quel est le montant de son loyer, c'est parce qu'on n'a pas de logement. Un monde où, lorsqu'un patron lâche une hausse de salaire de 3 ou 4 %, c'est tout juste s'il ne passe pas pour un philanthrope ! Un autre monde où, même parmi ceux qui ont un travail stable, un travailleur sur sept gagne moins que le SMIC.
Oui, on dirait deux mondes. Et pourtant, justement, il ne s'agit pas de deux mondes, il s'agit du même. Et c'est précisément la pauvreté des uns qui fait la richesse des autres. C'est précisément parce qu'on écrase les salaires, parce qu'on augmente les cadences, parce qu'on demande toujours plus aux travailleurs, que les profits augmentent. Les médecins du travail et certains économistes eux-mêmes s'alarment des 600 morts par an par accidents du travail ou de maladies professionnelles. La Sécurité sociale dénombre 45.000 personnes par an rendues totalement ou partiellement invalides pour les mêmes raisons. Il n'y a même pas de statistiques sur celles et ceux physiquement ou moralement détruits par la fatigue, le harcèlement, le stress. Un économiste ajoute : "les entreprises usent les salariés de plus en plus jeunes".
On nous dit qu'il faut que les entreprises se développent et que leur fonction est de faire du profit. Mais à quoi leur sert ce profit ? A investir dans des usines ? Dans des machines nouvelles ? Pour créer des emplois ? Pour produire à meilleur marché, grâce à une mécanisation supérieure ? Non ! A enrichir les actionnaires.
Voilà à quoi aboutissent les efforts et les sacrifices des travailleurs. Et ce qui n'est pas distribué aux propriétaires et aux actionnaires sert à racheter des entreprises déjà existantes. Des trusts sont rachetés par d'autres pour créer des trusts plus gigantesques encore. Et l'absorption faite, on restructure, c'est-à-dire on licencie. C'est une économie de plus en plus usuraire au seul profit des possesseurs de capitaux.
Alors, si les gros actionnaires, si les riches ont des raisons de se réjouir à l'annonce de ces chiffres, les travailleurs, eux, n'en ont aucune. Ces profits ont été obtenus au prix de leur fatigue, de leur usure et de leur salaire. Mais cela ne se traduit pas par une amélioration de leur vie.
Au contraire, c'est précisément parce que la part des profits ne cesse d'augmenter dans le revenu national, que la part des salaires ne cesse de baisser.
Cela ne se traduit pas non plus par une amélioration pour la société. L'accroissement considérable des profits ne se traduit pas par plus d'argent pour la santé publique, pour l'Éducation nationale, pour les transports collectifs. C'est l'inverse : on prélève sur tout ce qui est utile à la vie sociale afin d'augmenter les profits.
Pour que quelques centaines de milliers de gros actionnaires puissent toucher des dividendes de plus en plus élevés, pour que les dynasties bourgeoises se retrouvent à la tête de richesses de plus en plus phénoménales, on pousse vers la pauvreté de plus en plus de travailleurs, on démantèle les services publics et on ruine toute la vie sociale.
Voilà le mécanisme de leur économie. C'est le mécanisme naturel, si on peut dire, qui fonctionne tout seul. Il écrase impitoyablement ceux qui travaillent pour enrichir ceux qui monopolisent la propriété des grandes entreprises.
Et l'État ne cherche pas à compenser un tant soit peu cette inégalité, cette injustice fondamentale. Au contraire, il l'aggrave car toutes les mesures prises par le gouvernement vont dans le sens de favoriser encore et toujours les riches. Toutes les mesures vont dans le sens de leur laisser les mains de plus en plus libres pour exploiter toujours plus les travailleurs.
La dernière en date d'une succession d'attaques du gouvernement contre les travailleurs est la nouvelle loi sur le temps de travail qui a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale. C'est une crapulerie.
La loi Aubry n'était certes pas cette avancée sociale que nous présentent les dirigeants du Parti socialiste. Comment oublier que cette loi, si elle apportait aux travailleurs une réduction de leur horaire légal de travail, leur a, aussi, imposé la flexibilité des horaires, l'annualisation du temps de travail, le blocage des salaires ? Comment oublier que le salaire de beaucoup de travailleurs a été amputé, sans même parler de l'intensification du rythme du travail car, partout où ils le pouvaient, les patrons s'efforçaient de faire sortir la même production en moins d'heures travaillées ?
Et puis, sous prétexte de dédommager les patrons, la loi Aubry leur accordait des subventions, au détriment notamment du budget de la Sécurité sociale. Le bouquet, c'est que le patronat et la droite n'ont pas cessé de dénoncer, depuis ce que coûte les 35 heures. Ce n'est pourtant pas la réduction du temps de travail qui a coûté cher, ce sont les sommes versées aux patrons !
Mais enfin, il y avait au moins la réduction du temps de travail ! Encore faut-il préciser qu'il y avait tellement d'exceptions prévues que quatre millions de travailleurs, celles et ceux notamment des petites entreprises, n'en ont jamais bénéficié !
La nouvelle loi Raffarin ne touche pas aux avantages que les patrons ont tirés de la loi Aubry, mais les travailleurs ne bénéficieront même plus de la réduction du temps de travail !
Et les ministres chantent les louanges de ce qu'ils appellent la "liberté supplémentaire" : celle de travailler plus pour gagner plus. Comme si c'étaient les travailleurs qui avaient la liberté de choisir leur temps de travail !
Ce n'est une liberté supplémentaire que pour les patrons ! Pour les travailleurs, ce sera l'obligation de travailler plus, les semaines où leur patron a une commande urgente. Pour gagner plus ? Mais c'est une triste plaisanterie ! Les heures supplémentaires n'étant plus décomptées par semaine, dans bien des cas il n'y aura pas de majoration du tout et, même lorsqu'il y en aura, la majoration pourrait n'être que de 10 % au lieu de 25 % !
Des centaines de milliers de travailleuses ou de travailleurs qui n'ont que des emplois à temps partiel non choisi ou précaire, deux heures par ci, trois heures par là, voudraient bien travailler plus, ne serait-ce que 35 heures par semaine pour toucher une paie qui mérite ce nom. On ne leur en laisse pas la possibilité ! Et tous ceux, les licenciés, les chômeurs qui n'ont pas de travail du tout ?
Alors, que le patronat, que le gouvernement assurent donc un emploi et un salaire correct aux trois millions de chômeurs et aux trois autres millions de demi-chômeurs !
Travailler plus pour gagner plus ? Mais ce ne sont pas ceux qui travaillent le plus qui vivent le mieux ! Ceux qui font tourner les usines ou font rouler les trains ; celles qui font tinter les caisses enregistreuses dans les supermarchés ou font fonctionner les banques ; ceux qui bâtissent, ce sont eux qui ont des fins de mois difficiles et qui sont sous la menace d'un licenciement qui leur fera perdre leur gagne-pain.
Oui, la nouvelle loi sur le temps de travail est une crapulerie qui s'ajoute à toutes celles que le gouvernement a imposées aux travailleurs au fil du temps en parlant chaque fois de "réforme". Car chaque fois que ce gouvernement parle de "réforme", vous pouvez être sûrs que c'est une mesure destinée à aggraver la condition ouvrière. La réforme des retraites oblige à travailler plus longtemps pour une retraite amputée. Les réformes de la Sécurité sociale ont augmenté la cotisation pour la CSG, et il faut payer plus pour le forfait hospitalier, et les malades ont à prendre en charge 1 euro par consultation chez le médecin. Conséquence, aussi, de cette réforme : la hausse annoncée des cotisations aux mutuelles.
Se prépare également la réforme du Code du travail. Le peu qui, dans le code actuel, protège les travailleurs est encore trop pour les patrons, ils ne veulent aucun frein légal à l'exploitation.
La législation du travail est foulée aux pieds depuis bien longtemps. Les conventions collectives sont vidées de leur contenu. Le Medef veut se débarrasser de tout ce qui représente un tant soit peu les intérêts collectifs des travailleurs. Il ne veut pas avoir affaire à l'ensemble du monde du travail. Il préfère des accords entreprise par entreprise, des accords où un patron n'a affaire qu'à 50, 500 ou 1.000 travailleurs à qui il peut imposer ce qu'il veut par chantage et menace.
Dans le passé, l'État avait fait mine hypocritement de protéger un peu les travailleurs contre la férocité de leurs patrons. Le gouvernement ne fait même plus semblant. Il livre ouvertement les travailleurs au patronat.
Lorsque le gouvernement affirme que l'État n'a pas à intervenir dans la relation entre "partenaires sociaux" -comme ils disent- cela veut dire laisser les mains libres à chaque patron pour imposer sa décision dans son entreprise en la faisant cautionner par des syndicats soit trop faibles pour s'y opposer, soit franchement complaisants ?
Moins de code du travail, moins de syndicat ou des syndicats à la botte des patrons, voilà la législation sociale souhaitée par le grand patronat. Et l'État fait là où le MEDEF lui dit de faire.
Raffarin se félicite de ce qu'il appelle la "stabilisation du chômage". Mais les statistiques mentent, comme les ministres qui les brandissent.
Cela fait trente ans que tous les Premiers ministres nous promettent que le chômage va baisser. Et cela fait trente ans que le chômage reste à un niveau intolérable.
Aussi n'est-il n'est pas étonnant que la pauvreté s'aggrave dans le pays. De plus en plus de travailleurs vivent dans des conditions insupportables. Regardons seulement la question du logement, une question vitale pour tous. Non seulement, cela ne s'est pas amélioré depuis 50 ans, mais cela s'aggrave sans cesse. Il y a dans ce pays plusieurs dizaines de milliers de personnes qui sont "sans domicile fixe", en fait sans domicile tout court. Et combien d'entre eux étaient des travailleurs qui, en perdant leur emploi, ont tout perdu, leur salaire, leur logement et souvent leur famille ?
Et à côté de ces sans domicile officiellement reconnus, il y a les sans domicile déguisés, tous ceux qui en seraient réduits à dormir sous les ponts si des parents, des proches, ne faisaient pas l'effort de se serrer dans leur propre logement, même lorsqu'il est exigu. Pour la première fois, la fondation Abbé Pierre en a recensé le nombre : ils sont plus d'un million. Et même parmi ceux qui ont un domicile, pour beaucoup ce n'est qu'un taudis infect.
Tous les gouvernements promettent des programmes de construction de logements sociaux. Mais de promesse en promesse, leur nombre se réduit. Quant à ceux qui ont été construits dans le temps, ils tombent en ruines. Compter sur un HLM même pour ceux qui y ont droit, c'est attendre cinq ans, voire dix ans ou plus.
Le véritable problème n'est pas seulement celui des logements sociaux, le problème est surtout que les salaires sont trop bas pour qu'une famille ouvrière puisse se payer un logement décent.
Dans la région parisienne, pour trouver un F2 disponible, il faut compter au bas mot 600 euros, voire 800 ou 1.000. Mais comment y arriver lorsqu'on gagne les moins de 1.200 euros du SMIC ? Et comment garder son logement, déjà difficile à payer même en travaillant, lorsqu'on a été licencié et qu'on se retrouve avec les 425 euros du RMI ?
On nous parle de "spéculation immobilière", comme si c'était une maladie inguérissable. Mais pourquoi le gouvernement, qui sait pourtant si bien restreindre les droits des travailleurs, ne pourrait-il restreindre les privilèges des spéculateurs ? Il ne le peut pas, parce qu'il ne le veut pas. Et il ne le veut pas parce qu'il est du côté du profit et des profiteurs, pas du côté des salariés locataires.
Voilà la situation des travailleurs aujourd'hui : elle est intolérable, elle est inacceptable !
Et c'est cette société, qui fonctionne sur une base aussi pourrie, qu'on essaie de nous présenter comme la société idéale !
Les bien pensants ricanent en prétendant que le communisme a échoué en URSS et que le capitalisme est la seule forme économique et sociale viable.
Mais le prétendu communisme en Union soviétique n'a eu qu'une histoire de 70 ans. Il a été tenté dans un des pays les plus arriérés d'Europe, le pays qui avait été celui des tsars et des moujiks, du fouet, un pays ravagé par la faim. Malgré toutes les tares de son régime bureaucratisé, l'Union soviétique est pourtant devenue une des premières puissances mondiales, rivalisant avec les États-unis dans l'espace alors que l'Europe était encore à la traîne.
Mais quel est donc le bilan du capitalisme, alors qu'il a trois siècles, et même plus, d'histoire ? Il s'est développé sur la rapine, la traite des Noirs, les massacres coloniaux. Il a engendré deux guerres mondiales. Et on constate ici même, en France, un des pays les plus riches de la planète, qu'il est incapable de satisfaire les besoins élémentaires de tous. Et en Allemagne, considérée comme le pays le plus riche d'Europe, le nombre de chômeurs vient de dépasser les 5 millions, chiffre jamais atteint depuis la grande crise des années 1930.
Mais surtout quel est donc son bilan à l'échelle de l'ensemble de la planète ? Parce que la planète capitaliste, ce n'est pas seulement la France, l'Allemagne ou les États-unis, des pays où, l'un dans l'autre, on survit même en étant pauvre. Mais c'est aussi Haïti. Et c'est aussi l'Afrique. C'est aussi les guerres ethniques ou tribales, derrière lesquelles il y a bien souvent des entreprises capitalistes qui cherchent à mettre la main, ici sur les diamants, là sur le manganèse, ailleurs sur le pétrole.
On nous a rappelé récemment, à juste titre, les horreurs du nazisme. Mais le nazisme n'est pas né de rien. Il a poussé sur le terreau du capitalisme ! Et qu'on ne nous dise pas que ces horreurs-là c'est fini ! Aucune des nombreuses guerres menées directement ou indirectement par l'impérialisme, de l'Afghanistan à l'Irak, en passant par le Moyen-Orient ou la Côte-d'Ivoire, aucune des guerres locales en Afrique ou ailleurs n'a fait certes autant de victimes que la guerre mondiale. Mais, ensemble, elles n'en sont pas loin !
Voilà le système que justifient tous nos dirigeants politiques. Voilà le système qu'ils servent. Eh bien, nous continuons à penser que ni ce système ni ceux qui le défendent ne représentent l'avenir. Tôt ou tard, l'humanité reprendra sa marche en avant. Et cela passera inéluctablement par la fin du capitalisme et par la réorganisation de la société sur une base égalitaire, c'est-à-dire communiste.
Les perspectives d'une société socialiste ou communiste, c'est-à-dire d'une société débarrassée de la dictature du grand capital et du profit, n'est plus représentée par les grands partis qui se disent socialistes ou communistes. Ces partis ont non seulement abandonné ces perspectives, mais ne défendent même plus les intérêts quotidiens des classes populaires.
François Hollande et ses compères se gardent de promettre d'annuler les mesures prises depuis trois ans par le gouvernement Chirac-Raffarin. Ils savent qu'ils auront à les reprendre à leur compte. Ils expliqueront alors que c'est la faute à leurs prédécesseurs, qu'ils n'y peuvent rien.
Le Parti communiste, lui, maintenant qu'il est dans l'opposition, défend certaines des revendications des travailleurs. Mais cela ne l'engage pas vraiment, car il sait que, si le Parti socialiste accepte encore, la prochaine fois, des ministres communistes, ces derniers seront toujours la cinquième roue du carrosse gouvernemental. Ils ne pourront pas changer la politique d'un gouvernement socialiste, ils ne pourront que la cautionner.
Le Parti socialiste soutient également les manifestations de lycéens. Oui, les lycéens ont eu raison de descendre dans la rue pour protester contre la loi Fillon. Oui, ils ont eu raison de réagir contre la modification du bac et de faire reculer le ministre de l'Éducation nationale sur ce point-là. Car le projet de Fillon de supprimer le bac unique à l'échelle du pays au profit d'un bac par contrôle continu dans chaque lycée officialisait juridiquement un enseignement à deux vitesses, avec des diplômes de valeurs différentes, suivant qu'on sort d'un lycée bourgeois ou d'un lycée de quartier populaire. Les lycéens ont raison de continuer. Car même sur le bac, si Fillon a reculé, c'est peut-être pour mieux faire passer son projet plus tard, pendant les grandes vacances peut-être. Et il y a tout le reste de son projet qu'il essaie de faire passer à toute vitesse.
Il y a la politique de restriction de crédits, qui fait que dans les écoles des quartiers populaires, on ferme ou on regroupe des classes et qu'il n'y a ni les infrastructures nécessaires ni le nombre d'enseignants pour assurer une éducation convenable à tous.
Mais la politique de restriction de crédits à l'Éducation nationale n'a pas commencé avec Fillon. Elle ne se réduit pas à son projet de loi. C'est la politique de tous les gouvernements qui se succèdent depuis des années et de tous les ministres de l'Éducation nationale.
C'est un ministre socialiste, Allègre, qui a même le triste honneur d'avoir trouvé l'expression méprisante pour justifier cette politique, en affirmant qu'il fallait "dégraisser le mammouth". Et une des plus grandes mobilisations de lycéens des vingt dernières années s'est produite en 1990, sous le gouvernement socialiste de Rocard et dont le ministre de l'Éducation s'appelait Jospin.
Oui, il faut stopper cette politique. Il faut consacrer plus d'argent à créer des classes supplémentaires dans les quartiers populaires, à embaucher des enseignants, des éducateurs supplémentaires. Les lycéens ont intérêt à se donner pour objectif d'obliger l'État à consacrer l'argent des impôts à l'Éducation nationale plutôt que de financer des armes ou de subventionner le grand patronat.
Le Parti socialiste et le Parti communiste sont aujourd'hui divisés sur le vote au référendum sur la Constitution européenne. Le Parti communiste mène la campagne du "non" alors que le Parti socialiste, dans sa majorité, appelle à voter oui. Mais ces deux partis s'entendent pour dramatiser l'enjeu de ces élections et présenter le vote à ce référendum comme une échéance importante pour le monde du travail.
Pour notre part, à Lutte Ouvrière, nous voterons "non" à ce référendum. Nous voterons non parce que le projet de Constitution européenne sur lequel on nous demande notre opinion, n'apporte rien, ni au monde du travail ni aux peuples. Il n'apporte ni des libertés supplémentaires ni des possibilités plus grandes pour les travailleurs pour se défendre face à l'avidité patronale. Cette Constitution est destinée à compléter la domination économique des puissances occidentales sur la partie pauvre de l'Europe par la domination juridique.
Ces puissances occidentales, qui ont déjà mis la main sur les usines, sur les banques, sur les grands commerces des pays de l'Est, ne sont même pas capables d'assurer aux travailleurs de cette partie de l'Europe le même niveau de vie qu'en occident. Ils voudraient, au contraire, continuer à jouer sur les différences de salaires en délocalisant parfois, au mieux de leurs profits, ou en faisant venir ici des travailleurs de là-bas, mais avec des salaires de là-bas. C'est le sens de la directive dite "Bolkestein".
Voilà pourquoi, et j'en profite pour le dire, il est de notre intérêt à nous tous, travailleurs de l'ensemble de l'Europe, d'agir pour que les salaires soient les mêmes pour tous, quel que soit le pays d'origine. Voilà pourquoi un des objectifs des luttes futures que les travailleurs européens ne manqueront pas de mener dans les années à venir, devra être l'augmentation des salaires partout jusqu'à ce qu'ils soient du même niveau et permettent partout de vivre. C'est la seule façon d'empêcher les patrons de jouer les travailleurs les uns contre les autres. Notre intérêt à tous, à l'échelle de tout le continent, c'est d'être unis face à nos exploiteurs.
Et puis cette Constitution n'est même pas capable d'assurer les mêmes droits d'un bout à l'autre de l'Europe. Par exemple, elle ne reconnaît pas le divorce. Elle ne reconnaît pas non plus le droit à l'interruption de grossesse à l'échelle de l'ensemble de l'Union Dans plusieurs pays, ce droit est réservé aux plus riches qui peuvent se payer le voyage pour aller là où le régime est plus tolérant. A plus forte raison, elle n'impose pas à tous les médecins l'obligation de pratiquer les IVG là où elles sont légales.
La Constitution européenne accumule les paragraphes pour réglementer le commerce et l'homogénéiser d'un bout à l'autre du continent mais elle ne tente même pas d'aligner les droits au niveau le plus favorable.
Nous n'avons jamais eu la naïveté d'attendre de la Constitution européenne qu'elle améliore le sort des travailleurs. Aucune constitution, pas plus celle de la France que d'autres, n'est faite pour cela.
Mais enfin, les institutions européennes auraient pu au moins peser pour balayer la crasse réactionnaire accumulée, ici quant aux droits des femmes, là quant au poids des Églises dans la vie sociale, ailleurs en matière de libertés publiques. Mais les institutions européennes, qui sont si pointilleuses sur les conditions de concurrence, n'en ont rien à faire et de la condition des femmes, et des libertés publiques. En tout cas, pas au point d'avoir une politique contraignante vis-à-vis des aspects les plus réactionnaires des législations nationales existantes.
Oh oui, les droits du capital au profit sont unifiés à l'échelle du continent, mais pas le droit des personnes, pas le droit des travailleurs, pas le droit des êtres humains !
Alors je réaffirme que nous sommes pour une Europe unie, fraternelle, sans frontières entre les peuples ! Mais que nous disons non, mille fois non, à cette Constitution européenne !
Nous voterons non, mais nous nous opposerons aux arguments de ceux des partisans du non qui appellent à ce vote en prétendant que c'est un moyen de parer aux coups contre les travailleurs puisque ces coups viendraient de Bruxelles. C'est une fumisterie ! Ce n'est pas Bruxelles, ce sont nos propres capitalistes, notre propre gouvernement qui nous attaque ! Et ce sont eux aussi dont les capitaux sont ici, dont les sièges sociaux sont ici, qui sont à la portée de notre colère !
Tous ceux qui, au lieu de désigner aux travailleurs leurs ennemis véritables, ici, à portée de main, les détournent vers des objectifs éloignés, abstraits, inaccessibles, veulent en réalité interdire aux travailleurs d'agir. Ils voudraient que les travailleurs en restent à se plaindre, à râler sur les malheurs du temps. Ils ne veulent pas leur dire que, oui, on peut faire reculer nos ennemis car, jusqu'à nouvel ordre, toutes leurs usines, tous leurs chantiers, toutes leurs banques, toute leur économie ne fonctionnent qu'avec notre travail et que cela nous donne la capacité de les faire reculer !
Et nous disons aussi que ce n'est pas le "oui" ou le "non" à ce référendum qui va améliorer en quoi que ce soit le sort des travailleurs. Ce n'est pas au référendum que cela se passe. Et c'est en cela que c'est une escroquerie de détourner les travailleurs sur le référendum à venir ou encore sur les élections présidentielles de 2007.
Face à l'offensive du patronat et du gouvernement, ce qu'il faut, c'est la contre-offensive de tous les travailleurs.
Les travailleurs ne peuvent compter ni sur le Parti socialiste, ni même sur le Parti communiste pour préparer cette contre offensive. Eux, ils n'ont que les élections de 2007 en ligne de mire.
Ils ne peuvent pas plus compter sur les directions syndicales. Les confédérations syndicales ont attendu jusqu'au 5 février dernier pour appeler à une manifestation contre la politique anti-ouvrière du gouvernement.
Le 5 février, sans être assez puissant pour inquiéter le gouvernement, a été un succès. Il a fallu attendre onze jours pour que les confédérations annoncent une nouvelle journée d'action pour le 10 mars. Et encore pas toutes, parce que cette fois-ci la CFDT ne s'y associe pas. Elle trouve qu'associer dans une même journée d'action les travailleurs du privé et du public, ce n'est pas bien car, affirme un représentant de la CFDT cité par Le Parisien, "il y a un risque de kidnapping des mots d'ordre du privé" !
Allez savoir ce que cela veut dire ! Mais ce qui est clair, c'est que même cette journée d'action du 10 mars, dont on ne sait pas encore bien par quoi elle se traduira, est de trop pour François Chérèque ! Ce qui est clair, c'est que l'idée même que les travailleurs du public et du privé agissent ensemble lui donne des boutons, alors que nous subissons les uns et les autres les mêmes attaques, alors que travailleurs du public et du privé, nous avons intérêt à nous battre ensemble !
Mais, bien au-delà, le véritable problème est que, pour redonner confiance aux travailleurs, il faudrait que les centrales syndicales aient un plan d'action annoncé publiquement, où les actions s'enchaînent les unes après les autres, au lieu des improvisations laborieusement marchandées entre confédérations et dont, chaque fois, les travailleurs ignorent si elles seront suivies ou sans lendemain.
Oui, il faut un plan de lutte susceptible de convaincre les travailleurs qu'il est non seulement nécessaire de riposter aux attaques, mais aussi que cette riposte est possible. Mais cela exige des initiatives, des actions, discutées à l'avance, des grèves et des manifestations où chaque action prépare la suivante clairement annoncée.
Et qu'on ne nous dise pas que les travailleurs ne sont pas prêts aujourd'hui à s'engager dans l'action sous prétexte que la crainte du chômage est forte et que la démoralisation est grande. Car comment faire en sorte que cet état d'esprit change et que la confiance revienne si les directions syndicales elles-mêmes abandonnent les exigences vitales de la classe ouvrière au nom du "réalisme".
Comment les travailleurs pourraient-ils se persuader que cela est nécessaire et possible, si même leurs organisations syndicales abandonnent ces revendications pour finir par ne plus réclamer que des négociations ?
Mais tout le monde sait que les négociations sans rapport de force, c'est accepter et cautionner ce que les patrons veulent imposer aux travailleurs !
Oui, pour empêcher que les travailleurs s'enfoncent dans la pauvreté, il faut affirmer haut et fort qu'une augmentation générale de tous les salaires est indispensable ! Oui, pour empêcher la société aller à la catastrophe, il faut interdire les licenciements collectifs !
Alors, je ne sais pas ce qui mettra le feu aux poudres ! Mais cette riposte, elle viendra ! Elle viendra parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de se défendre ! Elle viendra parce que nous ne pouvons pas accepter que, d'année en année, le sort des travailleurs se dégrade et que l'avenir des enfants des classes populaires apparaisse plus sombre encore que le présent des parents.
Rappelons-nous comment, en 1995, les seuls cheminots ont pu faire reculer Juppé, lui qui assurait, quelques semaines avant le développement de la grève, avec morgue, qu'il était "droit dans ses bottes" et qu'il n'avait pas à s'occuper des clameurs de la rue !
Tous les travailleurs de ce pays, quelle que soit leur corporation, ont besoin d'une augmentation substantielle de leur salaire ! Tous ont besoin de se protéger contre les menaces de licenciement et de la précarité ! Il faut que l'ensemble de la classe ouvrière se retrouve autour de quelques objectifs simples, répondant à ces exigences, pour faire reculer le gouvernement ! Il faut un mouvement ample, incontrôlable par le gouvernement, et qui menace d'échapper à toute prévision !
Ceux qui les ont vécus se souviennent des premiers jours de mai 1968, ou même des premiers jours des grèves de 1995, avant que les appareils syndicaux les contrôlent, les canalisent et annoncent qu'ils étaient prêts à négocier. C'est lorsque le mouvement est explosif, lorsqu'à chaque jour de grève les possédants ont à redouter que le lendemain soit pire pour eux, qu'ils ont cette peur salutaire qui seule les fait céder.
Alors, nous n'en sommes pas là, au jour d'aujourd'hui. Mais nous pouvons dire et répéter autour de nous ces vérités. Nous avons à dire que les licenciements et le chômage, ce n'est pas normal et qu'on peut y mettre fin en empêchant les patrons de licencier, en les obligeant à répartir de travail entre tous sans baisse de salaire, en prenant sur le profit !
Nous avons à dire que la baisse incessante du pouvoir d'achat des travailleurs n'est pas normale, alors que les entreprises, les grands groupes industriels et financiers, les grandes dynasties françaises jonglent avec les milliards !
Alors, le développement des luttes se fera peut-être par une explosion générale, imprévisible, du mécontentement ouvrier ; il se fera peut-être progressivement par des luttes et des succès partiels, les plus combatifs entraînant les autres. Mais il est important qu'il y ait des travailleurs, des travailleuses, des militants, pour affirmer haut et fort les exigences du monde du travail, et qui ne se résignent pas, qui ne renoncent pas, fût-ce au nom d'un faux réalisme, et qui maintiennent haut notre drapeau !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 22 février 2005)