Points de presse et déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur les relations franco-tchadiennes, la question des réfugiés soudanais et la présence militaire française en Afrique, N'Djamena et Abéché le 19 février 2004.

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Circonstance : Voyage de Dominique de Villepin au Tchad, le 19 février 2004

Texte intégral

(Point de presse de Dominique de Villepin à son arrivée à l'aéroport, à N'Djamena, le 19 février 2004) :
D'abord vous connaissez la qualité d'excellence des relations qui existent entre Paris et N'Djamena, entre le Tchad et la France, la qualité des relations qui existent entre les deux chefs d'Etat, le président Chirac et le président Déby. Ce sont des relations soutenues. Nous avons un dialogue politique qui n'a cessé de se développer au cours des dernières années et nous avons par ailleurs une volonté commune d'apporter notre contribution à l'ensemble de la stabilité régionale. Donc, pour la France, c'est l'occasion d'évoquer avec l'un des grands chefs d'Etat de cette région les perspectives en Centrafrique, la situation de la Côte d'Ivoire. Vous savez que nous avons de bonnes nouvelles : c'est l'acception par les Américains de l'envoi d'une force du maintien de la paix en Côte d'Ivoire qui va donc se décider dans les tout prochains jours. Voilà un cap qui est passé et la gestion des priorités africaines est véritablement, je crois, une marque d'exemplarité, car c'est un processus qui avance.
Par ailleurs, nous sommes soucieux de continuer à développer, intensifier, au-delà du dialogue politique, nos relations de coopération avec le Tchad ; nous avons un certain nombre de projets d'intérêt commun. Nous pouvons parler avec les autorités tchadiennes. Par ailleurs, il y a une situation, ici même, au Soudan pour laquelle nous sommes évidemment très concernés, et nous sommes très soucieux de la stabilité, de la qualité des relations dans la sous-région et tout ce que nous pouvons faire pour apporter notre contribution, eh bien nous souhaitons le faire. Je suis aujourd'hui à N'Djamena, je serai demain à Khartoum et dans le cadre de ce dialogue, il est évidemment très important pour nous, pour la France, avant de nous rendre à Khartoum, de pouvoir évoquer les sujets d'intérêt commun avec le président Déby.
Q - Justement, à propos du Soudan et du Tchad et leur co-frontière, deux problèmes, le problème des réfugiés, du moins l'afflux massif des réfugiés, et, également, le consensus des négociations de paix entre les rebelles et le gouvernement soudanais. Qu'ont dit les ministres des Affaires étrangères ?
R - Ce sont deux sujets qui nous concernent évidemment très directement, la situation humanitaire, celle des personnes déplacées, celle des réfugiés. Je vais me rendre maintenant dans un camp de réfugiés, sur place, avec l'ensemble des responsables de la communauté humanitaire, responsables internationaux et organisations non gouvernementales qui sont directement concernés. Vous savez que nous souhaitons pouvoir apporter notre concours pour soulager cette détresse, cette misère.
Il y a, par ailleurs, des pourparlers politiques dans le sens de la réconciliation. Nous avons eu des entretiens nourris avec les responsables soudanais, le président El-Béchir est venu en France il y a quelques mois. Nous avons reçu par ailleurs une délégation du président soudanais, le conseiller du président est venu à Paris, il a été reçu par le président de la République. Je me suis moi-même longuement entretenu avec lui et c'est l'occasion de reprendre ce dialogue, pour voir comment nous pouvons essayer de passer ce cap difficile, quelles propositions, quelles solutions peuvent être envisagées pour accélérer ce processus de règlement.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 février 2004)
(Point de presse de Dominique de Villepin à l'issue de son audience avec le président tchadien, M. Idriss Deby, à N'Djamena, le 19 février 2004) :
Q - Monsieur le Ministre, vous venez de vous entretenir avec le chef de l'Etat. Pouvez-vous nous dire de quoi vous avez discuté ?
R - D'abord, je tiens à remercier le président Déby de son accueil, un accueil chaleureux. Cela fait de nombreuses années qu'un ministre des Affaires étrangères français n'est pas venu au Tchad et c'est pour moi, à la fois un honneur et une fierté, dans un moment très important pour la région, pour l'ensemble de la communauté régionale. Je me suis réjoui, en particulier, d'avoir eu un long entretien avec le chef de l'Etat sur l'ensemble des sujets d'intérêt commun : bien sûr, la situation dans la sous-région, les relations amicales avec le Soudan, mais aussi la situation dans le Darfour, qui est une préoccupation pour l'ensemble d'entre nous ; concernant la situation avec la Centrafrique, nous appuyons, vous le savez, les relations avec ce pays et les efforts qui ont été engagés depuis de longs mois pour sortir d'une crise dont les effets ont été mesurés par chacun dans le pays.
Nous avons évoqué évidemment l'ensemble des crises africaines et les progrès qui ont été réalisés en Côte d'Ivoire, en saluant la décision annoncée de la création d'une force de maintien de la paix. C'est, je crois une étape très importante pour la Côte d'Ivoire. Cela mobilise bien évidemment l'ensemble des énergies de l'Afrique de l'Ouest. Nous saluons ce qu'a fait la CEDEAO, ce qu'a fait la présidence ghanéenne, mais aussi la mobilisation de la communauté internationale, qui répond présente à un besoin urgent pour la Côte d'Ivoire, puisqu'il s'agit de franchir une nouvelle étape, qui va lui permettre de confirmer son action dans le domaine du désarmement, ainsi que la préparation des élections et la phase de processus politique. Les Nations unies ont une expérience, elles ont un savoir-faire, et c'est bien là où nous attendons de leur part cette contribution essentielle.
En ce qui concerne les relations entre le Tchad et la France, vous en connaissez le niveau d'excellence, la qualité des relations très anciennes entre nos deux pays, nos deux peuples, mais aussi les relations d'amitié très profondes entre le président Chirac et le président Déby. J'ai transmis au président Déby le message de cette amitié, de cette fidélité de la France et du président Chirac. Le président Chirac s'était réjoui de retrouver à Paris, il y a quelques mois, le président Déby, il l'a revu encore récemment et je sais que le dialogue politique entre nos deux pays reste extrêmement intense, très régulier car, alors que nous sommes sollicités pour les affaires de la région, l'ensemble des affaires du continent africain, nous avons besoin de cet échange.
En ce qui concerne nos relations de coopération, elles sont aussi de grande qualité. J'ai pu rencontrer tout à l'heure les Eléments militaires français au Tchad, saluer l'action qui est la leur, constater aussi qu'ils sont au service de la population civile, au service de la formation des militaires tchadiens. Il y a là une interaction entre nos deux armées, entre nos deux pays, qui est là, je crois, un élément d'exemplarité.
Q - Vous avez été voir les réfugiés soudanais. Comment décririez-vous leur situation ?
R - Il y a une situation qui évidemment nous inquiète, comme elle inquiète la communauté internationale, car nous faisons face à une situation de réfugiés dispersés sur une longue frontière, avec des situations différentes, qui parfois arrivent avec l'ensemble de leur famille et leur bétail. Il faut donc accueillir ces réfugiés, les regrouper. C'est le travail des autorités tchadiennes, en liaison avec les organisations internationales. J'ai été très heureux de pouvoir rencontrer les représentants du Haut-Commissariat aux Réfugiés, du Programme alimentaire mondial, des organisations non gouvernementales, les organisations humanitaires et, en particulier, à Forchana, de Médecins sans Frontières. J'ai été heureux de constater à quel point ils sont mobilisés pour essayer d'appuyer ces populations, avec leurs enfants, souvent en difficulté, souvent démunies. Je crois que la communauté internationale se doit de prévoir. Nous allons passer, à la suite des chaleurs des prochains mois, une période difficile. Il faut prévoir aussi l'arrivée de la saison des pluies. Nous sommes mobilisés pour ce faire, en liaison avec les autorités tchadiennes. J'évoquerai bien sûr cette situation du Darfour demain, avec nos amis soudanais et le président El-Béchir. Je crois que c'est un sujet qui doit effectivement nous mobiliser tous ensemble. Il y va de la stabilité dans cette région ; il y va aussi de la responsabilité de la communauté régionale et internationale.
Q - Nous sommes mobilisés, mais qu'est-ce que la France peut faire concrètement pour ces réfugiés ?
R - Nous apportons une aide humanitaire, et nous allons augmenter cette aide. Nous voulons aussi évaluer exactement la nature des besoins à l'intérieur de ces camps. Vous savez que les réfugiés sont rassemblés sur six sites et c'est donc au terme de cette évaluation que nous pourrons mesurer plus concrètement ce que nous pouvons faire efficacement. Notre poste diplomatique ici, l'ensemble de nos services, notre délégation à l'Action humanitaire sont mobilisés pour contribuer à soulager la situation de ces populations réfugiées.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez évoqué la Côte d'Ivoire avec le président tchadien. Etes-vous confiant sur le vote, avant la fin de ce mois, d'une résolution aux Nations unies, permettant l'envoi de plus de 6.000 casques bleus en Côte d'Ivoire ?
R - Tout à fait. Chacun comprend bien, en Afrique et au-delà, l'importance de cette échéance pour la Côte d'Ivoire et pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. J'ai participé, à New York, à la conférence pour la reconstruction du Libéria. Que nous parlions du Libéria, du Sierra Leone, de la Côte d'Ivoire, il y a là un ensemble régional fragile. De grands progrès ont été faits en Côte d'Ivoire. C'est donc dans un esprit de responsabilité qu'il nous faut aborder cette nouvelle étape. J'en ai parlé avec le président Déby, qui est prêt à apporter sa propre contribution. Il est tout à fait conscient de l'importance que revêt cette phase, l'envoi d'une force de maintien de la paix. C'est donc dans cet esprit de rassemblement, de mobilisation, que nous voulons agir. Vous savez que la France entend maintenir son propre dispositif, nos 4.000 soldats présents là-bas, apporter un appui logistique et stratégique à cette force qui se mettra en place. C'est bien dans un état d'esprit de solidarité et d'action que nous envisageons cette nouvelle étape.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2004)
(Déclaration de Dominique de Villepin aux éléments français à la base Kossei, à Abéché le 19 février 2004) :
Je sais que ce n'est pas à vous que j'expliquerai l'importance de cette présence française ici au Tchad dans une configuration politique, géopolitique qui se situe évidemment au coeur de nos intérêts, au coeur aussi d'une stabilité régionale qui est importante non seulement pour la France, non seulement pour les intérêts occidentaux mais je crois pour l'ensemble de la communauté africaine et internationale. C'est dire que les enjeux au coeur desquels vous vous trouvez sont essentiels pour nous tous. Passant en revue les missions qui sont les vôtres et leur diversité à la fois bien sûr la sécurité de nos ressortissants et celle des ressortissants étrangers, chacun voit bien à quel point nous comptons sur vous, à quel point je dirais aussi nos partenaires étrangers comptent sur vous dans des situations de crise, en Afrique, au Tchad nous l'avons vu dans le passé mais aussi dans beaucoup d'autres pays africains. C'est sans doute une reconnaissance très forte qui nous est à chaque fois exprimée par nos collègues étrangers, américains il n'y a pas si longtemps, mais aussi européens.
J'ai rencontré hier à Berlin Joschka Fischer, le ministre des Affaires étrangères allemand et Jack Straw, le ministre britannique et chacun a pu apprécier dans des situations de crise à quel point les éléments français, où qu'ils soient, dans des situations difficiles, savent répondre, bien sûr, pour leurs ressortissants, mais aussi pour l'ensemble des ressortissants européens, occidentaux ou d'autres pays de la communauté internationale.
Dans le cadre des relations politiques, stratégiques très étroites qui nous lient au Tchad, un véritable partenariat, des liens très forts entre nos deux pays, ont été forgés par l'histoire. J'ai vu ces relations avec le Tchad se consolider au fil des années puisque j'ai vu la naissance des ces dispositifs français, qu'il s'agisse de "Manta" et d'"Epervier" au milieu des années 1980, et je vois le chemin parcouru quand nous pensons à ce qu'était le Tchad, pays en crise, pays traversé par les épreuves. Quand on voit aujourd'hui ce régime et le système tchadien se mettre en place, même s'il reste encore du chemin, on voit que ce pays est capable de franchir un certain nombre d'étapes et est capable de relever des défis au service d'un peuple si attachant.
Au-delà de la formation, l'assistance aux populations civiles : voilà une mission noble qui nous attache véritablement au peuple, au pays dans lequel nous servons et c'est pour nous, Français, toujours avec une immense fierté que nous vous voyons, vous, les représentants de l'armée française, servir à l'étranger. Je le dis, c'est une immense fierté parce que je ne compte plus le nombre de fois où, en Conseil des ministres, rapportant les activités qui sont les vôtres, qui sont celles des détachements français à travers le monde - j'ai été encore récemment à Kaboul -, j'ai pu saluer la qualité du travail que vous faites, en liaison avec notre diplomatie. Il n'y a pas en effet de diplomatie ambitieuse qui ne soit accompagnée par une armée moderne, une armée efficace, je dirais même mieux une armée généreuse.
Vous êtes les uns et les autres, hommes et femmes, les visages de cette armée française en Afrique, les visages de cette armée française au Tchad et je ne saurais trop vous dire à quel point, au nom du président de la République, du Premier ministre, de Michèle Alliot-Marie - et vous savez à quel point les relations entre le Quai d'Orsay et le ministère de la Défense sont des relations étroites, d'estime, de qualité parce que nous vivons les mêmes expériences, nous partageons les mêmes ambitions, les mêmes épreuves sur le terrain côte à côte, diplomates et militaires et dans ce combat, eh bien, évidemment, notre respect mutuel s'est forgé -, eh bien, je veux vous dire, en leur nom à tous, à la fois l'estime, l'admiration, la fidélité de la France pour tout ce que vous faites. Et je crois pouvoir vous dire aussi, au nom de nos amis tchadiens, au nom de nos amis africains, qui sont les témoins directs de ce que vous faites au quotidien, aussi une immense reconnaissance à chacune et à chacun d'entre vous. Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 février 2004)