Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la culture et de la communication, sur RTL le 13 avril 2005, sur sa volonté de réformer le système d'aide aux productions cinématographiques et sur l'intervention prochaine du Président de la République en faveur du traité constitionnel européen.

Prononcé le

Circonstance : Intervention télévisée du Président de la République, M. Jacques Chirac, en faveur du traité constitutionnel européen le 14 avril 2005

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Aphatie - Vous avez décidé de réformer le système d'aide au cinéma sous conditions et je vous cite "les possibilités de soutien financier aux entreprises de production extra-européennes, c'est à dire en clair, aux entreprises de production américaines. Notre décision n'est pas toujours comprise dans les milieux du cinéma", alors que voulez vous faire, précisément, Renaud Donnadieu de Vabres ?
Renaud Donnedieu de Vabres - Je défends avec passion, le système français d'aide au cinéma, je défends avec passion le travail des réalisateurs, des artistes, des techniciens ... de toutes celles et de tous ceux qui contribuent au rayonnement artistique de notre pays. Et donc question est très simple : un investissement réalisé par une entreprise extra-européenne peut-il bénéficier à un réalisateur français, à l'emploi français dans notre pays. Et si c'est le cas, est-ce qu'il doit ou non, bénéficier d'un certain nombre d'aides publiques.
Moi, je souhaite développer le travail des artistes et des techniciens, je souhaite que tous les lieux publics soient mis à la disposition des tournages ... nous avons un capital entre les mains, exceptionnel. Alors, je pense nécessaire de soutenir l'emploi dans notre pays, de re-localiser les tournages en France, parce cela me semble tout à fait essentiel. Il y a une situation de déséquilibre, aujourd'hui 85 % des tickets de cinéma vendus dans le monde, sont pour des productions américaines. Il y a un système déséquilibré ... je souhaite de ce point de vue que l'Europe protège le cinéma français, ce qui est en train de se produire.
Q - Pour être précis, le film de Jean Pierre Jeunet a posé problème, film français, tiré d'un roman français, tourné en français par des acteurs français, mais produit par une filiale de la Warner. Il ne bénéficie pas d'aide et c'est à cette situation que vous voulez remédier.
R - Notamment, mais ce n'est pas de la haute couture fait pour ce film là, c'est un principe...
Q - Mais c'est ce film là, qui vous a fait prendre conscience du problème ?
R - Non, la question était sur la table, c'est une question de principe et donc je souhaite, si vous voulez que artistes et techniciens français puissent être soutenus... attention, je ne veux pas non plus de déferlante, et je vais...
Q - Comment vous pourrez l'éviter, justement ?
R - Justement on va fixer les critères.

Q - Lesquels ?
R - Des critères de taille, des critères de montant de financements, d'articulations par rapport à des employeurs et de producteurs indépendants. Donc, je viens de désigner une personnalité qui doit fixer des critères. Je prendrais ma décision définitive dans le courant de l'été, mais qu'on ne compte pas sur moi pour ne pas défendre avec passion le capital que nous avons dans notre pays sur le plan de la création cinématographique, musicale, théâtrale, etc. en veillant aux structures les plus fragiles, parce que je sais qu'il y a des inquiétudes, que les gens se disent : mais au fond...
Q - Les rouleaux compresseurs américains vont arriver et il n'y aura plus de place pour nous...
R - Et bien non. La réalité d'aujourd'hui est très dangereuse, parce qu'aujourd'hui il y a une trop forte concentration de la production américaine dans le domaine de la musique, dans le domaine des traductions de livres ou dans le domaine du cinéma. Dans le domaine de la numérisation, vous savez très bien que le président de la république sur ce sujet, m'a donné trop tardivement paraît-il à écouter Alain Duhamel, des instructions précises sur la numérisation des livres en France, pour qu'il y ait tout simplement un équilibre entre un système français et Google. Je ne suis pas quelqu'un d'arrogant, je suis pour les équilibres, mais je défendrai passionnément la France et l'artiste français et les techniciens et de ce point de vue, l'Europe et la constitution sont de véritables protections. Parce que dans un monde uniforme, nous devons avoir à coeur de protéger la diversité.
Q - Donc, pour l'instant vous êtes un peu mal compris par certains professionnels du cinéma, d'autres vous soutiennent ?
R - Oui, c'est absolument de la caricature, c'est du slogan. Il n'y a pas de plus ardent défenseur de l'exception culturelle française, de la diversité culturelle française que moi. J'agis sur le plan international sur ce sujet, j'ai une feuille très précise que m'a tracé le président de la république et je crois l'a mené à bien.
Q - C'est dit. Vous êtes aussi ministre de la communication, Renaud Donnadieu de Vabres. Les sociétés de journalistes et de France 2 et de France 3 : deux entreprises publiques placées sous votre responsabilité, s'étonnent de la présence des animateurs de leur chaîne, Jean Luc Delarue et Marc Olivier Fogiel, jeudi soir sur le plateau de TF1 pour interroger le président de la République sur l'Europe. Que pensez vous, vous de la présence de ces deux animateurs du service public sur TF1, jeudi soir ?
R - Je pense surtout, monsieur Apathie, que les français peuvent être d'aussi redoutables interviewers que vous.
Q - Non, je vous parle des animateurs...
R - Et faites-leur confiance... à leur bon sens, je pense qu'ils vont incarner toute la diversité de l'esprit critique français. Le président de la République a décidé de donner la parole aux Français concernant l'Europe. Les élites politiques, culturelles, économiques, sociales qui ont trop géré en vase clos le dossier européen aujourd'hui sont, un peu débordé par le fait que se sont les français eux même qui vont s'exprimer. On a intérêt d'ailleurs à retrousser nos manches de chemises et à aller cages d'escalier par cages d'escalier, pour faire comprendre, pour faire partager l'objectif.
Q - C'est votre Constitution Renaud Donnadieu de Vabres ?
R - Nous sommes pour le futur élargissement de l'union européenne.
Q - C'est votre réponse. Elle est éloquente votre réponse, on la comprise : faisons confiance aux français, faisons confiance au panel...
R - Je fais confiance aussi aux journalistes... les journalistes sont là pour poser des questions et les Français aussi...
Q - C'est votre réponse, mais ce n'était pas ma question. Ma question est : Que pensez-vous de la présence des animateurs du service public sur le plateau de TF1, jeudi soir? C'est cela ma question.
R - Vous savez, Monsieur Apathie, parfois on me reproche d'être le patron d'Hollywood, parfois on me reproche d'être un directeur de programmes. Je n'ai pas en tant que ministre de la communication - je ne suis pas le ministre de l'information - la charge du contenu des émissions, mais je trouve très positif cette rencontre directe entre les français et le président de la république ... cette rencontre directe, c'est celle du référendum...
Q - J'ai compris...
R - Et bien, elle va s'incarner dans cette émission.
Q - Une autre question à laquelle je n'aurai peut être pas de réponse : Marc Olivier Fogiel et Jean Luc Delarue ont tenu à préciser qu'ils ne seraient pas payés pour leur prestation jeudi soir, ils le font gratuitement... c'est à dire que, sans doute participeront-ils à une émission qui fera beaucoup d'audience et c'est ce que l'on souhaite au président de la République, au détriment des chaînes publiques qui les emploie. Est-ce qu'il n'y a pas là, un paradoxe Renaud Donnadieu de Vabres ?
R - Il y a certainement tous les paradoxes, mais monsieur Apathie...
Q - Vous ne voulez pas les commenter ?
R - Non, ce n'est pas cela... moi, ce qui m'intéresse ... les sondages aujourd'hui ça ne me plait pas, même si les sondages, on sait très bien ce qu'il en est. Et à chaque fois, à chaque élection on découvre qu'il y a un décalage entre un sondage et la réalité. Moi, ce qui me mobilise, c'est de faire comprendre aux Français, pourquoi il faut voter "Oui" et c'est tout. Donc tous les débats que l'on a sur des sujets....
Q - Ça ne vous intéresse pas...
R - Attendez, ne me faite pas dire ce que je ne dis pas. Je crois au rôle des journalistes, détecteur de l'actualité, des prises de conscience etc. mais un président de la République, quand il est mis en face un certain nombre de Français, pour autant, il y aura cette liberté de ton qui vous est si familière et qui est nécessaire.
Q - Dernière question Renaud Donnadieu de Vabres. Le temps de parole du président de la République qui défendra le "Oui" à la Constitution, on le répète, il défendra le "Oui" à la constitution, comme vous. Ce temps de parole, ne sera pas décompté, trouvez-vous cela normal.
R - Et bien oui, c'est la tradition républicaine, le conseil supérieur de l'audiovisuel de ce point de vue là, prend pour chaque référendum et chaque attitude du président de la République, qu'il s'agisse du président Mitterrand, du président Chirac, exactement la même attitude, la même décision...
Q - Ne changeons rien, faisons comme Mitterrand, ne changeons rien...
R - Ça fait parti des équilibres...
Q - Ça force un peu le débat démocratique...
R - Mais non, attendez, vous avez le sentiment qu'aujourd'hui, il y a une espèce de dissymétrie...
Q - De fait...
R - Et que le "Non" est maltraité, malmené globalement dans les médias, dans l'actualité, je n'ai pas ce sentiment là, en tout cas, moi je suis ouvert à tous les débats contradictoires, les Français ont droit à l'information équilibrée.
Q - Renaud Donnadieu de Vabres qui avait ses réponses et j'avais mes questions était l'invité d'RTL ce matin.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2005)