Texte intégral
Chers Amis, Chers Camarades,
Nous devons le succès de cette manifestation à tous nos amis européens qui sont venus, non pas pour nous aider, mais faire la campagne avec nous car, cette campagne pour le référendum du 29 mai est la leur. La question qui est posée et posée à toute l'Europe. Voulons-nous ou pas le Traité constitutionnel ? Et de la réponse de la France, c'est vrai, dépend la suite du processus. En venant ici, à Paris, ils sont venus faire campagne pour l'Europe, pour leur pays et pour l'avenir en commun qui est le nôtre.
La gauche européenne est là ce soir. Tous les partis socialistes d'Europe sont là ; il n'en manquait aucun, car tous les partis socialistes d'Europe votent " Oui " au Traité constitutionnel. La gauche européenne est là ce soir avec les Verts ; la gauche européenne est là aussi avec la gauche sociale. Pour nous, il n'y a pas de différence entre la gauche politique et la gauche sociale. Et, pour nous, la gauche sociale, c'est d'abord le syndicalisme européen et rien d'autre. La gauche européenne est là et elle ne pouvait pas être ailleurs.
Nous sommes rassemblés pour le référendum du 29 mai. Notre camarade polonais nous disait que le vote du référendum aura lieu le jour de l'élection présidentielle. Nous aurions dû y songer ! Cela nous aurait peut-être simplifié les choses, y compris au Parti socialiste ! Mais, que voulez-vous, nous n'avons pas eu le choix du moment ! On a le choix de la réponse. Et, si nous avons dit " Oui ", nous socialistes français, c'est parce que les militants socialistes en ont décidé ainsi. S'ils ont fait ce choix, c'est d'abord en fidélité avec leur histoire ; l'histoire de la construction européenne qui doit beaucoup à des générations de l'après-guerre qui ont compris, plus tôt que d'autres et après des drames hélas, qu'il fallait bâtir l'Europe. Je veux saluer ces générations-là ; elles nous ont donné l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui : l'Europe de la paix, l'Europe de la démocratie, l'Europe de la réunification de notre continent, l'Europe qui est aujourd'hui la première puissance économique du monde. Paul Rasmussen a raison : il revient à notre génération de faire l'Europe pour les 50 prochaines années.
Du choix que l'on fera maintenant, à travers une Europe politique, une Europe sociale, un Traité qui n'est d'ailleurs qu'une étape, nous dessinons les contours de la future Europe. Nous ne redoutons rien, nous n'avons peur de rien. C'est sans doute plus facile aujourd'hui de faire l'Europe de demain qu'il n'était pas possible de la faire après la seconde guerre mondiale quand tout était détruit.
Pour notre génération, il s'agit de préserver la paix -ici, elle est acquise, et encore- et de la porter partout dans le monde. La responsabilité de l'Europe d'aujourd'hui n'est pas de faire la paix pour elle, mais de la faire pour le monde. C'est sa mission pour ne pas laisser les autres en décider autrement.
Notre responsabilité est aussi de maîtriser la mondialisation, de répondre aux défis de la compétition, de l'émergence de nouvelles puissances, de faire en sorte que la démocratie prenne ses droits sur le marché. C'est sûrement un défi difficile et c'est pourquoi nous avons besoin du Traité constitutionnel. Non pas qu'il nous donne à lui seul les instruments et les leviers ; mais sans le Traité constitutionnel, nous sommes sûrs de n'avoir que le marché, fut-il accompagné d'une monnaie. Voilà pourquoi, nous devons relever le défi de la mondialisation, ne rien craindre de l'ouverture, mais faire en sorte que l'Europe soit en capacité de fixer des règles pour elle, mais aussi pour le monde. L'Afrique et l'Amérique latine nous regardent en espérant que l'Europe sera leur alliée dans ce beau combat, dans ce nécessaire combat pour la dignité, pour le développement et pour la démocratie.
Il nous revient d'être enfin une Europe politique. Nos prédécesseurs ont fait l'Europe du marché, celle de la monnaie. À nous de faire l'Europe de la politique, de la défense, de la protection, de la sécurité. À nous de porter un message non pas de puissance, mais de paix à travers le monde. Le monde a besoin d'une Europe forte, d'une Europe politique, et c'est le Traité constitutionnel qui nous en donne, maintenant, la possibilité et l'ouverture.
Je sais qu'il y a d'autres étapes et d'autres échéances qui nous attendent. De ce point de vue, c'est le " Oui " qui ouvre, c'est le " Oui " qui avance, c'est le " Oui " qui met en mouvement, c'est le " Oui " qui crée de la dynamique, de l'enthousiasme pour d'autres rendez-vous. Le Traité constitutionnel n'est pas l'achèvement, n'est pas l'accomplissement de notre combat, il permet simplement d'en ouvrir d'autres. Et c'est pourquoi je lance ici une initiative que doit prendre le mouvement socialiste européen : dans le Traité, des instruments nous sont donnés et il y a des leviers que nous pouvons actionner. Je demande que nous prenions tous l'engagement qu'avec le vote du Traité constitutionnel nous puissions porter, à travers le droit de pétition, la première loi européenne qui doit être une loi européenne sur les services publics. Voilà ce que devrait faire le mouvement socialiste à travers toute l'Europe. Il faut porter cette pétition et affirmer notre volonté d'une loi européenne sur les services publics.
Au-delà du traité, ce qui va faire maintenant clivage en Europe entre la gauche et la droite, c'est l'usage des outils, des instruments, des leviers qui nous sont offerts par le traité.
Il nous reste dix jours pour convaincre, dix jours pour nous adresser à tous ceux -et ils sont nombreux- qui sont exaspérés par la politique de la droite depuis trois ans. Pensez à ce qu'ils subissent : chômage en hausse, pouvoir d'achat en berne, les inégalités sociales qui se creusent, jour de pentecôte supprimé et ces provocations répétées du pouvoir, ces interventions de Premier ministre finissant ainsi qu'un Président en fin de règne. C'est vrai, il serait tellement simple, tentant, d'utiliser un référendum à fin de se débarrasser de tout cela. Mais pour quel résultat ? En visant la droite, le gouvernement, le Président de la République, nous ne toucherions que l'Europe elle-même. Ce serait elle la victime de l'exaspération des Français. Nous ne le voulons pas. C'est notre conception de la politique ; c'est la dignité que nous donnons à notre combat ; c'est le sens des responsabilités qui est le nôtre. Nous considérons qu'en 2007, après notre retour au pouvoir (parce que nous y reviendrons), nous avons besoin d'une Europe forte, d'une Europe en marche, en mouvement et pas d'une Europe en panne.
Pour mener ce combat-là, nous en avons appelé à la vérité, parce que c'est la vérité qui doit convaincre nos concitoyens que le Traité constitutionnel est meilleur que tous les traités existants, que sur les plans de la démocratie, du social, de la protection des droits et des libertés, sur le plan des institutions et de la cohérence, il n'y a que des avancées dans le Traité et aucun recul. Nous devons dire la vérité, en disant que le Traité constitutionnel en lui seul ne permettra pas de lutter contre le chômage ou de vaincre contre les délocalisations. Mais, qui peut prétendre aujourd'hui, face à un travailleur menacé de délocalisation, que si on refuse le Traité constitutionnel, il sera protégé dans son emploi ? Qui peut prétendre vraiment que si le " Oui " ou le " Non " l'emporte, il en sera fait de la compétition mondiale ? Qui peut prétendre qu'aucun travailleur, aucun salarié ne sera menacé dans son emploi ? Nous ne le disons pas en votant " Oui ". Ce que nous disons, c'est qu'avec le Traité il sera possible d'harmoniser, de faire converger les droits sociaux, les droits salariaux. Il sera aussi possible de faire des prescriptions minimales pour que ceux qui nous ont rejoint puissent connaître le même niveau de développement que nous. Mais, nous disons qu'il faudra du temps, de la persévérance et surtout d'avantage de gouvernements de gauche en Europe si nous voulons atteindre cet objectif.
Tout dépendra, au-delà du Traité, des choix politiques que feront les peuples au moment des renouvellements de majorité -comme en France en 2007 et avant en Italie en 2006. Saluons, d'ailleurs, les Italiens qui ont été capables, et sans état d'âme, de voter le Traité constitutionnel en infligeant la pire défaite à Berlusconi ! Et nul n'a prétendu qu'il pouvait y avoir un lien entre l'un et l'autre. Cela dépendra donc des choix politiques que nous ferons dans chacun de nos pays et aussi des choix politiques que le peuple européen fera en désignant une majorité de gauche - je l'espère - au Parlement européen lors du prochain renouvellement. Voilà le sens de notre combat.
Et puis, si nous le menons au nom de la vérité, nous le faisons avec courage. Il nous a fallu refuser toutes les facilités, toutes les simplifications, toutes les caricatures. Il eut été simple de travestir la réalité, de laisser penser qu'il pouvait y avoir un enjeu de politique intérieure, là où il n'y avait qu'un enjeu européen ; il eut été commode de récupérer le mécontentement et la colère ; il eut été tentant de faire, en 2005, la préparation d'une autre échéance -celle de 2007. Nous ne l'avons pas voulu. Nous avons défendu avec courage -et nous continuerons de le faire- ce Traité, parce qu'il est meilleur. Nous avons défendu avec courage notre idéal de socialistes et notre idéal d'européens. Nous avons défendu avec courage la ligne qui, depuis toujours, est la nôtre : de 1957 jusqu'à aujourd'hui, du Traité de Rome jusqu'à Lionel Jospin, parce que c'est la ligne de la construction d'une Europe démocratique et sociale (avec un parti socialiste qui en prend l'initiative) que nous poursuivons.
Face à ces caricatures, à ces simplifications -notamment lorsqu'il s'agit de parler de l'arrivée des nouveaux pays de l'Est dans l'Union européenne, lorsqu'il s'est agi, pour certains, d'en faire des concurrents ou des compétiteurs là où ils ne sont que des frères et des surs qui veulent simplement adhérer à des valeurs communes avec nous- nous devons dire la vérité. On nous dit qu'à travers le Traité constitutionnel, c'est le débat sur l'élargissement qui est reposé. J'ouvre donc ce débat et je dis avec fierté que nous avons eu raison d'accueillir ces pays ; nous avons eu raison, parce qu'ils demandaient d'abord de venir construire avec nous le même continent, le même ensemble politique. Nous avons eu raison parce qu'ils ont été durant 50 ans sous le joug d'une dictature soviétique ; nous avons eu raison, parce qu'ils demandaient de vivre selon nos valeurs, nos principes qui sont aussi les leurs ; nous avons donc eu raison. D'ailleurs, qu'aurions-nous pu leur dire ? Qu'ils étaient trop pauvres ? Qu'ils nous auraient fait concurrence ? Qu'ils n'avaient pas eu de chance à être libérés par les Soviétiques plutôt que par les Américains ou les Britanniques ? Nous aurions dit qu'ils étaient trop loin de nous, alors qu'ils ne sont qu'à une ou deux heures d'avion ! Nous aurions commis cet acte nationaliste que de leur dire " Vous n'êtes pas chez vous en Europe " !
Je leur dis : " Bienvenue en Europe ; venez avec nous et restez avec nous. Vous êtes des citoyens européens à part entière ; nous ne vous craignons pas. Vous connaîtrez le développement, les droits sociaux grâce au Traité constitutionnel ".
Il faut nous adresser à tous ceux qui hésitent, qui s'interrogent encore, qui se demandent ce qu'ils vont faire, à tous ceux qui s'inquiètent. C'est à nous de les convaincre. Aujourd'hui, rien n'est joué, rien n'est acquis. Tout dépend de ceux précisément qui n'ont pas pris leur décision. Ils sont peut-être les plus nombreux aujourd'hui. Qu'ils nous regardent, fiers de notre idéal.
Battons-nous jusqu'au dernier jour et prenons conscience que nous servons l'Europe en tant que socialistes et que nous portons l'idéal d'une France ouverte, généreuse, solidaire. Battons-nous car nous poursuivons le beau combat du socialisme qui n'a jamais de frontière, parce qu'il est internationaliste et européen. Soyons fiers.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 27 mai 2005)