Déclaration de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes, sur la réforme de l'indemnisation des préjudices et dommages corporels, considérée comme une des priorités du plan d'action en faveur des victimes, à Paris le 28 janvier 2005.

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Circonstance : Installation à la Cour de Cassation du "Groupe de travail sur la nomenclature des chefs de préjudice corporel" présidé par M. Jean-Pierre Dintillac, à Paris le 28 janvier 2005

Texte intégral

Monsieur le Premier Président,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec une grande satisfaction que j'installe aujourd'hui, à vos côtés, le groupe de travail sur la nomenclature des chefs de préjudice corporel.
La réforme de l'indemnisation du préjudice corporel est une des priorités du plan d'action en faveur des victimes que j'ai présenté en Conseil des ministres le 29 septembre dernier.
Elle est attendue depuis longtemps par les victimes, par de nombreux professionnels aussi bien de la justice que de la médecine ou de l'aide aux victimes.
Tous ont attiré mon attention sur sa nécessité et son urgence.
Cette réforme se déclinera en plusieurs mesures :
- l'harmonisation des barèmes médicaux,
- l'actualisation des barèmes de capitalisation,
- l'établissement d'une nomenclature incontestable des chefs de préjudice,
- la création d'une véritable base de données nationale sur le préjudice corporel, à l'usage quotidien des juges et des praticiens,
- la modification des conditions d'exercice des recours subrogatoires par les organismes sociaux.
Ces mesures répondent à un double objectif : garantir une indemnisation complète et équitable du préjudice, assurer une égalité de traitement entre les victimes.
1. Garantir une indemnisation complète et équitable.
Certes, la réparation intégrale du préjudice figure parmi les principes fondamentaux de notre droit civil.
Mais la mise en uvre de ce principe se révèle complexe.
Elle conduit nécessairement à engager une réflexion de fond autour de la personne victime, sur la maladie et le handicap, le plaisir et la souffrance, sur le besoin de se reconstruire; une réflexion, aussi, sur les solidarités familiales et sociales.
Grâce à cette réflexion pourra découler ensuite une juste analyse des éléments constitutifs du préjudice.
Or, la notion de préjudice a considérablement évolué ces dernières années.
Des concepts se sont enrichis, des postes de préjudice nouveaux ont été identifiés ; ainsi en est-il du syndrome post-traumatique, du préjudice sexuel, ou du préjudice de contamination par le virus du SIDA
On le voit, contrairement à ce qui a pu être écrit par certain, les buts qui sont les miens sont à l'opposé d'une conception forfaitaire de l'évaluation du préjudice, d'une " barémisation " des indemnités.
2. Le second objectif que je poursuis est d'assurer une égalité de traitement entre les victimes
Les victimes de dommages corporels sont aujourd'hui confrontées à des régimes d'indemnisation multiples, parfois peu cohérents.
Accidents de la circulation, accidents médicaux, infractions pénales etc Autant de situations qui déclenchent la mise en uvre de mécanismes juridiques et financiers spécifiques.
Par ailleurs, les victimes doivent faire face à des variations parfois importantes dans l'évaluation financière d'un même préjudice.
Certes la fixation des indemnités est par essence soumise à la seule appréciation des juges du fond.
Pour autant, la démarche du juge doit pouvoir s'appuyer sur des catégories juridiques et une méthodologie clairement énoncées et définies. C'est ainsi que nous pourrons réduire les distorsions injustes et harmoniser notre jurisprudence.
Monsieur le Premier Président, je sais combien vous êtes attaché à tout ce qui peut contribuer à réduire la part d'imprévisibilité des décisions de justice.
La réforme que j'engage s'inscrira dans ce même objectif.

( A Monsieur Dintilhac ) Monsieur le Président, les travaux que vous allez conduire, je crois l'avoir démontré à l'instant, auront donc une importance toute particulière.
Des débats doctrinaux abondants ont récemment enrichi la réflexion juridique.
D'intéressantes propositions ont été formulées en octobre 2003 par le Conseil national de l'aide aux victimes.
Enfin, l'arrêt rendu le 19 décembre 2003 par l'assemblée plénière de la Cour de cassation a été l'occasion de poser clairement les enjeux.
Ma conviction est que le temps est venu de réformer nos textes ; je pense en particulier à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale et à certaines dispositions de la loi du 5 juillet 1985 relative aux victimes d'accidents de la circulation.
La nomenclature des chefs de préjudice est au cur de cette réforme ; c'est pourquoi les conclusions que vous formulerez seront essentielles.
Je vous remercie, Monsieur le Premier Président, Monsieur le Président, d'avoir su rassembler dans ce groupe des personnalités d'aussi grande valeur et d'une compétence reconnue.
Je vous adresse tous mes encouragements pour vos travaux.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 25 février 2005)