Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-roumaines et la perspective de l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, à Bucarest le 25 février 2005.

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Circonstance : Déplacement en Roumanie-visite à la communauté française le 25 février 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Nous avons eu un long entretien avec le Premier ministre roumain et, ensuite, il m'a emmené - c'était un peu une surprise - à une réunion de tous les membres du gouvernement qui participent à la préparation de l'adhésion de la Roumanie, dans une salle que je connaissais déjà puisque, avec son prédécesseur, j'avais, comme commissaire européen cette fois-ci, à l'occasion d'une visite à Bucarest, été invité à participer, pendant une petite heure, à une réunion du gouvernement. Je faisais la réflexion, Monsieur l'Ambassadeur, que la Roumanie est probablement l'un des rares pays européens sur notre continent - peut-être avec le Portugal et naturellement la Belgique - où un ministre français peut participer à une réunion des Conseil des ministres, en se faisant comprendre tout en parlant français. C'est la première raison de ce lien singulier et fraternel qui nous unit, Français et Roumains.
Je suis très heureux de vous rencontrer, même brièvement, très heureux de retrouver la Roumanie, avec le sénateur Henri Revol, ici présent, qui est le président du groupe d'amitié France-Roumanie au Sénat français. Je suis très heureux aussi de vous saluer, dans la diversité de vos engagements, de vos responsabilités diplomatiques, consulaires, professionnelles, privées, associatives, spirituelles aussi, bref, quoi que vous fassiez ici. Je sais que la communauté française est à la fois assez jeune et dynamique. Je vous apporte également le salut amical du président de la République et du Premier ministre. J'ai parlé des associations et je voudrais, d'ailleurs, dire un mot de remerciement notamment aux associations que l'on connaît, l'ADFE, l'UFE, et puis, en particulier, pour le travail que je sais considérable et formidable que fait l'Accueil francophone de Bucarest à travers beaucoup d'initiatives, et enfin remercier les femmes - parce que c'est plutôt une association féminine si j'ai bien compris - qui font ce travail formidable pour faire vivre l'âme de la communauté française.
Mesdames, Messieurs, ce pays où vous vivez, où vous travaillez, est à la veille d'un événement considérable ; probablement, après la libération du communisme et le retour à la démocratie, l'événement le plus considérable de son histoire. C'est celui de l'adhésion à l'Union européenne, comme nous l'avons fait nous-mêmes, Français, il y a près de cinquante ans, après que quelques hommes politiques audacieux et notamment quelques Français, comme Jean Monnet ou Robert Schuman, ont imaginé ce projet. Ils annonçaient - et je tiens beaucoup, quand on reçoit des visiteurs au Quai d'Orsay, à leur faire visiter le Salon de l'Horloge qui se trouve à côté de mon bureau, parce que c'est là que le 9 mai 1950 Robert Schuman a prononcé son discours visionnaire et fait cette promesse de paix, de stabilité, de progrès partagé, en lançant l'appel à la Communauté du Charbon et de l'Acier -, ils annonçaient une promesse qui a été respectée. Je dis cela parce que quelquefois on doute des hommes politiques et du fait qu'ils ne tiennent pas leurs promesses. Voilà, une vision, une promesse faite par quelques hommes politiques exceptionnels qui ont été tenues.
Nous sommes, nous, les héritiers, les acteurs et les ouvriers de cet engagement sur ce projet européen qui est l'un des plus beaux projets politiques à l'échelle d'un continent. C'est que la politique signifie bien que l'on fabrique du progrès, de la stabilité, plutôt que d'entretenir des conflits. Donc, la Roumanie va rejoindre ce projet parce qu'elle le veut. Elle s'y prépare. J'ai eu l'occasion de dire au Premier ministre, au ministre des Affaires étrangères, comme je l'avais dit à leurs prédécesseurs, que c'est un défi important et exigeant, peut-être plus difficile qu'ils ne le croient. Mais il vaut la peine, il vaut l'énergie et les efforts qui vont être faits. J'ai eu l'occasion de leur dire aussi qu'entrer dans l'Union européenne, ce n'était pas seulement entrer dans un grand marché ou dans un supermarché, qu'on entrait dans l'Union, bien sûr pour faire du commerce, mais qu'on ne faisait pas de la politique seulement au sein de l'OTAN. On entre dans l'Union pour faire du commerce et pour faire de la politique, ensemble, entre nous Européens et, pour moi, ministre français - et je l'ai d'ailleurs dit à nos ambassadeurs -, le premier réflexe doit être pour la France, un réflexe européen. C'est notre intérêt national, notre influence, que d'utiliser le levier européen et d'avoir ce réflexe européen. Cela vaut pour nous et cela vaut naturellement pour les pays qui veulent entrer.
Ce pays a un taux de croissance assez dynamique, les entreprises françaises - et j'ai rencontré ce matin plusieurs chefs d'entreprises qui sont ici, qui investissent et qui ne le regrettent pas -, ont des marchés devant elles, ce pays a un pouvoir d'achat qui va augmenter, un développement territorial et régional devant lui, donc des opportunités, pour nous, en tant que partenaire. Nous sommes le troisième partenaire de la Roumanie, cela veut dire qu'on a encore deux places à gagner, donc une marge de progrès, et nous allons encourager ce partenariat, précisément sur tel ou tel projet, comme dans tel ou tel secteur. Je suis, je l'ai dit ce matin, un ministre français qui s'intéresse à l'économie depuis longtemps. Je voulais vous dire quelques mots sur cette perspective très positive et très encourageante, vous dire aussi que j'attache du prix à cette rencontre, parce que je veux donner de la diplomatie française, au delà de la politique qui est l'affaire des chefs d'Etat, des gouvernements - les deux présidents se sont du reste rencontrés il y a quelques jours à Bruxelles et vont se retrouver bientôt, le président roumain va venir en France à l'automne -, je veux donner une dimension citoyenne et humaniste à l'action extérieure de la France. Cette dimension, je ne peux pas la donner tout seul, même si j'en ai envie. J'ai besoin qu'elle soit relayée par nos ambassades, par les services économiques, par les services culturels, les centres culturels, par les entreprises, par les associations, par chacune et chacun d'entre vous. Votre pays n'est pas grand quand il est arrogant, il n'est pas fort s'il est solitaire, je l'ai dit aux ambassadeurs, je le répète devant vous. C'est le sens de l'action diplomatique, que je veux conduire, d'un pays qui n'a pas de complexes, qui est un des pays fondateurs de l'Union européenne. Il y a une vieille amitié avec la Roumanie mais cela ne suffit pas. La nostalgie n'est pas une bonne manière de faire de la politique pour l'avenir. Sans complexes mais sans arrogance, nous devons affirmer notre présence, en concertation et en bonne intelligence avec les autres pays européens, et en jouant notre partition qui est nationale mais aussi européenne.
Je voulais vous dire cela, en vous remerciant d'avoir répondu à cette invitation et en vous souhaitant à toutes et à tous bon courage dans votre activité quelle qu'elle soit, au service d'une certaine idée de la France et d'une certaine idée de l'Europe.
Je voulais enfin vous apporter le salut amical et très sincère du président de la République qui m'a demandé de vous le dire.
Merci à tous
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 mars 2005)