Déclaration de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, sur la nécessité pour les partenaires de l'Europe de s'engager d'avantage dans des concessions pour aboutir à un résultat équilibré dans le cadre des négociations de l'OMC, Paris le 4 mai 2005.

Prononcé le

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Circonstance : Réunion ministérielle du Conseil de l'OCDE à Paris, le 4 mai 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
La perspective d'une conclusion du cycle de Doha s'est ouverte l'an dernier lorsqu'un accord a été trouvé à Genève fin juillet. L'Union européenne a bien voulu être la première, par la voix de Pascal Lamy, à "mettre au pot", à ouvrir le jeu par une première mise, en prenant des engagements dans le domaine des subventions à l'exportation de produits agricoles.
Mais cette bonne volonté manifestée par l'Union européenne doit maintenant trouver du répondant chez nos partenaires de négociation pour parvenir à un résultat acceptable par tous.
Ce résultat doit avant tout répondre aux préoccupations des pays les moins favorisés. Mais il doit aussi assurer une contribution équitable de la part de tous les participants et leur assurer un gain également équitable.
1 - La préservation des intérêts des pays les plus pauvres reste la priorité de la France. Alors que toutes les organisations internationales se mobilisent en faveur de l'Afrique sub-saharienne, déclaré continent le plus pauvre du XXIème siècle, il ne serait pas normal que l'OMC n'apporte pas sa contribution.
La France s'est prononcée depuis longtemps en faveur d'un alignement des pays développés sur le plus favorable des systèmes de préférences douanières qu'ils offrent aux pays les plus pauvres. L'Union européenne offre pour sa part depuis plusieurs années, à travers l'initiative "tout sauf les armes", un accès sans aucune limite aux exportations des pays les moins avancés. Je souhaite ici rendre un hommage particulier à l'engagement très ferme du commissaire Mandelson en faveur de la reprise de ce système par les pays développés dans le cadre des négociations en cours. Je suis convaincu que le cycle de Doha nous offre une occasion unique de généraliser cette mesure et de donner tout son sens au cycle du développement.
Nous avons, en outre, depuis Cancun, une question urgente à résoudre concernant le coton. Il faut qu'une réponse concrète soit apportée par l'OMC aux pays demandeurs, dont toute l'économie repose sur le prix mondial d'un unique produit.
Par ailleurs, nous ne pouvons laisser sans réponse la question de l'érosion des préférences. La libéralisation sans précaution conduit les plus pauvres à l'échec. Les conséquences dont beaucoup de pays les plus pauvres commencent à souffrir dans le domaine du textile doivent nous amener à traiter sérieusement cette question. Nous devrons nous montrer inventifs pour répondre à ce défi.
Enfin, le cycle doit permettre le développement du commerce Sud-Sud, par l'ouverture notamment des marchés des pays émergents aux produits des pays africains et des pays les moins avancés. Ces marchés constituent déjà des débouchés importants et leur ouverture doit se poursuivre.
2 - Notre deuxième objectif dans ce cycle est d'aboutir à un résultat équilibré. De ce point de vue, des progrès importants restent encore nécessaires.
Certes, nous voilà engagés dans le vif de la discussion sur les droits de douane agricoles, puisque nous avons ouvert les travaux de conversion des droits spécifiques en droits ad valorem. Je ne doute pas qu'une solution équilibrée puisse être trouvée dans ce domaine. Mais nous devrons ensuite aborder simultanément les questions de formule de réduction et de produits sensibles. Mais deux autres domaines de la négociation agricole nécessitent des progrès au moins aussi importants : les soutiens internes et les soutiens aux exportations. Des engagements ont été pris lors de l'accord de Genève en ce qui concerne notamment les crédits à l'exportation agricole, dont je rappelle qu'ils représentent un montant annuel de 3 milliards de dollars. Des engagements ont également été pris en ce qui concerne l'aide alimentaire et les entreprises commerciales d'Etat. Ces dernières ne doivent plus être autorisées à pratiquer le dumping et s'attacher à respecter le droit de la concurrence. L'ensemble de ces négociations doit progresser au même rythme que celles sur les droits de douane. En tout état de cause, les engagements européens en matière de subventions aux exportations sont directement subordonnés aux progrès concrets qui seront faits dans ces autres domaines.
Par ailleurs, nous tenons aux indications géographiques. Elles figurent au programme de la négociation et il avait même été décidé à Doha qu'un résultat concret devait être atteint en 2003. C'est un aspect de la négociation auquel nous sommes particulièrement attachés. C'est un enjeu de valorisation des productions locales, aussi bien pour nos producteurs que pour ceux des pays en développement.
Mais de manière plus générale, l'équilibrage de la négociation passe par une accélération de la négociation sur les droits de douane industriels et le commerce des services. Dans le domaine des droits de douane industriels, nous visons une ouverture réelle des marchés, c'est-à-dire une diminution des droits appliqués, tant dans les pays développés que dans les pays émergents. De ce point de vue, il reste du chemin à parcourir pour obtenir de nouveaux marchés à notre automobile, notre chimie ou notre textile. Dans la négociation d'ouverture des services, nous n'avons pas encore atteint la masse critique suffisante d'offres et nous appelons tous les membres à s'impliquer plus franchement dans la négociation.
En tout état de cause, si nous devons constater que les ambitions de nos partenaires sont finalement réduites, nous en tirerons toutes les conséquences. Nous ne saurions accepter de faire des concessions coûteuses dans le domaine agricole sans satisfaction pour nos intérêts offensifs. A cet égard, nous sommes ouverts à exempter les plus pauvres de tout effort. En revanche, il sera indispensable que tous les autres participants contribuent et que les concessions réciproques s'équilibrent. Des pays qui prennent une envergure significative sur la scène internationale ne peuvent échapper à leurs obligations.
Nous savons tous que ce sont les conditions du succès. Il est donc temps que les partenaires de l'Europe fassent entendre leurs propositions concrètes.
J'espère que ce sera le cas dans les prochaines semaines, dans l'esprit d'ambition et d'équilibre que je viens d'indiquer au nom du gouvernement français
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mai 2005)