Message de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur les exemples de reconnaissance de la culture de l'outre-mer dans les événements nationaux ou internationaux, Paris le 17 mai 2005.

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Circonstance : Festival International de Cannes : remise du prix Hohoa 2005, à Cannes le 17 mai 2005

Texte intégral

Chers amis d'outre-mer et de métropole,
Je suis heureuse de pouvoir m'adresser à vous, pour la troisième fois, dans le cadre prestigieux de ce Festival international de Cannes. Je n'ai pu vous rejoindre, pour cette soirée, mais je suis de cur, avec vous, pour vivre dans la fête, ce moment qui réjouira tous ceux que l'outre-mer intéresse. Je voudrais saluer tout particulièrement le Président du jury, Passi, pour son implication et son appui, et remercier l'ensemble des membres du jury et des personnalités présentes pour le soutien qu'ils apportent, par leur contribution, aux créateurs de l'outre-mer français.
Depuis trois ans, j'apporte mon concours à l'événement qui nous réunit, parce qu'il répond à une attente forte et légitime, de la part de tous nos compatriotes ultramarins. Une plus grande visibilité et une plus grande reconnaissance de leurs cultures et de leurs identités dans les grands événements nationaux et internationaux.
C'est pourquoi je veux souligner tout particulièrement cette initiative de Réseau France Outre-Mer et de l'Association Invariance Noire qui travaillent chaque année à ancrer davantage, au cur du Festival de Cannes, les images de l'outre-mer français. Je voudrais remercier chaleureusement François Guilbeau, directeur général de RFO, et Osange Silou, directrice générale d'Invariance Noire, pour leur engagement, au service du cinéma ultramarin.
Le Festival de Cannes s'interrogeait mardi dernier sur son rôle et sa vocation, lors du colloque inaugural portant sur la diversité cinématographique. A cette occasion, l'écrivain Patrick Chamoiseau s'inquiétait : " S'il est bien une tâche urgente, c'est de s'inquiéter de ces peuples qui vivent sans cinéma () Ces pays n'ont pas d'images et donc leur imaginaire est fragile ". Le prix Hohoa du meilleur scénario de court-métrage d'outre-mer fait aujourd'hui incontestablement partie de ces modestes mais néanmoins nombreux événements cannois qui répondent à cette exigence tracée par Patrick Chamoiseau.
L'aide au développement cinématographique et audiovisuel de régions plus pauvres en images, dans un monde où l'image est omniprésente et toute puissante, est nécessaire. Elle est une priorité de mon ministère. Seule l'émergence de productions locales, appuyées sur des identités et des cultures qui leur sont propres, permettra aux régions d'outre-mer d'échapper à l'uniformisation et à la standardisation culturelle. Et donc à l'étouffement progressif de leurs imaginaires. Je veillerai, pour ce qui me concerne, à ce que France Télévision et Réseau France Outre-Mer aient les moyens de jouer pleinement leur rôle dans cet effort de production.
Patrick Chamoiseau ajoutait lors de ce même colloque: " Cannes doit rester un lieu de chaleur culturelle, dans lequel s'affrontent les molécules de la diversité, un espace de réflexion où grands et jeunes réalisateurs doivent lancer des idées ". Il convient aussi, comme le rappelle à juste titre l'écrivain martiniquais, de conserver au Festival de Cannes sa fonction de " bouillon de culture " par la promotion de la diversité cinématographique, du dialogue interculturel et intergénérationnel. Là encore le Prix Hohoa a su se placer au centre de ces enjeux.
Le Prix du meilleur scénario de court métrage de l'outre-mer permet à de jeunes scénaristes ultramarins d'exprimer leurs imaginaires et leurs talents. Il leur permet aussi d'aller jusqu'au bout de leur rêve: par leur présence dans la magie de Cannes, par les rencontres professionnelles qu'ils peuvent y faire, mais aussi par la possibilité qu'on leur donne de porter à l'écran leurs scénarii. Aussi aurez-vous l'occasion de voir au cours de cette soirée le scénario primé l'an dernier : Monsieur Etienne du Martiniquais Yann Chayia. Et je sais que très bientôt le public pourra découvrir 24 heures dans la vie d'un mort du néo-calédonien, Stéphane Baillet, prix 2003 du meilleur scénario. Je me réjouis de voir aboutir ces beaux projets. Puissent les lauréats de 2005 trouver aussi leurs réalisateurs et leurs producteurs !
Beaucoup de nos concitoyens expriment leur crainte face à une mondialisation non maîtrisée et à un monde guetté par les dangers de l'uniformisation. Mais ne confondons pas la multiplication des productions cinématographiques avec la valorisation de la diversité cinématographique. Je suis certaine, pour ma part, que notre pays ne saurait répondre à l'hégémonie actuelle du cinéma américain par la seule multiplication de produits standardisés (si " français " soient-ils !). Il doit pouvoir puiser sa force et sa confiance dans sa propre diversité culturelle qu'il méconnaît encore trop largement. En cinéma, comme en littérature, dans le monde mondialisé d'aujourd'hui, l'outre-mer est une chance et un atout pour la France. C'est pourquoi je me réjouis que le Prix Hohoa permette modestement mais efficacement d'enrichir chaque année les images françaises et de promouvoir d'autres imaginaires. Ces imaginaires de la Caraïbe, du Pacifique ou de l'océan Indien qui ne sauraient être réduits à l'exotisme ou à un ailleurs étranger mais qui fondent aussi la culture française contemporaine.
Pour conclure, je voudrais adresser toutes mes félicitations et mes encouragements aux gagnants de cette année qui nous viennent cette fois-ci des quatre coins de l'outre-mer français : Cécile Vernant de la Martinique pour Il était une fois Sasha et Désirée, Camille Tillier de La Réunion pour L'il du Cyclone et Frédéric Kuhn de Saint-Pierre-et-Miquelon pour L'Egaré.
Je vous souhaite à tous une excellente soirée.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 19 mai 2005)