Déclaration de Mme Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, sur les raisons du PCF d'appeler à voter non au référendum prévu pour ratifier le traité constitutionnel établissant une Constitution pour l'Europe, à Versailles le 28 février 2005.

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Circonstance : Réunion du Parlement en Congrès à versailles le 28 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mes chers collègues,
Il nous est demandé, ici, de modifier la Constitution de notre République.
Une telle décision n'est jamais banale. Celle qui nous est proposée aujourd'hui revêt un caractère historique, il s'agit d'inscrire ou non le projet de traite constitutionnel européen dans la Constitution française.
Inscrire ou non dans la Constitution - donc pour les décennies à veni r- un projet de traité qui, dans sa partie 3, impose pour toute politique économique et sociale : la concurrence libre et non faussée ! Nous en connaissons le résultat : bradage des services publics, casse de l'emploi, destruction des droits sociaux, écrasement des retraites et de l'assurance-maladie, pression sur les salaires...
Nous allons, par notre vote, prendre une décision essentielle alors que le peuple n'a pas été consulté ! Nous allons voter alors qu'il ne dispose pas de tous les éléments d'information lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause, et que toutes les rumeurs courent à propos de la date de la consultation. On parle même de marche forcée.
Dix peuples seulement sur vingt-cinq vont être consultés par référendum. Dans notre pays, est-ce l'abstention qui va l'emporter faute de débats démocratiques ? Soyons attentifs, si l'Europe se construit sans et contre les peuples, de nouveaux dangers se profilent pour la démocratie et la coopération entre les nations. N'ajoutons pas de la distance entre l'Europe et les citoyennes et citoyens, entre les politiques menées et les aspirations.
Il faut donner du temps au débat citoyen, contribuons à ce que les françaises et les français soient actrices, acteurs d'une Europe en prise avec leurs aspirations.
C'est pourquoi, vous me permettrez, au nom des députés communistes et républicains, d'écorner la tonalité consensuelle des interventions et de porter ici le " non " à cette révision constitutionnelle, le " non " au projet de traité constitutionnel, pour ouvrir la porte à une autre Europe, à une politique progressiste en France et en Europe.
Ce " non " est la voix d'une part importante de notre peuple, qui peut être majoritaire demain car elle résiste et porte l'espoir.
Beaucoup a été fait pour présenter le " oui " comme incontournable. On nous dit : c'est " oui " ou le chaos ! Il faudra trouver d'autres arguments pour convaincre.
La dynamique du " non ", quant à elle, est nourrie par la découverte du texte lui-même, les colères engendrées par les politiques libérales menées en France et en Europe, mais aussi l'espoir en d'autres choix pour une autre vie ici et dans les vingt cinq autres pays de l'Union.
Dire " non ", c'est penser que l'Europe a mieux à proposer que la mise en concurrence des salariés et des peuples !
Le " non " est porté par les hommes et par les femmes qui agissent contre le chômage, les bas salaires.
Le " non " est porté par celles et ceux qui ne veulent plus se voir niés à coups de discriminations.
Le non est porté par les agriculteurs inquiets pour l'avenir de leur exploitation familiale.
Le " non " est porté par celles et ceux qui rêvent d'autre chose pour les droits qu'une Charte par trop minimaliste et surtout n'ouvrant " aucune compétence ni tâche nouvelle pour l'Union ".
Le " non " est porté par celles et ceux qui défendent les services publics contre le tout marchand.
Pendant des années, les directives européennes ont pesé sur les choix gouvernementaux, elles ont été inscrites dans notre droit, et aujourd'hui, il faudrait croire que cela n'a rien à voir avec la politique intérieure ! Mais celles et ceux qui luttent ont bien compris que la matrice de la politique du gouvernement était toute entière inscrite dans le texte de Mr Giscard d'Estaing.
Ils ne veulent pas voir l'alternative politique clouée au sol demain par ces chaînes libérales. En effet, l'heure n'est-elle pas plutôt à une harmonisation des droits par le haut, à de grands services publics, à une Banque Centrale Européenne au service de l'emploi, à une Europe solidaire et accueillante, à une Europe actrice d'une autre mondialisation ?
Enfin à l'heure de la célébration du soixantième anniversaire de la Libération, comment ne pas s'inquiéter de l'imposante contradiction entre les grandes réformes sociales édifiées à l'époque et les logiques libérales européennes qui les broient désormais, entre l'élan de paix d'alors et la tentation atlantiste d'aujourd'hui.
L'Europe a perdu son chemin : il faut dire " non " pour lui redonner du sens. Celui d'une Europe du progrès social, de la démocratie et de la paix. Celui d'une Europe qui concourt à répondre aux attentes populaires.
Vous l'aurez compris, nous ne pouvons accepter ces modifications constitutionnelles. Elles préjugent de l'opinion de notre peuple.
Notre " non " porte sanction des politiques libérales, notre " non " est un vote d'espoir. En votant " non ", les députés communistes et républicains veulent ouvrir la porte à des changements en France et en Europe.
(Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 2 mars 2005)