Texte intégral
O. de Lagarde - Un petit mot d'abord sur cette polémique qui enfle dans l'opinion : au ministère de l'Intérieur, allez-vous travailler le lundi de Pentecôte ?
R - Le ministère de l'Intérieur, c'est le ministère de l'urgence, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Donc la solidarité, nous serons au rendez-vous et nous recherchons la solution la plus consensuelle possible, dans un ministère qui met le dialogue social au cur de sa vie quotidienne.
Q - La décision de la SNCF de continuer à considérer ce jour comme férié vous choque-t-elle ?
R - Chacun apporte la réponse à la question qui est posée, cette question de la solidarité et chacun le fait en fonction de sa situation propre, de ses exigences propres. Mais c'est un rendez-vous que nous avons avec les Français, avec la solidarité et puis aussi un peu avec nous-même.
Q - Au ministère de l'Intérieur, ça ne sera pas considéré comme un jour férié ?
R - Au ministère de l'Intérieur, je l'ai dit, nous recherchons une solution par le dialogue social, mais notre réponse sera celle de la solidarité.
Q - Ce n'est donc pas encore tranché ?
R - Notre réponse sera celle de la solidarité.
[...]
Q - En tant que ministre de l'Intérieur, vous avez sous vos ordres les Renseignements généraux, les préfets pour vous renseigner. Quels renseignements vous remontent sur l'état de l'opinion concernant le référendum du 29 mai ?
R - Les Français veulent être entendus, ils veulent être écoutés, ils veulent que nous répondions à leurs questions à un moment où l'enjeu décisif, c'est celui de la France. Aucun d'entre nous ne souhaite laisser à ses enfants une France plus petite que celle dont nous avons héritée de nos parents. Donc il faut, dans cette campagne, ne pas se tromper d'objectif : l'enjeu, c'est bien la France.
Q - L'enjeu, c'est aussi l'Europe et le "non" semble quand même bien installé dans l'opinion publique. Vous ne voulez pas me répondre sur les renseignements que vous avez...
R - Les Français nous adressent des messages. Vous savez, la politique, ce n'est pas de la cuisine, ce n'est pas une pincée de sondages, une pincée de volonté et une pincée d'amour-propre. La politique, c'est la réalité d'hommes et de femmes dans un pays, qui à un moment donné, ressentent, certains des inquiétudes, certains des frustrations, certains du mécontentement. Et il faut avec tout ça bâtir un chemin. C'est là où les responsables politiques doivent trouver les mots, doivent trouver les solutions et doivent permettre véritablement à chacun, en conscience, de prendre la décision, la décision qui, je le redis, est importante pour l'Europe, mais qui est décisive pour la France.
Q - Le chemin vers le "oui" à l'Europe est quand même pentu : le dernier sondage donne 58 % d'intentions de vote pour le "non". C'est foutu à votre avis ou pas ?
R - Mais certainement pas. Ces sondages traduisent une fois de plus les questions que se posent les Français. Je le vois partout sur le terrain, j'étais à Périgueux, à Bordeaux hier : ces questions, les Français se les posent, et ils veulent très concrètement savoir ce que cette Constitution peut changer pour eux. Ils ont raison de se poser cette question. Cette Constitution, c'est à la fois plus de démocratie pour l'Europe, pour toute l'Europe, dans un ensemble européen qui, pour la première fois, va être un grand ensemble démocratique. 25 Etats qui bâtissent, qui font l'histoire et qui ensemble vont permettre de mieux maîtriser les risques et les dangers du monde, d'humaniser la mondialisation. Nous aurons plus d'outils, nous serons ensemble, donc nous serons plus forts. Nous avons besoin de ne pas rester dans notre coin, alors même que tous les jours, nous le voyons, les défis des délocalisations, l'inquiétude économique, la crainte de la montée du chômage, tout ceci exige des réponses. Eh bien, nous sommes plus forts si nous sommes rassemblés que si nous restons dans notre coin. Et cette Europe, c'est aussi la solidarité. Comme ministre de l'Intérieur, je le vois tous les jours. Dans le domaine de la protection civile, j'étais dans la Drôme il y a quelques jours pour un grand exercice de sécurité civile, l'explosion d'un train, d'un wagon comportant des gaz chimiques importants : nous devions faire face ce jour-là à la situation de 200 grands brûlés. Eh bien, il y avait les Allemands, il y avait les Tchèques, il y avait les Belges : en quelques heures, nous avons pu apporter une réponse, alors même que la question qui nous était posée - comment traiter ces 200 très grands brûlés - dépassait les capacités de la seule France. Or le traité prévoit une clause de solidarité mutuelle qui nous permet de répondre, comme le traité dans le domaine de la Défense nous apporte une clause d'assistance mutuelle, prévoit une agence de l'armement. Nous sommes à la fois plus solidaires à travers ce traité, et en même temps, nous sommes plus puissants, parce que nous voulons tous que la voix de la France, que la voix de l'Europe puisse s'affirmer. Un sondage récent le dit aux Etats-Unis : quel est le pays dont on attend la contribution la plus importante sur la planète ? La France. Alors que nous doutions, que nous nous posions des questions et que nous regardions vers l'avenir, tant les capacités qui sont les nôtres, tant la générosité qui est celle de notre pays est grande. Une fois de plus, il y va de notre avenir et de l'avenir de nos enfants.
Q - Excusez-moi de revenir à des considérations peut-être plus triviales, mais le choix de procéder par referendum pour ce traité européen, n'était-ce pas quand même une erreur politique majeure ?
R - Parce que poser la question aux Français, ce serait une erreur politique majeure ?
Q - E. Balladur disait hier ici qu'un référendum, c'est "poser une question simple à des Français". Leur demander de se prononcer sur un texte de 300 pages, est-ce que ce n'était pas ouvrir la porte à toutes les réponses possibles ?
R - Mais est-ce que le choix qui est aujourd'hui posé aux Français - est-ce que vous voulez donner une règle à l'Europe, est-ce que vous voulez que nous partagions des valeurs communes, qui sont d'ailleurs les valeurs qui sont au cur de notre histoire, les valeurs du modèle social, les valeurs d'une exception culturelle, les valeurs des services publics, les valeurs de l'environnement -, est-ce que cela ne mérite pas un grand débat national ? Et est-ce que nous ne sortirons pas plus forts de ce grand débat ? Nous avons besoin d'en parler, nous avons besoin de nous prononcer, parce que nous sommes une grande démocratie. Et on a toujours raison quand on va à la rencontre des Français, c'est ce que le président de la République a fait en rencontrant ces jeunes il y a quelques jours. Allons jusqu'au bout de la question, et vous serez étonné de la réponse.
Q - Je vous sens très enflammé ce matin. C'est finalement un petit peu comme lundi dernier, lorsque vous avez pris le petit déjeuner avec J.-P. Raffarin, et que vous lui aviez dit que vous aviez agit sur ordre, lorsque vous avez appelé de vos vux à un changement de cap gouvernemental. Au fait, de qui prenez-vous vos ordres ?
R - Je suis un homme de fidélité et un homme de conviction. Et quand je parle, c'est toujours avec le cur et avec la conviction, avec une seule exigence : le service des Français. Je vous le redis : écoutons les Français, écoutons les Français... Et sur terrain, nous sommes tous rassemblés, parce que bien sûr, je le redis, l'enjeu est décisif pour notre pays. Nous sommes tous rassemblés. Le Gouvernement, nous sommes tous sur le terrain pour défendre l'idée que nous nous faisons de notre pays, et surtout pour répondre aux questions des Français. Il y a dans ce domaine...
Q - Mais répondez à ma question à moi, qui suis un Français !
R - Les seules commandes auxquelles j'obéis, ce sont celles du cur et de ma conviction...
Q - Et du chef de l'Etat ?
R - Je suis un homme de fidélité...
Q - Vous ne voulez pas répondre à ma question, j'en prends acte...
R - Je crois qu'on peut difficilement être plus clair, sans rentrer dans des jeux politiciens.
Q - Est-ce que vous continuez à penser qu'il faut un changement de cap gouvernemental après le 29 mai ?
R - La démocratie, c'est écouter, écouter, écouter...
Q - Et qu'est-ce que vous entendez ?!
R - Qu'est-ce que j'entends ? Beaucoup de questions. Alors attendons d'abord que les Français se prononcent. Ce qui est clair, c'est que nous sommes dans un temps difficile, et que dans les temps difficiles, il faut constamment revoir sa copie, constamment se soucier de faire mieux et de faire davantage. Vous savez, c'est la leçon que la vie nous apprend à chacun. Chacun le matin, quand il arrive au bureau, il essaie de faire mieux. Eh bien, c'est vrai aussi en politique. La politique, ce n'est certainement pas de s'enfermer dans ses certitudes, certainement pas de s'isoler dans sa tour d'ivoire. La politique, c'est de répondre aux préoccupations de nos compatriotes. Donc, il faudra toujours faire mieux, et sur ce point, je peux vous dire...
Q - Avec les mêmes hommes ?
R - Ne rentrons pas... Je ne suis jamais rentré dans des querelles d'hommes ! Ce n'est pas l'idée que je me fais de la politique, et ce n'est pas l'idée que je me fais aujourd'hui des préoccupations des Français. Les Français nous posent des questions, ils nous posent des questions sur leur avenir, ils nous posent des questions sur leur quotidien, ils nous posent des questions sur la place de la France dans cette Europe. Eh bien, c'est là où nous devons nous situer, ce sont ces réponses qu'il faut apporter. Regardez l'enjeu essentiel pour les Français : nous sommes 60 millions. Est-ce que nous voulons appartenir à un ensemble de 450 millions, là où il y a 1,3 milliard de Chinois, 1 milliard d'Indiens, 300 millions d'Américains, dans une compétition qui est une compétition difficile ? Est-ce que nous voulons la loi de la jungle, la loi du plus fort sur la planète ? Ou est-ce que nous voulons au contraire maîtriser notre destin ? Pour maîtriser son destin, pour avoir la chance d'humaniser le monde dans lequel nous vivons, eh bien nous avons besoin de plus de France, et nous avons besoin de plus d'Europe. C'est ce que permet cette Constitution. Dans les domaines de l'immigration, puisque l'immigration est au cur de mes préoccupations - et je vais remettre dans les prochains jours un rapport au président de la République et au Premier ministre -, nous pourrons voter avec ce nouveau traité à la majorité qualifiée, c'est-à-dire que nous pourrons prendre plus de décisions. Bien sûr, il faudra prendre toutes les décisions nécessaires sur le plan intérieur, et je vais les proposer : créer une police de l'immigration, créer des pôles d'immigration, créer un service central d'immigration. Mais avec l'Europe, nous protégerons mieux nos frontières. Regardez ce que nous avons fait avec l'Espagne face au terrorisme de l'ETA, regardez ce que nous faisons tous les jours pour empêcher le crime organisé de pénétrer par des filières multiples dans notre pays. Cette exigence de solidarité, cette exigence d'efficacité, l'Europe la porte en elle. La France a quelque chose de très grand à apporter à l'Europe. Les Européens d'ailleurs nous regardent, soyons au rendez-vous.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 avril 2005)
R - Le ministère de l'Intérieur, c'est le ministère de l'urgence, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Donc la solidarité, nous serons au rendez-vous et nous recherchons la solution la plus consensuelle possible, dans un ministère qui met le dialogue social au cur de sa vie quotidienne.
Q - La décision de la SNCF de continuer à considérer ce jour comme férié vous choque-t-elle ?
R - Chacun apporte la réponse à la question qui est posée, cette question de la solidarité et chacun le fait en fonction de sa situation propre, de ses exigences propres. Mais c'est un rendez-vous que nous avons avec les Français, avec la solidarité et puis aussi un peu avec nous-même.
Q - Au ministère de l'Intérieur, ça ne sera pas considéré comme un jour férié ?
R - Au ministère de l'Intérieur, je l'ai dit, nous recherchons une solution par le dialogue social, mais notre réponse sera celle de la solidarité.
Q - Ce n'est donc pas encore tranché ?
R - Notre réponse sera celle de la solidarité.
[...]
Q - En tant que ministre de l'Intérieur, vous avez sous vos ordres les Renseignements généraux, les préfets pour vous renseigner. Quels renseignements vous remontent sur l'état de l'opinion concernant le référendum du 29 mai ?
R - Les Français veulent être entendus, ils veulent être écoutés, ils veulent que nous répondions à leurs questions à un moment où l'enjeu décisif, c'est celui de la France. Aucun d'entre nous ne souhaite laisser à ses enfants une France plus petite que celle dont nous avons héritée de nos parents. Donc il faut, dans cette campagne, ne pas se tromper d'objectif : l'enjeu, c'est bien la France.
Q - L'enjeu, c'est aussi l'Europe et le "non" semble quand même bien installé dans l'opinion publique. Vous ne voulez pas me répondre sur les renseignements que vous avez...
R - Les Français nous adressent des messages. Vous savez, la politique, ce n'est pas de la cuisine, ce n'est pas une pincée de sondages, une pincée de volonté et une pincée d'amour-propre. La politique, c'est la réalité d'hommes et de femmes dans un pays, qui à un moment donné, ressentent, certains des inquiétudes, certains des frustrations, certains du mécontentement. Et il faut avec tout ça bâtir un chemin. C'est là où les responsables politiques doivent trouver les mots, doivent trouver les solutions et doivent permettre véritablement à chacun, en conscience, de prendre la décision, la décision qui, je le redis, est importante pour l'Europe, mais qui est décisive pour la France.
Q - Le chemin vers le "oui" à l'Europe est quand même pentu : le dernier sondage donne 58 % d'intentions de vote pour le "non". C'est foutu à votre avis ou pas ?
R - Mais certainement pas. Ces sondages traduisent une fois de plus les questions que se posent les Français. Je le vois partout sur le terrain, j'étais à Périgueux, à Bordeaux hier : ces questions, les Français se les posent, et ils veulent très concrètement savoir ce que cette Constitution peut changer pour eux. Ils ont raison de se poser cette question. Cette Constitution, c'est à la fois plus de démocratie pour l'Europe, pour toute l'Europe, dans un ensemble européen qui, pour la première fois, va être un grand ensemble démocratique. 25 Etats qui bâtissent, qui font l'histoire et qui ensemble vont permettre de mieux maîtriser les risques et les dangers du monde, d'humaniser la mondialisation. Nous aurons plus d'outils, nous serons ensemble, donc nous serons plus forts. Nous avons besoin de ne pas rester dans notre coin, alors même que tous les jours, nous le voyons, les défis des délocalisations, l'inquiétude économique, la crainte de la montée du chômage, tout ceci exige des réponses. Eh bien, nous sommes plus forts si nous sommes rassemblés que si nous restons dans notre coin. Et cette Europe, c'est aussi la solidarité. Comme ministre de l'Intérieur, je le vois tous les jours. Dans le domaine de la protection civile, j'étais dans la Drôme il y a quelques jours pour un grand exercice de sécurité civile, l'explosion d'un train, d'un wagon comportant des gaz chimiques importants : nous devions faire face ce jour-là à la situation de 200 grands brûlés. Eh bien, il y avait les Allemands, il y avait les Tchèques, il y avait les Belges : en quelques heures, nous avons pu apporter une réponse, alors même que la question qui nous était posée - comment traiter ces 200 très grands brûlés - dépassait les capacités de la seule France. Or le traité prévoit une clause de solidarité mutuelle qui nous permet de répondre, comme le traité dans le domaine de la Défense nous apporte une clause d'assistance mutuelle, prévoit une agence de l'armement. Nous sommes à la fois plus solidaires à travers ce traité, et en même temps, nous sommes plus puissants, parce que nous voulons tous que la voix de la France, que la voix de l'Europe puisse s'affirmer. Un sondage récent le dit aux Etats-Unis : quel est le pays dont on attend la contribution la plus importante sur la planète ? La France. Alors que nous doutions, que nous nous posions des questions et que nous regardions vers l'avenir, tant les capacités qui sont les nôtres, tant la générosité qui est celle de notre pays est grande. Une fois de plus, il y va de notre avenir et de l'avenir de nos enfants.
Q - Excusez-moi de revenir à des considérations peut-être plus triviales, mais le choix de procéder par referendum pour ce traité européen, n'était-ce pas quand même une erreur politique majeure ?
R - Parce que poser la question aux Français, ce serait une erreur politique majeure ?
Q - E. Balladur disait hier ici qu'un référendum, c'est "poser une question simple à des Français". Leur demander de se prononcer sur un texte de 300 pages, est-ce que ce n'était pas ouvrir la porte à toutes les réponses possibles ?
R - Mais est-ce que le choix qui est aujourd'hui posé aux Français - est-ce que vous voulez donner une règle à l'Europe, est-ce que vous voulez que nous partagions des valeurs communes, qui sont d'ailleurs les valeurs qui sont au cur de notre histoire, les valeurs du modèle social, les valeurs d'une exception culturelle, les valeurs des services publics, les valeurs de l'environnement -, est-ce que cela ne mérite pas un grand débat national ? Et est-ce que nous ne sortirons pas plus forts de ce grand débat ? Nous avons besoin d'en parler, nous avons besoin de nous prononcer, parce que nous sommes une grande démocratie. Et on a toujours raison quand on va à la rencontre des Français, c'est ce que le président de la République a fait en rencontrant ces jeunes il y a quelques jours. Allons jusqu'au bout de la question, et vous serez étonné de la réponse.
Q - Je vous sens très enflammé ce matin. C'est finalement un petit peu comme lundi dernier, lorsque vous avez pris le petit déjeuner avec J.-P. Raffarin, et que vous lui aviez dit que vous aviez agit sur ordre, lorsque vous avez appelé de vos vux à un changement de cap gouvernemental. Au fait, de qui prenez-vous vos ordres ?
R - Je suis un homme de fidélité et un homme de conviction. Et quand je parle, c'est toujours avec le cur et avec la conviction, avec une seule exigence : le service des Français. Je vous le redis : écoutons les Français, écoutons les Français... Et sur terrain, nous sommes tous rassemblés, parce que bien sûr, je le redis, l'enjeu est décisif pour notre pays. Nous sommes tous rassemblés. Le Gouvernement, nous sommes tous sur le terrain pour défendre l'idée que nous nous faisons de notre pays, et surtout pour répondre aux questions des Français. Il y a dans ce domaine...
Q - Mais répondez à ma question à moi, qui suis un Français !
R - Les seules commandes auxquelles j'obéis, ce sont celles du cur et de ma conviction...
Q - Et du chef de l'Etat ?
R - Je suis un homme de fidélité...
Q - Vous ne voulez pas répondre à ma question, j'en prends acte...
R - Je crois qu'on peut difficilement être plus clair, sans rentrer dans des jeux politiciens.
Q - Est-ce que vous continuez à penser qu'il faut un changement de cap gouvernemental après le 29 mai ?
R - La démocratie, c'est écouter, écouter, écouter...
Q - Et qu'est-ce que vous entendez ?!
R - Qu'est-ce que j'entends ? Beaucoup de questions. Alors attendons d'abord que les Français se prononcent. Ce qui est clair, c'est que nous sommes dans un temps difficile, et que dans les temps difficiles, il faut constamment revoir sa copie, constamment se soucier de faire mieux et de faire davantage. Vous savez, c'est la leçon que la vie nous apprend à chacun. Chacun le matin, quand il arrive au bureau, il essaie de faire mieux. Eh bien, c'est vrai aussi en politique. La politique, ce n'est certainement pas de s'enfermer dans ses certitudes, certainement pas de s'isoler dans sa tour d'ivoire. La politique, c'est de répondre aux préoccupations de nos compatriotes. Donc, il faudra toujours faire mieux, et sur ce point, je peux vous dire...
Q - Avec les mêmes hommes ?
R - Ne rentrons pas... Je ne suis jamais rentré dans des querelles d'hommes ! Ce n'est pas l'idée que je me fais de la politique, et ce n'est pas l'idée que je me fais aujourd'hui des préoccupations des Français. Les Français nous posent des questions, ils nous posent des questions sur leur avenir, ils nous posent des questions sur leur quotidien, ils nous posent des questions sur la place de la France dans cette Europe. Eh bien, c'est là où nous devons nous situer, ce sont ces réponses qu'il faut apporter. Regardez l'enjeu essentiel pour les Français : nous sommes 60 millions. Est-ce que nous voulons appartenir à un ensemble de 450 millions, là où il y a 1,3 milliard de Chinois, 1 milliard d'Indiens, 300 millions d'Américains, dans une compétition qui est une compétition difficile ? Est-ce que nous voulons la loi de la jungle, la loi du plus fort sur la planète ? Ou est-ce que nous voulons au contraire maîtriser notre destin ? Pour maîtriser son destin, pour avoir la chance d'humaniser le monde dans lequel nous vivons, eh bien nous avons besoin de plus de France, et nous avons besoin de plus d'Europe. C'est ce que permet cette Constitution. Dans les domaines de l'immigration, puisque l'immigration est au cur de mes préoccupations - et je vais remettre dans les prochains jours un rapport au président de la République et au Premier ministre -, nous pourrons voter avec ce nouveau traité à la majorité qualifiée, c'est-à-dire que nous pourrons prendre plus de décisions. Bien sûr, il faudra prendre toutes les décisions nécessaires sur le plan intérieur, et je vais les proposer : créer une police de l'immigration, créer des pôles d'immigration, créer un service central d'immigration. Mais avec l'Europe, nous protégerons mieux nos frontières. Regardez ce que nous avons fait avec l'Espagne face au terrorisme de l'ETA, regardez ce que nous faisons tous les jours pour empêcher le crime organisé de pénétrer par des filières multiples dans notre pays. Cette exigence de solidarité, cette exigence d'efficacité, l'Europe la porte en elle. La France a quelque chose de très grand à apporter à l'Europe. Les Européens d'ailleurs nous regardent, soyons au rendez-vous.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 avril 2005)