Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur les principaux axes de la politique énergétique de la France, Londres le 15 mars 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Table ronde ministérielle Energie et Environnement à Londres le 15 mars 2005

Texte intégral

Chers collègues,
Monsieur le Commissaire,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai à participer à cette table ronde qui associe ministres de l'énergie et ministres de l'environnement. Je veux adresser mes félicitations et mes remerciements aux autorités britanniques pour cette initiative.
En effet, je suis convaincu que la seule façon de traiter correctement les questions qui concernent l'énergie, d'une part, et le climat, d'autre part, ce n'est pas de les opposer mais de les rapprocher. Ce sont en effet les deux faces d'une même pièce. Et cette pièce n'est ni française, ni européenne ; elle est mondiale !
C'est donc ensemble qu'il nous appartient de dessiner les solutions qui apporteront l'énergie indispensable à la prospérité économique et au bien être social de tous les habitants de cette planète, tout en préservant l'environnement et en particulier, en luttant contre l'effet de serre.
Avant de présenter les solutions que nous développons en France, il me paraît essentiel de bien identifier les défis que la politique énergétique doit relever.
I- La politique énergétique doit relever de nombreux défis :
. Je les citerai les uns après les autres mais il ne faut pas y voir une hiérarchie de ma part. Ils sont tous importants.
1/ Premièrement, il nous faut assurer la sécurité d'approvisionnement en énergie
En effet, l'énergie est un facteur essentiel à la vie humaine comme à la vie économique. Nous ne pouvons pas nous permettre qu'apparaissent des déséquilibres entre offre et demande. Or les investissements en matière énergétique sont importants et de long terme. Les récentes crises électriques que certains d'entre nous ont connues montrent que les marchés, même s'ils peuvent utilement être ouverts à la concurrence, doivent être régulés.
2/ Il nous faut aussi protéger notre environnement et en particulier lutter contre l'effet de serre
La France entend pleinement contribuer à cette lutte, au sein de l'Union européenne et au côté des autres grands pays industrialisés. Le Président de la République a indiqué récemment que la France se fixait comme objectif une division par quatre de ses émissions de CO2 d'ici à 2050. Cette réduction suppose des évolutions importantes dans nos modes de production et de consommation d'énergie.
3/ Ensuite, il nous faut garantir un prix compétitif de l'énergie
L'énergie irrigue tous les secteurs d'activité économique : transport, industrie, bâtiment La croissance des entreprises comme le pouvoir d'achat des ménages y sont très sensibles. Les tensions qui apparaissent sur les marchés des énergies fossiles, les prix encore élevés des nouvelles énergies renouvelables attestent de l'importance de ce défi.
4/ Enfin, il nous faut assurer notre cohésion sociale et territoriale en garantissant l'accès de tous à l'énergie
L'énergie est, en effet, un bien de première nécessité, indispensable au développement des territoires et au progrès social. C'est vrai à l'échelle de la France. C'est a fortiori vrai à l'échelle de la planète. Les politiques de l'énergie, comme celles de l'eau d'ailleurs, sont des éléments déterminants du développement et de la coopération.
Ces différents défis ne doivent pas être relevés séparément mais simultanément. En effet, ils sont intimement liés. On peut très bien progresser sur un volet au détriment de l'autre ou au contraire progresser sur un volet au profit de l'autre. Par exemple, la recherche et le développement sur les nouvelles technologies de l'énergie pourront nous permettre à la fois de renforcer notre sécurité d'approvisionnement et de protéger l'environnement.
II - Je veux maintenant vous présenter les principaux axes de la politique énergétique française
Pour relever ces différents défis, la France compte poursuivre et relancer une politique qu'elle a entamée dès 1973, au moment des premiers chocs pétroliers. Cette politique se fonde d'abord sur des économies d'énergie dans tous les secteurs d'activité, ensuite sur des sources d'énergie diversifiées, incluant le nucléaire et les énergies renouvelables, enfin sur la recherche et le développement de nouvelles technologies.
1/ D'abord, nous voulons maîtriser la demande
L'énergie la moins chère, c'est encore celle qu'on ne consomme pas. Les économies d'énergies, lorsqu'elles sont possibles, sont très intéressantes car elles permettent de diminuer dans le même temps la dépendance énergétique, le coût de l'énergie et les émissions de gaz à effet de serre. L'intensité énergétique de notre économie s'est déjà considérablement améliorée : depuis 20 ans, nous avons amélioré notre efficacité énergétique de près de 1 % par an. Nous estimons que nous disposons encore de marges de progrès dans ce domaine et nous nous fixons un objectif de réduction supplémentaire de notre intensité énergétique de 2% par an d'ici 2015.
Nous comptons atteindre cet objectif par des mesures réglementaires et incitatives, qui ont déjà montré leur efficacité par le passé, ainsi qu'en recourrant à des mécanismes économiques comme des marchés d'échanges de certificats d'économie d'énergie.
2/ Ensuite, nous entendons promouvoir un bouquet énergétique diversifié
L'horizon énergétique mondial est marqué par plusieurs incertitudes : incertitudes sur le prix et les ressources en énergies fossiles, interrogations sur le rythme et les effets du réchauffement climatique, recherches encore en cours sur la gestion à long terme des déchets radioactifs. Dans ce contexte, la prudence plaide pour un bouquet énergétique diversifié et c'est le second axe de notre politique énergétique.
Ce bouquet est composé d'énergies fossiles optimisées, d'énergies nucléaires maîtrisées et enfin d'énergies renouvelables, avec au premier rang l'hydroélectricité, mais aussi d'autres énergies telles que le solaire, les biocarburants ou encore l'éolien. Il appartient naturellement à chaque pays de choisir son bouquet énergétique, en fonction de ses ressources naturelles, de ses capacités techniques, de ses sensibilités politiques.
Je souhaite profiter de cette occasion pour attirer votre attention sur le rôle que le nucléaire pourra jouer dans la lutte contre l'effet de serre si la communauté internationale choisit d'y recourir d'avantage. Pour nous, le nucléaire peut jouer un rôle essentiel dans un développement durable de l'énergie sous trois conditions sur lesquelles nous sommes vigilants : d'abord qu'un haut niveau de sûreté continue d'être maintenu par les industriels, ensuite que des solutions sûres et pérennes soient définies pour tous les types de déchets radioactifs et enfin que l'information et la participation du public soient assurées.
En Europe, l'énergie nucléaire, qui produit 33% de l'électricité, permet d'éviter une émission de gaz à effet de serre équivalente aux émissions de l'ensemble du parc automobile européen ! Au niveau mondial, le nucléaire existant permet déjà l'économie de 2,2 milliards de tonnes de CO2, comparés aux 24 milliards d'émissions totales.
C'est plus de 2 fois la réduction demandée aux pays développés par le protocole de Kyoto pour la période 2008-2012. Comme le nucléaire, les grands projets hydrauliques présentent l'intérêt de fournir de l'énergie à un prix compétitif et stable, ce qui est important tant pour nos entreprises que nos concitoyens, de manière permanente et sans émission de gaz à effet de serre.
D'ailleurs la conférence internationale de l'AIEA sur " le rôle de l'énergie nucléaire au XXIe siècle ", que Paris accueille la semaine prochaine, devrait permettre de mieux cerner les enjeux de l'utilisation de cette énergie dans la donne énergétique et climatique mondiale.
3/ Enfin, les nouvelles technologies de l'énergie peuvent apporter une contribution importante
Pour indispensables qu'elles soient, ces mesures, à elles seules, ne permettront pas d'atteindre notre objectif de réduction par 4 des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Pour cela, il faudra des ruptures ou des percées technologiques : c'est le troisième axe de notre politique énergétique.
Les axes de recherche en la matière sont multiples. Il y a d'abord des technologies économes en carbone qui existent déjà mais qui ne sont pas encore compétitives au prix actuel du marché. Je pense notamment aux biocarburants, au solaire, aux centrales à charbon propre. La recherche et le développement doivent permettre d'en améliorer encore le rapport coût/efficacité.
A plus long terme, il y a des technologies qui sont encore au stade de la recherche scientifique mais qui sont prometteuses pour un développement durable de l'énergie. Je pense notamment aux réacteurs nucléaires à fission de 4ème génération, à la fusion nucléaire, à l'hydrogène, à la captation et au stockage du carbone.
Evidemment, nous souhaitons que cet engagement national s'inscrive dans des collaborations européennes et internationales. C'est dans cet esprit que la France participe aux plates-formes de recherche qui existent dans le domaine du nucléaire, de l'hydrogène ou encore de la captation et du stockage du carbone.
Voilà donc les solutions que la France a choisi de poursuivre pour un développement durable de l'énergie, à la fois écologique, social et économique. Il appartient à chaque pays de choisir les siennes, sans qu'aucune ne soit idéalisée ou diabolisée.
Mais ces solutions nationales ne seront efficaces que si elles s'intègrent dans une démarche associant l'ensemble de la communauté internationale. A cette condition et à cette condition seulement, nous pourrons faire reculer l'effet de serre sans porter atteinte à la concurrence, à la compétitivité et au développement.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 17 mars 2005)