Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur le dépistage des cancers du sein, Paris le 16 octobre 2000.

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Circonstance : Première session nationale sur le dépistage des cancers du sein au Sénat le 16 octobre 2000

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureuse de pouvoir clôturer la première session nationale sur le dépistage des cancers du sein organisés par votre Fédération.
Je tiens d'abord à saluer le travail de précurseur que vous accomplissez.
Je sais que, pour certains, depuis plus de 10 ans, vous vous efforcez de développer en France le dépistage organisé des cancers féminins. Votre engagement, je dirai votre militantisme, a permis de montrer qu'un dépistage organisé du cancer du sein était non seulement possible dans le système français de santé, mais qu'il était producteur de gain en matière de mortalité. Vous avez tout au long de ces années mis en place des actions de qualité pour accompagner les femmes dans ces programmes et je vous en remercie, car vous montrez l'exemple.
L'évaluation des programmes expérimentaux confirme l'intérêt du dépistage du cancer du sein mais aussi met en évidence différentes difficultés. Ces programmes, si nous ne sommes pas vigilants, risquent de ne toucher qu'une fraction de la population et laisser évoluer des dépistages spontanés qui ne respectent pas les critères de qualité que nous avons définis.
En ce qui concerne le cancer du sein, l'objectif que nous nous sommes fixé est de faire bénéficier de ce dépistage, l'an prochain, l'ensemble des 7 400 000 femmes concernées en :
- garantissant un égal accès de tous au dépistage sur l'ensemble du territoire,
- en faisant bénéficier de la même de prise en charge toutes les femmes.
De puis deux ans, de nombreuses actions ont été réalisées. A partir des expérimentations dans certains départements. Un nouveau cahier des charges a été élaboré qui précise les modalités d'organisation de ce programme. Les professionnels de radiologie ont été formés, les critères de qualité pour réaliser la mammographie (nombre d'incidence, délai entre deux examens) ont été précisés. L'ensemble de ces recommandations a fait l'objet d'une circulaire de la DGS en juillet dernier.
Si le cahier des charges est national, le pilotage et les orientations stratégiques des programmes de dépistages resteront au niveau local et seront confiés aux services déconcentrés de l'Etat. Et nous devons poursuivre au niveau régional la mobilisation de l'ensemble des instances de suivi des conférences régionales de la Santé. DRASS, URCAM, ARH, URML et professionnels concernés, mais aussi collectivités locales, associations, et je le souligne devant vous, les usagers. Le pilotage, l'assurance qualité, l'évaluation et la formation doivent être organisés à ce niveau avec cette participation.
Il est clair que l'approche du dépistage est différentes de celle de la médecine curative. La population est bien portante et l'immense majorité des bénéficiaires aura des examens sans bénéfices immédiats apparents. Cependant l'obligation de résultats est impérieuse et la qualité au niveau de chaque étape du programme est seule garante de ces résultats. En cela, la participation des femmes est essentielle et je me félicite des réunions comme celle d'aujourd'hui qui permettent l'échange d'expériences pour assurer cette participation, cette cohésion, indispensable des femmes.
J'aimerais avec vous insister sur certains facteurs qui me semblent déterminants.
1) Et, tous d'abord, l'information et la participation du public
En tout point aujourd'hui, les citoyens doivent participer aux prises de décisions en santé et tout acte de dépistage impose le consentement éclairé de la population concernée. Eclairé, signifiant : compréhension, adhésion, coopération.
Pour cela, l'information doit être élaborée avec la population de manière à obtenir la meilleure adéquation avec les usagers ciblés car les défis d'un programmes de dépistage sont nombreux :
- comment expliquer les faux positifs ?
- comment dépasser le traumatisme de la fausse mauvaise nouvelle ?
- comment faire comprendre par contre que des cancers authentiques peuvent ne pas être identifiés par le programme ?
- comment être sûr enfin que les patientes dépistées accepteront ensuite les traitements souvent considérés comme encore trop contraignants ?
2) L'importance des facteurs psychosociologiques
En France, même si tout le monde s'accorde à reconnaître son importance, l'analyse psychosociologique est encore trop succincte. Nous manquons de données pour apprécier les effets psychologiques des campagnes de prévention.
En particulier, la prise en considération des représentations des femmes, de leurs habitude culturelles, de leur recours à l'appareil sanitaire, de leur disponibilités en fonction de leur travail et de leur milieu social, tous ces paramètre seraient particulièrement utiles pour des consultations de dépistage. Je suis convaincue qu'une attention particulière doit être portée aux femmes les plus marginalisées ou à celle qui, pour différentes raisons, connues ou non connues, n'ont pas eu de contact avec le système de soins, n'ont pas l'habitude de se faire suivre, de consulter pour elle-même. Toute ces femmes qui mésestiment leur corps et ses manifestations ou au contraire celles qui hypertrophient le moindre signe qu'elles transforment en symptôme.
3) La formation médicale
La prévention est l'affaire des médecins. Le médecin de famille comme le médecin du travail ont un rôle particulier à jouer. Mais ni les médecins de familles, ni les spécialistes ne peuvent prétendre réaliser chacun isolément les dépistages de masse, nous le savons, pour une bonne réussite. Les bénévoles, les usagers doivent être impliqués dans ces programmes. Pour cela, ils doivent également pouvoir bénéficier d'une formation.
L'acte préventif ne se limite pas à la pratique d'un simple test mais doit aboutir à l'établissement d'une meilleure relation entre le citoyen, l'usage r et le système de soins. Il doit permettre une réelle prévention associant au dépistage, une éducation sanitaire (hygiène de vie, alimentation, tabac, alcool, etc) prolongeant l'acte de dépistage d'une véritable implication éducative de l'usager sur tous les sujets qui lui permettront d'être acteur de sa santé.
En ce qui concerne le cancer du sein, nous avons mis en place des plans de formation pour tous les professionnels concernés, radiologues, manipulateurs radio, anatomo-pathologistes et ingénieurs biomédicaux. Je souhaite également qu'on mette en place une formation pour les bénévoles et je tiens à ce qu'on s'appuie sur l'expérience et la motivation des associations.
4) L'évaluation
L'évaluation et c'est une volonté forte de notre part, doit s'inscrire dans les objectifs initiaux de ces programmes. Nous devons pouvoir suivre l'évolution des campagnes de dépistage, être capables d'identifier les causes de blocages et proposer avec les professionnels et la population concernées des solutions correctrices réalistes et pragmatiques. Là encore, je suis persuadée que vous avez un rôle important à jouer dans l'identification et le dépassement de ces blocages.
Les indicateurs d'évaluation doivent être mis en place avant le démarrage des actions Ils nous permettront, en temps réel, de modifier les programmes mais aussi d'informer les citoyens et les professionnels investis dans ces démarches.
5) L'éthique de la prévention
Cependant, et je suis souvent confrontée à ce type de questions que se posent des jeunes femmes soucieuses de la santé et de sa prise en charge. Les implications éthiques de dépistage de masse sont insuffisamment considérées. Comment concilier la considération individuelle et l'intérêt collectif ? Associer les principes de précaution, d'efficacité et de respect de l'autonomie individuelle est souvent difficile. Comment améliorer la qualité de l'information donnée ? Comment être objectif ? Faut-il un consentement individuel ? Comment informer sans inquiéter ? Que signifie la date de déclenchement de l'accès au dépistage systématique ? Prend-on plus soin de la femme de plus de 50 ans que des autres ?
Toutes ces questions doivent être débattues et renseignées pour permettre une participation importante de la population, nous ne devons pas laisser les professionnels répondre seuls à ces question. Car les réponses ne sont pas que techniques ou financières.
Conclusion
Voilà pourquoi, je veux vous redire, en conclusion, l'importance que j'attache à votre action, vous le voyez, vos comités ont un rôle essentiel à jouer, et je vous félicite encore une fois d'avoir mis en place cette Fédération. L'action que vous menez, l'esprit dans lequel vous abordez la prévention, votre travail de soutien auprès de milliers de femmes vont tout à fait dans le même sens que le Gouvernement qui veut promouvoir à travers ce projet de loi sur la modernisation du système de santé, souvent appelée la loi "droit des malades" que je vais bientôt présenter et qui vise à garantir les droits de l'usagers au cur du système de santé.
Dans cette épreuve qu'est le cancer du sein, pour chaque femme atteinte au delà de la gravité de la pathologie, le sentiment de solitude, voir d'abandon de dégradation ou de dévalorisation, contribue à aggraver la détresse et alourdir les conséquences. Je suis sûre, qu'ensemble nous arriverons, grâce à votre action et aux programmes ambitieux que je soutiens, à faire reculer ce fléau que représente le cancer du sein.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 30 octobre 2000)