Texte intégral
Monsieur le Président, cher Bernard Martin,
Mesdames, Messieurs,
J'assiste aujourd'hui avec plaisir et pour la première fois à l'assemblée générale de la fédération nationale ovine. Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous remercier de votre accueil, mais aussi de vous dire combien je suis sensible à votre volonté d'aller de l'avant ; volonté qui s'exprime pleinement dans le thème que vous avez retenu cette année " Produire et commercialiser, quels défis ? "
En effet, face à une baisse des effectifs du cheptel français depuis les années 1980, vous n'avez jamais baissé les bras. Et ce, malgré une forte concurrence internationale, car le marché français est attractif pour les produits néo-zélandais ou australiens. Cette persévérance se traduit d'ailleurs par un ralentissement de cette baisse du cheptel en 2004. Les prix de la viande ovine sont certes élevés, mais cette situation reste fragile, et peut se dégrader à tout moment, à l'image de ce début d'année 2005.
Les éleveurs de nombreuses régions se sont donc résolument investis dans une dynamique collective en adhérant à la charte de relance de l'élevage ovin. Votre objectif est d'expliquer le métier aux jeunes en formation et de susciter de nouvelles vocations pour assurer le renouvellement des générations. Je souhaite que le projet de loi d'orientation agricole en cours de préparation, et sur lequel je reviendrai, puisse directement vous aider. Diverses mesures de nature à améliorer le renouvellement des exploitations (fonds agricole, cessibilité du bail, plan " crédit transmission ") ont ainsi été introduites.
C'est donc également tourné vers l'avenir que j'articulerai mon propos autour :
- de la nouvelle Politique agricole commune ;
- des réponses aux préoccupations des exploitants ;
- enfin, des éléments de compétitivité pour l'avenir.
I - La réforme de la PAC : un environnement en cours de stabilisation
La réforme de la Politique Agricole Commune est profonde. Elle est la " contrepartie " d'un engagement sur le financement de la PAC jusqu'en 2013. Mais pour légitime qu'elle soit, je n'en considère pas moins qu'elle doit être mise en uvre de manière progressive, avec pédagogie et discernement. Car, je le reconnais, cette réforme est complexe et nous devons réussir son application ensemble. Vous avez déjà reçu un courrier adressé personnellement à chacun d'entre vous qui en précise les enjeux.
Je voudrais à ce titre intervenir sur deux points qui suscitent de nombreuses interrogations.
I - 1 Conditionnalité : une mise en uvre animée par le double souci de pédagogie et de simplicité
S'agissant de la conditionnalité, j'ai procédé, dès mon arrivée à des assouplissements pour 2005. Je souhaite que les modalités de contrôles liées à la nouvelle réglementation sur l'identification des ovins répondent également à ces exigences. Un groupe de travail associant les professionnels, plus particulièrement la Fédération nationale ovine (FNO), sera donc installé dès ce mois d'avril. J'ai également donné des instructions aux services déconcentrés du ministère pour qu'une coordination des contrôles puisse être réalisée.
I - 2 Les droits à paiement unique
Pour les droits à paiement unique (DPU), l'année 2005 sera une année de simulation permettant d'aborder l'année réelle de mise en uvre, 2006, dans les meilleures conditions possibles.
Aussi, depuis février, un groupe de travail a repris ce dossier dans le sens de plus de simplicité. Des missions conjointes, parlementaires, représentants de la profession agricole et représentants de l'administration, étudient également la mise en uvre du découplage des aides dans six Etats membres. Fin avril, les règles de gestion des DPU seront arrêtées.
L'un des sujets abordés est celui des règles d'utilisation de la réserve nationale permettant d'attribuer gratuitement des droits. Le cas des bergers qui auraient développé leur cheptel depuis 2000 est donc en cours d'étude dans ce cadre. Les spécificités des herbassiers et des groupements pastoraux seront également tout particulièrement analysés.
I - 3 L'identification des ovins
S'agissant de la réforme de l'identification des animaux des espèces ovine et caprine, les discussions entamées depuis plus d'un an sur les modalités de mise en place de la réglementation communautaire ont abouti. Ce dispositif sera suivi par un comité spécifique qui se réunira tous les deux mois, dès le mois de mai. Un bilan de la réforme sera établi après un an d'application.
En particulier, je vous rappelle que j'ai décidé d'appliquer la dérogation proposée par la réglementation européenne pour l'identification des animaux de boucherie destinés à être abattus en France. Ainsi, les animaux de moins de 9 mois répondant à ces critères pourront être identifiés au moyen d'un seul repère.
Concernant l'identification électronique des ovins, qui devrait entrer en vigueur dans l'Union européenne à compter du 1er janvier 2008, une expérimentation a été confiée à la FNO et à l'APCA avec le soutien technique et financier du ministère chargé de l'agriculture. 100 000 animaux ont déjà été identifiés. La pose des boucles n'a pas révélé de difficultés majeures et les dispositifs de lecture sont en cours de mise en place. Les conclusions de cette expérimentation sont attendues pour la fin de l'année. Elles feront l'objet d'un rapport qui sera adressé à la Commission européenne.
Enfin, vous proposez de mettre en place une base de données professionnelle. Cette initiative ne peut être qu'encouragée car elle démontre l'implication forte de la filière face à ses enjeux à la fois économiques et sanitaires. Pour mieux valoriser les données collectées relatives à l'élevage et aux mouvements d'animaux, un lien fort sera créé entre cette base professionnelle et la base officielle d'identification ovine, la BDNI (Base de données nationale d'identification).
II - Des réponses aux préoccupations des éleveurs ovins
II - 1 Concernant les dispositifs d'aide
La Prime herbagère agro-environnementale (PHAE) Votre filière s'est particulièrement investie dans les mesures agro-environnementales, notamment les mesures herbagères. Vous le savez, ces mesures peuvent être souscrites soit sous forme de PHAE (prime herbagère agro-environnementale), soit sous forme de CAD (contrats d'agriculture durable) L'an passé, un peu plus de 10 000 CAD ont pu être signés et une enveloppe de 270 millions d'euros permettant la contractualisation de 10 000 nouveaux contrats est ouverte cette année. En ce qui concerne la PHAE, ce dispositif mis en place en 2003 pour permettre aux anciens bénéficiaires de la prime à l'herbe (PMSEE) de poursuivre leurs engagements, concerne actuellement plus de 55 000 exploitations.
J'ai décidé de laisser le choix, dans les départements qui le souhaitent, entre la Prime Herbagère et le Contrat d'Agriculture Durable, pour les éleveurs dont les anciens Contrats Territoriaux d'Exploitation herbagers arrivent à échéance.
Les Indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN) J'ai parfaitement entendu votre inquiétude sur l'avenir des aides spécifiques aux zones défavorisées, notamment les Indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN) et la prime supplémentaire à la brebis et à la chèvre.
80 % des élevages ovins bénéficient de ces aides. Je vous rappelle que pour votre production, l'ICHN est majorée de 30 % en zone défavorisée simple et de 10 % en zone de montagne et de haute montagne. Les crédits versés en 2004 au titre de cette aide se sont élevés à 470 M d'euros, en progression constante depuis 2000.
Pour les zones défavorisées simples et les zones de piémont, la France est particulièrement attentive à ce que le changement de période de programmation ne soit pas l'occasion d'une suppression de ces zones. Dans les discussions menées au niveau communautaire, je puis vous assurer que la France veille à ce que ces zones difficiles ne soient pas laissées de côté.
Le versement anticipé des aides 2005 Enfin, j'ajoute qu'en 2005, Madame FISCHER-BOEL m'a confirmé son accord pour que le paiement de la prime à la brebis et à la chèvre (PBC) soit versée à partir du 1er novembre et non à partir du 1er décembre comme cela avait été initialement annoncé.
II - 2 Concernant le domaine sanitaire
Je partage l'inquiétude des éleveurs sur le risque d'apparition de la fièvre catarrhale sur le territoire national continental.
Actuellement, la présence de cette maladie est limitée à la Corse où celle-ci est endémique depuis l'année 2000. Cependant, son apparition en 2004, en Espagne, ainsi que l'identification pour la première fois à l'automne dernier d'insectes vecteurs dans le département du Var, augmentent considérablement le risque d'introduction de la maladie en France continentale.
Je suis très sensible à l'impact économique tant en termes de santé animale que de limitation des ventes d'animaux qu'entraînerait l'apparition de cette maladie dans notre pays. Si des mesures d'abattage des ruminants dans les premiers foyers seront probablement nécessaires, je souhaite qu'elles soient limitées et laissent place rapidement à une politique vaccinale.
Dans l'éventualité d'apparition d'un foyer, une réflexion en matière de restriction de mouvements est conduite depuis plusieurs mois par mes services avec les organisations professionnelles afin de limiter les conséquences économiques de tels blocages. A ce titre, des solutions pratiques sont étudiées pour permettre les mouvements de transhumance des ovins vers des zones de montagne, tout en maîtrisant le risque de diffusion de la maladie.
Concernant l'avis de l'AFSSA sur les risques liés aux encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) chez les petits ruminants, l'agence devrait publier très prochainement l'actualisation de l'avis qu'elle avait rendu en février 2002. Les modalités de mise en uvre de cet avis seront bien évidemment prises après concertation avec les filières professionnelles concernées.
II - 3 Les préoccupations liées à l'environnement
La sécheresse
Alerté sur la sècheresse qui menace certaines zones d'élevage, j'ai demandé à la Commission européenne l'autorisation de pâturer les jachères ou d'utiliser le couvert pour l'alimentation des animaux. Mes services constituent, pour les départements concernés, un argumentaire permettant l'adoption de cette mesure nécessaire.
Le loup
Le 11 avril, la FNO, ainsi que d'autres organisations professionnelles agricoles, ont été reçues par Serge LEPELTIER. Le Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable a donné son accord pour étudier le contenu et les conditions de la mise en place de plans de gestion à l'échelon des massifs. Après une réunion, le 20 avril, destinée à construire ces plans de gestion, le groupe " Loup " se réunira le 28 avril.
Je souhaite que soit prise en compte en priorité la protection des éleveurs. Je sais que mon collègue, Serge LEPELTIER, y est également très sensible.
J'ai, par ailleurs, confié une mission à Michel DANTIN, chargé de mission à l'inspection générale de l'agriculture, pour qu'il me remette des propositions, d'ici la fin de l'année 2005, d'actions innovantes et interministérielles établies en concertation avec les acteurs du pastoralisme, permettant d'assurer un développement durable de cette activité.
III - L'avenir : la formation, l'investissement et l'innovation
La formation
La production ovine est déjà présente dans l'enseignement agricole. 41 lycées agricoles publics ont des troupeaux ovins, totalisant plus de 10 000 brebis, représentant 23 races, et s'appuyant sur 31 signes officiels de qualité.
Les exploitations des lycées agricoles, à Rodez et Saint-Affrique notamment, jouent un rôle important d'expérimentation et de démonstration en partenariat avec l'institut technique et les professionnels. Nicolas FORISSIER, Secrétaire d'Etat à l'Agriculture, en charge de l'enseignement agricole, est tout comme moi très attaché à favoriser les contacts entre votre fédération et les établissements d'enseignement et de formation agricoles. Nos Cabinets ont reçu les responsables de la Charte de la relance ovine sur ce sujet. J'ai confiance dans le fait que la collaboration avec votre profession permettra de prendre encore davantage en compte la filière ovine et la réalité du métier de berger au sein de notre dispositif d'enseignement.
Le plan bâtiments d'élevage
Vous avez été un acteur majeur de l'élaboration du plan bâtiment d'élevage mis en place en janvier 2005. Ce plan est doté cette année de 80M d'euros ; ce montant sera porté à 120M d'euros dès 2006. Je vous confirme que vous devez trouver votre juste place dans ce nouveau dispositif. Soyez assurés que j'y veillerai.
Par ailleurs, l'accès aux aides " petits investissements " de l'OFIVAL est maintenu en parallèle du plan bâtiment et les éleveurs ont ainsi en fonction de leur stratégie d'investissements deux outils d'intervention à leur disposition.
Le soutien aux projets " filières "
En réponse aux débats que vous avez eus ce matin, je souhaite que les éleveurs ovins puissent développer des projets " filières " visant à promouvoir des démarches commerciales contractuelles sur des marchés identifiés. Vous avez déjà engagé avec résolution de tels projets. Vous devez pouvoir les approfondir en vous inscrivant dans les travaux en cours au sein de l'OFIVAL.
L'aide à l'installation : dispositif dit " SOFI-OVINS "
Vous avez proposé la mise en place d'un dispositif inspiré de SOFIPECHE permettant d'aider l'installation progressive de Jeunes Agriculteurs. Ce dispositif, qui fait appel à des investisseurs privés et au soutien de l'Etat, doit permettre à des candidats de s'installer hors cadre familial en remboursant une partie importante du capital acquis après la phase la plus critique de la vie de l'exploitation. Je tiens à vous féliciter de cette initiative particulièrement intéressante. Ce dispositif est en cours d'analyse au sein du ministère de l'agriculture et du ministère des finances, afin d'étudier son intégration dans le projet de loi d'orientation agricole.
Le projet de loi d'orientation agricole
Concernant le projet de loi d'orientation agricole, vous avez été destinataire des documents que j'ai présentés mercredi 6 avril devant le Conseil économique et social.
Parmi la trentaine de mesures retenues, je souhaite plus particulièrement souligner ici celles qui concernent la consolidation des filières :
- en renforçant l'organisation économique pour encourager le regroupement de l'offre et rendre plus efficace l'action des organisations de producteurs.
- en favorisant le développement des missions des interprofessions, pour leur permettre d'intervenir dans la gestion des crises conjoncturelles, soutenir le potentiel du secteur ou trouver de nouveaux débouchés.
- en modernisant le statut de la coopération, afin d'améliorer la transparence et la gouvernance des coopératives, assurer une gestion plus dynamique de leur capital social et favoriser leur mobilisation en faveur de l'investissement. Un Haut conseil de la coopération sera également créé.
- en rénovant les mécanismes de gestion des aléas qu'il soient naturels ou économiques de manière à accroître leur efficacité.
J'ajoute que je proposerai d'accroître l'efficacité et la lisibilité des signes de qualité qui sont tout à la fois porteurs d'une identité nationale et un élément de différenciation décisif sur les marchés. Cette évolution est bien entendu compatible avec la mise en place de démarches privées, telles que celle de " L'agneau de nos terroirs " prônée par l'interprofession ovine.
Je rappelle également que le projet de loi d'orientation agricole habilitera le Gouvernement à adapter par ordonnance l'organisation du dispositif génétique français. Vous avez été associés aux travaux relatifs à la révision de la loi sur l'élevage de 1966. Il s'agit d'une grande ambition, car cette loi constitue un des piliers de notre dispositif législatif agricole. Nous devons à présent la finaliser, afin que l'ordonnance soit publiée dans les jours qui suivront la parution de la loi.
Enfin, concernant les éleveurs, ceux-ci pourront bénéficier des améliorations engagées ces dernières années dans l'organisation du temps de travail. Ainsi le projet de loi d'orientation agricole ouvrera-t-il l'accès aux services de remplacement avec l'aide de l'Etat. Il prévoit un avantage fiscal sous forme de crédit d'impôt. La participation de l'Etat pourra atteindre jusqu'à 50 % du coût. Cette mesure sera créatrice d'emplois.
CONCLUSION
Nous avons, Monsieur le Président, de nombreux défis à relever ensemble. Je pense que nous avons la volonté commune d'avancer sur les différents dossiers qui ont été trop rapidement évoqués ici. La discussion au Parlement du projet de loi d'orientation agricole sera un moment privilégiée pour notre agriculture. Car, c'est bien une démarche de conquête que je vous propose d'adopter pour valoriser les atouts de notre production agricole, de notre agro-alimentaire et de nos terroirs.
Vous pouvez, Monsieur le Président, compter sur mon engagement à vos côtés pour conforter la filière ovine française. Car, comme vous, " L'agneau, on y croit ".
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 avril 2005)