Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans "La Provence" le 13 mai 2005, sur la défense européenne, son financement et ses relations avec l'OTAN.

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La Provence : Le traité évoque " certains États membres de l'Union qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans l'Otan ". Cela veut-il dire que l'Europe de la Défense ne sera jamais autonome ?
Michèle Alliot-Marie : L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) s'est constituée comme une alliance entre des pays européens, les États-Unis et le Canada pour s'aider réciproquement si une des nations adhérentes était menacée par l'ex-Union Soviétique. Cette structure nous a protégés durant 50 ans. Si la donne a changé, il ne s'agit pas pour autant de renier l'Otan qui pourrait agir en cas de menace majeure. Aujourd'hui, les pays européens peuvent adhérer collectivement à cette alliance mais l'Europe de la défense ne se limite pas à cette participation à l'Alliance et ne sera pas soumise à l'Otan. Elle peut intervenir seule pour se protéger sur son territoire ou sur des théâtres extérieurs, ou en liaison avec l'OTAN, comme elle l'a fait en République Démocratique du Congo, en Macédoine et le fait actuellement en Bosnie. En Afghanistan, c'est le Corps européen, commandé par le général Py, qui a conduit pendant plus de 6 mois la Force Internationale.
Q - Mais les nouveaux adhérents de l'Est, comme la Pologne, se tournent vers les États-Unis quand il s'agit d'acheter des avions de combat.
R - C'était le cas, ça l'est de moins en moins. Ces pays qui sortaient de l'emprise soviétique se sont tournés vers ceux qui pouvaient les protéger contre un danger venant de l'Est. Les États-Unis ont répondu présents quand la défense européenne n'existait pas encore. Aujourd'hui, elle est devenue une réalité, en montrant qu'elle pouvait mener des opérations. Les nouveaux entrants se tournent désormais de plus en plus vers nous. Il est à cet égard particulièrement intéressant de noter que la Pologne a été l'un des pays qui nous a le plus aidés dans la mise en place de l'Agence Européenne de défense, des groupements tactiques et de la Force Européenne de Gendarmerie.
Q - Le financement de cette politique commune est posé. Le traité précise que tous les États ne sont pas tenus de participer à son financement. La France va-t-elle devoir payer plus pour eux ? Ce que les citoyens ne comprendraient pas.
R - Non, l'Europe de la Défense ne nous coûtera pas plus cher. Elle représente même de nouvelles perspectives en termes d'emplois pour la France. Notre effort, normal et satisfaisant, s'élève à 2 % du Produit intérieur brut. Les augmentations devront venir des pays qui expriment leur volonté de participer à la construction d'une défense européenne et d'une industrie de l'armement. Aujourd'hui, le financement de l'Allemagne est à 1,1 % de son PIB, celui de l'Italie est à 1,4 %. Ce sont les gouvernements de ces pays et leurs opinions publiques que l'on doit convaincre d'augmenter leur effort financier pour faire face aux nouveaux risques comme le terrorisme.
Q - Le ministère de la Défense, où les aspects économiques, stratégiques, éducatifs et sociaux se mêlent, est une sorte de Mini-Matignon ? Quelle est votre ambition pour l'après 29 mai ?
R - Ma seule ambition est que le "oui" gagne.
Propos recueillis par Philippe Larue
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 18 mai 2005)