Texte intégral
Q- La CGT, du moins le Comité confédéral de la CGT, a décidé de refuser le Traité constitutionnel européen. Cela vaut en quelque sorte consigne de vote. B. Thibault est de la sorte désavoué. Pour vous, est-ce une régression, une rechute de la CGT ?
R- Quand le camp du "non" progresse dans notre pays, c'est d'abord mauvais pour l'Europe et mauvais pour la place de la France dans l'Europe, qui a besoin de l'Europe pour se développer, mais c'est mauvais aussi pour le syndicalisme français dans le syndicalisme européen, parce que les seuls syndicats en Europe qui vont s'opposer au Traité constitutionnel, sont des syndicats français. Tous les autres syndicats européens vont appeler à soutenir ce Traité. Je comprends bien, là, aujourd'hui, la déception de B. Thibault.
Q- Vous compatissez avec un B. Thibault qui n'a pas toujours été très gentil avec vous d'ailleurs, récemment, notamment à travers son livre ?
R- Je sais ce que c'est que se retrouver en difficulté dans le débat dans son organisation syndicale, je l'ai vécu. C'est un moment difficile. Donc, je crois que ces moments-là, on a besoin de l'abstention dans l'expression de ses collègues des autres organisations syndicales et, à ce titre, je n'ai pas, moi, à commenter ce qui se passe à la CGT. Je comprends la difficulté de B. Thibault.
Q- Pensez-vous qu'aujourd'hui, avec cette décision, avec, peut-être, une espèce de grossissement du camp du "non", le "oui" est aujourd'hui menacé ?
R- A ce jour, on ne peut pas le dire, parce que l'on en est, si j'ose dire, qu'aux consignes des états-majors syndicaux ou politiques. Et on voit bien que dans les différents sondages, le "oui" continue. Mais je pense que, aujourd'hui, il nous faut expliquer pourquoi ce Traité constitutionnel est utile, et surtout, mettre à mal toutes les critiques sur ce Traité ou tout ce que les gens attendent et qui doivent pas constituer le Traité. Ce Traité est bon pour différentes raisons. D'abord, c'est de meilleures règles pour fonctionner à 25, parce que ce n'est pas pareil de travailler à 15 qu'à 25 ; c'est un rappel des valeurs : égalité, justice, qui sont des valeurs importantes en Europe ; c'est l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le Traité constitutionnel ; ce sont les droits à l'emploi, au plein emploi, les droits à l'école, les droits à la santé. Donc, ce sont tous les sujets qui sont importants, et qu'on partage entre pays européens, mais ce n'est pas un Code du travail, ce n'est pas une politique, c'est ensuite aux politiques de la faire.
Q- La CFDT va-t-elle se mobiliser activement pour le "oui", ou laissez-vous libre à chacun de se déterminer ?
R- Pour la CFDT, l'Europe c'est autant identitaire pratiquement que les 35 heures. Ce sont deux sujets qui ne font pratiquement pas débat à la CFDT. Donc, le bureau national de la CFDT a souhaité soutenir ce Traité constitutionnel, donc on va expliquer à nos adhérents, à nos militants, pourquoi l'on pense que ce Traité est juste. Après, chaque adhérent, chaque salarié fera son choix, en son âme et conscience. Nous n'avons pas à suivre chaque adhérent dans le bureau de vote.
Q- Dimanche, main dans la main avec B. Thibault et d'autres organisations syndicales, vous allez défiler pour dire "non" aux 35 heures, ou plus exactement à la remise en cause des 35 heures, mais aussi pour l'emploi, pour les salaires, pour défendre le Code du travail. Ne redoutez-vous pas que ce mécontentement social ne s'identifie avec un "non" au référendum ? Au fond, dire "non" à J. Chirac et profiter de cette situation, et au Gouvernement, au référendum prochain pour se plaindre de la situation sociale ?
R- Il y a bien évidemment des risques de confusion entre le climat social dans notre pays et le débat sur le Traité constitutionnel. C'est une des raisons pour lesquelles, à plusieurs reprises, je me suis adressé au Gouvernement en disant : vous prenez un risque en amenant une contestation sur un texte comme celui sur les 35 heures, qui ne nécessite pas de modifications actuellement, tel qu'il est dans la loi. Effectivement il y a un risque, mais vous savez très bien que la CFDT ne mélange pas les choses, je viens de vous le dire, nous sommes pour le Traité constitutionnel. Mais par contre, nous sommes contre cette loi et je pense que le débat politique doit bien distinguer les deux choses.
Q- En revanche, dans les mots d'ordre de la manifestation, on ne peut pas dire que tous soient très bien distingués, parce que c'est une manifestation où on va défendre pêle-mêle, les 35 heures, l'emploi, le Code du travail, les fonctionnaires, les revendications des lycéens. N'avez-vous pas volontairement mélangé tout cela pour être certains beaucoup de monde dans la rue ? N'est-ce pas un risque ?
R- La CFDT ne mélange rien. La CFDT aborde ce sujet-là sur les trois problèmes qui sont en débat : le temps de travail, les salaires - parce que le Gouvernement nous fait croire que les salariés pourront travailler plus pour gagner plus, donc à lier les deux sujets - et l'emploi. Parce que la CFDT a toujours voulu faire des 35 heures un outil contre le chômage. Donc, ces trois sujets - bien évidemment qu'on parle des 35 heures - sont en débat. Maintenant, que d'autres personnes fassent l'amalgame, par exemple, en posant le problème de l'école, ce n'est pas le nôtre. La CFDT est très clairement dans ces manifestations sur les 35 heures, et les deux sujets qui en découlent : l'emploi et les salaires.
Q- La mobilisation du Parti socialiste, qui invite notamment à rejoindre la manifestation, c'est une récupération qui vous gêne ou au contraire qui vous réconforte ?
R- Mais le Gouvernement a choisi de passer par le débat parlementaire. On est en train de débattre d'une proposition de loi parlementaire. C'est-à-dire que la majorité a fait le choix d'avoir un débat entre la majorité et l'opposition. Donc, inévitablement, le risque de la politisation a été choisi par le Gouvernement. Mais la CFDT...
Q- Le regrettez-vous ?
R- Je regrette, oui, que le Gouvernement n'ait pas fait le choix de passer par un débat avec les partenaires sociaux.
Q- Mais comment vont être accueillis les militants du Parti socialiste, ou les dirigeants du Parti socialiste, que l'on retrouvera dans cette manifestation ?
R- Pour la CFDT, nous sommes en désaccord avec un Gouvernement, donc il n'est pas question pour nous, bien évidemment, de faire de ce désaccord un accord avec un parti politique quel qu'il soit. Notre objectif est de faire évoluer la loi. Maintenant, que des députés viennent dans la manifestation, cela a toujours existé. Mais là, l'autonomie de notre action se fait très librement, vis-à-vis du projet de loi du Gouvernement. Il n'est pas question d'accepter quelque récupération que ce soit. On est dans un débat avec un Gouvernement qui, lui, malheureusement, n'a pas choisi le débat avec les partenaires sociaux. Donc, c'est notre rôle de nous faire entendre dans ce débat-là. On n'a pas d'autres moyens, puisque le choix a été fait par l'Assemblée nationale.
Q- Cette manifestation, est-ce le point d'orgue de toute une série de manifestations qui ont eu lieu au cours des semaines passées, ou est-ce qu'au contraire, c'est le point de départ de la répétition de plus en plus forte d'un mouvement social dans la rue, dans les semaines qui viennent ?
R- Pour la CFDT, c'est une manifestation sur un sujet qui pour nous doit être traité indépendamment des différentes autres manifestations qui ont eu lieu sur les fonctions publiques. Nous avons toujours dit, et je le répète ce matin pour être très clair, que nous ne souhaitions pas mélanger les problèmes des fonctions publiques ou des services publics avec ce problème-là, qui est un problème spécifiquement du secteur privé, avec une remise en cause de la réglementation sur leur temps de travail pour les salariés du privé. Maintenant, qu'il y ait des militants des services publics, des fonctions publiques, qui viennent les soutenir, c'est une bonne chose. Mais on est bien, très clairement, en différenciant les problèmes. Après, que ferons-nous ensuite ? On verra bien, d'une part, si le Gouvernement écoute nos propositions de modification. Nous avons, la semaine prochaine, une réunion en instance à la CFDT pour décider de la suite. Mais nous ne voulons absolument pas mélanger les problèmes politiques et sociaux et faire une globalisation, parce qu'inévitablement, après, nous serions sur un terrain politique et ce n'est pas le choix de la CFDT.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 février 2005)
R- Quand le camp du "non" progresse dans notre pays, c'est d'abord mauvais pour l'Europe et mauvais pour la place de la France dans l'Europe, qui a besoin de l'Europe pour se développer, mais c'est mauvais aussi pour le syndicalisme français dans le syndicalisme européen, parce que les seuls syndicats en Europe qui vont s'opposer au Traité constitutionnel, sont des syndicats français. Tous les autres syndicats européens vont appeler à soutenir ce Traité. Je comprends bien, là, aujourd'hui, la déception de B. Thibault.
Q- Vous compatissez avec un B. Thibault qui n'a pas toujours été très gentil avec vous d'ailleurs, récemment, notamment à travers son livre ?
R- Je sais ce que c'est que se retrouver en difficulté dans le débat dans son organisation syndicale, je l'ai vécu. C'est un moment difficile. Donc, je crois que ces moments-là, on a besoin de l'abstention dans l'expression de ses collègues des autres organisations syndicales et, à ce titre, je n'ai pas, moi, à commenter ce qui se passe à la CGT. Je comprends la difficulté de B. Thibault.
Q- Pensez-vous qu'aujourd'hui, avec cette décision, avec, peut-être, une espèce de grossissement du camp du "non", le "oui" est aujourd'hui menacé ?
R- A ce jour, on ne peut pas le dire, parce que l'on en est, si j'ose dire, qu'aux consignes des états-majors syndicaux ou politiques. Et on voit bien que dans les différents sondages, le "oui" continue. Mais je pense que, aujourd'hui, il nous faut expliquer pourquoi ce Traité constitutionnel est utile, et surtout, mettre à mal toutes les critiques sur ce Traité ou tout ce que les gens attendent et qui doivent pas constituer le Traité. Ce Traité est bon pour différentes raisons. D'abord, c'est de meilleures règles pour fonctionner à 25, parce que ce n'est pas pareil de travailler à 15 qu'à 25 ; c'est un rappel des valeurs : égalité, justice, qui sont des valeurs importantes en Europe ; c'est l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le Traité constitutionnel ; ce sont les droits à l'emploi, au plein emploi, les droits à l'école, les droits à la santé. Donc, ce sont tous les sujets qui sont importants, et qu'on partage entre pays européens, mais ce n'est pas un Code du travail, ce n'est pas une politique, c'est ensuite aux politiques de la faire.
Q- La CFDT va-t-elle se mobiliser activement pour le "oui", ou laissez-vous libre à chacun de se déterminer ?
R- Pour la CFDT, l'Europe c'est autant identitaire pratiquement que les 35 heures. Ce sont deux sujets qui ne font pratiquement pas débat à la CFDT. Donc, le bureau national de la CFDT a souhaité soutenir ce Traité constitutionnel, donc on va expliquer à nos adhérents, à nos militants, pourquoi l'on pense que ce Traité est juste. Après, chaque adhérent, chaque salarié fera son choix, en son âme et conscience. Nous n'avons pas à suivre chaque adhérent dans le bureau de vote.
Q- Dimanche, main dans la main avec B. Thibault et d'autres organisations syndicales, vous allez défiler pour dire "non" aux 35 heures, ou plus exactement à la remise en cause des 35 heures, mais aussi pour l'emploi, pour les salaires, pour défendre le Code du travail. Ne redoutez-vous pas que ce mécontentement social ne s'identifie avec un "non" au référendum ? Au fond, dire "non" à J. Chirac et profiter de cette situation, et au Gouvernement, au référendum prochain pour se plaindre de la situation sociale ?
R- Il y a bien évidemment des risques de confusion entre le climat social dans notre pays et le débat sur le Traité constitutionnel. C'est une des raisons pour lesquelles, à plusieurs reprises, je me suis adressé au Gouvernement en disant : vous prenez un risque en amenant une contestation sur un texte comme celui sur les 35 heures, qui ne nécessite pas de modifications actuellement, tel qu'il est dans la loi. Effectivement il y a un risque, mais vous savez très bien que la CFDT ne mélange pas les choses, je viens de vous le dire, nous sommes pour le Traité constitutionnel. Mais par contre, nous sommes contre cette loi et je pense que le débat politique doit bien distinguer les deux choses.
Q- En revanche, dans les mots d'ordre de la manifestation, on ne peut pas dire que tous soient très bien distingués, parce que c'est une manifestation où on va défendre pêle-mêle, les 35 heures, l'emploi, le Code du travail, les fonctionnaires, les revendications des lycéens. N'avez-vous pas volontairement mélangé tout cela pour être certains beaucoup de monde dans la rue ? N'est-ce pas un risque ?
R- La CFDT ne mélange rien. La CFDT aborde ce sujet-là sur les trois problèmes qui sont en débat : le temps de travail, les salaires - parce que le Gouvernement nous fait croire que les salariés pourront travailler plus pour gagner plus, donc à lier les deux sujets - et l'emploi. Parce que la CFDT a toujours voulu faire des 35 heures un outil contre le chômage. Donc, ces trois sujets - bien évidemment qu'on parle des 35 heures - sont en débat. Maintenant, que d'autres personnes fassent l'amalgame, par exemple, en posant le problème de l'école, ce n'est pas le nôtre. La CFDT est très clairement dans ces manifestations sur les 35 heures, et les deux sujets qui en découlent : l'emploi et les salaires.
Q- La mobilisation du Parti socialiste, qui invite notamment à rejoindre la manifestation, c'est une récupération qui vous gêne ou au contraire qui vous réconforte ?
R- Mais le Gouvernement a choisi de passer par le débat parlementaire. On est en train de débattre d'une proposition de loi parlementaire. C'est-à-dire que la majorité a fait le choix d'avoir un débat entre la majorité et l'opposition. Donc, inévitablement, le risque de la politisation a été choisi par le Gouvernement. Mais la CFDT...
Q- Le regrettez-vous ?
R- Je regrette, oui, que le Gouvernement n'ait pas fait le choix de passer par un débat avec les partenaires sociaux.
Q- Mais comment vont être accueillis les militants du Parti socialiste, ou les dirigeants du Parti socialiste, que l'on retrouvera dans cette manifestation ?
R- Pour la CFDT, nous sommes en désaccord avec un Gouvernement, donc il n'est pas question pour nous, bien évidemment, de faire de ce désaccord un accord avec un parti politique quel qu'il soit. Notre objectif est de faire évoluer la loi. Maintenant, que des députés viennent dans la manifestation, cela a toujours existé. Mais là, l'autonomie de notre action se fait très librement, vis-à-vis du projet de loi du Gouvernement. Il n'est pas question d'accepter quelque récupération que ce soit. On est dans un débat avec un Gouvernement qui, lui, malheureusement, n'a pas choisi le débat avec les partenaires sociaux. Donc, c'est notre rôle de nous faire entendre dans ce débat-là. On n'a pas d'autres moyens, puisque le choix a été fait par l'Assemblée nationale.
Q- Cette manifestation, est-ce le point d'orgue de toute une série de manifestations qui ont eu lieu au cours des semaines passées, ou est-ce qu'au contraire, c'est le point de départ de la répétition de plus en plus forte d'un mouvement social dans la rue, dans les semaines qui viennent ?
R- Pour la CFDT, c'est une manifestation sur un sujet qui pour nous doit être traité indépendamment des différentes autres manifestations qui ont eu lieu sur les fonctions publiques. Nous avons toujours dit, et je le répète ce matin pour être très clair, que nous ne souhaitions pas mélanger les problèmes des fonctions publiques ou des services publics avec ce problème-là, qui est un problème spécifiquement du secteur privé, avec une remise en cause de la réglementation sur leur temps de travail pour les salariés du privé. Maintenant, qu'il y ait des militants des services publics, des fonctions publiques, qui viennent les soutenir, c'est une bonne chose. Mais on est bien, très clairement, en différenciant les problèmes. Après, que ferons-nous ensuite ? On verra bien, d'une part, si le Gouvernement écoute nos propositions de modification. Nous avons, la semaine prochaine, une réunion en instance à la CFDT pour décider de la suite. Mais nous ne voulons absolument pas mélanger les problèmes politiques et sociaux et faire une globalisation, parce qu'inévitablement, après, nous serions sur un terrain politique et ce n'est pas le choix de la CFDT.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 février 2005)