Texte intégral
Mesdames
Messieurs
Je suis très heureuse de pouvoir participer à ce débat sur la Recherche. Il intervient en effet à un moment particulièrement opportun puisque la discussion sur l'avenir de la recherche nationale est maintenant largement ouverte. Je tiens à remercier la représentation nationale de vouloir s'inscrire pleinement dans ce processus de dialogue que je souhaite le plus fructueux possible.
L'heure est donc aux diagnostics rigoureux et aux propositions constructives.
Il y a maintenant plus d'un an que j'ai engagé une réflexion sur la recherche avec plusieurs membres éminents de la communauté scientifique et des représentants des établissements de recherche et des universités, des Académies.
Ainsi, en écho à l'intitulé de cette table ronde " Des idées pour la Recherche ", je puis vous assurer que nous avons aujourd'hui, pour la recherche et grâce à cette réflexion conduite dans la sérénité, non point seulement des idées, mais aussi des ambitions, une espérance pour notre pays et la volonté de construire, autour de cette espérance, un élan et un projet partagés largement par nos concitoyens.
Les questions qui se posent et les raisons du malaise que traverse le monde de la recherche sont, je crois, maintenant bien identifiées :
- les jeunes se détournent de la science et lorsqu'ils poursuivent une carrière scientifique, ils sont nombreux à choisir de travailler à l'étranger ;
- nos laboratoires souffrent d'un manque de financement : ce dernier reste largement public alors que d'autres pays voient les financements privés, des entreprises comme des particuliers, aller vers la recherche ;
- les résultats de notre recherche stagnent, relativement à nos compétiteurs, tant en ce qui concerne les brevets déposés que les publications ; dans le même temps des pays comme la Chine ou l'Inde se hissent parmi les grandes nations scientifiques, accélérant par là la concurrence internationale.
Il ne s'agit pas ici de sombrer dans le pessimisme ambiant que beaucoup voudraient me voir partager. Ce n'est pas mon tempérament et ce n'est pas une attitude digne de notre pays au riche passé scientifique, ni de la confiance que les jeunes de notre pays placent en nous. Toutefois, notre vigilance nous porte aujourd'hui à réagir.
Comment relever ces défis ? Voilà la question qui seule doit nous préoccuper. Comment les relever mais aussi et surtout comment les relever tous ensemble.
Beaucoup de solutions viennent d'être formulées à l'occasion des nombreuses discussions des dernières semaines : accroissement des moyens accordés par l'Etat à la recherche publique, regroupements d'organismes et simplification des structures, alignement des statuts des personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur. Toutes ces solutions, il importe de les coordonner et de les formaliser dans un projet ambitieux pour la recherche nationale. C'est tout le sens de la loi d'orientation et de programmation à venir.
Toutes ces propositions ont leurs vertus et leurs défauts mais aucune n'a de sens si l'on ne prend pas conscience que le principal changement qui affecte notre recherche est que nous évoluons dans un monde de plus en plus compétitif. Cette donnée doit guider nos choix et nos décisions. C'est elle qui affecte fortement le comportement des acteurs de la recherche. Nos solutions n'auront d'efficacité qu'en fonction de celles que nos partenaires et concurrents ont mis et mettront en oeuvre.
L'attractivité, l'excellence, la large diffusion des savoirs ! Voilà les maîtres mots et la seule clé des succès futurs. Attractivité des carrières tout d'abord pour les jeunes car notre premier devoir est de donner aux jeunes scientifiques de notre pays la possibilité de s'épanouir dans la recherche sans avoir à s'expatrier.
Beaucoup a été dit sur les distorsions de salaires entre notre pays et les USA. C'est indéniable même s'il faut pondérer ce paramètre en tenant compte d'une part de la plus faible protection sociale accordée outre-Atlantique et d'autre part du caractère contractuel très largement répandu des emplois scientifiques dans ce pays. Mais ce facteur n'est pas nouveau et surtout il n'est pas le seul. Les enquêtes effectuées sur les raisons de l'exode de nos cerveaux montrent même que le salaire n'est que le quatrième facteur d'expatriation.
Toutefois, si la sécurité de l'emploi procurée par le statut de fonctionnaire a longtemps pu constituer un facteur d'attractivité suffisant pour contrebalancer le déficit de rémunération, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
D'autres facteurs d'attractivité jouent en notre défaveur : la notoriété des établissements américains, la facilité pour un chercheur à y conduire très tôt ses recherches en toute liberté, la proximité des entreprises, la possibilité de valoriser ses découvertes, la reconnaissance de la recherche comme un facteur de création de valeur important, la capacité à accéder très rapidement à des responsabilités
C'est donc tout un environnement de recherche attractif et compétitif qu'il nous faut créer, intégrant de meilleures rémunérations mais aussi des déroulements de carrières souples et dynamiques, un fonctionnement facilité des laboratoires et une reconnaissance sociale plus large de la Recherche.
Créer de nouveaux postes aux concours d'accès aux organismes de recherche publics est sans doute, je le comprends, une réponse importante pour les jeunes issus de l'université mais ce n'est pas " la " seule solution aux problèmes de notre recherche. Nos organismes recrutent plus de 500 des 11.000 docteurs issus de nos universités. Ce nombre est certes un paramètre important mais une réponse uniquement quantitative est inadaptée face aux exigences qualitatives qui se sont fait jour. Sinon les plus brillants continueront leur fuite vers d'autres cieux ou se détourneront de la science pour aller vers des professions plus gratifiantes.
Ceux qui ne prônent que des plans de recrutement massifs et combattent toute idée de réforme nous conduisent donc à l'échec, en proposant de fausses solutions à notre jeunesse. Il faut en effet veiller à rendre plus attractives les carrières et pour cela offrir, en premier lieu, des rémunérations adaptées et incitatives.
Il faut également donner au chercheur la possibilité d'évoluer aussi bien dans l'enseignement que dans l'entreprise sans que sa carrière en soit affectée. La carrière de chercheur ne peut plus être un parcours linéaire au sein d'un établissement. Le traitement de la mobilité, depuis longtemps jugé essentiel, n'a pas trouvé de réponse adaptée dans notre modèle d'organisation de la recherche.
Je souhaiterais en ce sens insister sur le lien consubstantiel entre recherche et enseignement supérieur. La diffusion des avancées de la recherche est en effet inhérente au travail des scientifiques. La formation par la recherche est au coeur du processus de renouvellement des chercheurs, qui va s'accélérant suite aux nombreux départs à la recherche. Il faut accroître les passerelles entre universités et organismes non seulement pour améliorer notre potentiel de recherche, via notamment l'émergence de pôles de compétitivité ou d'excellence, mais aussi afin d'assurer une répartition plus harmonieuse des grandes missions : recherche, enseignement, valorisation industrielle. Mais permettez-moi aussi d'ajouter la diffusion de la culture scientifique. Il s'agit en effet d'une mission essentielle pour mieux sensibiliser l'ensemble de nos concitoyens aux avancées et plus généralement à l'importance de la science.
Il faut donner enfin aux chercheurs plus de responsabilités et de capacités d'intervention dans leur activité au quotidien, en revoyant en profondeur les modes d'administration de la recherche.
Les réponses à ces questions ne sont pas exclusivement statutaires ou juridiques. Elles passent par la mise en place de modes de gestion incitatifs, primant l'excellence et privilégiant les résultats. Rien de sérieux dans ce domaine ne peut être fait sans une refonte des différents systèmes d'évaluation de la recherche. La communauté scientifique se reconnaît en effet de moins en moins dans les différentes instances qui se sont multipliées pendant les dernières années.
Je l'ai dit précédemment, dans le domaine de la recherche, l'évaluation ne peut pas être hexagonale et repliée sur elle-même. Elle est quotidienne dans la comparaison des résultats et des avancées avec ceux des équipes concurrentes au plan international. Elle doit maintenant être plus fortement intégrée à tous les processus de décision concernant la recherche : allocation des budgets, sélection des projets, rémunérations et carrières.
L'attractivité est aussi devenue la règle pour le développement de la recherche des entreprises, qui est comme chacun le reconnaît, le talon d'Achille de notre pays.
L'époque des groupes publics adossés à des centres nationaux de recherche est révolue. Aujourd'hui, le capital des entreprises est international, l'offre de recherche est mondiale et les entreprises s'installent là où elles trouvent les conditions les plus favorables à leur développement.
La qualité des laboratoires de recherche est essentielle. Elle suppose des plates-formes techniques et scientifiques au plus haut niveau mondial, des équipes de recherche performantes mais aussi mobilisées sur des objectifs, et enfin un environnement favorisant le développement de la créativité, la pluridisciplinarité, les contacts entre équipes et la confrontation fructueuse des idées.
Mais, du point de vue des entreprises, d'autres facteurs sont aussi vitaux : les délais de mise au point des techniques, la protection du savoir, l'environnement juridique économique et fiscal.
Là encore, l'attractivité est le résultat d'un ensemble de paramètres qu'il nous faut maîtriser d'autant mieux que cette attractivité est un atout volatil, qui peut à tout moment être remis en cause aussi bien par des évolutions technologiques ou scientifiques que par l'évolution de l'environnement général.
Beaucoup a déjà été fait par le Gouvernement pour améliorer l'environnement économique avec la refonte du crédit d'impôt recherche et le statut de la Jeune Entreprise Innovante (JEI) mais également avec la révision du régime de la taxe professionnelle sur les investissements en recherche. Mais d'autres progrès restent à faire pour rendre notre recherche plus ouverte sur le monde de l'entreprise et pour favoriser la mobilité des chercheurs entre les organismes, les universités, les entreprises.
La mise en place de politiques de sites territoriaux, où les laboratoires publics de recherche développeraient une logique de synergie, où les entreprises pourraient trouver dans un périmètre rapproché l'ensemble des compétences dont elles ont besoin pour leur développement scientifique et technologique, est un facteur essentiel de compétitivité auquel il nous faut travailler.
Cette politique de sites ne peut se concevoir que par un pilotage fortement coordonné et cohérent des moyens de la recherche en Régions et notamment à travers l'implication conjointe des organismes de recherche et des universités.
Une vision territoriale de l'activité des organismes est un élément incontournable et complémentaire de la vision nationale, aussi bien pour la politique d'équipement scientifique et de recrutement que dans le domaine de la valorisation où le tissu industriel local de PME est souvent le vecteur le plus efficace de la coopération entre entreprises et laboratoires publics. Cette perspective n'exonère cependant pas l'Etat de sa responsabilité globale, quant aux choix stratégiques, et à la cohérence générale du dispositif de recherche. Nous percevons clairement que, pour permettre à notre Recherche de donner la pleine mesure de son potentiel, par les évolutions que je viens d'évoquer, l'Etat doit assumer pleinement ses obligations de continuité et de cohérence.
La continuité, c'est l'engagement que nous voulons prendre à la fin de cette année 2004, par une loi d'orientation et de programmation pour la Recherche. Celle-ci permettra de soutenir, dans la durée, une politique volontariste de recherche fondée sur l'excellence et la performance.
La cohérence trouvera d'autre part sa réponse dans la décision prise par ce Gouvernement de créer une mission interministérielle couvrant l'ensemble de la recherche publique. Cette " mission " redonnera à la Recherche la dimension interministérielle qu'elle a perdue depuis plus de vingt ans et lui permettra de retrouver sa place centrale pour l'avenir technologique et économique de notre pays.
Je me félicite donc qu'aujourd'hui cette tribune permette une confrontation entre des élus, qui sont autant de responsables importants de collectivités territoriales, et d'éminents représentants de la communauté scientifique. La discussion qui s'ouvre aujourd'hui doit en effet mobiliser largement le monde de la recherche mais elle a aussi vocation à devenir un débat majeur pour la représentation nationale. C'est à elle en effet qu'il appartient de proposer et surtout de voter le contenu définitif d'une loi d'orientation et de programmation qui déterminera les perspectives de la recherche nationale et les conditions de sa restitution à l'ensemble de nos concitoyens.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 8 mars 2004)
Messieurs
Je suis très heureuse de pouvoir participer à ce débat sur la Recherche. Il intervient en effet à un moment particulièrement opportun puisque la discussion sur l'avenir de la recherche nationale est maintenant largement ouverte. Je tiens à remercier la représentation nationale de vouloir s'inscrire pleinement dans ce processus de dialogue que je souhaite le plus fructueux possible.
L'heure est donc aux diagnostics rigoureux et aux propositions constructives.
Il y a maintenant plus d'un an que j'ai engagé une réflexion sur la recherche avec plusieurs membres éminents de la communauté scientifique et des représentants des établissements de recherche et des universités, des Académies.
Ainsi, en écho à l'intitulé de cette table ronde " Des idées pour la Recherche ", je puis vous assurer que nous avons aujourd'hui, pour la recherche et grâce à cette réflexion conduite dans la sérénité, non point seulement des idées, mais aussi des ambitions, une espérance pour notre pays et la volonté de construire, autour de cette espérance, un élan et un projet partagés largement par nos concitoyens.
Les questions qui se posent et les raisons du malaise que traverse le monde de la recherche sont, je crois, maintenant bien identifiées :
- les jeunes se détournent de la science et lorsqu'ils poursuivent une carrière scientifique, ils sont nombreux à choisir de travailler à l'étranger ;
- nos laboratoires souffrent d'un manque de financement : ce dernier reste largement public alors que d'autres pays voient les financements privés, des entreprises comme des particuliers, aller vers la recherche ;
- les résultats de notre recherche stagnent, relativement à nos compétiteurs, tant en ce qui concerne les brevets déposés que les publications ; dans le même temps des pays comme la Chine ou l'Inde se hissent parmi les grandes nations scientifiques, accélérant par là la concurrence internationale.
Il ne s'agit pas ici de sombrer dans le pessimisme ambiant que beaucoup voudraient me voir partager. Ce n'est pas mon tempérament et ce n'est pas une attitude digne de notre pays au riche passé scientifique, ni de la confiance que les jeunes de notre pays placent en nous. Toutefois, notre vigilance nous porte aujourd'hui à réagir.
Comment relever ces défis ? Voilà la question qui seule doit nous préoccuper. Comment les relever mais aussi et surtout comment les relever tous ensemble.
Beaucoup de solutions viennent d'être formulées à l'occasion des nombreuses discussions des dernières semaines : accroissement des moyens accordés par l'Etat à la recherche publique, regroupements d'organismes et simplification des structures, alignement des statuts des personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur. Toutes ces solutions, il importe de les coordonner et de les formaliser dans un projet ambitieux pour la recherche nationale. C'est tout le sens de la loi d'orientation et de programmation à venir.
Toutes ces propositions ont leurs vertus et leurs défauts mais aucune n'a de sens si l'on ne prend pas conscience que le principal changement qui affecte notre recherche est que nous évoluons dans un monde de plus en plus compétitif. Cette donnée doit guider nos choix et nos décisions. C'est elle qui affecte fortement le comportement des acteurs de la recherche. Nos solutions n'auront d'efficacité qu'en fonction de celles que nos partenaires et concurrents ont mis et mettront en oeuvre.
L'attractivité, l'excellence, la large diffusion des savoirs ! Voilà les maîtres mots et la seule clé des succès futurs. Attractivité des carrières tout d'abord pour les jeunes car notre premier devoir est de donner aux jeunes scientifiques de notre pays la possibilité de s'épanouir dans la recherche sans avoir à s'expatrier.
Beaucoup a été dit sur les distorsions de salaires entre notre pays et les USA. C'est indéniable même s'il faut pondérer ce paramètre en tenant compte d'une part de la plus faible protection sociale accordée outre-Atlantique et d'autre part du caractère contractuel très largement répandu des emplois scientifiques dans ce pays. Mais ce facteur n'est pas nouveau et surtout il n'est pas le seul. Les enquêtes effectuées sur les raisons de l'exode de nos cerveaux montrent même que le salaire n'est que le quatrième facteur d'expatriation.
Toutefois, si la sécurité de l'emploi procurée par le statut de fonctionnaire a longtemps pu constituer un facteur d'attractivité suffisant pour contrebalancer le déficit de rémunération, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
D'autres facteurs d'attractivité jouent en notre défaveur : la notoriété des établissements américains, la facilité pour un chercheur à y conduire très tôt ses recherches en toute liberté, la proximité des entreprises, la possibilité de valoriser ses découvertes, la reconnaissance de la recherche comme un facteur de création de valeur important, la capacité à accéder très rapidement à des responsabilités
C'est donc tout un environnement de recherche attractif et compétitif qu'il nous faut créer, intégrant de meilleures rémunérations mais aussi des déroulements de carrières souples et dynamiques, un fonctionnement facilité des laboratoires et une reconnaissance sociale plus large de la Recherche.
Créer de nouveaux postes aux concours d'accès aux organismes de recherche publics est sans doute, je le comprends, une réponse importante pour les jeunes issus de l'université mais ce n'est pas " la " seule solution aux problèmes de notre recherche. Nos organismes recrutent plus de 500 des 11.000 docteurs issus de nos universités. Ce nombre est certes un paramètre important mais une réponse uniquement quantitative est inadaptée face aux exigences qualitatives qui se sont fait jour. Sinon les plus brillants continueront leur fuite vers d'autres cieux ou se détourneront de la science pour aller vers des professions plus gratifiantes.
Ceux qui ne prônent que des plans de recrutement massifs et combattent toute idée de réforme nous conduisent donc à l'échec, en proposant de fausses solutions à notre jeunesse. Il faut en effet veiller à rendre plus attractives les carrières et pour cela offrir, en premier lieu, des rémunérations adaptées et incitatives.
Il faut également donner au chercheur la possibilité d'évoluer aussi bien dans l'enseignement que dans l'entreprise sans que sa carrière en soit affectée. La carrière de chercheur ne peut plus être un parcours linéaire au sein d'un établissement. Le traitement de la mobilité, depuis longtemps jugé essentiel, n'a pas trouvé de réponse adaptée dans notre modèle d'organisation de la recherche.
Je souhaiterais en ce sens insister sur le lien consubstantiel entre recherche et enseignement supérieur. La diffusion des avancées de la recherche est en effet inhérente au travail des scientifiques. La formation par la recherche est au coeur du processus de renouvellement des chercheurs, qui va s'accélérant suite aux nombreux départs à la recherche. Il faut accroître les passerelles entre universités et organismes non seulement pour améliorer notre potentiel de recherche, via notamment l'émergence de pôles de compétitivité ou d'excellence, mais aussi afin d'assurer une répartition plus harmonieuse des grandes missions : recherche, enseignement, valorisation industrielle. Mais permettez-moi aussi d'ajouter la diffusion de la culture scientifique. Il s'agit en effet d'une mission essentielle pour mieux sensibiliser l'ensemble de nos concitoyens aux avancées et plus généralement à l'importance de la science.
Il faut donner enfin aux chercheurs plus de responsabilités et de capacités d'intervention dans leur activité au quotidien, en revoyant en profondeur les modes d'administration de la recherche.
Les réponses à ces questions ne sont pas exclusivement statutaires ou juridiques. Elles passent par la mise en place de modes de gestion incitatifs, primant l'excellence et privilégiant les résultats. Rien de sérieux dans ce domaine ne peut être fait sans une refonte des différents systèmes d'évaluation de la recherche. La communauté scientifique se reconnaît en effet de moins en moins dans les différentes instances qui se sont multipliées pendant les dernières années.
Je l'ai dit précédemment, dans le domaine de la recherche, l'évaluation ne peut pas être hexagonale et repliée sur elle-même. Elle est quotidienne dans la comparaison des résultats et des avancées avec ceux des équipes concurrentes au plan international. Elle doit maintenant être plus fortement intégrée à tous les processus de décision concernant la recherche : allocation des budgets, sélection des projets, rémunérations et carrières.
L'attractivité est aussi devenue la règle pour le développement de la recherche des entreprises, qui est comme chacun le reconnaît, le talon d'Achille de notre pays.
L'époque des groupes publics adossés à des centres nationaux de recherche est révolue. Aujourd'hui, le capital des entreprises est international, l'offre de recherche est mondiale et les entreprises s'installent là où elles trouvent les conditions les plus favorables à leur développement.
La qualité des laboratoires de recherche est essentielle. Elle suppose des plates-formes techniques et scientifiques au plus haut niveau mondial, des équipes de recherche performantes mais aussi mobilisées sur des objectifs, et enfin un environnement favorisant le développement de la créativité, la pluridisciplinarité, les contacts entre équipes et la confrontation fructueuse des idées.
Mais, du point de vue des entreprises, d'autres facteurs sont aussi vitaux : les délais de mise au point des techniques, la protection du savoir, l'environnement juridique économique et fiscal.
Là encore, l'attractivité est le résultat d'un ensemble de paramètres qu'il nous faut maîtriser d'autant mieux que cette attractivité est un atout volatil, qui peut à tout moment être remis en cause aussi bien par des évolutions technologiques ou scientifiques que par l'évolution de l'environnement général.
Beaucoup a déjà été fait par le Gouvernement pour améliorer l'environnement économique avec la refonte du crédit d'impôt recherche et le statut de la Jeune Entreprise Innovante (JEI) mais également avec la révision du régime de la taxe professionnelle sur les investissements en recherche. Mais d'autres progrès restent à faire pour rendre notre recherche plus ouverte sur le monde de l'entreprise et pour favoriser la mobilité des chercheurs entre les organismes, les universités, les entreprises.
La mise en place de politiques de sites territoriaux, où les laboratoires publics de recherche développeraient une logique de synergie, où les entreprises pourraient trouver dans un périmètre rapproché l'ensemble des compétences dont elles ont besoin pour leur développement scientifique et technologique, est un facteur essentiel de compétitivité auquel il nous faut travailler.
Cette politique de sites ne peut se concevoir que par un pilotage fortement coordonné et cohérent des moyens de la recherche en Régions et notamment à travers l'implication conjointe des organismes de recherche et des universités.
Une vision territoriale de l'activité des organismes est un élément incontournable et complémentaire de la vision nationale, aussi bien pour la politique d'équipement scientifique et de recrutement que dans le domaine de la valorisation où le tissu industriel local de PME est souvent le vecteur le plus efficace de la coopération entre entreprises et laboratoires publics. Cette perspective n'exonère cependant pas l'Etat de sa responsabilité globale, quant aux choix stratégiques, et à la cohérence générale du dispositif de recherche. Nous percevons clairement que, pour permettre à notre Recherche de donner la pleine mesure de son potentiel, par les évolutions que je viens d'évoquer, l'Etat doit assumer pleinement ses obligations de continuité et de cohérence.
La continuité, c'est l'engagement que nous voulons prendre à la fin de cette année 2004, par une loi d'orientation et de programmation pour la Recherche. Celle-ci permettra de soutenir, dans la durée, une politique volontariste de recherche fondée sur l'excellence et la performance.
La cohérence trouvera d'autre part sa réponse dans la décision prise par ce Gouvernement de créer une mission interministérielle couvrant l'ensemble de la recherche publique. Cette " mission " redonnera à la Recherche la dimension interministérielle qu'elle a perdue depuis plus de vingt ans et lui permettra de retrouver sa place centrale pour l'avenir technologique et économique de notre pays.
Je me félicite donc qu'aujourd'hui cette tribune permette une confrontation entre des élus, qui sont autant de responsables importants de collectivités territoriales, et d'éminents représentants de la communauté scientifique. La discussion qui s'ouvre aujourd'hui doit en effet mobiliser largement le monde de la recherche mais elle a aussi vocation à devenir un débat majeur pour la représentation nationale. C'est à elle en effet qu'il appartient de proposer et surtout de voter le contenu définitif d'une loi d'orientation et de programmation qui déterminera les perspectives de la recherche nationale et les conditions de sa restitution à l'ensemble de nos concitoyens.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 8 mars 2004)