Texte intégral
Que reprochez-vous à la proposition de directive sur la durée du travail en Europe actuellement à l'examen au Parlement européen ?
Ce texte remet en cause le mouvement historique de diminution du temps de travail et menace les salariés de régression sociale en réduisant sérieusement leurs droits. Il allonge le temps de travail maximum autorisé de 48 heures par semaine à 65 heures. De plus, le calcul du temps de travail hebdomadaire moyen ne se fera plus sur quatre mois mais sur un an, ce qui aboutit à une flexibilisation quasi totale de la durée du travail. Par ailleurs, le projet de la Commission européenne définit de manière restrictive le temps de travail : les salariés pourront être d'astreinte et présents sur leur lieu de travail sans être rémunérés. Enfin, il permet de recourir à l'" opt-out ", même si le terme n'est pas utilisé : cette clause, utilisée par la Grande-Bretagne depuis 1993, prévoit qu'une entreprise peut déroger aux textes européens si le salarié donne son accord. Dans les faits, le salarié n'a pas le choix : s'il ne signe pas, il n'est pas embauché. Avec la nouvelle loi Borloo, cela risque de devenir une cause de licenciement.
Cette directive ouvre la voie à toutes les pressions sur les salariés. Si elle passe, on nous demandera d'adapter notre législation nationale. C'est pour moi une illustration supplémentaire de l'Europe régressive et malthusienne qu'on nous prépare si le Traité constitutionnel était adopté.
Les partisans du " oui " vous répondront qu'il n'y a pas de lien entre les deux textes...
Ils ont déjà utilisé cet argument lors de la bataille contre la directive Bolkestein de libéralisation des services. Mais si nous ne nous étions pas battus pendant des mois, personne n'aurait remis en cause ce texte initialement accepté par les commissaires français Michel Barnier et Pascal Lamy ainsi que par le gouvernement. De plus, l'adoption de cette directive est repoussée après le référendum français mais nous savons que sa base juridique figure dans l'article III-148 qui exige la " libéralisation des services (...) au-delà de la mesure qui est obligatoire ". La Constitution grave dans le marbre un modèle d'économie de marché ultralibérale où la " concurrence est libre et non faussée " et son titre 3, de loin le plus fourni, donne valeur constitutionnelle à tous les traités antérieurs. Jusqu'à présent, seule la Constitution de l'ex-URSS avait inclus un modèle économique.
Un " non " de la France n'affaiblirait-il pas la position de notre pays en Europe ?
Quand la Grande-Bretagne dit non à l'euro et refuse la Charte des droits fondamentaux, elle ne se marginalise pas, elle mène la danse. Dire que la France, pays fondateur de l'Europe et l'un de ses principaux contributeurs, pourrait s'affaiblir en résistant est un argument défaitiste. Il est ahurissant que pour obtenir le feu vert des Français on leur explique qu'ils ne sont plus rien. Les avocats du " oui " devraient se méfier : un tel lavage de cerveau peut provoquer en retour une vive réaction.
(Source http://www.nonsocialiste.fr, le 3 mai 2005)
Ce texte remet en cause le mouvement historique de diminution du temps de travail et menace les salariés de régression sociale en réduisant sérieusement leurs droits. Il allonge le temps de travail maximum autorisé de 48 heures par semaine à 65 heures. De plus, le calcul du temps de travail hebdomadaire moyen ne se fera plus sur quatre mois mais sur un an, ce qui aboutit à une flexibilisation quasi totale de la durée du travail. Par ailleurs, le projet de la Commission européenne définit de manière restrictive le temps de travail : les salariés pourront être d'astreinte et présents sur leur lieu de travail sans être rémunérés. Enfin, il permet de recourir à l'" opt-out ", même si le terme n'est pas utilisé : cette clause, utilisée par la Grande-Bretagne depuis 1993, prévoit qu'une entreprise peut déroger aux textes européens si le salarié donne son accord. Dans les faits, le salarié n'a pas le choix : s'il ne signe pas, il n'est pas embauché. Avec la nouvelle loi Borloo, cela risque de devenir une cause de licenciement.
Cette directive ouvre la voie à toutes les pressions sur les salariés. Si elle passe, on nous demandera d'adapter notre législation nationale. C'est pour moi une illustration supplémentaire de l'Europe régressive et malthusienne qu'on nous prépare si le Traité constitutionnel était adopté.
Les partisans du " oui " vous répondront qu'il n'y a pas de lien entre les deux textes...
Ils ont déjà utilisé cet argument lors de la bataille contre la directive Bolkestein de libéralisation des services. Mais si nous ne nous étions pas battus pendant des mois, personne n'aurait remis en cause ce texte initialement accepté par les commissaires français Michel Barnier et Pascal Lamy ainsi que par le gouvernement. De plus, l'adoption de cette directive est repoussée après le référendum français mais nous savons que sa base juridique figure dans l'article III-148 qui exige la " libéralisation des services (...) au-delà de la mesure qui est obligatoire ". La Constitution grave dans le marbre un modèle d'économie de marché ultralibérale où la " concurrence est libre et non faussée " et son titre 3, de loin le plus fourni, donne valeur constitutionnelle à tous les traités antérieurs. Jusqu'à présent, seule la Constitution de l'ex-URSS avait inclus un modèle économique.
Un " non " de la France n'affaiblirait-il pas la position de notre pays en Europe ?
Quand la Grande-Bretagne dit non à l'euro et refuse la Charte des droits fondamentaux, elle ne se marginalise pas, elle mène la danse. Dire que la France, pays fondateur de l'Europe et l'un de ses principaux contributeurs, pourrait s'affaiblir en résistant est un argument défaitiste. Il est ahurissant que pour obtenir le feu vert des Français on leur explique qu'ils ne sont plus rien. Les avocats du " oui " devraient se méfier : un tel lavage de cerveau peut provoquer en retour une vive réaction.
(Source http://www.nonsocialiste.fr, le 3 mai 2005)