Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi d'abord de vous dire la joie que je ressens à être parmi vous et à ouvrir les rencontres franco-japonaises des centres d'excellence, table ronde sur les politiques de soutien à l'innovation et au développement des clusters. La France a souhaité que ces rencontres aient à l'avenir un caractère régulier et que tous les ans un véritable rendez-vous soit organisé entre nos chercheurs, nos entreprises et les institutions qui animent les centres d'excellence. Il s'agit pour nous d'une priorité car l'innovation est la clé de la croissance future de nos deux pays. Seules des coopérations étroites entre nous dans les domaines de haute technologie nous permettront de rester au premier rang de la compétition internationale.
C'est ce qui a amené l'Union européenne à se fixer ce que l'on appelle les objectifs de Lisbonne, visant à faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus avancée du monde à l'horizon 2010, avec un objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche et développement, que la France a fait sien.
Notre pays est aujourd'hui parmi les premiers des grands pays européens par l'effort qu'il consacre à la recherche et développement et à l'innovation. 2,2 % de son PIB sont destinés aujourd'hui à cette activité. La France possède par ailleurs des centres de recherche mondialement réputés, des équipes de pointe, des entreprises fortement innovantes, comme le démontrent des exemples tels que Airbus, avec le très gros porteur A380, ARIANESPACE, ST Microelectronics mais également nombre de petites et moyennes entreprises, ouvertes et tournées vers les applications à forte valeur ajoutée.
Du chemin reste cependant encore à faire et l'exemple du Japon est pour nous significatif. Le Japon consacre aujourd'hui près de 2,9 % du PIB à la recherche et développement. Il a mis en place ces dernières années une politique volontariste visant à faire de ce pays, dans les années à venir, un des leaders mondiaux en matière d'innovation.
Le processus d'innovation doit en effet être permanent. Ce n'est pas seulement une affaire d'investissements industriels, c'est aussi une question d'état d'esprit. C'est la condition pour qu'un territoire et un secteur industriel ne décrochent pas et restent dans la course.
Le secteur des nanotechnologies, qui fait l'objet du salon dans le cadre duquel se tient ce colloque est un parfait exemple des efforts nécessaires, aujourd'hui, en matière de R D dans les secteurs de pointe. Ces efforts sont d'autant plus importants que les nanotechnologies concernent un nombre important de filières industrielles et trouvent des applications aussi bien dans le domaine des matériaux, que dans celui des biotechnologies, de l'électronique, ou bien encore dans celui de l'environnement.
Ainsi, durant la décennie écoulée, ce sont près de 4 Md qui ont été investis dans la région de Grenoble et dans la filière par l'État, l'Union Européenne, les collectivités locales, les entreprises, et les établissements de recherche et de formation. Cet effort d'investissement considérable sera poursuivi et amplifié. Ainsi dans les 5 prochaines années, il est prévu que le projet CROLLES II mobilise 2,2 Md d'investissements matériels et 1,3 Md de dépenses de recherche pure, afin qu'un nouveau seuil technologique puisse encore être franchi.
A cet égard, 24 entreprises françaises de nanotechnologies, ainsi que 4 pôles régionaux, représentatives de cette excellence française, sont représentés à Tokyo à l'occasion de cette semaine des nanotechnologies. Vous pouvez les retrouver sur le stand 'Nanotechnologies in France' du salon Nanotech qui se tient ici même à partir de ce jour.
De même, l'effort du Japon en matière de nanotechnologies est remarquable : entre les exercices 2001 et 2003, les dépenses de recherche dans ce domaine au Japon sont passées de 75 à 137 milliards de yens soit une croissance de plus de 80 %.
Le mouvement croissant de financement public japonais en nanotechnologies constitue le plus gros effort mondial de financement actuel, et le secteur privé contribue à la majorité des recherches.
Pour l'ensemble de notre industrie, placée dans un contexte de mondialisation, confrontée à l'émergence de concurrents disposant d'avantages en terme de " coûts ", l'innovation et la R D sont des facteurs essentiels de compétitivité. L'expérience montre que l'innovation gagne fortement en efficacité lorsqu'elle résulte de collaborations entre entreprises, en coopération avec des laboratoires publics. Ces collaborations sont très largement facilitées par la concentration géographique des acteurs, qui, en outre, donne une visibilité internationale et contribue à attirer de nouveaux partenaires, comme le démontrent les exemples de la Silicon Valley, ou celui, précédemment cité, de Crolles.
Ces divers constats ont conduit le gouvernement français a annoncer, lors du Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire du 14 septembre 2004, une politique en faveur de la création et du développement de pôles de compétitivité, définis comme la mobilisation, dans un espace géographique limité, d'entreprises, de laboratoires et d'organismes de formation, autour de projets coopératifs innovants, avec le soutien des collectivités territoriales.
Qu'est-ce au juste qu'un pôle de compétitivité ? C'est la mise en synergie d'un tissu d'entreprises d'une part, de capacités de recherche et de formation d'autre part, sur la base d'une vision stratégique partagée du développement d'un territoire et d'un secteur d'activité dominant. C'est en premier lieu la traduction de l'aptitude d'un territoire et de ses acteurs à se mobiliser pour valoriser ensemble leurs complémentarités et leurs atouts, géographiques et sectoriels.
Quels sont les ingrédients d'un pôle de compétitivité ? J'en citerai cinq : 1/ la convergence entre un projet territorial et un projet industriel et technologique, 2/ la mise en réseau des acteurs autour de ces projets, 3/ la pluridisciplinarité ou en d'autres termes le mélange des cultures, des savoirs et des logiques d'intervention, 4/ un fort contenu en innovation et enfin 5/ la polarisation des efforts, c'est-à-dire la concentration et l'accumulation des investissements sur un même site.
Quels en sont les enjeux?
L'enjeu le plus immédiat est évidemment de conforter la compétitivité de nos entreprises et de notre savoir-faire technologique dans une économie ouverte et de plus en plus globalisée. La mise en commun des ressources à travers un pôle de compétitivité permet d'atteindre la taille critique indispensable pour obtenir des résultats probants et décisifs dans la compétition mondiale.
Le deuxième enjeu est d'augmenter à moyen et long terme le rythme de croissance potentielle de notre économie. L'addition des contributions des membres du pôle, grâce notamment à la concentration des investissements et à l'intensification des échanges n'est pas un jeu à somme constante. Le résultat d'ensemble dépasse la sommation des apports de chacun pris séparément. A titre d'exemple, le projet CROLLES II, c'est aussi la création directe de 1 500 emplois très qualifiés, auxquels il faut ajouter un tissu de sous-traitance de plus de 300 entreprises, représentant 3 000 emplois et 300 millions de chiffre d'affaires annuel.
Le développement de ces pôles est en troisième lieu un facteur puissant d'attractivité. Gagnant en visibilité internationale, le pôle fonctionne comme un aimant, les apports exogènes dopant la dynamique endogène initiale. Le transfert des activités de recherche de Motorola d'Austin (Texas) à Crolles illustre parfaitement cet enchaînement vertueux.
Le développement des pôles de compétitivité français est donc en cours et ses modalités concrètes feront l'objet de communications détaillées qui permettront à nos partenaires, et aux autorités japonaises bien évidemment, d'apprécier les perspectives de contacts et de futurs investissements croisés qu'elles pourraient en tirer.
L'outil " pôles de compétitivité " doit permettre le développement d'activités industrielles et de l'emploi tout en confortant le rôle des territoires. ; il concerne non seulement les domaines technologiques en émergence (nano technologies, biotechnologies, micro électronique, environnement ) mais également des domaines plus matures (automobile, aéronautique, etc..). Il doit aussi s'inscrire dans une perspective internationale et européenne en étant ouvert à des partenariats équilibrés avec des acteurs étrangers.
Permettez-moi, pour finir, de relever que la politique de compétitivité et d'innovation des autorités japonaises est citée en exemple dans le récent rapport que le Président de la République française a commandé à Monsieur Jean-Louis BEFFA, PDG de l'entreprise SAINT-GOBAIN. rapport qui servira de base à la mise en uvre d'un vaste programme de développement de l'innovation industrielle en France. Ce concept de politique de pôles régionaux de compétitivité, sur laquelle le Japon a pris beaucoup d'avance, nous permettra de développer des dialogues fructueux de région à région, porteurs d'investissements croisés entre entreprises et centres de recherche français et japonais sur de nombreux secteurs.
Nos deux pays développent aujourd'hui des politiques de modernisation de leurs infrastructures de recherche, d'identification et d'émergence de pôles d'excellence, de focalisation sur un certain nombre de secteurs à fort potentiel. Dans ces domaines, ou nous sommes parfois concurrents, mais souvent complémentaires, nous avons, j'en suis sur, un intérêt mutuel à coopérer, que ce soit au niveau national, au niveau régional, avec nos pôles de compétitivité respectifs, ou au niveau de nos établissements de recherche ou de nos entreprises.
A cet égard, je prends pour témoignage le nombre croissant d'accords de coopération entre organisme de recherche français et japonais. L'un des plus emblématiques est la création en décembre 2003 du laboratoire commun de robotique entre le CNRS et le National Institute for Advanced Industrial Science and Technology (AIST), qui est huit ans après le LIMMS (Laboratoire de Micro et Mécatornique Intégrée) le second laboratoire commun du CNRS avec un institut japonais. Mais on peut citer également une coopération entre l'INRIA (l'Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique), le National Institute for Informatics sur des projets de linguistique ou de grilles de programmation (grid computing). Ou encore des axes privilégiés entre des réseaux existant à l'INSERM et le Japon, sur le thème des cellules souche dans les biothérapies. Et d'autres sont encore à venir, comme le montre la dynamique du nombre d'accords de coopération entre établissements français et japonais, passé de 7 à 17 entre 2001 et 2004, les échanges de chercheurs croissant dans la même période de 171 à 300 de la France vers le Japon et de 119 à 250 du Japon vers la France.
Cette dynamique doit se poursuivre, dans une logique de mise en réseau de pôles de nos deux pays aux spécialités communes sur des domaines de haute technologie comme les sciences de la vie, les technologies de l'information et de la communication, l'environnement ou les nanotechnologies, par lesquelles nous commençons aujourd'hui même.
C'est par une action volontariste, ambitieuse et déterminée, que nous assurerons une croissance durable de l'activité et de l'emploi. Le dispositif en faveur des pôles de compétitivité est un élément essentiel de cette action.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 3 mars 2005)