Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens avant tout à remercier Monsieur KOK pour sa présentation, mais aussi l'ensemble des intervenants pour leur contribution à ce débat. Les messages que vous nous avez adressés nous alertent sur l'urgence des réformes à conduire en Europe afin d'améliorer notre marché du travail et développer l'emploi.
Ces messages ont été, je crois, entendus par les partenaires sociaux, chacun d'entre eux ayant à cur de formuler propositions, et contre-propositions, car tel est bien l'intérêt du débat démocratique et social.
Je fais miennes les quatre conditions décrites dans votre rapport pour dynamiser l'emploi en Europe :
- augmenter la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises,
- attirer davantage de personnes sur le marché du travail,
- investir plus efficacement dans le capital humain,
- assurer une mise en uvre des réformes au travers d'une meilleure gouvernance.
Le rapport de la Task force marque la priorité qui doit être donnée aux politiques de l'emploi en Europe. J'observe avec intérêt les nombreux exemples retraçant les politiques des pays qui ont dynamisé l'emploi et amélioré le fonctionnement de leur marché du travail. Les Pays-Bas, le Danemark, le Royaume-Uni, plus récemment l'Allemagne, se sont engagés dans des réformes ambitieuses, dont les performances sont indéniables et dont on doit s'inspirer. Ces pays ont su améliorer l'efficacité de leurs services publics de l'emploi et rendre leurs marchés du travail plus dynamiques, plus réactifs et plus fluides. Ils l'ont fait ou vont le faire sans se préoccuper de vieux dogmes idéologiques.
J'observe, et c'est pour moi une leçon essentielle, qu'il ne s'agit pas de savoir si on est libéral ou social-démocrate, si on est de gauche, de droite ou du centre. Il s'agit de savoir si telle ou telle mesure est efficace pour augmenter le taux d'activité et réduire le chômage. Et nous devons reconnaître les formules qui marchent s'inspirent largement d'une même philosophie.
Il n'est pas question dans vos analyses, Monsieur le Président, de fausses recettes comme la réduction obligatoire du temps de travail, la taxation de la valeur ajoutée produite par les entreprises ou la multiplication des emplois publics subventionnés : dangereuses chimères qui sont à terme destructrices d'emplois.
La contribution de la Task force sert également l'emploi en indiquant que l'implication de l'ensemble des acteurs et le dialogue avec les partenaires sociaux sont la condition fondamentale de la réforme. Vous connaissez mon attachement personnel au respect du dialogue social. J'ai en particulier souhaité, à travers cette séance de travail, que les conclusions et les propositions du rapport de la Task force soient examinées attentivement avec les partenaires sociaux français afin que leur point de vue puisse être entendu au plus haut niveau.
J'observe une grande cohérence entre les voies suggérées par le rapport de Mr. KOK pour engager les réformes efficaces sur le marché du travail et le programme que le Président de la République a rappelé en ce tout début d'année aux forces vives de la nation. Il n'est, en effet, plus temps de différer ces réformes. De nombreuses étapes ont été franchies depuis 2002 : réforme des retraites, allègements des charges, baisses d'impôts, augmentation des rémunérations minimales, réforme de la formation professionnelle et du dialogue social, valorisation du travail, renforcement des politiques d'insertion et d'activation, aides à l'emploi recentrées sur le secteur marchand.
Mais les réformes doivent maintenant franchir une nouvelle étape en se poursuivant avec rythme et méthode.
Les messages spécifiques adressés à la France dans le rapport de Monsieur KOK sont utiles et stimulants pour cette nouvelle étape. Je ne reviens pas sur le détail de ces propositions qui s'articulent autour de trois axes :
1) Accroître la capacité d'adaptation dans notre pays en aidant les jeunes entreprises, en promouvant les liens entre la recherche et l'initiative et en développant les transitions des salariés vers des emplois plus durables.
2) Faire de l'emploi une véritable option pour tous, par des stratégies globales pour l'emploi des seniors, des mesures actives et préventives de retour à l'emploi plus efficaces, une meilleure anticipation et un accompagnement des restructurations, et la construction d'une insertion durable dans l'emploi des jeunes et des populations issues de l'immigration.
3) Investir dans le capital humain, en améliorant notamment l'accès à la qualification des plus faiblement qualifiés et des salariés des petites entreprises et en étant attentifs à l'insertion des jeunes ayant abandonné tôt le système scolaire.
Nous nous retrouvons évidemment dans ces analyses. La mobilisation pour l'emploi que nous engageons n'a pas d'autre sens.
Les deux rapports demandés à Monsieur Jean MARIMBERT et à une commission d'experts présidée par Monsieur Michel de VIRVILLE m'ont été remis la semaine dernière, l'un sur la modernisation du service public de l'emploi, l'autre sur la clarification du Code du Travail. Sur la base de ces rapports une concertation approfondie va maintenant s'ouvrir dès la semaine pour préparer un projet de loi qui sera déposé au Parlement au printemps prochain.
Cette concertation, je l'aborde sans tabou et sans a priori. Je souhaite qu'elle soit un véritable travail en commun, car rien n'est écrit par avance.
Le rapprochement entre l'ANPE et l'UNEDIC, et plus largement le partenariat stratégique avec les missions locales pour les jeunes, l'AFPA, l'APEC, les collectivités territoriales, le tout au service du demandeur d'emploi, des reconversions et des entreprises, doit permettre de renforcer une démarche individuelle active de recherche d'emploi.
Faire du travail une véritable option pour tous, c'est veiller à ce que chaque demandeur d'emploi soit soutenu et encouragé à retrouver au plus vite le chemin de l'emploi, et qu'il puisse occuper au plus vite et au mieux les emplois qui restent vacants, et amorcer ensuite les évolutions professionnelles qu'il souhaite.
J'ai lancé dans cette perspective au mois de décembre dernier la préparation d'un plan de réduction des emplois durablement non pourvus. La situation où coexistent plus de 2,5 millions de demandeurs d'emploi et 300 000 emplois pour lesquels les entreprises ne parviennent pas à recruter est, en effet, insupportable.
Je serai donc amené à dévoiler dans les toutes prochaines semaines les détails de ce plan qui aura pour objectif de réduire de 100 000 les offres d'emploi durablement non pourvues avant la fin de l'années 2004.
Au-delà, une gestion plus dynamique des services de placement devra être organisée, avec en perspective une question parmi d'autres, celle du monopole de l'ANPE. Nous devons nouer dans notre pays, à l'image de ce que font les autres en Europe, des partenariats complémentaires entre les acteurs privés et publics qui oeuvrent pour le placement et le retour à l'emploi.
Le rapport de M. de VIRVILLE propose de rendre notre Code du Travail plus efficace, dans
l'intérêt conjoint des entreprises et des salariés.
Nous devons, en effet, diminuer les freins à l'emploi et trouver les compromis entre nouvelles flexibilités et nouvelles sécurités afin de fluidifier le marché du travail, tout en sécurisant les trajectoires professionnelles. C'est dans cet esprit que Monsieur. de VIRVILLE propose la création encadrée et négociée d'un contrat de projet, un CDD de longue durée. Celle-ci ne sera concevable après concertation que si nous concluons qu'une telle option facilitera effectivement l'entrée sur le marché du travail, et naturellement sans remettre en cause le contrat de travail à durée indéterminée.
Nous devons également revoir en profondeur nos dispositifs de prévention et d'action face aux licenciements économiques. Les partenaires sociaux ont engagé une négociation majeure sur cette question. J'ai à nouveau dans cette enceinte l'occasion de vous adresser un appel solennel pour que vous aboutissiez dans un délai rapide. Vous savez que les conclusions auxquelles vous parviendrez seront intégrées dans le dispositif législatif prévu au printemps.
A défaut d'accord, évidemment le gouvernement prendra ses responsabilités.
La mobilisation de toutes les ressources en main d'uvre est aussi l'objectif essentiel. Ceci concerne en particulier l'allongement des durées d'activités pour les salariés âgés. La réponse globale à ce défi est amorcée avec la réforme des retraites : limitation des préretraites, dispositions d'activation du marché du travail et d'insertion, mesures en faveur de la formation, orientations pour améliorer les conditions de travail. Il faut maintenant que les branches professionnelles et les entreprises passent à l'action.
En ce qui concerne les jeunes, pour lesquels l'effort déjà entrepris est important avec les contrats jeune en entreprise, les contrats de professionnalisation ou la mise en place du CIVIS, nous devrons réfléchir ensemble à une méthode et aux moyens garantissant qu'aucun jeune ne soit laissé sans emploi, sans formation ou sans accompagnement personnalisé.
La loi sur la formation professionnelle reprenant le texte de l'accord des partenaires sociaux sur l'accès à la formation continue a créé un droit individuel à la formation qui renforcera l'adaptation des qualifications et le développement des compétences. Un effort supplémentaire sera fourni par l'Etat en faveur de toutes celles et tous ceux qui sont sortis sans qualification du système scolaire, afin de leur donner une deuxième chance.
Je voudrais pour conclure souligner que l'embellie de la croissance annoncée pour 2004 ne doit surtout pas nous conduire à ralentir mais au contraire à accélérer le rythme des réformes. Nous n'avons pas de temps à perdre. Les expériences réussies en Europe nous montrent que seules les réformes globales en faveur de l'emploi ont un impact véritable. Il faut ainsi cesser dans notre pays d'être ballotté par le mirage du court terme, et s'attaquer enfin sérieusement et méthodiquement aux réformes de fond.
Les travaux d'aujourd'hui nous ont montré comment l'Europe tire chacun de nos pays vers des pratiques nouvelles et nous aide à relever les défis de la globalisation des économies. Les meilleures performances de la France en matière d'emploi qui résulteront de nos actions communes serviront évidemment l'Europe et affermiront le modèle social que nous partageons et que nous souhaitons défendre et renforcer.
Je vous remercie très vivement, Monsieur le Président KOK, Mesdames et Messieurs les partenaires sociaux, pour le travail accompli lors de cette séance. Merci également pour la contribution des représentants de la Commission européenne.
Voilà une séance particulièrement emblématique de l'importance que revêt désormais le CDSEI dans nos débats sur les questions européennes et internationales.
Cette évolution, nous vous la devons, Monsieur le Président BLANCHARD, vous qui depuis la création de ce comité, avez marqué ses travaux de votre expérience, de votre autorité et de votre impartialité. Vous avez contribué à consolider l'implication des partenaires sociaux dans nos débats européens, implication que le rapport de la Task force appelle justement de ses vux.
Il y a près de 18 mois, vous entendant exprimer le désir d'être déchargé de cette présidence, je vous avais demandé de bien vouloir continuer à en assumer la charge. Vous l'avez accepté et je vous en remercie. Mais je ne peux plus longtemps différer le moment d'accéder à votre souhait.
Je pense refléter le point de vue de l'ensemble des participants en vous exprimant notre gratitude pour le travail accompli pendant ces 13 années et pour la qualité des relations que vous avez su tisser entre les uns et les autres.
Je vous propose de nous retrouver tous dans la pièce voisine pour une réception amicale et vous souhaite de profiter pleinement dans vos montagnes d'une retraite bien méritée.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 13 février 2004)