Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
J'ai le grand plaisir de vous accueillir ce matin à un " rendez-vous de Ségur ", première édition d'un nouveau cycle de rencontres que j'ai tenu à mettre en place au sein du ministère de l'écologie et du développement durable.
Il s'agit, autour de sujets de fond qui s'inscrivent dans les missions et dans l'actualité de ce ministère, de rassembler et d'écouter un public que je sais attentif et prêt à débattre.
Chacun d'entre vous doit pouvoir apporter sa contribution à l'élaboration de décisions publiques ayant une incidence sur notre environnement. Le projet de loi constitutionnelle portant Charte de l'environnement, qui sera prochainement débattu à l'Assemblée nationale, nous fait d'ailleurs un devoir, dans son article 7, de favoriser cette participation.
Vous le savez, dans un ministère comme celui de l'écologie, ce ne sont pas les thèmes qui manquent ! Sur nombre d'entre eux, des réflexions sont en cours, des évolutions se profilent, des rénovations sont à l'uvre Je tiens à ce que, chaque fois, les divers points de vue puissent s'exprimer en toute transparence, et dans le respect mutuel, et qu'ils nous permettent de progresser ensemble, en confiance, au bénéfice de la préservation de notre environnement.
J'ai choisi le thème de la biodiversité pour inaugurer ces nouvelles rencontres. D'abord, parce que c'est le sujet que la consultation nationale sur la Charte de l'environnement a fait remonter comme première priorité de nos concitoyens. Cela est évidemment particulièrement lourd de signification.
Ensuite, parce que c'est un thème qui symbolise parfaitement toutes les dimensions du développement durable.
Enfin parce que c'est un sujet de grande actualité, puisque la France vient de s'engager dans l'élaboration de sa stratégie nationale et que, dans quelques jours, se tiendra en Malaisie la 7ème conférence des parties de la convention sur la diversité biologique, à laquelle je me rendrai.
Contexte international
La diversité biologique, que l'on appelle désormais communément " biodiversité ", est une caractéristique essentielle du vivant.
Aujourd'hui, les constats sont alarmants : cette diversité régresse au niveau planétaire et si nous ne faisons rien, de nombreuses espèces vivantes de faune et de flore auront disparu d'ici quelques années. L'Homme en est pour l'essentiel responsable, y compris par l'impact de ses activités sur le climat.
La France métropolitaine est directement concernée : 10% de ses espèces connues de flore et près 35% de ses espèces de mammifères sont considérées comme en danger ou vulnérable.
Lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la communauté internationale s'est pour la première fois mobilisée en adoptant la convention pour la diversité biologique.
Les travaux de cette convention ont permis de mieux cerner les questions qui se posent et de dégager des principes d'actions. De façon plus opérationnelle, la convention a mis en place des programmes de travail qu'elle a ciblés sur des ensembles naturels particuliers comme, par exemple, les forêts, les eaux intérieures, les zones arides, le milieu marin ou encore la montagne.
Elle a également développé des thématiques transversales sur la sensibilisation du public, sur le transfert de technologies, sur la biosécurité - qui a fait l'objet d'un protocole spécifique - et elle poursuit son travail de fond avec des sujets difficiles comme l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages. Nous en débattions précisément au début de cette semaine avec mon collègue Jürgen Trittin, dans le cadre du Conseil franco-allemand de l'environnement.
Par ailleurs, une déclinaison géographique européenne de la convention est mise en uvre avec la stratégie paneuropéenne pour la diversité biologique et paysagère.
Néanmoins, dix ans après Rio, au sommet mondial du développement durable qui s'est tenu à Johannesburg en septembre 2002, force a été de constater que les progrès n'étaient pas au rendez-vous. Le Président de la République a lui-même sonné l'alarme, en soulignant l'urgence d'une prise de conscience générale.
Ce sommet s'est conclu sur la volonté renouvelée d'une mobilisation pour la biodiversité et sur l'objectif d'en réduire la perte d'ici 2010.
Enjeux
Les enjeux sont multiples. Ils sont vitaux. Ils tiennent d'abord au fait que la diversité biologique participe à l'organisation de la vie sur Terre et conditionne ses capacités d'adaptation.
Ensuite, que ce soit au niveau génétique, au niveau des espèces ou des écosystèmes, l'Homme a trouvé dans la biodiversité une multitude de biens et de services que les sociétés humaines ont su mettre à profit pour asseoir leur développement.
A titre d'illustration, je citerais les variétés alimentaires et ornementales tirées du monde végétal. On peut également faire référence aux substances actives utilisées par notre pharmacopée, en rappelant que les principes actifs d'au moins 10 des 25 médicaments les plus vendus dans le monde sont d'origine naturelle. Je mentionnerais enfin tout l'intérêt d'un bon fonctionnement de la biosphère pour le cycle de l'eau ou pour la protection des sols.
L'Homme a également créé un lien culturel avec la biodiversité en l'investissant de valeurs symboliques et identitaires, qui se traduisent notamment dans des savoirs et des pratiques traditionnelles, dans l'existence d'espèces emblématiques ou dans l'attachement aux paysages.
Les pressions sur la biodiversité
Toute cette valeur culturelle et sociale et tous ces bénéfices matériels n'ont pas empêché que nos choix politiques, économiques et sociaux n'aient pas toujours pris la pleine mesure de leur impact sur la biodiversité. Ces choix conduiront inéluctablement à son érosion si nous ne redressons pas la barre.
Les pressions sur la biodiversité, ce sont d'abord des atteintes directes, par la destruction d'habitats, par la fragmentation des unités écologiques, par l'altération des écosystèmes due aux pollutions, et par la surexploitation des espèces, marines ou non.
De façon plus insidieuse, la multiplication des échanges et les facilités de déplacement sur la planète conduisent à des introductions de plus en plus nombreuses d'espèces étrangères dans les milieux naturels : une partie d'entre elles se révèlent des envahisseurs très performants, pouvant éliminer des espèces locales et modifier le fonctionnement des écosystèmes. Caulerpa taxifolia en est devenue un exemple tristement célèbre. Mais il y en a bien d'autres.
Responsabilité de la France
La responsabilité de la France est immense car elle possède, en métropole et outre-mer, un patrimoine biologique d'une importance mondiale. Elle est présente sur deux continents et dans trois océans, sous pratiquement toutes les latitudes. Elle possède, de surcroît, la deuxième zone maritime du monde.
S'y ajoutent des relations privilégiées de coopération avec des pays en voie de développement situés dans des régions de forte biodiversité, comme le bassin du Congo, l'Océan indien ou encore l'archipel des Caraïbes.
Cette couverture géographique a des implications fortes en termes de relations internationales et de biodiversité. C'est pour en explorer les conséquences et les opportunités que la première table ronde de ce rendez-vous sera consacrée à la France des trois océans et à son rôle dans les relations Nord-Sud. J'ai confié le soin à Monsieur l'ambassadeur Denys Gauer de l'introduire.
La stratégie nationale pour la biodiversité
Venons-en maintenant à la stratégie nationale pour la biodiversité dont j'ai proposé l'élaboration en conseil des ministres le 10 septembre dernier.
Certes, nous n'arrivons pas en terrain inconnu ! Les politiques publiques ont, depuis la convention de Rio, cherché à intégrer la biodiversité dans leurs préoccupations. La France a su développer une politique de protection du patrimoine naturel et paysager qui a préservé les éléments les plus remarquables de ce patrimoine.
Mais toutes ces démarches, il faut l'avouer, ont atteint des limites en terme d'efficacité qu'elles ne pourront pas dépasser en restant isolées. C'est pourquoi il m'a paru indispensable que notre stratégie nationale donne un cadre pour une mobilisation plus large et pour une coordination renforcée des efforts.
Dans un premier temps, j'ai souhaité poser des fondations, c'est-à-dire inventorier les enjeux, définir les finalités et fixer les principales orientations.
Ce travail a été mené au niveau de l'Etat. J'en ai assuré la coordination en sollicitant la participation de tous les ministères concernés, que je remercie.
Mais j'ai aussi souhaité, dès cette première étape, une forte implication des représentants de la société civile. J'ai sollicité la contribution du Conseil national du Développement durable, merci Madame la présidente, de l'UICN et de l'Institut français de la Biodiversité. Je tiens vraiment à saluer publiquement la très grande qualité des recommandations produites dans des délais particulièrement courts.
Les finalités de la stratégie
Notre ambition est de stopper la perte de biodiversité d'ici 2010 tout en contribuant à valoriser les territoires.
Il s'agit de maintenir la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des habitats. J'insiste sur ces trois éléments. Mais j'y ajoute des dimensions qui sont encore trop peu prises en compte dans nos politiques publiques, alors qu'elles contribuent de façon déterminante à l'existence d'un fort potentiel de biodiversité, à savoir :
- le maintien de la diversité des paysages,
- l'amélioration de la continuité écologique du territoire
- et le maintien d'un bon fonctionnement des écosystèmes.
Je tiens personnellement à ce que l'évaluation de notre stratégie française soit faite à l'aune de ses résultats. C'est pourquoi une dizaine d'indicateurs d'état de la biodiversité sont proposés. Si des efforts restent à faire pour les améliorer et les compléter, il est fondamental qu'ils figurent dès maintenant dans notre base de travail.
Les orientations
Pour atteindre l'ambition que nous nous fixons, nous avons identifié quatre orientations :
1- Premièrement, et vous en portez témoignage, la biodiversité doit être l'affaire de tous : il faut mobiliser tous les acteurs, et pas seulement les spécialistes. Cela veut dire qu'ils doivent être associés à la mise en uvre de la stratégie et qu'ils doivent participer à son évaluation et à ses adaptations. Le conseil national du développement durable pourrait ainsi naturellement se voir confier le rôle d'instance de concertation pour le suivi et la mise en uvre de la stratégie.
2- Ensuite, il est indispensable de reconnaître au vivant sa juste valeur, pour que dans une société où les priorités accordent une place croissante aux valeurs marchandes, les biens et les services fournis par la biodiversité soient réellement pris en compte. C'est une " révolution culturelle " !
3- Troisièmement, il faut améliorer la prise en compte de la biodiversité par les politiques publiques. C'est à la fois une question d'intégration par chacune des politiques mais aussi de coordination, notamment au sein des projets de territoire, dans le cadre des outils existants. Cela va du financement de la politique de protection du patrimoine naturel et paysager au déploiement d'une diplomatie et d'une coopération en faveur de la biodiversité.
4- Enfin, il faut développer la connaissance scientifique et l'observation, pour être en mesure d'asseoir les analyses et le suivi des politiques mises en uvre sur des données fiables et indiscutables.
Comme vous le voyez, il ne s'agit pas de créer une nouvelle politique d'intervention, mais bien de changer radicalement les modalités d'action et les logiques d'approche des différents acteurs afin de rendre les politiques existantes plus pertinentes et plus efficaces au regard de la préservation de la biodiversité.
Perspectives
Je vous propose d'approfondir tous ces points au cours de la seconde table ronde consacrée à la stratégie française pour la biodiversité, et j'ai demandé à mon directeur de la nature et des paysages, Jean-Marc Michel, de l'introduire.
Avant de vous laisser travailler, je rappellerai simplement que nous entamons d'ores et déjà la seconde étape de notre construction, qui doit nous conduire à compléter ces fondations, d'ici juin prochain, par des plans d'action opérationnels sur les sujets prioritaires. A titre d'exemple, je citerais :
- du point de vue des politiques publiques : le patrimoine naturel et paysager, l'agriculture, l'urbanisme ou les grandes infrastructures linéaires ;
- du point de vue géographique : les collectivités d'outre-mer, avec une attention particulière pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Mayotte et la Guyane ;
- du point thématique : les espèces envahissantes, la faune et la flore menacées, la constitution d'un réseau écologique national.
Ces plans d'action ne prétendent pas à l'exhaustivité et ce sera pleinement le rôle des acteurs mobilisés par la stratégie d'identifier des cibles, des initiatives et des partenariats pour en compléter la liste.
Pour conclure, mesdames et messieurs, je veux vous dire que j'attends beaucoup de la mise en uvre de cette stratégie. Elle passera par un nécessaire apprentissage qui nous permettra, au fil de rendez-vous d'évaluation et d'adaptation, d'affiner sa pertinence et son efficacité.
Mais 2010, c'est demain ! En raison de la proximité de cette échéance, il me paraît important qu'une révision périodique intervienne tous les deux ans, au rythme des conférences des parties de la convention.
Voilà ! Je suis fière d'avoir initié cette dynamique pour notre pays, mais je suis surtout très heureuse que nous relevions ensemble ce magnifique défi pour l'Humanité . et pour l'avenir et l'existence même de son jardin planétaire. Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 11 février 2004)
J'ai le grand plaisir de vous accueillir ce matin à un " rendez-vous de Ségur ", première édition d'un nouveau cycle de rencontres que j'ai tenu à mettre en place au sein du ministère de l'écologie et du développement durable.
Il s'agit, autour de sujets de fond qui s'inscrivent dans les missions et dans l'actualité de ce ministère, de rassembler et d'écouter un public que je sais attentif et prêt à débattre.
Chacun d'entre vous doit pouvoir apporter sa contribution à l'élaboration de décisions publiques ayant une incidence sur notre environnement. Le projet de loi constitutionnelle portant Charte de l'environnement, qui sera prochainement débattu à l'Assemblée nationale, nous fait d'ailleurs un devoir, dans son article 7, de favoriser cette participation.
Vous le savez, dans un ministère comme celui de l'écologie, ce ne sont pas les thèmes qui manquent ! Sur nombre d'entre eux, des réflexions sont en cours, des évolutions se profilent, des rénovations sont à l'uvre Je tiens à ce que, chaque fois, les divers points de vue puissent s'exprimer en toute transparence, et dans le respect mutuel, et qu'ils nous permettent de progresser ensemble, en confiance, au bénéfice de la préservation de notre environnement.
J'ai choisi le thème de la biodiversité pour inaugurer ces nouvelles rencontres. D'abord, parce que c'est le sujet que la consultation nationale sur la Charte de l'environnement a fait remonter comme première priorité de nos concitoyens. Cela est évidemment particulièrement lourd de signification.
Ensuite, parce que c'est un thème qui symbolise parfaitement toutes les dimensions du développement durable.
Enfin parce que c'est un sujet de grande actualité, puisque la France vient de s'engager dans l'élaboration de sa stratégie nationale et que, dans quelques jours, se tiendra en Malaisie la 7ème conférence des parties de la convention sur la diversité biologique, à laquelle je me rendrai.
Contexte international
La diversité biologique, que l'on appelle désormais communément " biodiversité ", est une caractéristique essentielle du vivant.
Aujourd'hui, les constats sont alarmants : cette diversité régresse au niveau planétaire et si nous ne faisons rien, de nombreuses espèces vivantes de faune et de flore auront disparu d'ici quelques années. L'Homme en est pour l'essentiel responsable, y compris par l'impact de ses activités sur le climat.
La France métropolitaine est directement concernée : 10% de ses espèces connues de flore et près 35% de ses espèces de mammifères sont considérées comme en danger ou vulnérable.
Lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la communauté internationale s'est pour la première fois mobilisée en adoptant la convention pour la diversité biologique.
Les travaux de cette convention ont permis de mieux cerner les questions qui se posent et de dégager des principes d'actions. De façon plus opérationnelle, la convention a mis en place des programmes de travail qu'elle a ciblés sur des ensembles naturels particuliers comme, par exemple, les forêts, les eaux intérieures, les zones arides, le milieu marin ou encore la montagne.
Elle a également développé des thématiques transversales sur la sensibilisation du public, sur le transfert de technologies, sur la biosécurité - qui a fait l'objet d'un protocole spécifique - et elle poursuit son travail de fond avec des sujets difficiles comme l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages. Nous en débattions précisément au début de cette semaine avec mon collègue Jürgen Trittin, dans le cadre du Conseil franco-allemand de l'environnement.
Par ailleurs, une déclinaison géographique européenne de la convention est mise en uvre avec la stratégie paneuropéenne pour la diversité biologique et paysagère.
Néanmoins, dix ans après Rio, au sommet mondial du développement durable qui s'est tenu à Johannesburg en septembre 2002, force a été de constater que les progrès n'étaient pas au rendez-vous. Le Président de la République a lui-même sonné l'alarme, en soulignant l'urgence d'une prise de conscience générale.
Ce sommet s'est conclu sur la volonté renouvelée d'une mobilisation pour la biodiversité et sur l'objectif d'en réduire la perte d'ici 2010.
Enjeux
Les enjeux sont multiples. Ils sont vitaux. Ils tiennent d'abord au fait que la diversité biologique participe à l'organisation de la vie sur Terre et conditionne ses capacités d'adaptation.
Ensuite, que ce soit au niveau génétique, au niveau des espèces ou des écosystèmes, l'Homme a trouvé dans la biodiversité une multitude de biens et de services que les sociétés humaines ont su mettre à profit pour asseoir leur développement.
A titre d'illustration, je citerais les variétés alimentaires et ornementales tirées du monde végétal. On peut également faire référence aux substances actives utilisées par notre pharmacopée, en rappelant que les principes actifs d'au moins 10 des 25 médicaments les plus vendus dans le monde sont d'origine naturelle. Je mentionnerais enfin tout l'intérêt d'un bon fonctionnement de la biosphère pour le cycle de l'eau ou pour la protection des sols.
L'Homme a également créé un lien culturel avec la biodiversité en l'investissant de valeurs symboliques et identitaires, qui se traduisent notamment dans des savoirs et des pratiques traditionnelles, dans l'existence d'espèces emblématiques ou dans l'attachement aux paysages.
Les pressions sur la biodiversité
Toute cette valeur culturelle et sociale et tous ces bénéfices matériels n'ont pas empêché que nos choix politiques, économiques et sociaux n'aient pas toujours pris la pleine mesure de leur impact sur la biodiversité. Ces choix conduiront inéluctablement à son érosion si nous ne redressons pas la barre.
Les pressions sur la biodiversité, ce sont d'abord des atteintes directes, par la destruction d'habitats, par la fragmentation des unités écologiques, par l'altération des écosystèmes due aux pollutions, et par la surexploitation des espèces, marines ou non.
De façon plus insidieuse, la multiplication des échanges et les facilités de déplacement sur la planète conduisent à des introductions de plus en plus nombreuses d'espèces étrangères dans les milieux naturels : une partie d'entre elles se révèlent des envahisseurs très performants, pouvant éliminer des espèces locales et modifier le fonctionnement des écosystèmes. Caulerpa taxifolia en est devenue un exemple tristement célèbre. Mais il y en a bien d'autres.
Responsabilité de la France
La responsabilité de la France est immense car elle possède, en métropole et outre-mer, un patrimoine biologique d'une importance mondiale. Elle est présente sur deux continents et dans trois océans, sous pratiquement toutes les latitudes. Elle possède, de surcroît, la deuxième zone maritime du monde.
S'y ajoutent des relations privilégiées de coopération avec des pays en voie de développement situés dans des régions de forte biodiversité, comme le bassin du Congo, l'Océan indien ou encore l'archipel des Caraïbes.
Cette couverture géographique a des implications fortes en termes de relations internationales et de biodiversité. C'est pour en explorer les conséquences et les opportunités que la première table ronde de ce rendez-vous sera consacrée à la France des trois océans et à son rôle dans les relations Nord-Sud. J'ai confié le soin à Monsieur l'ambassadeur Denys Gauer de l'introduire.
La stratégie nationale pour la biodiversité
Venons-en maintenant à la stratégie nationale pour la biodiversité dont j'ai proposé l'élaboration en conseil des ministres le 10 septembre dernier.
Certes, nous n'arrivons pas en terrain inconnu ! Les politiques publiques ont, depuis la convention de Rio, cherché à intégrer la biodiversité dans leurs préoccupations. La France a su développer une politique de protection du patrimoine naturel et paysager qui a préservé les éléments les plus remarquables de ce patrimoine.
Mais toutes ces démarches, il faut l'avouer, ont atteint des limites en terme d'efficacité qu'elles ne pourront pas dépasser en restant isolées. C'est pourquoi il m'a paru indispensable que notre stratégie nationale donne un cadre pour une mobilisation plus large et pour une coordination renforcée des efforts.
Dans un premier temps, j'ai souhaité poser des fondations, c'est-à-dire inventorier les enjeux, définir les finalités et fixer les principales orientations.
Ce travail a été mené au niveau de l'Etat. J'en ai assuré la coordination en sollicitant la participation de tous les ministères concernés, que je remercie.
Mais j'ai aussi souhaité, dès cette première étape, une forte implication des représentants de la société civile. J'ai sollicité la contribution du Conseil national du Développement durable, merci Madame la présidente, de l'UICN et de l'Institut français de la Biodiversité. Je tiens vraiment à saluer publiquement la très grande qualité des recommandations produites dans des délais particulièrement courts.
Les finalités de la stratégie
Notre ambition est de stopper la perte de biodiversité d'ici 2010 tout en contribuant à valoriser les territoires.
Il s'agit de maintenir la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des habitats. J'insiste sur ces trois éléments. Mais j'y ajoute des dimensions qui sont encore trop peu prises en compte dans nos politiques publiques, alors qu'elles contribuent de façon déterminante à l'existence d'un fort potentiel de biodiversité, à savoir :
- le maintien de la diversité des paysages,
- l'amélioration de la continuité écologique du territoire
- et le maintien d'un bon fonctionnement des écosystèmes.
Je tiens personnellement à ce que l'évaluation de notre stratégie française soit faite à l'aune de ses résultats. C'est pourquoi une dizaine d'indicateurs d'état de la biodiversité sont proposés. Si des efforts restent à faire pour les améliorer et les compléter, il est fondamental qu'ils figurent dès maintenant dans notre base de travail.
Les orientations
Pour atteindre l'ambition que nous nous fixons, nous avons identifié quatre orientations :
1- Premièrement, et vous en portez témoignage, la biodiversité doit être l'affaire de tous : il faut mobiliser tous les acteurs, et pas seulement les spécialistes. Cela veut dire qu'ils doivent être associés à la mise en uvre de la stratégie et qu'ils doivent participer à son évaluation et à ses adaptations. Le conseil national du développement durable pourrait ainsi naturellement se voir confier le rôle d'instance de concertation pour le suivi et la mise en uvre de la stratégie.
2- Ensuite, il est indispensable de reconnaître au vivant sa juste valeur, pour que dans une société où les priorités accordent une place croissante aux valeurs marchandes, les biens et les services fournis par la biodiversité soient réellement pris en compte. C'est une " révolution culturelle " !
3- Troisièmement, il faut améliorer la prise en compte de la biodiversité par les politiques publiques. C'est à la fois une question d'intégration par chacune des politiques mais aussi de coordination, notamment au sein des projets de territoire, dans le cadre des outils existants. Cela va du financement de la politique de protection du patrimoine naturel et paysager au déploiement d'une diplomatie et d'une coopération en faveur de la biodiversité.
4- Enfin, il faut développer la connaissance scientifique et l'observation, pour être en mesure d'asseoir les analyses et le suivi des politiques mises en uvre sur des données fiables et indiscutables.
Comme vous le voyez, il ne s'agit pas de créer une nouvelle politique d'intervention, mais bien de changer radicalement les modalités d'action et les logiques d'approche des différents acteurs afin de rendre les politiques existantes plus pertinentes et plus efficaces au regard de la préservation de la biodiversité.
Perspectives
Je vous propose d'approfondir tous ces points au cours de la seconde table ronde consacrée à la stratégie française pour la biodiversité, et j'ai demandé à mon directeur de la nature et des paysages, Jean-Marc Michel, de l'introduire.
Avant de vous laisser travailler, je rappellerai simplement que nous entamons d'ores et déjà la seconde étape de notre construction, qui doit nous conduire à compléter ces fondations, d'ici juin prochain, par des plans d'action opérationnels sur les sujets prioritaires. A titre d'exemple, je citerais :
- du point de vue des politiques publiques : le patrimoine naturel et paysager, l'agriculture, l'urbanisme ou les grandes infrastructures linéaires ;
- du point de vue géographique : les collectivités d'outre-mer, avec une attention particulière pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Mayotte et la Guyane ;
- du point thématique : les espèces envahissantes, la faune et la flore menacées, la constitution d'un réseau écologique national.
Ces plans d'action ne prétendent pas à l'exhaustivité et ce sera pleinement le rôle des acteurs mobilisés par la stratégie d'identifier des cibles, des initiatives et des partenariats pour en compléter la liste.
Pour conclure, mesdames et messieurs, je veux vous dire que j'attends beaucoup de la mise en uvre de cette stratégie. Elle passera par un nécessaire apprentissage qui nous permettra, au fil de rendez-vous d'évaluation et d'adaptation, d'affiner sa pertinence et son efficacité.
Mais 2010, c'est demain ! En raison de la proximité de cette échéance, il me paraît important qu'une révision périodique intervienne tous les deux ans, au rythme des conférences des parties de la convention.
Voilà ! Je suis fière d'avoir initié cette dynamique pour notre pays, mais je suis surtout très heureuse que nous relevions ensemble ce magnifique défi pour l'Humanité . et pour l'avenir et l'existence même de son jardin planétaire. Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 11 février 2004)