Interviews de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères avec "Le Figaro", France 3 et France-Inter le 2 mars 2000 et avec RFI le 3, et déclarations à la presse, sur le bilan des réunions de la troïka européenne avec les Etats-Unis et la Russie, la dénonciation des exactions de l'armée russe contre les populations civiles en Tchétchénie, la décision de la Grande-Bretagne d'autoriser le général Augusto Pinochet à rentrer au Chili, Lisbonne les 2 et 3 mars 2000.

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Circonstance : Voyage à Lisbonne (Portugal) les 2 et 3 mars 2000 à l'occasion de la réunion ministérielle UE - Russie le 2 mars 2000 et UE - Etats Unis le 3

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Texte intégral

ENTRETIEN DE M. HUBERT VEDRINE, AVEC LE QUOTIDIEN "LE FIGARO" (Paris, 2 mars 2000)

Q - Les rebelles tchétchènes commettent-ils des actes terroristes ou des actes de guerre ?
R - En Tchétchénie, on a affaire à une guerre entre combattants tchétchènes et l'armée russe, qui cherche à rétablir l'autorité de Moscou sur le territoire. La souveraineté russe n'y est d'ailleurs contestée par personne, sauf par les taliban. Cette guerre est féroce, et particulièrement cruelle pour les populations civiles. J'ajoute que la cruauté n'est pas d'un seul côté.
Q - Elle s'exerce de part et d'autre ?
R - Oui. Mais, ces dernières semaines, ce sont les exactions de l'armée russe, confirmées par de plus en plus de témoignages, qui me choquent. Depuis l'automne, la France demande l'arrêt des opérations militaires contre les civils ; l'arrêt de la répression et des représailles ; que les organisations humanitaires puissent se rendre sur place ; que les représentants de l'OSCE et du Conseil de l'Europe soient autorisés à enquêter... La Russie viole les engagements auxquels elle a souscrit en tant que membre de ces deux organisations.
Q - Un premier convoi du HCR n'est-il pas en train d'arriver ?
R - Vérifions à qui il aura accès. C'est vrai que l'émissaire du Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Roblès, vient d'être autorisé à aller à Grozny. C'est un petit pas, suit à nos pressions. Mais clairement insuffisant. M. Gil-Roblès n'a pas pu aller dans les camps. Il faut des enquêtes impartiales. Les journalistes doivent pouvoir travailler librement et en sécurité.
Q - Vladimir Poutine a dit qu'il n'était pas d'accord avec la détention du correspondant de Radio Svoboda, Andreï Babitski
R - Dont acte.
Q - Se rapproche-t-on d'une solution ?
R - On en est encore loin. Ce qui est tragique, c'est la contradiction terrible entre notre stratégie de coopération à long terme avec la Russie pour aider ce pays à devenir un grand pays moderne et démocratique - Vladimir Poutine affirme vouloir rapprocher la législation russe de celle des pays européens - et la façon intolérable et archaïque dont est traité le problème tchétchène. Il est consternant de constater que l'opinion russe - de Ziouganov à Soljenitsjne - ne mesure pas cette contradiction et met notre attitude sur le compte d'une campagne antirusse.
Q - Une fois élu, dans un mois, Poutine ne va-t-il pas changer de méthode en Tchétchénie ?
R - Pourquoi attendre un mois pour répondre de façon concrète à nos demandes ? Pourquoi ne ferait-il pas cesser dès maintenant toutes les représailles contre les populations civiles ?
Q - Le profit électoral ne serait pas le même...
R - Si tel était le cas, cela signifierait que la Russie n'est pas du tout en train de devenir le pays moderne que nous attendons !
Q - Le camp occidental est-il soudé face à Moscou ?
R - C'est la France qui a réagi le plus vigoureusement. Peut-être parce qu'elle est plus attachée à sa relation avec la Russie, et donc plus exigeante. Les Américains, eux, hiérarchisent autrement leurs priorités : le désarmement, le traité ABM, la prolifération... La Tchétchénie ne vient qu'après. J'ajoute que, pour les Etats-Unis et beaucoup de nos partenaires européens, il y a la réalité du terrorisme islamique dans le Caucase, et la crainte, en forçant trop le ton, de se retrouver face à une Russie dangereuse et menaçante. Je voudrais des Occidentaux plus persuasifs.
Q - Etes-vous en faveur de mesures plus sévères que celles décidées par les Quinze à Helsinki ?
R - L'arme des sanctions économiques est toujours à double tranchant. Au demeurant, le renchérissement du prix du pétrole donne à la Russie une marge de manuvre supplémentaire. Mais les Européens ont pris des mesures à Helsinki, et ils doivent être prêts à tirer les conséquences de la situation sur tous les plans.
Q - La persuasion suffira-t-elle ?
R - J'ai parlé de la dimension " patriotique " du problème. Un mot qui a été controversé. C'était un constat: on voit bien que cette dimension est présente de façon viscérale en Russie. L'URSS perdue, les Russes veulent enrayer tout déclin supplémentaire. Mais les méthodes utilisées en Tchétchénie contredisent totalement l'ambition de faire de la Russie un pays moderne. Il faut trancher ce nud gordien.
Q - Quelle pourrait être amorce d'une solution politique ?
R - La définition, dans le cadre de la fédération russe, d'un statut pour la Tchétchénie s'inspirant d'autres statuts qui existent déjà pour d'autres provinces. Ce statut donnerait une large autonomie aux Tchétchènes, et Moscou conserverait le contrôle stratégique des frontières et des infrastructures. Pourquoi le gouvernement ne le fait-il pas ? Qu'est-ce qui l'en empêche ?
Q - Sur le plan militaire, où en est-on ?
R - Les Russes ont pris le contrôle des points essentiels ; mais il leur sera difficile, voire impossible, de juguler la guérilla qui va s'ensuivre.
Q - Y a-t-il un problème de cohabitation en France sur la Tchétchénie ?
R - Non./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2000)
ENTRETIEN DE M. VEDRINE, AVEC "FRANCE 3" ET "FRANCE INTER" A L'ISSUE DE LA REUNION DE CONCERTATION EUROPEENNE DE LISBONNE (Lisbonne, 2 mars 2000)
Q - Comment réagissez-vous à la décision de la Grande Bretagne d'extrader M. Augusto Pinochet ?
R - D'abord je vous dirais que nous ne pouvons que regretter cette décision. Je rappelle que nous avons scrupuleusement fait tout ce que nous devions pour transmettre les demandes des juges qui agissaient au nom de certaines familles. A ce propos, on comprend la déception des familles, mais je voudrais également dire que nous espérons que la justice chilienne saura relever le défi qui est maintenant le sien, et que la démocratie chilienne pourra, en poursuivant elle-même les procédures qui doivent être menées, trouver là une occasion de se consolider.
Q - Est-ce que le fait de faire juger, de manière hypothétique, M. Pinochet au Chili n'est pas un vu pieux aujourd'hui, Monsieur le Ministre ?
R - Je ne crois pas. M. Lagos, quand il était candidat, avant d'être élu, avait déclaré qu'il romprait avec le discours politique chilien, que M. Pinochet pourrait être jugé, au Chili ; et plusieurs hauts responsables de la justice chilienne avaient également dit : "Faites-nous confiance, nous sommes une justice qui mérite le respect et qui est capable de remplir cette obligation". Donc, compte tenu de ce qu'il s'est passé, c'est maintenant à eux d'être à la hauteur de leurs responsabilités.
Q - Monsieur le Ministre, M. Robles rappelait hier, devant les Ministres du Conseil de l'Europe, qu'il avait entendu, sur place, des accusations relativement graves en matière de violations des Droits de l'Homme. M. Solana, lui, réclame une enquête indépendante. Vous êtes sur cette ligne là et qu'est-ce que vous allez dire à M. Ivanov dans quelques heures ?
R - D'abord, je veux dire que je suis ici, à Lisbonne, à l'invitation de M. Gama, mon homologue portugais, parce qu'en tant que représentant de la prochaine Présidence, je suis déjà dans la Troïka. Donc, je suis ici pour parler, comme M. Gama, au nom de l'Europe. Et ce dialogue, qui a eu lieu ce matin avec M. Ivanov, est un dialogue entre l'Union européenne et la Fédération de Russie.
Mais parlons maintenant au nom de la France. Je peux rappeler que cela fait des semaines - et ces derniers jours avec encore plus d'insistance - que nous avons adressé aux responsables russes des demandes extrêmement précises. La première, c'est l'arrêt immédiat de toute opération touchant les civils - et j'englobe là dedans toute opération de rétorsion, de représailles, de répressions -. D'autre part, nous demandons quasiment chaque jour, qu'il y ait un accès en Tchétchénie - et pas, uniquement dans tel ou tel quartier de Grozny - pour les représentants du Conseil de l'Europe, les organisations humanitaires, et que les médias puissent travailler librement et sans intimidation.
Enfin, je rappelle que, dès octobre, nous disions aux Russes qu'ils se fourvoyaient dans cette politique, qu'ils ne pouvaient pas traiter cette question par des moyens purement militaires et qu'il leur fallait élaborer une solution politique pour la Tchétchénie, ce qui est évidemment encore plus urgent, encore plus dramatiquement urgent aujourd'hui, que ça ne l'était en octobre. Donc, voilà la position française est claire. C'est ce que je redirai à M. Ivanov que je verrai en fin d'après-midi. Je vois bien qu'il a eu deux ou trois débuts de réponses, mais qui me paraissent tout à fait insuffisantes.
Q - Quant à l'ouverture d'un corridor humanitaire, à travers la Tchétchénie, comme l'a suggéré Bruxelles, est-ce que vous pensez pouvoir obtenir quelque chose ?
R - La situation est un peu différente techniquement puisqu'en fait, la demande est plus large que ceci. Ce que l'on demande, c'est que les organisations humanitaires puissent avoir accès, en Tchétchénie, à Grozny, mais également dans les autres localités, partout, pour venir en aide à tous ceux qui ont un besoin urgent de secours - et j'englobe bien sur, là dedans, les populations qui ont dû fuir la Tchétchénie et qui sont par exemple, en Ingouchie -.
Donc, cela dépasse le cadre de ces suggestions - qui étaient bonnes -. Mais je crois que nos exigences doivent être plus complètes. Je vais redire tout cela à M. Ivanov. Nous avons pris acte du fait que M. Gil Robles a pu y aller. Mais quand on a en tête la situation en Tchétchénie, après ces semaines de guerre brutale et très cruelle pour les populations civiles, il est clair que cela ne suffit pas. Je serai donc exigeant avec M. Ivanov, exigeant au nom de l'idée que nous nous faisons de la Russie et de ce que la Russie elle-même veut devenir, et au nom des relations d'avenir entre l'Union européenne et la Russie. Il y a une contradiction entre les ambitions à long terme de la Russie et ses demandes concernant son insertion dans le concert international en tant que grand pays moderne, et la façon archaïque dont est traitée cette affaire tchétchène. Je le lui rappellerai.
Q - Si vous permettez un mot : vous regrettiez il y a quelques jours, le manque de cohésion justement des occidentaux et des européens sur ce sujet, depuis Helsinki. Est-ce que, sur cette ligne de fermeté, nous ne nous sommes pas un petit peu isolés ?
R - Il est clair que sur cette question, nous avons une position plus ferme, plus exigeante, et que peut-être les Français accordent plus d'importance encore à leurs relations avec la Russie. Il ne s'agit pas du tout d'une démarche anti-russe, au contraire ; c'est parce que nous attendons beaucoup de choses de la Russie et que nous voulons construire quelque chose avec elle pour l'Europe de demain, que nous sommes, à cet égard, en droit de leur parler avec franchise et donc aussi avec beaucoup d'exigence. En même temps, je crois que les arguments français, les interrogations et interpellations françaises, commencent a être entendus dans d'autres pays ; et je souhaite qu'ensemble, nous arrivions à être plus persuasifs à l'égard des autorités russes.
Q - Je peux vous demander comment l'enquête... ?
R - J'ai eu l'occasion de dire qu'en Russie, il fallait qu'il y ait, en effet, une information impartiale sur ce qui c'était passé en Tchétchénie. Certaines déclarations le laissent d'ailleurs, entendre, mais je demande encore à voir sous quelle forme.
( Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 mars 2000)
POINT DE PRESSE DE M.VEDRINE A L'ISSUE DE SON ENTRETIEN AVEC LE MINISTRE RUSSE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. IGOR IVANOV, A L'AMBASSADE DE FRANCE (Lisbonne, 2 mars 2000)
Q - Dans quel cadre avez-vous rencontré M. Ivanov ?
R - Je fais partie de la Troïka puisque nous exercerons la présidence de l'Union européenne à partir de juillet prochain. Il y a donc des séances de travail avec M. Ivanov dans le cadre de la rencontre Union européenne - Russie ; il y aura aussi une rencontre Union européenne - Etats-Unis et donc dans le cadre de la Troïka, je suis là, comme M. Gama, pour exprimer un point de vue qui est celui de l'Union européenne dans ses positions communes.
Ici, à l'ambassade de France, c'est un peu différent, car j'ai profité des circonstances pour recevoir M. Ivanov à titre bilatéral, pour lui redire une nouvelle fois, ce que sont les attentes et les demandes de la France, puisque ce drame tchétchène, cette nouvelle guerre en Tchétchénie, durent depuis maintenant plusieurs mois.
J'ai eu l'occasion, les autorités françaises ont eu l'occasion, plusieurs fois, depuis fin septembre, de dire ce que nous pensons et ceci avec d'autant plus de véhémence et d'insistance que les événements ont pris une tournure dramatique.
Je l'ai redis à M. Ivanov, nos demandes tiennent en quelques points qui sont connus : c'est l'arrêt de tout ce qui fait souffrir les populations civiles, l'arrêt des opérations militaires touchant les populations civiles, des opérations de représailles ou de répression.
L'autre point, c'est l'accès de toutes les personnalités ou organisations en Tchétchénie, de tous ceux qui sont en mesure d'apaiser les souffrances des populations meurtries et de préparer l'avenir. Cela concerne le Conseil de l'Europe, cela concerne l'OSCE, cela concerne le HCR, cela concerne la Croix Rouge, cela concerne les ONG, cela concerne les journalistes.
Le troisième point, c'est l'avenir. Nous ne cessons de dire aux Russes que l'on ne peut pas régler un problème de ce type par des procédés purement militaires et qu'ils doivent absolument, c'est leur devoir, définir un avenir politique pour la Tchétchénie à l'intérieur duquel les Tchétchènes pourront s'exprimer, satisfaire une partie de leurs demandes, sans toutefois accéder à l'indépendance, puisque personne, dans la communauté internationale ne soutient cette demande, personne ne conteste la souveraineté russe sur la Tchétchénie.
M. Ivanov, devant moi, comme il l'a fait d'ailleurs en répondant à M. Gama, a, après toute une série de petits gestes ou de mouvements, laissé espérer dans la position russe. Naturellement, j'en prends note et je vois que M. Ivanov ne refuse pas cette discussion, ne dit pas que nous n'avons pas le droit de poser ces questions et que cela ne nous regarde pas.
Il écoute, il répond point par point, il rappelle l'analyse russe de ce conflit que vous connaissez. La Russie est obligée de faire cela pour lutter contre l'"afghanisation" de la région. Des choses ont certes été faites comme, par exemple, la visite de M. Gil-Roblès à Grozny, les journalistes qui ont pu accéder à Grozny, le convoi d'aide humanitaire du HCR qui a pu arriver à Grozny le 29 février, l'acceptation d'une série d'interventions ou de démarches de l'OSCE, par exemple, la visite du groupe d'assistance de l'OSCE. Tous ces gestes restent, à mon sens, insuffisants, très insuffisants par rapport à l'ampleur du drame vécu par la Tchétchénie.
Q - Que croyez-vous que l'Union européenne doit faire maintenant ?
R - L'Union européenne doit maintenir sa pression par un ensemble de moyens, dont les premiers sont politiques. Les dirigeants russes soulignent que, pour eux, le rapprochement entre la Russie et l'Union européenne est un axe important de leur politique étrangère et qu'il sera encore plus important à l'avenir et qu'ils souhaitent poursuivre cette coopération. Vous savez qu'à Helsinki, les Quinze ont décidé, compte tenu des circonstances, d'examiner leurs différents programmes de coopération et de les concentrer uniquement sur ce qui concerne le respect du droit ou les programmes qui profitent à la population. Donc, il faut poursuivre cette pression politique, ces exigences, jusqu'à ce que les Russes aient été plus loin, plus loin dans la réponse aux questions que nous posons depuis des semaines. Je rappelle que, même s'il y a quelques indications ponctuelles, quelques signes que je citais tout à l'heure, tout cela devient évidemment très insuffisant par rapport à ce que nous demandons.
Q - Monsieur Védrine, on a évoqué tout à l'heure la possibilité que l'Union européenne fasse dans les 24 heures une proposition à la possible mise sur pied d'une mission humanitaire ?
R - Cela fait des semaines que nous proposons une intervention humanitaire de grande ampleur, parce que l'Union européenne en a les moyens. Mais, en même temps, nous demandons - comme je le rappelais tout à l'heure - que les organisations spécialisées, aussi bien le HCR, la Croix Rouge ou d'autres ou les ONG, aient accès à la Tchétchénie et aient accès dans de meilleures conditions à l'Ingouchie voisine. Donc, je suis naturellement favorable à une initiative d'ampleur de l'Union européenne, à condition que les autorités russes leur permettent d'aller vraiment partout pour aider les populations.
Q - Quand on pose cette question à M. Ivanov, que répond-il ?
R - Il répond point par point, comme je l'ai déjà indiqué, qu'ils ont déjà accepté beaucoup plus que ce que l'on en dit et il souligne tout ce qu'ils viennent de faire ces jours-ci vis-à-vis du Conseil de l'Europe, du HCR, de l'OSCE, de la Croix Rouge, etc.. Encore une fois, j'en prends note, et je redis à nouveau que c'est insuffisant et qu'il est clair que ces petits gestes n'auraient pas eu lieu, si nous n'avions pas exercé des pressions, comme nous en avons exercé ces dernières semaines, notamment la France, je dois le rappeler, puisque nous avons été en première ligne.
Q - Quel est l'avis de la France sur la situation actuelle du Kosovo ?
R - En ce qui concerne le Kosovo, on ne peut pas dire que la situation s'y détériore. Globalement, ce n'est pas exact. Il y a une tension depuis un certain nombre de jours à Mitroviça, provoquée par des extrémistes qui veulent faire évoluer la situation dans leur sens.
Naturellement, nous n'allons pas l'accepter. La KFOR est là avec une mission précise, donnée par la résolution 1244 du Conseil de sécurité. Elle est là pour assurer la sécurité pour tous et elle est capable de remplir sa mission, comme on le voit, même si cela est très difficile.
Et tous les éléments de la KFOR, quelles que soient leurs nationalités ou leurs origines, travaillent très bien ensemble. Donc, la réponse est simple : face aux provocations, nous tiendrons bon pour remplir notre mission vis-à-vis de Mitroviça et, au-delà, vis-à-vis de l'ensemble du Kosovo.
Q - Et par rapport à la Serbie ?
R - Par rapport à la Serbie, ce que nous voulons est clair. Nous souhaitons un changement de régime, ce qui nous permettrait de travailler sérieusement sur la question de l'ensemble des Balkans, sur la question de la relation des Serbes avec leurs différents voisins, et ce qui nous permettrait de commencer à mettre en uvre les éléments, dans toute leur dimension, du Pacte de stabilité.
Q - M. Ivanov a dit que la résolution 1244 du Conseil de sécurité n'était pas complètement mise en uvre par la KFOR. Que répondez-vous à cela ?
R - Je réponds que c'est tout à fait le droit des Russes de demander une discussion au sein du Conseil de sécurité. Il y a eu déjà plusieurs discussions au sein du Conseil de sécurité sur ce sujet, à l'initiative des Russes ou à l'initiative d'autres pays.
C'est le Conseil de sécurité qui a adopté la résolution 1244. Il est donc normal que des discussions aient eu lieu à ce niveau. Que la résolution 1244 soit difficile à appliquer, cela, nous le savons. C'est un problème extrêmement difficile que nous avons à traiter au Kosovo et cela n'est pas une surprise, nous le savions dès le début. Tout le monde a en tête le contexte historique et politique de cette affaire. Donc la réponse est la même. Je crois qu'il faut persévérer. C'est vrai qu'il est difficile d'appliquer la résolution 1244 dans toutes ses dimensions, c'est une mission très dure, mais c'est notre mission, c'est la ligne que nous avons adoptée ensemble et c'est sur cette politique que tous les membres permanents du Conseil de sécurité se sont réunis. Nous devons être persévérants.
Q - Avez-vous le sentiment d'un durcissement de la position russe avec les communautés kosovares, parce que je crois que M. Ivanov a averti du risque d'un glissement ?
R - Ce n'est pas la première fois que les Russes lancent cet avertissement. Ils sont extrêmement vigilants et parfois même durs dans leurs propos. Mais ce n'est pas la ligne de la résolution 1244. Donc ils interviennent en tant que membres permanents du Conseil de sécurité, ils ont le droit d'exposer leur point de vue, librement. Mais ce n'est pas tout à fait la première fois et je pense, en ce qui nous concerne, que l'intérêt de la Russie est de continuer à travailler avec ses partenaires au sein du Conseil de sécurité mais aussi sur place, au Kosovo, dans la KFOR.
On se rappelle ces années, quand il n'y avait pas de convergences de politiques entre les grands pays et la Russie. C'était impossible d'avoir une nouvelle politique qui arrive à avoir une prise sur les événements. A partir du moment où a été créé un groupe de contact qui a uni les Etats-Unis, la Russie et les quatre grands pays européens, on a commencé à avoir une vraie politique commune, une vraie volonté commune de peser sur l'ensemble des protagonistes, avec un véritable objectif. C'est quelque chose d'extrêmement précieux, qu'il faut préserver sous cette forme.
De même, il faut préserver la cohésion qui a été trouvée au sein du Conseil de sécurité, quand on a voté la résolution 1244. Vous voyez donc qu'en réalité, ma réponse est un peu dure. Quand même, en rencontrant des difficultés, tel ou tel partenaire s'inquiète, c'est normal, nous n'avons pas d'autres lignes que de tenir et de persévérer.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 mars 2000)
ENTRETIEN DE M. HUBERT VEDRINE, AVEC "RFI" (Lisbonne, 3 mars 2000)
Q - Bonjour, quel commentaire faites-vous sur le retour du général Augusto Pinochet au Chili ?
R - J'ai dit que nous regrettions la décision et que nous étions intervenus, jusqu'à la nuit précédente, par l'intermédiaire de notre ambassadeur à Londres, auprès du ministre britannique, pour faire valoir les demandes qui étaient celles du juge français et, à travers lui, celles des familles. Nous comprenons la déception des familles des victimes, nous avons donc fait, scrupuleusement, tout ce que nous pouvions et devions faire pour transmettre ces demandes.
Mais, dans la situation où nous sommes maintenant, ce que je voudrais dire, c'est que c'est à la justice chilienne de relever le défi qui est maintenant le sien et j'espère que la démocratie chilienne y trouvera une occasion de se conforter, de se consolider.
Q - On a appris ce soir l'annulation du voyage prévue par Lionel Jospin au Chili, cela n'a pas de rapport ?
R - Je pense que cela n'a aucune espèce de rapport, je suis d'ailleurs parfaitement informé du fait que c'était un problème de pur calendrier sur lequel le Premier Ministre s'était interrogé depuis quelques jours, compte tenu de ses obligations intérieures.
Q - Bien sûr, le dossier Pinochet est un dossier lié au respect ou non respect des Droits de l'Homme, problème également posé à propos de la Tchétchénie dont vous avez parlé ce jeudi avec le ministre russe Igor Ivanov, pensez-vous par exemple, que nous pourrions un jour arriver dans ce dossier tchétchène à un procès, à des poursuites contre les responsables d'exactions que vous-même vous trouver choquante ?
R - Le problème se présente de la façon suivante concernant la Tchétchénie. Nous pensons que la Russie fait fausse route, nous sommes profondément choqués par la brutalité de cette guerre, des exactions qu'elle a entraînées et des souffrances pour les populations civiles et depuis plusieurs semaines, notamment la France qui a été en première ligne, nous faisons tout pour convaincre les autorités russes de traiter ce problème tchétchène autrement. Nous ne nions pas qu'il y a un problème, nous reconnaissons la souveraineté russe sur la Tchétchénie qui n'est d'ailleurs contestée par personne au monde, sauf par les Talibans, nous admettons le fait qu'un gouvernement ait le droit de lutter contre le terrorisme et il y a aussi une dimension terroriste dans cette affaire tchétchène même s'il n'y a pas que cela. Il y a aussi des Tchétchènes qui luttent pour la Tchétchénie et nous avons tout fait pour faire passer ce message et c'est ce que j'ai fait à nouveau à Lisbonne où je suis dans le cadre de la troïka européenne mais où j'ai rencontré à part, de façon bilatérale, M. Ivanov. Je lui ai rappelé nos demandes qui tournent autour de trois points : l'arrêt immédiat de toutes les souffrances de la population civile donc des opérations militaires contre elles et de tout ce qui est représailles, le libre accès à tous ceux, personnalités ou organisations qui peuvent apaiser les souffrances de ces populations, qu'il s'agisse du Conseil de l'Europe, de l'OSCE, du H.C.R., de la Croix Rouge, des ONG, de tout ceux qui peuvent être utile sans oublier les journalistes.
Q - Sur ce thème, que répond M. Ivanov concernant l'accès de ces organisations ?
R - M. Ivanov s'exprime avec énormément de conviction, il rappelle les arguments russes, il dit que la Russie est obligée d'être là-bas en lutte contre l'" afghanisation " de l'ensemble de la région, mais il entend en même temps une argumentation tout à fait opposée à la sienne. Il l'écoute, y répond point par point et il m'a dit que beaucoup de choses avaient été autorisées ces derniers jours. Nous en avons pris note, cela concerne la visite de M. Gil-Roblès du Conseil de l'Europe à Grozny, le convoi d'aides humanitaires du H.C.R. arrivé à Grozny le 29 février, une série de missions de rencontres autorisées au niveau de l'OSCE, l'invitation du président du CICR, cela recoupe l'acceptation de la rencontre entre Mme Robinson et M. Ivanov, malheureusement à Moscou, cela ne suffit pas. Ce sont des points dont nous prenons note et qui demeurent...
Q - Sont-ils suffisants ?
R - Non, bien sûr que non, ils sont tout à fait insuffisants par rapport à ce que nous attendons des Russes concernant ce drame tchétchène.
Q - Qu'est-ce qui permettrait vraiment de passer de l'insuffisant au plus satisfaisant ?
R - Une ouverture beaucoup vaste à toutes les organisations internationales qui peuvent apaiser les souffrances des populations et préparer l'avenir en essayant de remédier aux souffrances qu'elles ont endurées et d'autre part, une réponse politique et pas simplement militaire à cette situation. Et cela, nous le répétons depuis plusieurs mois ; il est du devoir des autorités russes, dans le cadre de la fédération, de définir un avenir politique possible pour les Tchétchènes.
Q - Et si la situation continue dans la direction de la politique qui est celle des Russes actuellement, la France, l'Union européenne iront-elles plus loin, plus fermement peut-être, sur des sanctions quelles qu'elles soient ?
R - A Helsinki, nous avons décidé d'examiner les programmes de coopérations que nous avons avec la Russie et de concentrer nos actions uniquement sur ce qui est utile à la consolidation de l'Etat de droit au sens le plus large du terme où les programmes qui sont utiles à la population et de suspendre le reste.
C'est une décision qui a déjà été prise à Helsinki, mais il faut savoir que la problématique des sanctions est difficile à manier, que c'est très souvent contre-productif, que la plupart des pays sur lesquels on essaie d'appliquer cela se cabrent. D'autre part, le prix du pétrole fait que la Russie est dans une situation peu vulnérable sur ce plan. Beaucoup de gens pensent que c'est une solution facile, et c'est souvent d'un maniement compliqué, voire contre-productif.
En revanche, je crois tout à fait que la persuasion politique a un vrai sens car, dans le même temps où elle traite cette affaire tchétchène de façon archaïque et brutale, la Russie continue à nous dire, c'est encore le cas aujourd'hui, M. Ivanov m'a rappelé que l'avenir de la Russie est dans la coopération avec les pays occidentaux et notamment avec l'Europe. Je pense donc que nous finirons par faire comprendre aux autorités russes qu'il y a une contradiction entre les deux et qu'elle doit la surmonter en traitant cette affaire autrement.
Q - Certes, mais n'y a-t-il pas maintenant, compte tenu des exactions dont les preuves commencent à être assez nombreuses une certaine urgence ?
R - Naturellement mais c'est une affaire sur laquelle nous avons agi, nous sommes intervenus presque tous les jours depuis maintenant plusieurs mois. Nous sommes convaincus de l'urgence et je note, que la France a été particulièrement en pointe sur ce plan, que la plupart des pays occidentaux ne prennent pas les choses de cette façon. Ce travail de persuasion, nous avons dû le faire d'abord avec nos propres partenaires européens ou occidentaux et nous sommes mobilisés, nous le resterons, jusqu'à ce que nous ayons convaincu les autorités russes de prendre le problème autrement. D'ailleurs, si M. Ivanov aujourd'hui m'apporte quelques éléments concernant l'OSCE, le Conseil de l'Europe ou le H.C.R., c'est précisément parce que ces pressions politiques continues produisent certains effets. Il y a une protestation de souveraineté russe, mais il y a quand même des signes qu'ils veulent donner car la coopération avec l'Europe est déterminante pour la suite.
Q - Quand les représentants de l'OSCE ou du Conseil de l'Europe seront-ils à Moscou et avec quel rôle précis ?
R - Il y a là tout un éventail de missions. Il y a déjà eu la mission de M. Gil-Roblès à Grozny, cela a déjà eu lieu. D'autre part, il y a trois membres du groupe d'assistance de l'OSCE qui devraient aller d'abord en Ingouchie et j'espère en Tchétchénie dans les tout prochains jours. Je répète que cela ne suffit pas, ce sont des indications dont j'ai pris note bien sûr car c'est un tout petit début de réponse à nos pressions, mais c'est tout à fait insuffisant par rapport à l'ampleur de la tragédie.
Q - Un mot sur le Kosovo qui n'est pas lié mais vous en avez peut-être parlé également avec M. Ivanov. Aujourd'hui M. Ivanov a dit que la Russie souhaitait une réunion du Conseil de sécurité sur la situation au Kosovo et l'application du mandat de l'ONU. En êtes-vous partisan ?
R - C'est tout à fait légitime que la Russie, qui est un membre permanent du Conseil de sécurité, qui est donc l'un des pays qui a rédigé et adopté la résolution 1244 sur le Kosovo, demande que l'on parle de la situation au Kosovo, dans le cadre du Conseil de sécurité. C'est parfaitement normal.
Q - Cela veut-il dire que la France soutiendra cette demande ?
R - La France soutient tout à fait le fait que le Conseil de sécurité, auteur de la résolution continue à suivre de très près la situation au Kosovo. C'est même son devoir en quelque sorte. Il s'agit de savoir après quelles conséquences on en tire, nous pensons que les difficultés que nous rencontrons au Kosovo sont considérables mais qu'elles étaient prévisibles et qu'il n'y a pas d'autre réponse possible que de tenir bon et de persévérer dans l'application de cette résolution, quelles que soient les provocations des extrémistes. Et la résolution 1244 est telle qu'elle est, parce que c'est là-dessus qu'ont pu se mettre d'accord les membres permanents, c'est là-dessus que l'accord s'est fait. C'est très difficile à appliquer car il y a au Kosovo différents groupes, des extrémistes qui veulent naturellement remettre en cause l'action de la KFOR qui peut contrarier leurs propres objectifs. Mais, nous ne sommes pas là pour nous soumettre à l'action de ces groupes extrémistes, nous sommes là pour assurer la sécurité pour tous, même dans les endroits où c'est particulièrement difficile comme à Mitrovica et c'est précisément parce que l'on savait que ce serait difficile que la plupart de nos partenaires ont demandé qu'il y ait beaucoup de soldats français dans cette zone, ils ne sont pas seuls, il y a six ou sept autres nationalités, mais des Français parce qu'ils étaient très aguerris sur ces plans. Nous savions que ce serait difficile, il faut tenir bon.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 mars 2000)
REUNION MINISTERIELLE UNION EUROPEENNE/Etats-Unis
ENTRETIEN DE M. HUBERT VEDRINE AVEC LA PRESSE (Lisbonne, 3 mars 2000)
Q - Etes-vous satisfait des mesures que la Russie vient d'annoncer aujourd'hui sur la Tchétchénie ?
R - Ce n'est pas suffisant. Ce sont des petits pas que la Russie fait, à mon avis, parce que nous avons fait pression depuis plusieurs semaines et notamment ces derniers jours. Cela montre que la Russie dans une certaine mesure, de manière beaucoup trop limitée, se sent obligée de tenir compte de notre protestation. Cela reste tout à fait insuffisant et par conséquent il faut poursuivre nos pressions.
Q - Que pensez-vous des raisons invoquées par M. Ivanov pour justifier l'intervention russe en Tchétchénie ?
R - Je pense que la Russie a le droit de rappeler que la Tchétchénie fait partie de la Fédération de Russie. Ce point n'est contesté par personne au monde, sauf par les Talibans d'Afghanistan. Je pense qu'il est vrai qu'un gouvernement a le droit et le devoir de lutter contre le terrorisme, mais je crois que cela ne justifie pas pour autant les méthodes archaïques et brutales, très très cruelles pour les populations civiles qui ont été employées par l'armée russe en Tchétchénie. Il y a donc une partie des arguments qui est recevable mais l'ensemble de l'argumentation n'est pas convaincante. Et c'est pour cela qu'il faut continuer à faire pression pour que l'on porte assistance aux populations qui souffrent de cette guerre par tous les moyens possibles et à travers toutes les organisations. Il faut que la Russie décide d'une solution politique car il ne s'agit pas d'un problème qui peut être traité par des moyens purement militaires. Ce sont donc quelques petits pas de M. Ivanov, ici à Lisbonne, mais ce n'est pas assez.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 mars 2000)
POINT DE PRESSE DE M. HUBERT VEDRINE, A L'ISSUE DE SON ENTRETIEN AVEC LE SECRETAIRE D'ETAT AMERICAIN, MME MADELEINE ALBRIGHT (Lisbonne, 3 mars 2000)
Q - Quel jugement portez-vous sur ces réunions de Lisbonne ?
R - Globalement, je suis très content que M. Gama m'ait invité. C'est normal, au titre de la Troïka, mais comme en plus, je m'entends particulièrement bien avec M. Gama, c'est intéressant, instructif et sympathique en même temps. Les rencontres Union européenne -Russie, Union européenne - Etats-Unis, sont des formules intéressantes, mais qui doivent encore trouver leur équilibre. On voit bien que c'est utile, prometteur, mais que ce n'est pas quelque chose qui est encore complètement au point. Mais M. Gama mène cela très très bien. La rencontre à trois Union européenne - Russie - Etats-Unis est intéressante, mais je pense qu'il faudra bien définir, dans l'avenir, les vrais sujets qui intéressent les trois parties en même temps.
Ces réunions à Lisbonne étaient très bien organisées. Quant à l'entretien bilatéral avec Mme Albright, à chaque fois que nous en avons l'occasion, nous faisons le point sur tous les sujets du moment. Ce qui domine, là, dans ces différentes rencontres des deux journées, en dehors du programme Union européenne - Russie, Union européenne - Etats Unis, c'est que nous sommes tous soucieux de la situation dans les Balkans, que nous sommes tous soucieux, en particulier, de la situation au Kosovo, et qu'il y a une volonté très large de bien redéfinir les positions de la communauté internationale. Nous avons tous conscience que, à chaque fois que nous avons été unis au sein du groupe de contact, au sein du G8, au sein du Conseil de sécurité, à chaque fois que nous avons eu une politique claire et nette, nous avons obtenu des résultats, nous avons eu un vrai leadership sur les événements. Les positions ne sont pas aussi claires quand nous n'avons pas le temps de faire ce travail. Il y a un certain flottement. Nous sommes donc dans une phase de clarification et de précisions de politique.
Le deuxième sujet important c'était la Tchétchénie.
Q - Et là, vous avez l'impression qu'il a fait des petites avancées ?
R - N'exagérons pas mais, enfin, je trouve que les Russes ne peuvent pas tenir sur une position consistant à dire que ce sont des affaires intérieures, que cela ne nous concerne pas. Ils ne peuvent pas tenir sur une position aussi fermée. Ils ne peuvent pas dire simplement "souveraineté nationale" et "ça ne concerne pas les autres". Alors, évidemment, ils répondent à chaque argument par d'autres arguments. Ils ont une analyse de la situation que vous connaissez, que M. Ivanov exprime à chaque fois avec beaucoup de conviction, mais ils sont quand même obligés de tenir compte de nos pressions politiques, et tous les petits gestes qui ont été fait sont dus à cela. Tout ce qui a été fait par rapport au Conseil de l'Europe, à l'OSCE, au HCR, aux ONG, tout cela, c'est grâce à notre pression. Mais se sont de tout petits pas qui demeurent, évidemment, insuffisants. Toutefois, Lisbonne n'a pas été, sur ce sujet, une mauvaise rencontre.
Q - Et concernant les représentants du Conseil de l'Europe, qui doivent se rendre à Moscou au bureau du représentant tchétchène pour les Droits de l'Homme en Tchétchénie : est-ce que M. Ivanov a dit s'ils seraient autorisés à aller en Tchétchénie ou pas ? Parce que cela n'est pas clair du tout dans notre esprit ?
R - Je ne sais pas exactement ce que verront les représentants du Conseil de l'Europe. Sur chacun des points pour lesquels j'ai dit qu'il y avait de petits progrès, il y existe toujours une incertitude. Il en a été de même quand M. Gil-Roblès s'est rendu sur place : on ne savait pas avant pourquoi il y allait. Il faut donc, à chaque fois, vérifier exactement. C'est comme le convoi du HCR, qui était le premier ; je savais tout de suite qu'il fallait vérifier à quoi il pourrait avoir accès. Il ne s'agit donc pas de prendre ces promesses au pied de la lettre, il s'agit à chaque fois de voir que ce sont les petits progrès obtenus grâce à nos pressions, il faut en mesurer la portée exacte et il faut persévérer.
Q - En ce qui concerne la désignation du nouveau directeur du FMI, est ce que les Allemands ont proposé un autre candidat ou non ?
R - A ma connaissance, non ! On en est au même candidat allemand, soutenu par consensus des Quinze.
Q - Vous attendez qu'il propose un autre candidat ?
R - Nous voulons un candidat européen. Nous nous sommes mis d'accord sur ce candidat allemand et nous maintenons notre soutien à ce consensus européen./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mars 2000)