Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur le développement de nouvelles technologies d'accès à internet avec les courants porteurs en ligne (CPL) utilisant le réseau électrique pour le transport des données numériques, une alternative à l'ADSL, La Haye du Puits (Manche) le 22 avril 2005.

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Circonstance : Lancement des premiers services commerciaux d'accès à Internet haut débit par le réseau électrique à La Haye du Puits le 22 avril 2005

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil Général, cher Jean-François,
Monsieur le Président de Manche Numérique,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre invitation à venir ici, à La Haye du Puits, dans ce magnifique pays vert de la Manche, pour le lancement des premiers services commerciaux d'accès à Internet haut débit par le réseau électrique.
Peu de lieux pouvaient aussi bien se prêter à une telle innovation technologique que cette petite ville dynamique du bocage normand, connue pour son donjon du XIe siècle, qui symbolise parfaitement, aujourd'hui, la combinaison du patrimoine et de la modernité.
Un des traits fondamentaux de la modernité de ce XXIe siècle est l'avènement de la société de l'information.
La diffusion des nouvelles technologies de la communication constitue aujourd'hui un facteur clé de la compétitivité des entreprises et des territoires. Les comparaisons internationales témoignent d'une corrélation très exacte entre la pénétration de ces technologies dans les entreprises et la société, et le taux de croissance des économies modernes.
Grâce à l'intégration européenne, synonyme d'ouverture à la concurrence et de mise en place d'une régulation efficace des marchés, la France, longtemps endormie, s'est réveillée, a rattrapé son retard, et a même désormais rejoint le peloton de tête.
Alors que la condamnation sans discernement des directives communautaires semble aujourd'hui le moyen le plus facile d'être populaire, permettez-moi de vous dire ma conviction : Sans les directives européennes sur les télécommunications adoptées de 1994 à 2002, qui nous ont conduits à ouvrir notre marché à la compétition et à l'innovation, la France aurait continué à privilégier la protection de ses monopoles, et serait toujours la lanterne rouge européenne et internationale de l'Internet.
Je suis fier en particulier d'avoir fait voter la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et la loi du 9 juillet 2004 sur les communications électroniques, qui transpose un ensemble de 6 directives communautaires, souvent appelé " paquet télécom ". Ces lois créent un cadre juridique encore plus ouvert à la compétition et à l'innovation, au service de la croissance et de l'emploi. La loi du 21 juin 2004 ouvre notamment aux collectivités locales la possibilité d'établir et d'exploiter des réseaux de télécommunications. J'observe aujourd'hui avec satisfaction que le Conseil Général de la Manche a parfaitement saisi cette opportunité.
Permettez-moi de vous le dire : La France ne doit pas au hasard d'être le pays d'Europe qui conjugue aujourd'hui :
- le plus grand nombre d'opérateurs concurrents, avec 9 fournisseurs d'accès français et européens en compétition,
- les tarifs les plus bas, avec un abonnement moyen de l'ordre de 20 euros par mois,
- les débits moyens les plus importants, l'offre nominale atteignant désormais 8 mégabits par seconde,
- les services les plus diversifiés, la France étant même devenue le pays phare de la télévision par ADSL, avec un objectif de 600.000 abonnés avant la fin de l'année 2005,
- un commerce électronique des plus dynamiques, en croissance de plus de 50 % par an,
- la progression du haut débit dans la population la plus rapide des pays développés, supérieure à 250 % par an depuis trois ans. Il y avait seulement 300.000 foyers français abonnés au haut débit début 2002. Il y en a plus de 6,8 millions trois ans plus tard. Et j'ai fixé un objectif de 7 millions et demi avant la fin de l'année.
- L'Etat lui-même tente de s'adapter à cette révolution. Le nombre des français déclarant leurs revenus en ligne a été multiplié par dix en deux ans, atteignant 1,2 million. Compte tenu des mesures d'encouragement prises et des nouveaux délais accordés par le Gouvernement, le seuil des 3 millions de télédéclarations sera probablement dépassé la semaine prochaine.
Le système informatique mis en place pour la campagne de recouvrement d'impôts sur le revenu 2006 devra permettre beaucoup plus de connexions simultanées que cette année. La place de la France doit là aussi être en tête de peloton. La communauté de communes de La Haye du Puits va certainement y contribuer, puisqu'elle bénéficie, je vous le rappelle, comme toute la France, d'un nouveau délai supplémentaire, jusqu'au 15 mai prochain, pour les déclarations transmises par Internet. Et pourquoi pas, désormais, les transmettre, même depuis les zones non accessibles à l'ADSL, grâce à cette nouvelle technologie d'accès à Internet utilisant le réseau électrique, que nous inaugurons aujourd'hui.
Ce changement profond et vertueux, lié à l'ouverture à la concurrence, constitue un succès incontestable pour la France. L'Europe en a été le principal moteur. Et ne nous trompons pas sur les nouvelles avancées européennes qui nous sont aujourd'hui proposées :
- Le véritable vote du changement, c'est le oui.
- Le vote du statu quo certain, c'est le non.
Je tiens aussi à féliciter l'ensemble des partenaires locaux, réunis au sein du Syndicat Mixte Manche Numérique, qui ont placé leur département en tête de cette course à la modernité, en plongeant le réseau électrique dans la société de l'information.
J'en suis convaincu, les courants porteurs en ligne (CPL) constituent une nouvelle révolution dans le monde des télécommunications :
- En transportant des données numériques sur le réseau électrique classique, qui est présent dans 95 % des foyers de la planète, les CPL constituent un important vecteur de déploiement du haut débit sur les territoires.
- Le réseau électrique étant présent dans toutes les pièces des bâtiments modernes, les CPL développent aussi de nouveaux usages en réseau de l'Internet. Ils permettent de partager une connexion haut débit dans le réseau local d'un immeuble d'habitat collectif, d'une entreprise, ou d'un établissement scolaire. Je salue en particulier l'initiative du Conseil Général de la Manche de desservir en CPL l'ensemble des collèges du département, créant ainsi, à moindres frais, un réseau interne haut débit reliant l'ensemble des salles d'étude et d'enseignement, des laboratoires, et des locaux administratifs.
- Les CPL peuvent atteindre des débits supérieurs à 200 mégabits par seconde, ce qui les classent parmi les technologies d'accès à Internet les plus généreuses.
- Les CPL permettent la fourniture de l'ensemble des services liés à l'Internet haut débit, qu'il s'agisse de vidéo, de télévision ou de téléphonie.
- Les CPL présentent des coûts particulièrement faibles. Ils reposent sur un réseau électrique déjà existant. Ils évitent donc tout investissement dans le câblage. Et les terminaux CPL sont dès aujourd'hui disponibles à des prix ne dépassant pas 100 euros.
- La France dispose d'un réseau de jeunes entreprises innovantes, comme Alterlane ou Spidcom, qui sont reconnues au plan international pour leur savoir faire dans ce domaine.
- Les CPL peuvent compter sur le soutien d'EDF en tant que prestataire technique. Permettez-moi d'insister sur ce point. Je ne souhaite pas qu'EDF exerce elle-même des activités d'opérateur de télécommunications. Une séparation claire doit être maintenue entre les activités de distribution d'énergie et de communication. Le consommateur d'électricité ne doit pas financer les réseaux de télécommunications. Et l'usager des télécommunications ne doit pas supporter les charges d'exploitation du réseau électrique. EDF s'est elle-même engagée activement non pas à concurrencer, mais à appuyer, en tant que prestataire, les opérateurs et les collectivités souhaitant recourir à la technologie des courants porteurs en lignes, à travers sa filiale dédiée EDEV CPL.
- Les CPL sont complémentaires des autres technologies d'accès à Internet haut débit, qu'il s'agisse du WiMax ou du satellite.
- Les CPL sont faciles à utiliser pour les collectivités territoriales, qui sont propriétaires du réseau électrique local, et qui disposent désormais, avec la loi du 21 juin 2004, de la capacité à exploiter ce réseau électrique pour les télécommunications.
- Le CPL est une technologie mûre. Pour révolutionnaire qu'elle paraisse, l'idée de " marier courant électrique et information " n'est pas neuve : les premières tentatives datent déjà d'une trentaine d'années. Cette technique est utilisée depuis des dizaines d'années par EDF, pour commander à distance les compteurs électriques. Depuis le milieu des années 90, cette technologie a évolué. L'augmentation de la bande passante, les progrès des algorithmes de compression, la fiabilité accrue du service offert, rendent désormais possible son usage domestique.
- L'Autorité de Régulation des Télécommunications elle-même vient de reconnaître cette maturité technologique en décidant mercredi dernier de lever le caractère expérimental qui encadrait jusqu'à présent le déploiement des réseaux filaires en CPL. Le régulateur confirme ainsi que les exploitants de réseaux CPL sont en mesure de respecter les obligations liées à l'autorisation de réseaux ouverts au public : la qualité de service, les débits garantis, le partage possible de la capacité offerte sur un réseau entre plusieurs fournisseurs d'accès à Internet.
Certes, grâce à l'ADSL, le réseau téléphonique, dont la propriété a été offerte par l'Etat à l'opérateur historique, reste le principal vecteur de déploiement du haut débit. La vulgaire paire de fils de cuivre sur laquelle nous branchons depuis des décennies nos vieux postes téléphoniques, longtemps considérée comme dépassée, n'en finit pas de surprendre tant ses ressources semblent illimitées. Grâce aux évolutions de la technologie ADSL, les français ont maintenant accès par leur ligne téléphonique à des débits et à des services qui nous semblaient hors d'atteinte il y a seulement un an.
Mais le déploiement du haut débit par ADSL s'expose à trois risques :
1. Le risque de maintien d'une fracture numérique entre zones desservies et non desservies par l'ADSL. Cette première fracture va progressivement se réduire avec le déploiement de nouvelles générations d'ADSL, à plus long rayon d'action. Il n'en reste pas moins que fin 2006, 5 % de la population française, et 10 à 20 % de la population de certains départements ruraux, devraient encore échapper à la couverture ADSL.
2. Le risque d'apparition d'une nouvelle fracture, au sein des zones desservies par l'ADSL, entre :
o Le haut débit des villes, où le réseau téléphonique local a été ouvert à la concurrence, à travers la procédure du dégroupage, et où se développent ainsi les nouveaux services, comme la télévision ou la téléphonie sur Internet, et la baisse des tarifs,
o Le haut débit des champs, dans les zones non dégroupées, abandonnées à une situation de monopole, sans nouveaux services, et avec des tarifs plus élevés.
Cette deuxième fracture me paraît plus dangereuse, parce que plus durable que la première. Il est indispensable que le déploiement du haut débit s'accompagne d'un niveau minimum de concurrence. Et seules les collectivités territoriales sont en mesure d'assurer localement la fourniture d'infrastructures ouvertes à l'ensemble des opérateurs. La Commission européenne elle-même a récemment reconnu le caractère de service économique d'intérêt général s'attachant à ce type d'infrastructures publiques. Les collectivités locales sont légitimes lorsqu'elles se préoccupent d'étendre la couverture de leur territoire par le haut débit. Elles sont tout aussi légitimes lorsqu'elles se préoccupent de le faire dans des conditions favorables à la concurrence. J'ai bien conscience que la concurrence ne va pas toujours de soi, surtout lorsqu'elle passe par la duplication partielle de réseaux privés existants. Mais investir dans de tels réseaux publics et ouverts, c'est garantir durablement des services plus diversifiés et des tarifs plus faibles. Le Conseil Général de la Manche l'a parfaitement compris, lui qui a investi dans un réseau public et ouvert qui permet aujourd'hui à des villes comme Avranches ou Coutances de bénéficier de la même concurrence, des mêmes services, et des mêmes tarifs, qu'au centre de Paris.
Sur le modèle de la Manche, ce sont aujourd'hui plus de 50 projets d'infrastructures publiques ouvertes, représentant un investissement global de plus d'un milliard d'euros, qui ont déjà été lancés à travers la France en un an, dont 20 par des conseils généraux, 4 par des conseils régionaux, et 26 par des agglomérations. Je tiens à saluer ce formidable esprit d'initiative. Ces collectivités ont intégré la logique concurrentielle. Elles sont les véritables pionnières du haut débit. Leurs habitants et leurs entreprises seront les gagnants de la société de l'information. Je vous l'annonce aujourd'hui, des études viennent d'être lancées pour 100 nouveaux projets à travers le territoire.
3. Le troisième risque est technologique, consistant à ne miser que sur le seul ADSL pour l'accès à Internet haut débit et aux services qui y sont liés, alors que d'autres technologies d'accès émergent à travers le monde.
Le développement de technologies d'accès à Internet haut débit alternatives à l'ADSL, comme les courants porteurs en ligne, constitue une réponse adaptée à ces trois risques :
1. Ces technologies alternatives permettent d'étendre l'accès à Internet haut débit aux zones qui, comme La Haye du Puits, sont hors d'atteinte de l'ADSL.
2. Dans les zones déjà couvertes par l'ADSL, ces technologies alternatives sont susceptibles de favoriser la concurrence, même en l'absence de dégroupage de la boucle locale téléphonique. L'émergence de réseaux alternatifs à celui de l'opérateur historique ne représente pas un danger mais un facteur supplémentaire de compétition et d'innovation. Il revient au consommateur de choisir entre les différentes technologies d'accès à Internet haut débit disponibles, en confrontant ses besoins aux avantages et inconvénients de chacune d'entre elles.
3. Le déploiement de technologies alternatives à l'ADSL limite le risque que la France passe complètement à côté d'une possible révolution technologique.
Le Gouvernement a déjà apporté un premier appui aux technologies alternatives, avec un appel à projet lancé pour la période 2002-2005, doté de 6 millions d'Euros, qui a permis d'appuyer les premières expérimentations d'accès à Internet haut débit par les technologies CPL, WiFi, WiMAX, ou satellite.
Un nouvel appel à projets sera lancé avant la fin du mois, dans le cadre de partenariats entre des entreprises et des collectivités locales.
Le fonds national pour le déploiement du haut débit, particulièrement destiné aux zones rurales, où les technologies alternatives constituent souvent les réponses les mieux adaptées, a par ailleurs été dotée de 100 millions d'euros.
J'ai aussi engagé une vaste concertation sur les courants porteurs en ligne, réunissant les régulateurs, les opérateurs, les constructeurs, les collectivités locales. Cette concertation aboutit aujourd'hui à la publication d'un code des courants porteurs en ligne. Ce code propose aux collectivités et aux opérateurs l'ensemble des recommandations techniques, juridiques, et économiques, nécessaires au montage de projets impliquant les CPL. Il peut être téléchargé, dès maintenant, sur le site industrie.gouv.fr.
Je continuerai à veiller à ce qu'aucune barrière n'empêche le développement des technologies alternatives à l'ADSL. Je réunirai prochainement un groupe de travail associant les régulateurs des télécommunications et de l'énergie, afin d'élaborer un modèle de convention permettant d'organiser les relations entre gestionnaire des réseaux électriques, collectivité responsable de la concession de ces réseaux, et opérateur de communications électroniques.
Les meilleurs spécialistes ont longtemps douté qu'on puisse un jour échanger à haut débit, regarder la télévision, ou téléphoner, en se branchant sur la seule prise électrique. C'était une utopie. C'est aujourd'hui une réalité. Vous venez de nous démontrer que face à la tentation facile de la passivité et du scepticisme, chaque difficulté rencontrée doit au contraire être l'occasion d'un nouveau progrès.
L'intégration européenne, au-delà de ses difficultés, est le seul moyen pour la France de reprendre son destin en main. Et à ceux qui me disent que l'Europe est, elle aussi, une utopie, je réponds comme Oscar Wilde : " le progrès n'est que l'accomplissement des utopies ".
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 25 avril 2005)