Texte intégral
Chers Ami(e)s,
On dit que pour être exaucé un voeu doit rester silencieux. Mais ce vu-là, celui que je viens de déposer dans l'urne, me tient trop à coeur pour le garder pour moi. Alors je cours le risque.
60 ans ! 60 ans que les femmes françaises ont voté pour la première fois. 60 ans seulement ! En Europe, nos mères sont allées voter les dernières, ou presque les dernières. Depuis trente ans déjà les Danoises, les Norvégiennes, les Allemandes, les Irlandaises, les Polonaises et beaucoup d'autres encore exerçaient ce droit. Quel retard surprenant pour ce pays, le nôtre, que l'on dit passionné d'égalité ! Pour ce pays qui, le premier, a pris les armes et renversé son roi pour en finir avec les privilèges. Même nos révolutionnaires n'avaient pas osé pousser leur révolution jusqu'aux femmes.
Plusieurs Bastille ont été prises en France, mais celle-ci ne l'est pas encore tout à fait, même si tant d'énergie, de volonté et de courage ont été et sont déployés. Nous avons progressé, mais pour ce qui est des femmes nous courons encore derrière l'Europe dans bien des domaines. Au travail, une femme française vaut moins que bien des femmes européennes, si l'on en juge par son salaire. Notre place parmi les élus de la nation reste plus faible que chez beaucoup de nos voisins. Et pourtant, en 1999 la République s'est fait violence en introduisant la parité dans sa Constitution, discrimination tellement contraire à sa tradition.
Par chance pour nous autres les femmes, nous avons inventé l'Europe. Et à cet élève pas toujours excellent qu'est la France, l'Europe a beaucoup appris. Qui le dit ? Qui le sait ? Geneviève Fraisse l'a dit, il n'y a pas longtemps, à la radio, avec une remarquable éloquence. Nous serons plusieurs ici à en avoir parlé. Mais je suis frappée de voir à quel point l'énorme avancée qu'a été l'Europe pour nous Françaises reste largement ignorée du débat sur l'Europe et sa Constitution. Sans doute parce que nous préférons de nous l'image du pionnier de l'Europe, du pays fondateur. Il y a pourtant tant de domaines où le progrès n'est pas venu de nous, mais de l'Union, c'est-à-dire de l'ensemble de nos partenaires européens. Et la condition de la femme en est peut-être le meilleur exemple. Il reste encore tant à faire.
Alors quel est mon voeu ? C'est un voeu pour les Français autant que pour l'Europe. C'est que le projet français pour l'Europe ne soit pas seulement de la faire à notre image, mais de lui donner les moyens de nous apprendre tout ce que nous n'avons pas encore appris d'elle. Et pour cela, nous avons rendez-vous. Le 29 mai.
Je vous remercie
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 mai 2005)
On dit que pour être exaucé un voeu doit rester silencieux. Mais ce vu-là, celui que je viens de déposer dans l'urne, me tient trop à coeur pour le garder pour moi. Alors je cours le risque.
60 ans ! 60 ans que les femmes françaises ont voté pour la première fois. 60 ans seulement ! En Europe, nos mères sont allées voter les dernières, ou presque les dernières. Depuis trente ans déjà les Danoises, les Norvégiennes, les Allemandes, les Irlandaises, les Polonaises et beaucoup d'autres encore exerçaient ce droit. Quel retard surprenant pour ce pays, le nôtre, que l'on dit passionné d'égalité ! Pour ce pays qui, le premier, a pris les armes et renversé son roi pour en finir avec les privilèges. Même nos révolutionnaires n'avaient pas osé pousser leur révolution jusqu'aux femmes.
Plusieurs Bastille ont été prises en France, mais celle-ci ne l'est pas encore tout à fait, même si tant d'énergie, de volonté et de courage ont été et sont déployés. Nous avons progressé, mais pour ce qui est des femmes nous courons encore derrière l'Europe dans bien des domaines. Au travail, une femme française vaut moins que bien des femmes européennes, si l'on en juge par son salaire. Notre place parmi les élus de la nation reste plus faible que chez beaucoup de nos voisins. Et pourtant, en 1999 la République s'est fait violence en introduisant la parité dans sa Constitution, discrimination tellement contraire à sa tradition.
Par chance pour nous autres les femmes, nous avons inventé l'Europe. Et à cet élève pas toujours excellent qu'est la France, l'Europe a beaucoup appris. Qui le dit ? Qui le sait ? Geneviève Fraisse l'a dit, il n'y a pas longtemps, à la radio, avec une remarquable éloquence. Nous serons plusieurs ici à en avoir parlé. Mais je suis frappée de voir à quel point l'énorme avancée qu'a été l'Europe pour nous Françaises reste largement ignorée du débat sur l'Europe et sa Constitution. Sans doute parce que nous préférons de nous l'image du pionnier de l'Europe, du pays fondateur. Il y a pourtant tant de domaines où le progrès n'est pas venu de nous, mais de l'Union, c'est-à-dire de l'ensemble de nos partenaires européens. Et la condition de la femme en est peut-être le meilleur exemple. Il reste encore tant à faire.
Alors quel est mon voeu ? C'est un voeu pour les Français autant que pour l'Europe. C'est que le projet français pour l'Europe ne soit pas seulement de la faire à notre image, mais de lui donner les moyens de nous apprendre tout ce que nous n'avons pas encore appris d'elle. Et pour cela, nous avons rendez-vous. Le 29 mai.
Je vous remercie
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 mai 2005)