Texte intégral
R. Arzt Est-ce que l'on peut, trois jours après, évaluer ce que peut être le risque écologique provoqué par le naufrage de l'Ievoli Sun ?
- "Le contenu de la cargaison est connu, les dernières expérimentations sont en cours pour essayer de préciser comment évolue dans le milieu marin, en eaux froides avec les courants et les vents auxquels la cargaison est exposée, le styrène, le fioul et le mélange de styrène de fioul. A cette heure, si le risque d'explosion de la cargaison peut être écarté, nous continuons évidemment à travailler sur les problèmes liés à l'évaporation du produit, qui ne se contente pas d'avoir une odeur tout à fait désagréable mais qui peut aussi être irritant. Et nous travaillons aussi, bien évidemment, sur la constitution de nappes qui pourraient polluer les côtes. Nous n'avons pas encore évacué ce danger."
Quel est le danger principal ? Les poissons qui pourraient être péchés pourraient devenir non-consommables ?
- "Nous savons qu'une contamination par le styrène peut donner un mauvais goût aux produits de la mer. Nous avons saisi bien sûr l'Agence de sécurité sanitaire des aliments pour qu'ils puissent nous en dire davantage. A cette heure, il semblerait que le risque soit tout à fait minime."
Quels sont les autres risques auxquels il faut être très attentif ?
- "Nous avons pour l'essentiel travaillé sur un risque d'évaporation du produit à un moment où les nappes pourraient se rapprocher des côtes, en raison des vents. Nous avons prévu les pires situations pour protéger au maximum la population. A cet effet, des agents spécialisés dans la lutte contre les produits chimiques sont sur le pied de guerre à Cherbourg depuis plusieurs jours déjà."
Il est trop tôt pour dire si vous pouvez être rassurante ou pas ?
- "Je pense, d'après ce que nous disent les experts, que le risque est faible, mais il est normal que les pouvoirs publics se préparent à la situation la plus pénalisante, la plus grave. Donc, nous prenons toutes les précautions."
Hier, aux côtés de J.-C. Gayssot, vous avez reçu les dirigeants de Shell et Esso, les deux sociétés qui avaient affrété le bateau. Qu'est-ce que vous leur avez dit, qu'est-ce que vous leur avez demandé ?
- "Le naufrage de l'Erika aura moins servi à sensibiliser ces grandes entreprises. Le président de Shell s'est montré d'emblée très soucieux d'assumer ses responsabilités et d'anticiper sur la mobilisation des assurances pour ce qui concerne les professionnels de la mer qui pourraient être pénalisés par le naufrage de l'Ievoli Sun. Il souhaite également travailler d'une façon intense dans les prochains jours pour voir s'il est possible de récupérer la cargaison, ce qui serait quand même la meilleure façon de procéder et de limiter le risque. Cela dit, on se trouve dans une zone de très forts courants, des tempêtes sont attendues et il n'est pas évident que l'on pourra mobiliser des moyens techniques dans les jours à venir. On n'a même pas encore pu aller inspecter l'épave pour voir où et de quelle nature sont les fuites."
La cargaison dangereuse, c'était Shell qui l'avait affrétée, Esso les deux PDG ont une attitude très différente.
- "Esso semblait moins mobilisé. Ceci pose problème d'ailleurs, parce que les modalités actuelles de répartition des responsabilités ne sont pas aussi satisfaisantes qu'il le faudrait. Les bateaux sont assurés pour le contenant et le contenu. Mais je crois qu'on ne peut pas se contenter de renvoyer sur les assureurs la responsabilité. La question reste posée de savoir comment le bateau a été amené à prendre la mer et elle reste également posée de savoir s'il était en état de la prendre. De façon immémoriale, le capitaine est le seul maître à bord, mais on peut se demander si les conditions économiques dans lesquelles travaillent les capitaines ne sont pas de nature à leur mettre une pression inconsidérée sur les épaules. Dans certains cas, les modalités des contrats sont très lourdes. On parle par exemple de pénalités qui frappent les bateaux qui arrivent en retard, qui livrent leur cargaison en retard. Il existe aussi des pénalités qui frappent les capitaines qui restent trop longtemps dans les ports pour charger. Donc, il faudra que l'on regarde de très près les conditions du contrat."
Vous allez rencontrer l'armateur italien aussi ?
- "L'armateur italien a déjà son représentant à Paris et il sera lui-même en début de semaine à Paris."
La répartition des rôles avec J.-C. Gayssot dans cette affaire marche bien ?
- "C'est encore une des leçons qui a été tirée de l'Erika. Non seulement les plans Polmar Mer et Polmar Terre ont été déclenchés très tôt, mais le Gouvernement avait prévu dès le mois de janvier dernier une coordination entre ces plans, qui est effective, qui travaille sur le terrain. La coordination interministérielle est naturellement optimale avec une parfaite transparence. Cette transparence concerne aussi les citoyens puisque les associations ont été associées dès le début à notre travail. Nous souhaitons confronter nos données à leur regard critique ; c'est la meilleure façon peut-être d'éviter que des spéculations hasardeuses soient colportées, sur le Net par exemple, et inquiètent les populations, tout en faisant planer le doute sur notre volonté de jouer le jeu."
Autre sujet d'inquiétude : les farines animales. Le Gouvernement a décidé d'attendre l'avis de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, cela va prendre quelques mois. Pourquoi ne pas aller plus vite avec un moratoire immédiat et une décision définitive quand l'agence se prononcera ?
- "Le Conseil national de sécurité sanitaire a débattu de cette question la semaine dernière. Les scientifiques considèrent que le gain lié à l'interdiction des farines animales n'est pas aussi net qu'il y paraît. Cela dit, je crois que les citoyens attendent cette interdiction. Le Gouvernement a souhaité recueillir l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire, non seulement pour objectiver l'intérêt de la mesure, mais aussi pour préparer les modalités de l'interdiction. En effet, on ne peut pas stocker des millions de tonnes de déchets animaux dans des conditions hasardeuses de sécurité. Ce n'est pas technique. Décider l'interdiction du jour au lendemain, cela veut dire aussi se préparer à stocker et à incinérer des millions de tonnes de déchets animaux pour lesquels ont doit être aussi rigoureux que possible. Jusqu'à preuve du contraire, les citoyens n'accueillent pas non plus avec enthousiasme de gros incinérateurs, ils n'accueillent pas non plus les décharges avec sérénité. Donc, on doit vraiment être bien bordé sur le plan technique pour préparer cette mesure qui est attendue et qui demandée avec force par les élus locaux et par les citoyens."
Si vous étiez américaine, que voteriez-vous la semaine prochaine ?
- "Je crois que je voterai pour Ralph Nader sans aucun état d'âme, mais avec peut-être quelques interrogations dans les départements où ce vote pourrait conduire au basculement de l'Etat pour Georges Bush."
(Source :http.sig.premier-ministre.gouv.fr, le 3 novembre 2000)
- "Le contenu de la cargaison est connu, les dernières expérimentations sont en cours pour essayer de préciser comment évolue dans le milieu marin, en eaux froides avec les courants et les vents auxquels la cargaison est exposée, le styrène, le fioul et le mélange de styrène de fioul. A cette heure, si le risque d'explosion de la cargaison peut être écarté, nous continuons évidemment à travailler sur les problèmes liés à l'évaporation du produit, qui ne se contente pas d'avoir une odeur tout à fait désagréable mais qui peut aussi être irritant. Et nous travaillons aussi, bien évidemment, sur la constitution de nappes qui pourraient polluer les côtes. Nous n'avons pas encore évacué ce danger."
Quel est le danger principal ? Les poissons qui pourraient être péchés pourraient devenir non-consommables ?
- "Nous savons qu'une contamination par le styrène peut donner un mauvais goût aux produits de la mer. Nous avons saisi bien sûr l'Agence de sécurité sanitaire des aliments pour qu'ils puissent nous en dire davantage. A cette heure, il semblerait que le risque soit tout à fait minime."
Quels sont les autres risques auxquels il faut être très attentif ?
- "Nous avons pour l'essentiel travaillé sur un risque d'évaporation du produit à un moment où les nappes pourraient se rapprocher des côtes, en raison des vents. Nous avons prévu les pires situations pour protéger au maximum la population. A cet effet, des agents spécialisés dans la lutte contre les produits chimiques sont sur le pied de guerre à Cherbourg depuis plusieurs jours déjà."
Il est trop tôt pour dire si vous pouvez être rassurante ou pas ?
- "Je pense, d'après ce que nous disent les experts, que le risque est faible, mais il est normal que les pouvoirs publics se préparent à la situation la plus pénalisante, la plus grave. Donc, nous prenons toutes les précautions."
Hier, aux côtés de J.-C. Gayssot, vous avez reçu les dirigeants de Shell et Esso, les deux sociétés qui avaient affrété le bateau. Qu'est-ce que vous leur avez dit, qu'est-ce que vous leur avez demandé ?
- "Le naufrage de l'Erika aura moins servi à sensibiliser ces grandes entreprises. Le président de Shell s'est montré d'emblée très soucieux d'assumer ses responsabilités et d'anticiper sur la mobilisation des assurances pour ce qui concerne les professionnels de la mer qui pourraient être pénalisés par le naufrage de l'Ievoli Sun. Il souhaite également travailler d'une façon intense dans les prochains jours pour voir s'il est possible de récupérer la cargaison, ce qui serait quand même la meilleure façon de procéder et de limiter le risque. Cela dit, on se trouve dans une zone de très forts courants, des tempêtes sont attendues et il n'est pas évident que l'on pourra mobiliser des moyens techniques dans les jours à venir. On n'a même pas encore pu aller inspecter l'épave pour voir où et de quelle nature sont les fuites."
La cargaison dangereuse, c'était Shell qui l'avait affrétée, Esso les deux PDG ont une attitude très différente.
- "Esso semblait moins mobilisé. Ceci pose problème d'ailleurs, parce que les modalités actuelles de répartition des responsabilités ne sont pas aussi satisfaisantes qu'il le faudrait. Les bateaux sont assurés pour le contenant et le contenu. Mais je crois qu'on ne peut pas se contenter de renvoyer sur les assureurs la responsabilité. La question reste posée de savoir comment le bateau a été amené à prendre la mer et elle reste également posée de savoir s'il était en état de la prendre. De façon immémoriale, le capitaine est le seul maître à bord, mais on peut se demander si les conditions économiques dans lesquelles travaillent les capitaines ne sont pas de nature à leur mettre une pression inconsidérée sur les épaules. Dans certains cas, les modalités des contrats sont très lourdes. On parle par exemple de pénalités qui frappent les bateaux qui arrivent en retard, qui livrent leur cargaison en retard. Il existe aussi des pénalités qui frappent les capitaines qui restent trop longtemps dans les ports pour charger. Donc, il faudra que l'on regarde de très près les conditions du contrat."
Vous allez rencontrer l'armateur italien aussi ?
- "L'armateur italien a déjà son représentant à Paris et il sera lui-même en début de semaine à Paris."
La répartition des rôles avec J.-C. Gayssot dans cette affaire marche bien ?
- "C'est encore une des leçons qui a été tirée de l'Erika. Non seulement les plans Polmar Mer et Polmar Terre ont été déclenchés très tôt, mais le Gouvernement avait prévu dès le mois de janvier dernier une coordination entre ces plans, qui est effective, qui travaille sur le terrain. La coordination interministérielle est naturellement optimale avec une parfaite transparence. Cette transparence concerne aussi les citoyens puisque les associations ont été associées dès le début à notre travail. Nous souhaitons confronter nos données à leur regard critique ; c'est la meilleure façon peut-être d'éviter que des spéculations hasardeuses soient colportées, sur le Net par exemple, et inquiètent les populations, tout en faisant planer le doute sur notre volonté de jouer le jeu."
Autre sujet d'inquiétude : les farines animales. Le Gouvernement a décidé d'attendre l'avis de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, cela va prendre quelques mois. Pourquoi ne pas aller plus vite avec un moratoire immédiat et une décision définitive quand l'agence se prononcera ?
- "Le Conseil national de sécurité sanitaire a débattu de cette question la semaine dernière. Les scientifiques considèrent que le gain lié à l'interdiction des farines animales n'est pas aussi net qu'il y paraît. Cela dit, je crois que les citoyens attendent cette interdiction. Le Gouvernement a souhaité recueillir l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire, non seulement pour objectiver l'intérêt de la mesure, mais aussi pour préparer les modalités de l'interdiction. En effet, on ne peut pas stocker des millions de tonnes de déchets animaux dans des conditions hasardeuses de sécurité. Ce n'est pas technique. Décider l'interdiction du jour au lendemain, cela veut dire aussi se préparer à stocker et à incinérer des millions de tonnes de déchets animaux pour lesquels ont doit être aussi rigoureux que possible. Jusqu'à preuve du contraire, les citoyens n'accueillent pas non plus avec enthousiasme de gros incinérateurs, ils n'accueillent pas non plus les décharges avec sérénité. Donc, on doit vraiment être bien bordé sur le plan technique pour préparer cette mesure qui est attendue et qui demandée avec force par les élus locaux et par les citoyens."
Si vous étiez américaine, que voteriez-vous la semaine prochaine ?
- "Je crois que je voterai pour Ralph Nader sans aucun état d'âme, mais avec peut-être quelques interrogations dans les départements où ce vote pourrait conduire au basculement de l'Etat pour Georges Bush."
(Source :http.sig.premier-ministre.gouv.fr, le 3 novembre 2000)