Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la campagne du "oui" au référendum sur la Constitution européenne, à Bordeaux le 17 mai 2005.

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Circonstance : Meeting de l'UMP en faveur du "Oui" au référendum sur le traité constitutionnel européen, à Bordeaux le 17 mai 2005

Texte intégral

Certains Français doutent des forces de la France. Ils doutent de la France.
Ces Français hésitent sur l'avenir européen de la France, ils s'interrogent face à l'émergence de nouvelles puissances qui menacent notre économie et notre modèle social.
Ces doutes ne sont pas fondés lorsque l'on regarde la réalité de ce que représente la France dans bien des domaines : l'énergie, le tourisme, l'aéronautique, l'espace, l'école de la petite enfance, les sciences humaines, certaines technologies de la santé,
Le repli c'est toujours le déclin : l'isolement n'est pas une liberté mais une dépendance.
La solitude de la France serait une inquiétude. " Le monde serait seul sans la France " Gabriele d'Annunzio.
La France du XXIe siècle a besoin des autres nations pour prendre conscience de ses forces.
Le retour de la confiance passe par la relance de nos alliances.
L'avenir dans l'alliance des continents pour un nouvel équilibre mondial : équilibre pour la paix, équilibre pour les échanges et les emplois, équilibre pour l'environnement et l'avenir de la planète.
Mais ce grand projet d'alliance des continents passe par l'union du continent européen.
Bill Clinton disait : " Chaque génération doit adopter une définition de la grandeur de son pays adaptée à l'avenir et non au passé ".
Avec ses alliés européens, La France doit inventer sa nouvelle grandeur : pour moi, cette nouvelle grandeur c'est de devenir " l'espace avancé de l'humanisme européen ".
Pour cela, il faut d'abord clairement faire le choix européen, le choix continental.
Ensuite, il faut renforcer notre modèle de " l'humanisme à la Française ", modèle d'équilibre entre protection et création.
Enfin, il nous faut renouveler notre idéal républicain par un renouveau des valeurs qui fait suite à l'effondrement des idéologies.
I - Oui au choix européen, à la force continentale pour la France
A) Ce choix engage la responsabilité de chaque Française et de chaque Français.
a) parce que le résultat sera très serré, chaque voix sera cruciale, chaque Français tient entre ses mains un bulletin de vote historique ;
b) parce que 60 millions de Français vont décider pour 450 millions d'européens selon le Ministre Allemand des affaires étrangères ;
c) parce que le monde guette la réponse de la France à la question de l'avenir de l'Europe.
Je connais des Américains, des Chinois, des Indiens qui souhaiteraient que l'Europe soit en panne.
B) Le choix est limpide.
Pour le troubler, certains s'appliquent à le compliquer.
Le oui français donnera de la force à l'Europe, donc à la France.
a) Les trois forces du OUI
- le oui pour la stabilité démocratique (art. 1-22)
- le oui pour l'économie sociale de marché, ni laisser faire ni étatisation (art. 1-3)
- le oui pour une meilleure cohérence de l'Europe face au reste du monde (art. 116)
b) Les 3 faiblesses du NON.
Un non français affaiblirait l'Europe, donc la France.
- le non isolerait la France de ses meilleurs alliés
- le non créerait une crise politique et un choc économique
- le non conduirait à ce que l'Europe piétine quand le monde avance.
Le oui, c'est l'histoire, la paix, la démocratie, la protection continentale.
Le non, c'est la crise, le temps perdu, la fragilité internationale.
Voter non à une Europe dont on est mécontent, c'est conserver le sujet de son mécontentement.
C) Accompagner la construction européenne
- Ecoutons les hésitations des Français.
- Si la France s'interroge sur son avenir européen 48 ans après le 1er Traité de Rome, c'est que l'Europe et les Français ont pris l'habitude d'avancer côte à côte, sans beaucoup se parler, sans se regarder.
- L'Europe est présente dans la vie quotidienne des Français, notamment par la présence de l'euro dans toutes les poches mais elle n'est pas assez présente dans leur cur.
- Pour ouvrir davantage la France sur l'Europe, je propose de préparer une série d'initiatives pour que l'Europe devienne davantage familière aux Français, notamment aux jeunes Français.
- Réfléchissons à un " programme national d'accompagnement de la construction européenne ".
- Je vous donne un exemple de ce type d'initiative : permettre à tout jeune Français, pour ses 18 ans, de mieux connaître l'Europe en découvrant, par exemple, ses institutions comme le Parlement européen.
- L'horizon de la jeunesse de France doit dépasser nos frontières.
La jeunesse de France doit être mieux préparée à la vie internationale.
II - La France, espace avancé de l'humanisme européen
Le Président de la République a donné de la force à notre humanisme pour la paix en Irak, pour la diversité culturelle, pour le développement durable à Johannesburg, pour " ses " trois grands chantiers : le cancer, la sécurité routière et les personnes handicapées.
A) L'humanisme, c'est d'abord la protection de la personne
- Grand texte de l'humanisme français, notre déclaration des droits de l'homme inspire la Charte européenne des droits fondamentaux.
" Un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes " :
Avec le traité constitutionnel mesurons la reconnaissance européenne des combats de la France : dialogue social, laïcité, diversité culturelle, services publics,
Droits nouveaux pour le citoyen européen (subsidiarité, pétition),
les grands problèmes politiques actuels ne peuvent trouver une solution qu'à l'échelle européenne :
Equilibre des échanges internationaux pour l'emploi, immigration, lutte contre le terrorisme, nouvelles technologies, environnement et atteinte aux droits de l'homme,
J'ai agi pendant trois ans pour donner un avenir à notre pacte républicain (Retraites, Sécurité sociale, Dépendance, Sécurité).
Aujourd'hui, dans le cadre de l'Europe sociale, de nouveaux progrès, pour tous, sont possibles.
- La protection moderne, ce n'est pas la frontière mais le continent.
B) L'humanisme, c'est aussi l'épanouissement de la personne
- Je compléterai le message européen de Nicolas Sarkozy : " Paix pour tous, réussite pour chacun " en ajoutant : " Protection pour tous, projet pour chacun ", ce qui est notre modèle français.
- Nous devons libérer toutes les forces de création de notre pays comme nous l'avons fait pour la création d'entreprises (+ de 600 000 en 3 ans), et que nous l'engageons pour le développement de la recherche.
- Si la création ne doit pas mépriser la protection, la protection ne doit pas étouffer la création.
Pour ces raisons, la réglementation ou l'imposition ne peuvent être les seules réponses dans un espace avancé de l'humanisme.
- La France ne doit pas avoir de complexes.
Quand on est capable de produire l'énergie post-nucléaire, l'énergie des étoiles (ITER) à Cadarache, quand on est capable de lancer dans le ciel du sud-ouest l'Airbus A380, quand on devient en 3 ans le pays européen en tête de la croissance pour le haut débit, on peut être convaincu que la France a les moyens de surmonter ses difficultés (exemple de Renault). Notre nouvelle agence pour l'innovation industrielle nous aidera à relever nos défis.
- Cet épanouissement collectif est indissociable de l'épanouissement individuel.
C'est la mission de l'idéal républicain.
III - Un nouveau printemps pour la République
- Après " les turbulences ", due aux nécessités des réformes, il nous faut retrouver " le temps clair " de la cohésion nationale grâce au renouveau de l'idéal républicain. Avec le plan de cohésion social, ce travail est engagé.
- Au cours du temps, notre triptyque républicain s'est un peu fané : la liberté a été anesthésiée par l'excès de réglementations, l'égalité a été détournée par l'égalitarisme, la fraternité cède trop souvent la place à l'individualisme, plus ou moins masqué.
A) Rafraîchir les valeurs de la République
- Grâce aux réformes accomplies, la France a su retrouver son rang en Europe.
Dans bien des domaines (retraites, dépendance, sécurité routière), notre expérience fait école car elle s'appuie sur des valeurs.
La force renouvelée des valeurs doit se substituer à la fin constatée des idéologies.
" L'idéologie, c'est quand la réponse arrive avant la question ".
- Pour plus de liberté, l'Europe doit revenir en tête de l'utilisation des nouvelles technologies.
Nous avons engagé la révolution numérique qui permettra à l'État de placer le citoyen, l'usager comme but de son organisation (3,5 millions de déclarations d'impôt par internet, dossier médical, ), 3939 - Adele - projet de loi anti-lois.
Grâce à " la révolution du guichet numérique ", la réforme de l'État est enfin possible.
En avril 2005, j'ai rencontré à Shanghai les architectes français qui m'ont confié " on est plus libre ici qu'à Paris ". La liberté a toujours besoin de militants.
- Pour plus d'égalité, nous devons lutter contre l'égalitarisme (exemple de la gratuité des livres scolaires au lycée), nous devons également lutter contre les inégalités excessives.
En juin, le Parlement sera saisi pour légiférer contre certaines situations personnelles provocantes qui nuisent à l'image des responsables d'entreprise dans notre pays.
L'Europe ne peut accepter des disfonctionnements dans les entreprises qui mettraient en péril l'équilibre social.
- Pour plus de fraternité, l'engagement des Français à l'occasion de la journée nationale de solidarité est une nouvelle preuve de leur générosité.
Dans ce domaine, nous avons suivi l'exemple de l'Allemagne.
Nous poursuivrons aussi notre action en faveur de la laïcité car c'est une condition de la fraternité, au-delà des convictions de chacun, dans la République.
A travers la laïcité, c'est un modèle de vivre ensemble que nous proposons aux autres Européens.
B) Rechercher la cohésion nationale
" Un cur n'est juste que s'il bat au rythme des autres curs " Paul Eluard.
Ville-campagne, privé-public, élite-électeur, représentation-participation, les sources de tension sont multiples dans la société française.
Nous devons avoir pour objectif de réduire ces fractures.- Relançons et modernisons ensemble le dialogue social, notamment pour gérer ensemble les changements.
Dès le mois de juin, une rencontre Gouvernement-partenaires sociaux devrait permettre de faire le bilan des six premiers mois d'application du contrat " France 2005 " et de réfléchir aux priorités de l'action publique d'ici à 2007, notamment en matière de pouvoir d'achat.
- Mobilisons toutes les forces de l'Etat et de la société civile pour réussir la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale nécessaire pour surmonter les ruptures de notre société.
- Débattons ensemble des décisions complémentaires qui doivent permettre d'assurer à court terme la baisse significative du chômage, qui reste mon engagement personnel.
Ce sera notamment la mission du Comité d'orientation pour l'emploi.
- Apaisons la mise en oeuvre de l'acte II de la décentralisation, si nécessaire pour rapprocher les décisions des citoyens et ainsi surmonter les tensions entre les élites et les électeurs.
- Réconcilions " les forces de l'Esprit " Éducation, Culture, Recherche avec l'économie sociale de marché qui est le moins mauvais de tous les systèmes existants dans le monde.
- Le moment venu, nous pourrons aussi mener une réflexion institutionnelle.
Car au-dessus de la Constitution européenne, il y a toujours notre Constitution nationale et ce n'est pas parce que nous construisons notre relation avec nos voisins que nous devons renoncer à réfléchir à notre propre organisation nationale, notamment avec la nouvelle configuration du Quinquennat.
Conclusion
- Parce qu'il est nécessaire que l'Europe soit forte dans le monde, le défi de toutes les équipes politiques qui conduiront la France dans les décennies qui viennent sera de permettre aux Français d'être heureux dans l'Europe.
(Source http://www.dialogue-initiative.com, le 23 mai 2005)