Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les correspondants défense et sur le rôle de l'armée dans l'insertion professionnelle et sociale des jeunes , à Paris le 25 septembre 2005.

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Circonstance : Première convention nationale des correspondants de défense, à Paris le 25 septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le chef d'état-major, Messieurs les chefs d'états-majors, Messieurs les officiers généraux, Mesdames et Messieurs les parlementaires, les élus, Mesdames et Messieurs.
C'est avec plaisir et fierté que je m'exprime devant vous aujourd'hui en une journée qui est forte pour chacun d'entre nous tant elle manifeste les liens entre la Nation et la Défense. C'est le cas ici, à la fin de cette première Convention nationale des correspondants défense qui vous a fait travailler une bonne partie de la journée, je vous en félicite. Mais c'est également dans le cadre des Rencontres Nation-Défense qui aujourd'hui maillent notre territoire national et qui accueillent un très grand nombre de nos concitoyens comme je viens de le constater notamment sur les Invalides où je me trouvais avec le Premier ministre et où, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui sont venues à la rencontre des militaires des trois armées et de la Gendarmerie.
Je suis particulièrement heureuse d'être parmi vous aujourd'hui et de voir que vous êtes si nombreux à avoir répondu à notre invitation, y compris pour ceux d'entre vous qui viennent de fort loin. Je suis fière aussi de savoir que la grande majorité des communes de France a déjà procédé à la désignation d'un correspondant défense. Je voudrai d'abord dire à chacune et chacun d'entre vous, parce que je connais bien la vie locale, parce que je suis l'une des vôtres, combien je vous remercie de votre investissement dans la vie de votre commune et dans le domaine de la défense.
Le mandat d'élu municipal n'est pas facile tous les jours et s'il est très gratifiant, il crée aussi un certain nombre de difficultés. Il est toujours prenant et toujours exigeant. Mais ce mandat municipal, c'est aussi l'un de ceux qui, dans notre démocratie, exprime le mieux le civisme, la citoyenneté, l'intérêt général que nous avons tous en charge de défendre. Et pour ma part, je suis d'expérience convaincue que le niveau de la commune est certainement le plus approprié, parce que le plus proche, pour assurer le lien entre les Français et l'Etat. C'est bien sûr dans cet état d'esprit que s'inscrit la signature de l'accord cadre que nous venons de parapher avec Jacques Pélissard, le président de l'Association des Maires de France.
Il m'a semblé qu'il était indispensable que tous nos concitoyens soient dans le monde actuel, qui est un monde fait de risques et un monde fait de défis, soient mieux informés, soient plus au fait des problèmes de défense. Il est indispensable que les Français prennent en compte le fait que nous vivons dans un monde dangereux. Dangereux du fait du terrorisme qui peut frapper n'importe quel pays, nous le voyons bien, n'importe quelle ville et n'importe quel citoyen qu'il se trouve en France ou à l'étranger. Mais des risques aussi qui peuvent venir des catastrophes naturelles, nous en avons connu sur une bonne part de notre territoire que ce soit avec les tempêtes de décembre 1999, que ce soit avec les incendies ou les inondations qui régulièrement viennent porter atteinte à l'intégrité de nos territoires. Il y a aussi les multiplication des crises dans le monde, que ce soit en Afrique, que ce soit au Moyen-Orient, que ce soit en Asie Centrale, mais que ce soit aussi aux portes de l'Europe et je pense là aux Balkans et qui peuvent avoir des conséquences sur notre vie de tous les jours et sur le vie de nos concitoyens. Il est donc important que ceux-ci sachent ce qui se passe dans le monde, sachent ce que les armées font pour les protéger, ce que la Gendarmerie peut leur apporter. Mais il faut aussi qu'ils soient en vigilance et en alerte dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la sécurité, qu'il s'agisse de l'intelligence économique. Et c'est cela qui est à l'origine de l'idée de la création des conseillers défense dans chacune des communes.
Aujourd'hui, d'ores et déjà, nous pouvons mesurer avec satisfaction le chemin parcouru depuis la création des réseaux de correspondants défense. D'abord parce que votre rôle est de mieux en mieux. Connu et reconnu de vos maires lorsque vous ne l'êtes pas vous même ; connu et reconnu de l'administration départementale, connu et reconnu des départements, des régions ; connu et reconnu aussi des médias. Et même si dans tous ces domaines il y à encore des progrès qui peuvent être faits, je pense que c'est quelque chose d'important. Et puis, ce dont nous pouvons être satisfaits aussi, ce sont des actions que vous menez et des actions qui sont d'autant plus importantes depuis la professionnalisation des armées.
Il est vrai que la suspension du service national qui a pris son plein effet à partir de décembre 2002 peut créer une distance entre les citoyens et les militaires des trois armées et de la Gendarmerie. Il y a le risque que les citoyens se disent que après tout il y a des gens qui sont là pour s'occuper de tout ce qui concerne la sécurité de la France, mais également de ce qui concerne la place de la France dans le monde. Il y a un risque d'une distance que les militaires se referment un peu sur eux-même et que les Français s'occupent à autre chose. Or nous avons besoin de compréhension, nous avons besoin d'un attachement mutuel et cela doit être sans arrêt entretenu et développé. Au-delà de la mission d'information que vous avez et que vous devez développer auprès des habitants de votre commune, c'est aussi d'entretenir ce lien, ce lien de compréhension, ce lien d'écoute, ce lien qui manifeste l'attachement des Français à leurs militaires, qu'il faut que vous mettiez en uvre. Et vous êtes les mieux à même pour le faire ; vous connaissez les attentes de vos concitoyens, vous connaissez également, parfois aussi, leurs difficultés ; vous connaissez aussi leur manque d'information. Vous pouvez donc à la fois les sensibiliser, vous pouvez aussi apporter des réponses à leurs questions ; vous pouvez surtout leur montrer que chaque Français peut et doit personnellement jouer un rôle au service de notre défense.
Je crois savoir que vos débats l'ont montré tout au cours de cet après-midi, la défense est bien l'affaire de tous. Les initiatives prises dans de nombreuses communes constituent d'ores et déjà autant de signes tangibles de votre volonté, de notre volonté commune de mener à bien des projets. Et ceci, je tiens à le souligner, quelle que soit la taille de la commune, je le dis souvent quand je suis de l'autre côté de la barrière, quand je suis à votre place, il n'y a pas de petites et de grandes communes. Le lien privilégié qu'un élu établi avec les citoyens fait que toutes les communes sont sur un pied d'égalité et bien entendu, si certaines ont plus de moyens que d'autres, je crois que l'imagination et la volonté suppléent souvent au manque de moyens matériels ou financiers. Et il est important que cet esprit et votre nombre montrent que c'est bien votre sentiment. Aussi, il est bon que cet état d'esprit consistant à créer des liens entre les citoyens et la défense n'existe pas simplement dans les villes où il y a des unités militaires qui sont implantées. Il est important que chacun se sente effectivement proche de la défense.
En effet, la préservation du lien Armées-Nation est essentielle pour préparer la défense de demain qui prend des formes extrêmement diverses. Lorsque l'on interroge les jeunes sur les finalités de la défense, ce que je constate c'est qu'ils montrent un intérêt pour la géostratégie ; ils montrent également un intérêt pour les matériels de la défense et il suffisait (je me suis promenée à travers quelque villes au cours de ce week-end, d'Arras à Toulon en passant par Bordeaux et Lyon), il suffit de voir effectivement tous les jeunes qui vont regarder à l'intérieur d'un cockpit, qui grimpent dans les chars pour regarder comment ça fonctionne, qui se passionnent pour tous les simulateurs que nous avons pu mettre en place, pour se rendre compte qu'il y a un réel intérêt des jeunes pour la défense. Peut-être d'ailleurs plus encore que du temps du service national. D'abord parce que les filles s'y intéressent aussi et qu'elles n'étaient pas trop concernées par le service national et qui, je dirai comme souvent avec les jeunes, quand il n'y a pas d'obligation, il y a encore plus d'intérêt. Et bien insistons là dessus et insistons pour leur dire que le journal télévisé avec son lot de guerres et de crises ne suffit pas pour comprendre ce qui se passe dans le monde et pour comprendre ce que font les militaires.
La journée d'appel de préparation à la défense permet certes de conduire la réflexion des jeunes sur notre défense, mais nous savons très bien qu'une journée c'est bien peu et qu'il y a besoin du relais que vous constituez aussi pour pouvoir développer un certain nombre de sujets qui y sont évoqués. Ce qui m'a paru important, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai voulu que ce module nouveau soit inséré, c'est de rendre les jeunes un peu plus responsables. Leur réapprendre l'histoire de notre pays, leur réapprendre les institutions c'est quelque chose de nécessaire, mais il faut aussi qu'ils se sentent concernés et que comme citoyens ils se sentent responsables. C'est la raison pour laquelle j'ai créé le module d'initiation aux premiers gestes de secourisme. Il s'agit bien entendu d'abord de faire en sorte qu'à terme, chaque Français soit à même de faire les premiers gestes qui sauvent. Mai au-delà de cela, ce que j'ai voulu, c'est aussi que ces jeunes aient conscience qu'ils sont également responsables des gens qui sont autour d'eux et que la citoyenneté ce n'est pas simplement bien se comporter, mais c'est avoir aussi un geste, un élan vis à vis des autres lorsqu'ils en ont besoin.
Finalement ces jeunes, lorsqu'ils sortent de cette journée d'appel de préparation, ils savent qu'ils peuvent faire un certain nombre de gestes dans des circonstances précises où quelqu'un en a besoin. Et s'ils ne le font pas, alors effectivement ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux-même. Je pense que c'est ça aussi le début de la responsabilisation dans la formation des jeunes. Ce que je constate aujourd'hui, c'est que sous cette forme d'ailleurs, les jeunes apprécient cette journée et nombreux d'ailleurs sont ceux qui expriment, lors des discussions ensuite avec leurs famille ou leurs professeurs, le souhait de pouvoir poursuivre ce premier contact avec les armées, d'où les Rencontres Nation-Défense, cette biennale que j'ai souhaité créer aussi en complément et pour établir ce lien. Certains d'entre eux expriment également le souhait de pouvoir prendre une part active à la défense et de ce point de vue je pense qu'il est important que vous leur disiez aussi, et cela fait partie de votre feuille de route, cela fait partie de votre mission, comment ils peuvent prendre part à la défense.
Alors bien entendu il y a toute une gradation ; d'abord, il y a les métiers de la défense et je vous rappelle, parce que c'est important aussi dans chacune de nos communes, que chaque année les armées engagent entre 30000 et 35000 jeunes pour occuper ces différents métiers et des métiers qui demandent des qualifications des plus diverses puisque cela va du Polytechnicien ou du Saint-Cyrien jusqu'aux jeunes qui n'ont aucune formation ou plus exactement aucun diplôme. Sur les 30000 ou 35000 il y en a 7000 qui sont dans cette situation, à qui nous donnons une formation professionnelle, à qui nous apprenons un métier et qui peuvent ensuite soit poursuivre une carrière à l'intérieur des armées avec le principe de promotion au mérite, qui je crois est un grand atout de notre défense et probablement qui en fait le seul lieu où l'on a gardé ce principe républicain de la promotion sociale au mérite, et puis pour ceux qui n'y restent pas et qui quittent les armées à la fin de leur contrat, il y a aussi une insertion professionnelle qui est certainement la plus réussie dans tout notre système d'insertion puisque c'est aux alentours de 80 à 90% de jeunes qui trouvent ensuite dans l'année un contrat à durée indéterminée dans les entreprises. Je crois que ça il faut donc effectivement le leur rappeler parce que je pense que c'est quelque chose d'important. Mais il faut également dire à ces jeunes que même ceux qui sont en très grande difficulté peuvent trouver auprès de la Défense, et même si ce n'est pas elle qui l'assure très directement, une deuxième chance. C'est le " plan deuxième chance " que nous avons lancé qui vient de débuter et qui va permettre à terme à 20000 jeunes qui se trouvent en situation d'échec scolaire, d'échec professionnel, d'échec social également d'avoir effectivement une deuxième chance. En s'appuyant sur les militaires qui quittant l'armée, mais y ayant montré un savoir faire dans l'encadrement des jeunes, ont cette expérience. Nous allons pouvoir effectivement sur une année ou deux permettre à des jeunes d'avoir un rattrapage scolaire, d'avoir un rattrapage comportemental parce que beaucoup d'entre eux en ont besoin et d'avoir aussi un apprentissage professionnel qui pourra déboucher soit directement sur un métier dans une entreprise, soit vers un complément d'apprentissage qui leur permettront d'aller plus haut.
Je pense que ça aussi c'est quelque chose d'important que vous avez comme message à faire passer auprès de ces jeunes en leur disant : " en se tournant vers la défense, il y a un certain nombre de choses qui sont possibles ". Au-delà, je dirai que la défense offre également, notamment aux jeunes mais pas simplement aux jeunes, un modèle pour ceux notamment qui sont en perte de repères, qui sont en recherche de principes ou en recherche d'idéal. Et là, vous avez aussi par les messages que vous allez passer, par les informations que vous allez donner, par les initiatives que vous allez prendre, un rôle important à jouer. Oui, vous êtes, vous désormais des acteurs essentiels de la communauté de défense et c'est cela aussi ce que je voulais vous dire aujourd'hui. Nous devons continuer nos efforts pour développer votre réseau.
Je pense que l'élan que donne aujourd'hui le ministère de la Défense avec l'Association des Maires de France le permettra et je dirai même que, j'en suis certaine en vous voyant si nombreux et si motivés. Je pense que des initiatives peuvent également être menées conjointement par plusieurs communes pour éviter la dispersion des projets et pour donner davantage d'ampleur, parce que c'est cela aussi qui peut permettre d'attirer. Pour cela, je compte sur l'action des délégués militaires départementaux auxquels revient la tâche importante, d'être, avec les préfets, vos interlocuteurs privilégiés ; ils doivent faciliter la réalisation des actions que vous imaginez, que vous souhaitez mener au sein de chacun de leurs départements. Conformément aux termes de l'accord qui vient d'être conclu entre la Défense et l'Association des Maires de France, je sais enfin pouvoir compter sur les associations des élus et ce à tout niveau.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que je voulais vous dire.
Nos concitoyens, nos intérêts, nos valeurs ont besoin d'être protégés. Pour être protégés, ils ont besoin d'être connus et d'entraîner un vaste mouvement de sympathie, de solidarité, d'envie d'action. L'effort que nous faisons pour notre sécurité et notre défense sont la juste réponse aux risques et aux menaces qui peuvent nous atteindre. L'engagement qui est le vôtre conforte ma conviction. Notre défense constitue un motif de fierté pour aujourd'hui, un motif de confiance pour l'avenir.
A nos cotés, vous êtes les artisans d'une défense vivante, proche des Français, partagée par tous. Je sais que ce sont les convictions qui vous animent vous aussi. Elles sont notre meilleur atout pour réussir ensemble. Je peux vous assurer que vous avez toute ma confiance dans cette mission de la plus haute importance et que vous pouvez compter sur mon soutien. Vous pouvez également compter sur la reconnaissance, sur la confiance et sur le soutien du Président de la République qui m'a demandé, ne pouvant être parmi nous ce soir, de vous lire un message qu'il vous destine.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 octobre 2005)