Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les conséquences des tempêtes de décembre 1999 sur les forêts françaises, la lenteur de la mise en en oeuvre de l'aide de l'Etat et la gestion du patrimoine forestier et de la filière bois, Paris le 25 octobre 2000.

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Circonstance : Ouverture de l'assemblée générale des communes forestières, au Sénat le 25 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président, mon cher Jacques-Richard,
Monsieur le Vice-Président, mon cher Yann,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un vif plaisir que je vous accueille ici au Sénat pour la tenue de votre Assemblée générale annuelle et que j'ouvre votre réunion.
La tenue de votre assemblée se déroule aujourd'hui, après une année sinistre pour la forêt française ; ai-je besoin de rappeler les deux tempêtes qui ont ravagé la presque totalité du territoire. Au-delà du premier découragement est enfin venu le temps de la réparation mais aussi le temps du renouveau et, pourquoi pas celui d'une deuxième chance pour l'ensemble de la forêt française.
Cependant, je regrette très vivement que les dispositions prises par le Gouvernement afin d'apporter des aides financières aux propriétaires de forêts aient été si lentes à entrer en application malgré la bonne volonté sur le terrain de toutes les parties en présence. A cet égard, je tiens tout particulièrement ici à vous rendre hommage, à vous élus, qui avez admirablement tenu votre rôle en démontrant une fois de plus s'il en était nécessaire que la fraternité, troisième terme de la devise républicaine, n'est pas un vain mot pour les collectivités locales.
Cet hommage s'adresse aussi aux propriétaires, à l'ONF et à l'Union de la coopération forestière française. Enfin, nous y sommes arrivés et je ne peux que me réjouir que les préfets de région aient reçu les instructions du ministre de l'agriculture et de la pêche dans une circulaire datée du 31 août dernier pour attribuer les aides de l'Etat au nettoyage et à la reconstitution des forêts. Le dispositif ainsi prévu permettra, je l'espère, de verser sans délai les aides au nettoyage tout en différant, si besoin est, les opérations de reconstitution proprement dites.
Mais, au-delà de ces réparations, il convient de redonner un deuxième souffle à la filière française du bois : n'oublions pas qu'elle constitue un secteur économique loin d'être négligeable puisqu'elle emploie actuellement 550.000 personnes au sein de plus de 40.000 entreprises dont le chiffre d'affaires global est de 435 milliards de francs. Je me réjouis que le Salon Cité Bois qui s'est tenu à Epinal, le 5 octobre dernier, en présence de Messieurs Jacques-Richard Delong et Yann Gaillard, ait permis en ce domaine de faire progresser nos réflexions communes en matière de gestion forestière, de production des essences adaptées au débouché qu'offre en France et dans le monde notre forêt.
Pour ma part, comme je l'ai déjà dit lors de l'inauguration de ce salon, je serai parmi vous en juin prochain en Haute-Marne pour la tenue des Assises de la Forêt Communale qui nous permettront plus précisément de dresser un bilan d'ensemble de l'état des massifs forestiers.
Enfin, je sais que vous, élus locaux, avez à coeur d'enrichir les débats au Parlement lorsque viendra en discussion le très attendu projet de loi d'orientation sur la forêt auquel le Sénat -soyez en sûrs- donnera toute sa dimension ; rassurez-vous, la Haute Assemblée aura à coeur de vous écouter et de contribuer ainsi à construire l'avenir de la forêt française.
Pour cela, il s'agit aujourd'hui de combiner les exigences de rentabilité économique de la forêt en respectant celles de bio-diversité, autrement dit d'adopter une gestion durable de la forêt d'autant plus délicate qu'elle demande une longue patience et qu'elle doit s'inscrire dans un plan d'action territorial global.
Dans un pays où les trois quarts de la population est urbaine, la forêt est de plus en plus perçue comme un poumon vert, un lieu d'évasion, des fonctions qui ne doivent cependant pas être incompatibles avec l'exploitation économique du bois. N'oublions pas que nous ne sommes que les dépositaires de cette richesse et que nous devons la transmettre dans des conditions optimales aux générations futures.
Héritage d'un long passé arboricole, la France a perdu en décembre dernier de nombreux trésors. La nature par la violence de ses colères, nous a rappelé la fragilité de sa beauté et il nous appartient à tous élus locaux, pouvoirs publics, acteurs économiques, de reconstruire les forêts détruites pour nos enfants.
A ce sujet, à plus long terme, je reste persuadé que nous ne pourrons pas faire l'économie d'un débat sur les causes de ces phénomènes que constituent les tempêtes et éluder plus longtemps les questions posées par la multiplication des catastrophes naturelles qui affectent, au-delà de la France, notre terre. Vous, élus locaux, ne devez pas rester impuissants face à la planète devenue dangereuse par l'inconséquence des hommes.
Les avancées technologiques ne doivent pas nous faire oublier que leur tribut peut parfois se révéler lourd à payer. Vous êtes les maîtres d'oeuvre de la politique de l'environnement qui sera, j'en suis persuadé, l'un des combats les plus importants à mener pour le troisième millénaire.
Les Français en sont conscients et l'on prouvé en choisissant majoritairement le chêne comme essence à replanter, celui-ci symbolise, en effet, dans nos mémoires collectives, la solidité, le courage, la ténacité, qualités que l'on retrouve chez les élus de proximité que vous êtes, mais aussi l'avenir car vous le savez, tous le chêne n'est pas un arbre qu'on plante pour soi mais bien pour les générations futures.
(source http://www.senat.fr, le 21 novembre 2000)