Conférence de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les deux priorités du projet de budget du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche que sont l'effort national en faveur de la recherche et la promotion de l'égalité des chances dans le système éducatif, Paris le 29 septembre 2005.

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Circonstance : Présentation du projet de budget du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à Paris le 29 septembre 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui, avec François Goulard, pour vous présenter le budget du ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Ce ministère est au cur de la bataille pour l'emploi !
Parce qu'en investissant dans la connaissance, la recherche, la formation, nous préparons l'avenir de nos jeunes, l'avenir de notre économie, l'avenir de la France. Nous préparons les emplois de demain.
A l'heure où le court terme étend son empire dans de nombreux domaines, nous pouvons être fiers, à l'Éducation nationale, d'investir à long terme, dans la seule richesse qui vaille : l'esprit humain et l'imagination créatrice.
Considérations générales
Vous le savez tous, le budget de l'Éducation nationale n'est pas un budget comme les autres ; c'est le premier budget de la Nation ; il sera en 2006 de 76,7 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 5,5 % par rapport à l'année dernière. Au total, il représentera 27,7 % du budget de l'Etat. Avec environ 4,3 % du PIB, il place l'effort éducatif de la France, si l'on y ajoute les dépenses des collectivités territoriales, nettement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE.
Il est à mes yeux capital, lorsqu'on lit ce budget, de ne pas raisonner de manière purement quantitative, mais de toujours rapporter les sommes et les effectifs aux missions qu'ils servent.
Vouloir " plus " ou " moins " dans l'abstrait n'a pas de sens ; la seule question qui vaille est de savoir quels sont nos objectifs et de quels moyens nous avons besoin pour les atteindre.
Dès lors, en préparant ce budget, nous avons eu constamment deux idées en tête : il s'agit de bien préparer l'avenir de nos enfants, il s'agit de bien utiliser l'argent des Français ! De cet argent, qui est le fruit de leur travail, nous devons faire un usage intelligent et efficace, tourné vers la réussite des élèves, des étudiants et des scientifiques !
Nous sommes d'ailleurs aidés en cela par la nouvelle constitution financière de l'Etat -la LOLF- qui s'applique pour la première fois cette année. Elle nous permet de présenter la politique du ministère de manière très claire : deux missions (enseignement scolaire d'un côté ; recherche et enseignement supérieur de l'autre) et onze programmes.
Des objectifs sont fixés, qui font chacun l'objet d'un projet et d'un rapport annuels de performance, établis à partir d'indicateurs précis et chiffrés. Bref, tout est fait pour que la qualité du service et le bon usage des deniers publics soient, plus encore qu'hier, les deux principes directeurs de la gestion.
Ce budget est la traduction d'une politique.
Aussi, je voudrais commencer par vous dire l'esprit de ce projet de budget 2006, et le sens des chiffres que vous allez découvrir.
Deux impératifs nous ont guidés :
Le premier, c'est la promotion de l'égalité des chances dans tout le système éducatif. Donner à chacun, quels que soient son lieu et son milieu de naissance, les mêmes chances de s'élever, par son mérite, dans l'échelle sociale, tel est en effet le sens, la noblesse et la justification de l'école de la République.
Le second impératif, c'est l'effort national en faveur de la recherche. De cet effort dépend en effet le rang de la France parmi les grandes nations industrielles. Il n'en va pas seulement de notre prestige, mais aussi et d'abord de notre prospérité, de nos emplois et des emplois de nos enfants.
Or, depuis quelques mois, une prise de conscience nationale a eu lieu ; le diagnostic est clair : la qualité de notre recherche est évidente, mais son organisation, son évaluation, sa valorisation sont insuffisamment efficaces.
Elles ne sont plus adaptées aux réalités scientifiques, économiques et sociétales du 21e siècle.
Nous peinons aussi à transformer nos découvertes scientifiques en innovations industrielles et en succès commerciaux. Notre recherche publique tourne encore trop le dos à la recherche privée. L'université ne diffuse pas assez la recherche, la recherche n'innerve pas assez l'enseignement.
Bref, l'enjeu est évident, il est devant nous : la France sera-t-elle encore demain un innovateur ou bien un imitateur dans la division internationale du travail scientifique et industriel ? La réponse nous est commandée par l'honneur et par la raison. Mais pour n'être pas une parole en l'air, elle doit s'accompagner d'une action résolue, qui redonne à notre recherche, fondamentale et appliquée, les moyens d'inventer l'avenir. Le devoir et l'urgence nous commandaient d'agir. D'agir vite et d'agir en profondeur. Eh bien, c'est ce que nous faisons.
Avec le " Pacte pour la recherche " présenté ce matin par le Premier Ministre, 2006 sera l'année de la réconciliation de la France avec sa Recherche ; l'an 1 de la reconquête d'un terrain où la France a toujours excellé !
Qu'on en juge ! Bien loin de tous les " plans " conjoncturels, nous sommes engagés dans une action structurelle, qui vise à rénover de fond en comble l'organisation même de la recherche française.
Cela passe par l'instauration d'un pilotage stratégique de la politique de recherche, la mise en place d'un système d'évaluation plus efficace, le développement de la logique du financement par projet (ANR et AII), et non pas seulement par organisme, l'intensification des coopérations entre le public et le privé, enfin l'amélioration des conditions de travail des chercheurs et enseignants chercheurs.
Cette action est le fruit d'une longue réflexion avec les universitaires et les chercheurs. Toute la communauté l'attend ; et c'est tous ensemble que nous mènerons à bien sa mise en uvre, dans la sérénité et la concertation, pour le bien de la science française.
Dans cette tâche exaltante et difficile, nous devons toujours garder confiance ; pour une raison simple : nos bases sont saines, nos chercheurs et nos universitaires sont excellents, nos universités peuvent rayonner à l'étranger ; j'en veux pour preuve la récente décision des autorités des Emirats arabes unis, qui ont demandé à l'Université Paris IV d'installer une antenne de la Sorbonne sur leur territoire. Certes, " une hirondelle ne fait pas le printemps ", mais que des pays qui peuvent s'offrir toutes les universités américaines aient choisi la Sorbonne est une bonne nouvelle dont on aurait tort de se priver !
Mais j'en reviens au budget.
Je disais donc : deux priorités, l'égalité des chances et la recherche.
Eh bien ! les chiffres traduisent très nettement l'inscription de ces deux priorités dans notre action.
En effet, et bien que la situation financière de l'Etat soit très tendue :
L'enseignement scolaire voit son budget croître, à périmètre constant, de 3,65 %, ce qui est très considérable, puisque cette hausse représente 1,9 milliard d'euros supplémentaires.
Le budget de l'enseignement scolaire, de la maternelle à la terminale, atteint ainsi 58,47 milliards d'euros, ce qui est supérieur, je le note au passage, aux recettes de l'impôt sur le revenu.
Cette augmentation de 3,65 % est le double de celle du budget total (1,8 %) ; cela manifeste très clairement le caractère prioritaire de l'éducation dans la politique de la Nation, aux côtés des missions de sécurité (intérieure et extérieure).
Cette hausse sera notamment consacrée à l'amélioration du suivi des élèves en difficulté et à la promotion du mérite, autrement dit : à l'égalité des chances. Je vais y revenir.

La recherche et l'enseignement supérieur, de leur côté, se voient affecter 1 milliard d'euros supplémentaire pour l'année 2006 ; ces crédits permettront de financer de nouveaux projets de recherche dans des secteurs innovants, capitaux pour la compétitivité industrielle de la France dans les années à venir.
A cet effort financier très important s'ajoute un effort humain considérable, puisque 3 000 chercheurs et enseignants chercheurs supplémentaires seront recrutés en 2006 (1 900 dans l'université, 1 100 dans les organismes de recherche comme le CNRS, l'Inserm, l'Inra, etc.)
Je précise, mais François Goulard y reviendra en détail, que cette mission est interministérielle, ce qui signifie que l'ensemble des programmes ne figurent pas au budget de notre ministère.

Voici donc pour les grands indicateurs.
J'en viens au budget de l'enseignement scolaire :
Les effectifs
D'abord, et puisque vous l'attendez avec impatience, je commencerai par faire un point sur les effectifs.
Les choses sont simples : l'évolution des effectifs d'enseignants répond à l'évolution démographique des populations d'élèves.
Or, nous connaissons une situation en forme de ciseaux : les effectifs dans le primaire augmenteront en 2006 de 49 900 élèves, tandis que les effectifs du secondaire diminueront de 42 800 élèves, selon les prévisions.
En conséquence, nous allons créer 1 000 postes en 2006 dans le primaire. J'entends d'ici certains me dire : " 1 000 postes pour 50 000 élèves, cela fait 50 élèves par classe ! " Mais je vous arrête ! L'ensemble des 49.900 nouveaux élèves doit évidemment être réparti sur la totalité des 240 000 classes existantes, dont certaines comportent un nombre assez faible d'élèves. 49 900 élèves de plus dans nos 52 000 écoles, cela fait, en moyenne, moins d'un élève par école !
Ces 1 000 postes supplémentaires permettront donc de maintenir un taux d'encadrement de 23 élèves par classe à l'école primaire.
Symétriquement, la baisse du nombre d'élèves dans le secondaire nous conduit à ne pas remplacer 1 383 professeurs partant à la retraite.
Je précise qu'en toute logique, à taux d'encadrement égal, nous aurions dû porter ce nombre à 2 500. Mais nous avons préféré garder un potentiel supérieur (de 1 117 postes) pour pouvoir mettre en uvre les programmes personnalisés de réussite éducative et l'accueil des handicapés.
Comme je le disais en commençant, les raisonnements dans l'abstrait n'ont à mes yeux ni sens ni intérêt : nous devons d'abord savoir ce que nous voulons en termes de résultats ; et tirer seulement ensuite des conclusions sur les moyens nécessaires. Telle est ma vision des choses !
Sur la question générale de l'encadrement, je souhaite appliquer un principe simple, que tout le monde comprendra : un professeur doit être en priorité devant des élèves !
Or, le rapport de la Cour des comptes paru en janvier dernier soulignait qu'il y a encore de nombreux professeurs qui ne sont pas devant des élèves. Nous avons là un potentiel inemployé ; je souhaite lui redonner la possibilité d'enseigner. Car je sais qu'un grand nombre d'enseignants, dont c'est la vocation, souhaiteraient pouvoir reprendre le chemin des établissements scolaires.
Je souligne par ailleurs, pour en terminer sur ce sujet, que compte tenu des charges nouvelles qui incombent à l'administration de l'Éducation nationale, il n'y aura, contrairement aux années précédentes, aucune suppression de personnel administratif titulaire en 2006.
Les mesures pédagogiques
J'en viens maintenant aux mesures nouvelles proprement dites, contenues dans ce budget.
Elles résultent pour l'essentiel de la mise en uvre de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école :
Ces mesures ont trois objectifs pédagogiques majeurs :
- renforcer le soutien aux élèves en difficulté ;
- aider les élèves particulièrement méritants à poursuivre leurs études au lycée ;
- améliorer la qualité de l'enseignement en langues vivantes ;
Pour renforcer le soutien :
A l'école primaire, nous avons décidé de généraliser, à la rentrée 2006, les programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) à tous les élèves en difficulté des classes de CP ou de CE1 (au choix des conseils d'école). Ils seront également appliqués à tous les élèves redoublants.
Au collège, les PPRE seront également étendus à tous les élèves en difficulté à l'entrée en 6e, ainsi qu'à tous les élèves redoublants.
Par ailleurs, nous créerons 200 classes ou ateliers " relais " supplémentaires et 200 unités pédagogiques d'intégration complémentaires.
Pour aider les élèves méritants issus de familles modestes :
Nous allons augmenter le nombre de bourses au mérite et en revaloriser le taux : cela représentera un effort de 4,7 M. Cette mesure en faveur des élèves déjà boursiers, devrait donc toucher 16 700 élèves de plus, soit 45 300 au total.
Pour améliorer l'apprentissage des langues vivantes :
Nous allons généraliser l'enseignement en petits groupes, qui est beaucoup plus efficace puisqu'il permet une pratique orale de la langue beaucoup plus intense. A partir de la rentrée 2006, toutes les terminales générales bénéficieront de ce type d'enseignement, qui sera aussi étendu aux terminales technologiques et professionnelles.
Autres mesures
Outre ces mesures qui concernent directement l'égalité des chances et la qualité des enseignements, je veux évoquer un certain nombre de dispositions très importantes qui touchent à la vie des élèves et à celle des enseignants.
Pour améliorer l'encadrement des élèves au sein des établissements,
Le projet de loi de finances consolide la création des nouveaux contrats " emplois vie scolaire " créés lors de cette rentrée (CA et CAE). Il est ainsi prévu de rémunérer en moyenne sur l'année 28 500 emplois de ce type en 2006 ; les 16 500 autres " emplois vie scolaire " correspondent à des tâches qui vont relever des collectivités territoriales.
Par ailleurs, pour améliorer la prévention et le suivi de la santé des élèves,
Nous avons prévu, à la rentrée 2006, la création de 300 emplois d'infirmières.
Pour garantir la continuité de l'enseignement,
J'ai fait inscrire 51M pour payer les heures supplémentaires des professeurs qui remplacent leurs collègues absents pour une courte durée.
Par mesure d'équité entre les enseignants du primaire,
Nous poursuivons la constitution du corps des professeurs des écoles : 20 375 emplois d'instituteurs seront ainsi transformés en emplois de professeurs des écoles, avec toutes les prérogatives attachées à ce statut. A ce rythme, l'ensemble des instituteurs sera intégré au corps des professeurs des écoles d'ici 2007.
En outre, un certain nombre de mesures d'amélioration des déroulements de carrières et des régimes indemnitaires de certains agents sont prévues (pour un montant global de 93,6 millions d'euros).
Mesdames et Messieurs,
Vous l'aurez compris, ce budget 2006 marque très clairement la priorité donnée par le gouvernement à l'éducation et à la formation des jeunes. La hausse de 3,65 % des crédits de l'enseignement scolaire manifeste d'autant plus fortement la résolution de nos choix que la situation budgétaire est celle que vous savez.
Mais je laisse à présent la parole à François Goulard, qui va vous présenter le budget de l'Enseignement supérieur et de la recherche.
Quelques mots pour conclure, avant de passer aux questions.
Ce budget, comme vous venez de le voir, manifeste de façon particulièrement claire la priorité que le gouvernement accorde à l'éducation et à la recherche.
Les chiffres en témoignent ; nous aurons à la rentrée 2006 :
* 1,9 milliard de plus pour l'enseignement scolaire
* 1 000 emplois supplémentaires de professeur d'école
* 300 emplois supplémentaires d'infirmière
* 28 500 emplois vie scolaire que nous n'avions pas à la rentrée 2005
* 1 milliard de plus pour la recherche
* 3 000 emplois supplémentaires de chercheurs, d'enseignants chercheurs et d'ingénieurs de recherche
Cet effort exceptionnel, nous le faisons pour une raison simple : nous avons la conviction que la cohésion nationale et la prospérité économique trouvent leurs racines les plus profondes dans l'efficacité du système scolaire et dans l'excellence de notre recherche.
Améliorer les performances de notre système, avec l'ensemble du corps enseignant, et tous les personnels de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, tel est notre but !
Je vous remercie

(Source http://www.education.gouv.fr, le 3 octobre 2005)