Texte intégral
Loi d'orientation agricole : le chantier reste ouvert
Quand en 1996 à l'occasion du cinquantenaire de la FNSEA, on nous a parlé pour la première fois d'une loi d'orientation pour l'agriculture, à la FNSEA, nous avons dit : banco!
Aujourd'hui, deux ans et demi après l'annonce d'une loi d'orientation agricole par le Président de la République, l'Assemblée est enfin saisie d'un projet de loi.
C'est une victoire syndicale pour la FNSEA car cette loi nous l'avons voulue, nous l'avons souhaitée.
Nous étions demandeurs d'une loi qui reconnaisse les différentes fonctions de l'agriculture, économique, sociale et territoriale. Dès octobre 1996 nous étions allés en ce sens à la FNSEA en parlant d'agriculture "innovante, citoyenne et durable", avant de débattre et de défendre cette orientation à notre congrès de Toulouse en mars 1997, puis à celui de Clermont-Ferrand en avril dernier. Nous avons contribué activement à la réflexion engagée sur ce projet de loi.
Mais encore faut-il que les moyens soient à la hauteur des ambitions affichées. Le CTE doit être l'outil permettant de concrétiser la multifonctionnalité. Encore faut-il que les incertitudes sur son financement soient levées. Il est nécessaire de traduire dans les actes la reconnaissance de cette multifonctionnalité, avec un engagement budgétaire suffisant et sans ambiguïté. Le recours massif à la subsidiarité pour financer le CTE risquerait de conduire à une renationalisation de la PAC dont la France serait la première victime.
Il faudra éviter d'autre part que le CTE soit étouffé sous les contraintes administratives. Gardons-nous d'en faire un monstre bureaucratique ! Le CTE doit favoriser l'émergence d'un projet d'entreprise réaliste et porteur d'avenir pour l'exploitant agricole. Le CTE doit porter la démarche économique de l'entreprise, car à elle seule la multifonctionnalité ne pourra assurer un revenu. Les agriculteurs doivent vivre d'abord de leur métier d'agriculteurs !
Le projet actuel devra aussi être complété sur de nombreux points. Pour poser les jalons de l'agriculture française pour les prochaines années, il reste indispensable d'aller plus loin notamment en matière de définition de l'activité agricole, de l'exploitant, du statut de l'entreprise, comme de transmission et de fiscalité. Quant à la politique de la qualité, le message est brouillé : il ne faut pas multiplier à tort et à travers les signes de qualité, nous avons besoin au contraire d'une plus grande clarté.
Nous déplorons également l'absence dans le texte actuel de certaines grandes orientations stratégiques pour l'avenir de l'agriculture et le revenu des agriculteurs. Nous avons besoin d'une loi qui reconnaisse pleinement le pouvoir économique des producteurs, car rester silencieux sur le sujet, c'est faire le jeu de l'intégration rampante des agriculteurs. Nous souhaitons promouvoir une agriculture citoyenne, et à ce titre nous appelons à la mise en place d'un fonds de communication et de valorisation de l'agriculture. Enfin nous voulons que soit pleinement reconnue et encouragée la vocation exportatrice de l'agriculture française. Nous sommes un grand pays exportateur, aller contre l'exportation, c'est aller contre la France !
Bien d'autres sujets mériteraient une place plus importante dans la loi. Mais il en est un auquel nous sommes plus particulièrement sensibles : c'est celui des retraites. Depuis des années nous nous battons pour des retraites décentes. Nos anciens, mobilisés, manifestent le 8 octobre. Nous espérons qu'ils seront entendus, et que la loi fixera un échéancier précis pour la revalorisation des retraites. C'est une question de justice sociale !
Cette loi n'est qu'une étape, le chantier reste ouvert !
Cette loi votée, la France aura-t-elle réussi pour autant à faire entrer dans les faits l' orientation nouvelle de son agriculture ? La loi d'orientation sera marginalisée si elle est incohérente avec la réforme de la PAC préparée à Bruxelles.
Or où est la cohérence entre :
- d'une part, une loi d'orientation française qui veut placer le territoire au cur de la politique agricole, maîtriser le développement des entreprises, miser sur la qualité des produits et l'identification des terroirs, ce avec quoi nous sommes d'accord
- et d'autre part, des projets communautaires fondés sur des prix agricoles de plus en plus bas en référence au prix mondial, ce qui ne peut que déboucher sur l'agrandissement des exploitations, sur la disparition de nombreux exploitants et sur la standardisation des produits ?
Les agriculteurs entendent les deux discours et se demandent lequel est le bon !
Comment faire reconnaître que notre agriculture non seulement produit, mais aussi aménage les territoires, emploie les hommes, protège l'environnement, alors qu'à l'inverse la réforme de la PAC est obnubilée par la seule baisse systématique des prix et programme le démantèlement des OCM ?
Ce n'est pas en diminuant les prix et les soutiens que l'on construira l'équilibre entre les hommes, les produits et les territoires !
Accepter cette incohérence, ce serait un marché de dupes pour les agriculteurs français.
Pour construire une agriculture durable en France, nous avons besoin d'être assurés que notre agriculture reste viable pour de nombreux exploitants, qui pourront transmettre leur exploitation aux générations futures.
Pour être durable, viable et transmissible, notre agriculture doit être à la fois présente sur les marchés et insérée sur tous les territoires. Elle doit concilier la performance économique et le respect des ressources naturelles. Et nous croyons à la FNSEA que conjuguer productivité et qualité, c'est possible !
Ce pari ne peut être gagné que s'il y a un minimum d'harmonie entre les orientations nationales et les orientations communautaires : la loi d'orientation sera votée à Paris, mais son avenir se jouera à Bruxelles.
Alors, je vous invite tous à rester pleinement mobilisés pour y veiller !
(source http://www.fnsea.fr, le 13 février 2002)
Quand en 1996 à l'occasion du cinquantenaire de la FNSEA, on nous a parlé pour la première fois d'une loi d'orientation pour l'agriculture, à la FNSEA, nous avons dit : banco!
Aujourd'hui, deux ans et demi après l'annonce d'une loi d'orientation agricole par le Président de la République, l'Assemblée est enfin saisie d'un projet de loi.
C'est une victoire syndicale pour la FNSEA car cette loi nous l'avons voulue, nous l'avons souhaitée.
Nous étions demandeurs d'une loi qui reconnaisse les différentes fonctions de l'agriculture, économique, sociale et territoriale. Dès octobre 1996 nous étions allés en ce sens à la FNSEA en parlant d'agriculture "innovante, citoyenne et durable", avant de débattre et de défendre cette orientation à notre congrès de Toulouse en mars 1997, puis à celui de Clermont-Ferrand en avril dernier. Nous avons contribué activement à la réflexion engagée sur ce projet de loi.
Mais encore faut-il que les moyens soient à la hauteur des ambitions affichées. Le CTE doit être l'outil permettant de concrétiser la multifonctionnalité. Encore faut-il que les incertitudes sur son financement soient levées. Il est nécessaire de traduire dans les actes la reconnaissance de cette multifonctionnalité, avec un engagement budgétaire suffisant et sans ambiguïté. Le recours massif à la subsidiarité pour financer le CTE risquerait de conduire à une renationalisation de la PAC dont la France serait la première victime.
Il faudra éviter d'autre part que le CTE soit étouffé sous les contraintes administratives. Gardons-nous d'en faire un monstre bureaucratique ! Le CTE doit favoriser l'émergence d'un projet d'entreprise réaliste et porteur d'avenir pour l'exploitant agricole. Le CTE doit porter la démarche économique de l'entreprise, car à elle seule la multifonctionnalité ne pourra assurer un revenu. Les agriculteurs doivent vivre d'abord de leur métier d'agriculteurs !
Le projet actuel devra aussi être complété sur de nombreux points. Pour poser les jalons de l'agriculture française pour les prochaines années, il reste indispensable d'aller plus loin notamment en matière de définition de l'activité agricole, de l'exploitant, du statut de l'entreprise, comme de transmission et de fiscalité. Quant à la politique de la qualité, le message est brouillé : il ne faut pas multiplier à tort et à travers les signes de qualité, nous avons besoin au contraire d'une plus grande clarté.
Nous déplorons également l'absence dans le texte actuel de certaines grandes orientations stratégiques pour l'avenir de l'agriculture et le revenu des agriculteurs. Nous avons besoin d'une loi qui reconnaisse pleinement le pouvoir économique des producteurs, car rester silencieux sur le sujet, c'est faire le jeu de l'intégration rampante des agriculteurs. Nous souhaitons promouvoir une agriculture citoyenne, et à ce titre nous appelons à la mise en place d'un fonds de communication et de valorisation de l'agriculture. Enfin nous voulons que soit pleinement reconnue et encouragée la vocation exportatrice de l'agriculture française. Nous sommes un grand pays exportateur, aller contre l'exportation, c'est aller contre la France !
Bien d'autres sujets mériteraient une place plus importante dans la loi. Mais il en est un auquel nous sommes plus particulièrement sensibles : c'est celui des retraites. Depuis des années nous nous battons pour des retraites décentes. Nos anciens, mobilisés, manifestent le 8 octobre. Nous espérons qu'ils seront entendus, et que la loi fixera un échéancier précis pour la revalorisation des retraites. C'est une question de justice sociale !
Cette loi n'est qu'une étape, le chantier reste ouvert !
Cette loi votée, la France aura-t-elle réussi pour autant à faire entrer dans les faits l' orientation nouvelle de son agriculture ? La loi d'orientation sera marginalisée si elle est incohérente avec la réforme de la PAC préparée à Bruxelles.
Or où est la cohérence entre :
- d'une part, une loi d'orientation française qui veut placer le territoire au cur de la politique agricole, maîtriser le développement des entreprises, miser sur la qualité des produits et l'identification des terroirs, ce avec quoi nous sommes d'accord
- et d'autre part, des projets communautaires fondés sur des prix agricoles de plus en plus bas en référence au prix mondial, ce qui ne peut que déboucher sur l'agrandissement des exploitations, sur la disparition de nombreux exploitants et sur la standardisation des produits ?
Les agriculteurs entendent les deux discours et se demandent lequel est le bon !
Comment faire reconnaître que notre agriculture non seulement produit, mais aussi aménage les territoires, emploie les hommes, protège l'environnement, alors qu'à l'inverse la réforme de la PAC est obnubilée par la seule baisse systématique des prix et programme le démantèlement des OCM ?
Ce n'est pas en diminuant les prix et les soutiens que l'on construira l'équilibre entre les hommes, les produits et les territoires !
Accepter cette incohérence, ce serait un marché de dupes pour les agriculteurs français.
Pour construire une agriculture durable en France, nous avons besoin d'être assurés que notre agriculture reste viable pour de nombreux exploitants, qui pourront transmettre leur exploitation aux générations futures.
Pour être durable, viable et transmissible, notre agriculture doit être à la fois présente sur les marchés et insérée sur tous les territoires. Elle doit concilier la performance économique et le respect des ressources naturelles. Et nous croyons à la FNSEA que conjuguer productivité et qualité, c'est possible !
Ce pari ne peut être gagné que s'il y a un minimum d'harmonie entre les orientations nationales et les orientations communautaires : la loi d'orientation sera votée à Paris, mais son avenir se jouera à Bruxelles.
Alors, je vous invite tous à rester pleinement mobilisés pour y veiller !
(source http://www.fnsea.fr, le 13 février 2002)