Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur l'offre de soins en matière de santé mentale, notamment l'éducation, la prévention et l'égalité de l'accès aux soins, Paris le 3 février 2000.

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Circonstance : Inauguration des nouveaux locaux du centre hospitalier Maison Blanche à Paris le 3 février 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être aujourd'hui parmi vous à l'inauguration des nouveaux locaux parisiens du centre hospitalier Maison Blanche.
Je dois dire que le ministère de l'emploi et de la solidarité connaît bien le centre hospitalier Maison Blanche, par le projet innovant qu'il porte au sein de la psychiatrie parisienne.
Je ne ferai pas de long discours ; je souhaite néanmoins profiter de cette circonstance pour vous dire l'importance que j'attache à la santé mentale et aux enjeux actuels auxquels elle se trouve confrontée.
Je suis convaincue qu'au delà de la santé physique chacun a droit à la protection de sa santé mentale. Ce bien-être psychique peut parfois faire défaut du fait de troubles pathologiques avérés, durables, mais aussi être altéré par des conditions de vie, un environnement difficiles, une période douloureuse mal pris en charge. Trop tardivement détectés, ces troubles peuvent déboucher sur une maladie durable aux conséquences graves.
Voilà pourquoi je souhaite que notre pays intègre à tout moment de l'offre de soins, celle qui concerne la santé mentale, éducation à la santé mentale, prévention des troubles psychiques et des pathologies mentales, prise en charge diversifiée avec recherche de la plus grande égalité de l'offre de soins, pour que chacun puisse accéder à des soins de qualité.
Et pourtant, si la psychiatrie constitue un enjeu fort, celui-ci est aussi en partie méconnu.
Chaque année en France, plus d'1 million de personnes recourent aux soins des services de psychiatrie publique. Parallèlement, 20 % des consultations en médecine générale sont motivées par un problème de santé mentale et il en est de même pour 30 % des consultations d'urgence au sein des hôpitaux.
En psychiatrie infanto-juvénile, plus de 350 000 enfants et adolescents sont suivis annuellement par les intersecteurs.
Cette évolution est bien évidemment liée à la demande croissante de prises en charge mais aussi aux réponses rendues possibles par l'augmentation des structures de soins à temps partiel au sein des secteurs et au travail en partenariat que celle-ci génère normalement.
En effet dans notre pays, depuis plus de 30 ans, l'organisation de la prise en charge de la maladie mentale fait l'objet d'un consensus autour d'une entité : le secteur".
Je voudrais rappeler à cette occasion que le si le secteur constitue la garantie qu'en tout point du territoire existera une possibilité d'aide pas trop lointaine et en lien avec les autres acteurs de l'environnement du malade que sont - le médecin généraliste, - les travailleurs sociaux - ou les associations, en revanche, le secteur ne saurait être considéré comme une aire géographique obligatoire, encore moins comme le recours unique en toute circonstance.
En psychiatrie, mais également pour d'autres disciplines du monde sanitaire et cela pourrait être un modèle, la dimension environnementale est fondamentale. Ce qui compte avant tout c'est la façon dont un service dans son ensemble conçoit son rapport à la communauté.
Nous avons aujourd'hui à y réfléchir à nouveau, confrontés que nous sommes à une certaine désaffection pour l'exercice dans le secteur psychiatrique public et en particulier des psychiatres.
Je sais que la région Ile de France apparaît en situation moins critique que d'autres à cet égard mais néanmoins cette difficulté est bien identifiée ; il nous faut travailler à sa résolution. D'importantes mesures, ont concerné les Praticiens Hospitaliers en 1999. Elles représentent une première étape.
Les discussions que Martine Aubry et moi-même avons entamé avec les organisations professionnelles vont nous donner l'occasion de rechercher ensemble des solutions spécifiques aux difficultés de la psychiatrie.
D'ores et déjà presque toutes les régions françaises disposent d'un SROS de psychiatrie, toutes l'auront avant l'été.
C'est sur cette base que nous devons travailler avec les ARH, afin de permettre aux établissements hospitaliers spécialisés en psychiatrie notamment, de se positionner dans un réseau d'offres de soins en santé mentale, par le biais de contrats d'objectifs à l'image du vôtre.
Par ailleurs, le Ministère a réalisé 1999 un bilan de la sectorisation, qui a servi de base à la concertation qui se déroule actuellement avec les professionnels, en vue de la parution dans les prochaines semaines d'une circulaire relative à l'évolution du dispositif de soins en santé mentale.
Cette nécessité d'évolution est évidemment liée à la demande croissante de prises en charge mais aussi à la diversification des publics concernés. L'attente de nos concitoyens est forte dans ce domaine, et c'est l'évolution de notre société dans son ensemble qui génère de nouvelles crises ou de nouveaux besoins.
Sans me risquer à être exhaustive, il me faut au moins citer la nécessité
de prendre en charge les jeunes en crise,
d'apporter une compétence spécialisée dans les structures d'accueil des urgences,
d'aider les personnes en situation d'exclusion à surmonter leurs difficultés psychologiques,
de se préoccuper des troubles psychologiques liés à la sénescence,
de mieux assurer le suivi des suicidants, dont vous savez qu'il constitue une priorité nationale,
sans parler de l'aide spécialisée nécessaire à ceux dont la dépendance à un produit quel qu'il soit ne peut être surmontée.
Pour toutes ces missions, et afin de renforcer la visibilité et j'ose dire la " banalisation " de la santé mentale et de la psychiatrie, il importe de continuer avec détermination :
à rapprocher les lieux de soins des lieux de vie des malades,
à développer les alternatives à l'hospitalisation
et à diversifier les modes de prise en charge, en organisant des réseaux de prise en charge.
Vous aurez reconnu là, je pense, trois des grandes priorités mises en avant dans le SROS de psychiatrie de la région Ile de France, région dont l'ARH a placé la santé mentale en tête des priorités.
Ce qui compte avant tout, c'est en effet la façon dont un service dans son ensemble conçoit son rapport à la communauté dans une conception de la psychiatrie que certains appellent citoyenne.
Je sais que vous avez déjà longuement réfléchi à tous ces aspects, à l'occasion justement de votre arrivée au cur même de votre population.
Vous disposez d'un ensemble cohérent, qui comprend d'ores et déjà les principales structures nécessaires à cette continuité des soins si importante en matière de santé mentale avec désormais une unité d'hospitalisation dont la proximité permet un authentique travail en continuité d'équipe.
La clinique Rémy de Gourmont que nous venons d'inaugurer n'est qu'une étape dans la réalisation de votre ambitieux projet d'établissement, projet qui conforte mon attachement à la démarche des contrats d'objectifs et de moyens.
Vous avez signalé, monsieur le Président, que ce travail est le fruit d'un investissement collectif auquel ont été associés non seulement les médecins, mais aussi les personnels de l'établissement. Cette participation large est à mes yeux un point capital dans un contexte de mutation, permettant à chacun à son niveau de mesurer les enjeux et les évolutions qui se dessinent et d'en accepter les contraintes, après avoir pu en comprendre les objectifs. Je vous en félicite.
L'aboutissement de cette démarche est passé logiquement par un contrat d'objectifs et de moyens. Ces contrats représentent une opportunité forte pour
d'une part questionner les fonctionnements et les pratiques et
d'autre part servir de base solide à un dialogue confiant et dans la durée avec l'ARH.
Ces contrats d'objectifs et de moyens permettent une visibilité accrue des priorités de santé, dans leur volet hospitalier et sur une base pluri-annuelle.
Je suis convaincue qu'ils ont vocation à fonder durablement les relations entre les établissements et leurs tutelles. Mon attachement tout particulier à cet outil explique aussi ma présence parmi vous ce matin et je ne doute pas que vous saurez profiter de la dynamique ainsi créée, pour développer et améliorer encore l'accueil des malades qui s'adressent à vous.
Je vous avais annoncé une intervention brève ; je vais respecter mon engagement. Je ne voudrais cependant pas conclure sans vous assurer du soutien du ministère de l'Emploi et de la Solidarité à l'action engagée, soutien qui a accompagné votre évolution et dont nous voyons aujourd'hui la traduction concrète. Je sais qu'il est parfois difficile d'innover lorsque la contrainte est forte mais, vous l'avez souligné, les enveloppes nationales d'aide aux recompositions hospitalières, qu'il s'agisse du FIMHO ou du FASMO, ont d'ores et déjà accompagné les changements profonds dans lesquels vous vous êtes engagés avec détermination.
Concernant la lutte contre la toxicomanie, sachez que le Gouvernement s'est engagé de façon résolue avec un plan triennal de lutte contre les toxicomanies et les dépendances. Vous savez que l'on ne peut rien faire dans ce domaine qui ne soit compris et accepté. La situation particulière du XVIIIème arrondissement fait l'objet d'un suivi attentif par mes services ; le secrétariat d'Etat soutient votre projet d'équipe de liaison psychiatrique et je peux vous annoncer que l'aide financière que vous attendez a été notifiée aujourd'hui même à l'ARH.
Les évolutions lourdes, comme celle que vous avez entreprise, supposent l'engagement de chacun dans la durée. C'est une démarche de fond, impliquant l'établissement et toutes les structures départementales et régionales dans la durée.
Les acteurs qui quotidiennement uvrent dans ce champ difficile de la psychiatrie, ont parfois des attentes importantes et non satisfaites.
En conséquence, si le cap est donné et les objectifs clairs, la mise en uvre prend nécessairement parfois un peu de temps.
Mais je suis confiante dans l'action des professionnels du terrain, ils ont mon soutien, ils peuvent en être assurés.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2000).