Texte intégral
J.-P. Chapel - La sécheresse en France est pire qu'en 1976, nous dit-on. Nous allons faire un premier bilan avec le président de la FNSEA, principal syndicat agricole. Peut-être que pour les agriculteurs, la situation n'est pas aussi catastrophique que l'on pourrait le penser. Quel est l'impact, quelles sont les conséquences économiques de cette sécheresse aujourd'hui ?
J.-M. Lemétayer - C'est vrai que l'on a tendance à comparer avec 1976. Nous avons, en agriculture, des références encore plus récentes, puisqu'il y a eu 2003, et pour ce qui nous concerne, les conséquences sont moindres, en tout cas à ce jour. Si je dis cela, c'est parce qu'en matière de récoltes, concernant les céréales, la paille, le blé, l'orge mais aussi les colzas, on a des récoltes qui sont correctes, même de bonne qualité. Concernant le monde de l'élevage, la sécheresse [nuit à] des zones qui sont, contrairement à 2003, moins portées sur l'élevage. Donc, nous n'avons pas eu besoin, en tout cas jusqu'à maintenant, de conduire une opération de solidarité fourrage, comme nous l'avions fait en 2003.
Q - Oui, on se souvient, il y a deux ans, qu'il y avait des transports de fourrage tout au long des régions de France.
R - Oui, on a transporté 700 000 tonnes de fourrage, il y a deux ans, pour permettre au Grand Massif central, très touché par la sécheresse il y a deux ans, de faire face.
Q - En quoi cette sécheresse cette année se distingue-t-elle de celle s'il y a deux ans ?
R - Elle a d'abord touché la façade Atlantique - et plutôt le Sud - qui n'est pas une région à forte densité d'élevage, ce sont plutôt des régions de polycultures, des céréales mais aussi de maïs - peut-être parlerons-nous tout à l'heure du maïs. Et donc, la solidarité de proximité a joué, c'est-à-dire que s'il y avait des besoins, c'est au plus près que l'on est allé chercher les pailles, contrairement à 2003. Je sens poindre des besoins, parce que la sécheresse s'étend ; on est à 66-67 départements, et l'on voit que des zones qui n'avaient pas trop vu venir la sécheresse il y a quelques semaines, sont en déficit fourrager. Il faudra y faire face.
Q - Que réclamez-vous aujourd'hui ?
R - Je crois que maintenant le constat peut se faire : je demande à ce que dans les meilleurs délais, les préfets de tous les départements concernés, réunissent les commissions départementales et statuent très vite, et prennent l'arrêté de zone calamité, de façon à permettre aux agriculteurs touchés par la sécheresse de bénéficier de la procédure et donc, du fonds de calamité agricole.
Q - Est-ce que cela suppose un impôt sécheresse ?
R - Pas du tout ! Il y a fonds de calamité agricole que nous finançons nous-mêmes en grande partie, les agriculteurs, par une cotisation annuelle...
Q - Une partie de ce fonds est financée par les agriculteurs ?
R - Plus de 50 % de ce fonds. C'est une loi qui remonte déjà à plusieurs dizaines d'années, qui fait que l'Etat, chaque année, doit apporter sa quote-part ; c'est une loi du fonds de calamité agricole. Il faut donc permettre aux agriculteurs de rentrer dans cette procédure, dans les meilleurs délais. Et là encore, tout le monde n'y a pas accès, il faut avoir un perte suffisamment importante - plus de 24 % - sur la production concernée et plus de 14 % sur l'ensemble de l'exploitation. Ce sont donc vraiment les agriculteurs les plus touchés qui peuvent avoir accès à ce fonds. Il n'est vraiment pas question d'impôt sécheresse cette année.
Q - Hier, l'association UFC-Que Choisir a dénoncé l'aberration du prix de l'eau pour l'irrigation et a mis au jour le fait que la carte de la sécheresse se superpose avec la carte de l'irrigation.
R - Elle n'aurait pas pu en faire autant en 2003 !
Q - Non, mais elle le fait en 2005.
R - Je crois que ce sont des constats un peu trop faciles. De la même manière que de mettre l'agriculture en permanence comme bouc émissaire de tous les maux du monde.
Q - Mais est-ce que c'est malin d'irriguer et surtout de facturer moins cher quand on est dans une zone d'irrigation forte et de sécheresse forte par rapport à des régions épargnées ?
R - Il va y avoir, dans quelques semaines - je ne pense que le calendrier sera modifié - un débat sur la loi sur l'eau. Nous verrons à ce moment-là que les agriculteurs apportent largement leurs contributions au financement des Agences de l'eau - puisque c'est la question que pose UFC-Que Choisir. Nous apportons une quote-part et je ne suis pas de ceux qui croient aux taxes. Parce que régler l'ensemble des dossiers par des taxes, c'est finalement permettre à celui qui peut payer d'utiliser. Or ce n'est pas comme cela que l'on va éventuellement faire évoluer les choses dans l'agriculture. Je pense qu'il faut que nos agriculteurs gèrent l'eau de manière responsable. Mais quelles que soient les plantes et pas seulement le maïs, nous avons besoin de l'eau ! On a besoin du soleil et de l'eau.
Q - Oui, mais on en manque aujourd'hui, alors que fait-on ?
R - On manque, mais en même temps, je ne pense pas qu'il y ait un seul français qui ait envie de voir diminuer le potentiel agricole de la France. Ne focalisons pas tout sur le maïs, pensons un instant, pendant cet été, aux fruits et légumes. Peut-on imaginer à un seul instant, que n'ayant pas d'eau, on ne permette pas l'irrigation, ou en tout, si on n'a pas une bonne gestion des ressources en eau, que l'on ne puisse pas apporter l'eau dont a besoin l'arbre fruitier, ou tout simplement les différents légumes, pour approvisionner en qualité les consommateurs ? Sûrement pas. Donc ne focalisons pas le dossier de l'eau sur la seule grande région Sud-Ouest. Si on prend le grand Sud-Est de la France, le dossier concerne les fruits et légumes et l'on est bien contents, en cette période, de consommer de bons fruits et de bons légumes.
Q - Puisque vous avez parlé vous-même du maïs, on en dit un mot : J. Bové lui-même protestait sur le fait que la production de maïs est encouragée avec les aides européennes qui sont dix fois plus importantes pour le maïs par rapport à l'herbe et qu'il est clair que le maïs consomme beaucoup d'eau, et que cela représente 50 % des zones irriguées en France, la moitié des zones irriguées.
R - Le maïs consomme beaucoup d'eau, c'est vrai. Je suis moi-même éleveur, et en ce moment, en Bretagne, je n'irrigue pas. Je suis bien content d'avoir mes stocks de maïs, parce que même dans la région Bretagne, je suis sur mes stocks d'hiver, nous sommes en ration d'hiver, avec mes animaux. Le maïs est aussi un fourrage, et quand il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'herbe non plus. Donc, on est presque plus sécurisé avec la production de maïs. Il ne s'agit pas de l'encourager. Et je ne crois pas que ce soit le cas. Il se trouve que lorsqu'il y a eu la réforme de la politique agricole, il y a une dizaine d'années, il a été fait une distinction en termes d'aides pour le maïs irrigué. Et puis cela ne concerne pas que la France, c'est aussi pour l'Europe du Sud, qui, tous les ans, a besoin d'irriguer. Donc, arrêtons d'avoir des cibles, qui sont, à mon avis, prises à tort. Je pense que l'on a besoin de tous. S'il le faut, il faut encourager - cela a été le cas cette année - les agriculteurs à revoir leur production sur leur exploitation. La sécheresse que nous vivons, elle est aussi le résultat d'un déficit de pluviométrie au cours de l'hiver passé. En Poitou-Charentes, on a accru la production de tournesol au détriment du mais. Je pense que c'est une bonne démarche de la part des agriculteurs.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 12 août 2005)
J.-M. Lemétayer - C'est vrai que l'on a tendance à comparer avec 1976. Nous avons, en agriculture, des références encore plus récentes, puisqu'il y a eu 2003, et pour ce qui nous concerne, les conséquences sont moindres, en tout cas à ce jour. Si je dis cela, c'est parce qu'en matière de récoltes, concernant les céréales, la paille, le blé, l'orge mais aussi les colzas, on a des récoltes qui sont correctes, même de bonne qualité. Concernant le monde de l'élevage, la sécheresse [nuit à] des zones qui sont, contrairement à 2003, moins portées sur l'élevage. Donc, nous n'avons pas eu besoin, en tout cas jusqu'à maintenant, de conduire une opération de solidarité fourrage, comme nous l'avions fait en 2003.
Q - Oui, on se souvient, il y a deux ans, qu'il y avait des transports de fourrage tout au long des régions de France.
R - Oui, on a transporté 700 000 tonnes de fourrage, il y a deux ans, pour permettre au Grand Massif central, très touché par la sécheresse il y a deux ans, de faire face.
Q - En quoi cette sécheresse cette année se distingue-t-elle de celle s'il y a deux ans ?
R - Elle a d'abord touché la façade Atlantique - et plutôt le Sud - qui n'est pas une région à forte densité d'élevage, ce sont plutôt des régions de polycultures, des céréales mais aussi de maïs - peut-être parlerons-nous tout à l'heure du maïs. Et donc, la solidarité de proximité a joué, c'est-à-dire que s'il y avait des besoins, c'est au plus près que l'on est allé chercher les pailles, contrairement à 2003. Je sens poindre des besoins, parce que la sécheresse s'étend ; on est à 66-67 départements, et l'on voit que des zones qui n'avaient pas trop vu venir la sécheresse il y a quelques semaines, sont en déficit fourrager. Il faudra y faire face.
Q - Que réclamez-vous aujourd'hui ?
R - Je crois que maintenant le constat peut se faire : je demande à ce que dans les meilleurs délais, les préfets de tous les départements concernés, réunissent les commissions départementales et statuent très vite, et prennent l'arrêté de zone calamité, de façon à permettre aux agriculteurs touchés par la sécheresse de bénéficier de la procédure et donc, du fonds de calamité agricole.
Q - Est-ce que cela suppose un impôt sécheresse ?
R - Pas du tout ! Il y a fonds de calamité agricole que nous finançons nous-mêmes en grande partie, les agriculteurs, par une cotisation annuelle...
Q - Une partie de ce fonds est financée par les agriculteurs ?
R - Plus de 50 % de ce fonds. C'est une loi qui remonte déjà à plusieurs dizaines d'années, qui fait que l'Etat, chaque année, doit apporter sa quote-part ; c'est une loi du fonds de calamité agricole. Il faut donc permettre aux agriculteurs de rentrer dans cette procédure, dans les meilleurs délais. Et là encore, tout le monde n'y a pas accès, il faut avoir un perte suffisamment importante - plus de 24 % - sur la production concernée et plus de 14 % sur l'ensemble de l'exploitation. Ce sont donc vraiment les agriculteurs les plus touchés qui peuvent avoir accès à ce fonds. Il n'est vraiment pas question d'impôt sécheresse cette année.
Q - Hier, l'association UFC-Que Choisir a dénoncé l'aberration du prix de l'eau pour l'irrigation et a mis au jour le fait que la carte de la sécheresse se superpose avec la carte de l'irrigation.
R - Elle n'aurait pas pu en faire autant en 2003 !
Q - Non, mais elle le fait en 2005.
R - Je crois que ce sont des constats un peu trop faciles. De la même manière que de mettre l'agriculture en permanence comme bouc émissaire de tous les maux du monde.
Q - Mais est-ce que c'est malin d'irriguer et surtout de facturer moins cher quand on est dans une zone d'irrigation forte et de sécheresse forte par rapport à des régions épargnées ?
R - Il va y avoir, dans quelques semaines - je ne pense que le calendrier sera modifié - un débat sur la loi sur l'eau. Nous verrons à ce moment-là que les agriculteurs apportent largement leurs contributions au financement des Agences de l'eau - puisque c'est la question que pose UFC-Que Choisir. Nous apportons une quote-part et je ne suis pas de ceux qui croient aux taxes. Parce que régler l'ensemble des dossiers par des taxes, c'est finalement permettre à celui qui peut payer d'utiliser. Or ce n'est pas comme cela que l'on va éventuellement faire évoluer les choses dans l'agriculture. Je pense qu'il faut que nos agriculteurs gèrent l'eau de manière responsable. Mais quelles que soient les plantes et pas seulement le maïs, nous avons besoin de l'eau ! On a besoin du soleil et de l'eau.
Q - Oui, mais on en manque aujourd'hui, alors que fait-on ?
R - On manque, mais en même temps, je ne pense pas qu'il y ait un seul français qui ait envie de voir diminuer le potentiel agricole de la France. Ne focalisons pas tout sur le maïs, pensons un instant, pendant cet été, aux fruits et légumes. Peut-on imaginer à un seul instant, que n'ayant pas d'eau, on ne permette pas l'irrigation, ou en tout, si on n'a pas une bonne gestion des ressources en eau, que l'on ne puisse pas apporter l'eau dont a besoin l'arbre fruitier, ou tout simplement les différents légumes, pour approvisionner en qualité les consommateurs ? Sûrement pas. Donc ne focalisons pas le dossier de l'eau sur la seule grande région Sud-Ouest. Si on prend le grand Sud-Est de la France, le dossier concerne les fruits et légumes et l'on est bien contents, en cette période, de consommer de bons fruits et de bons légumes.
Q - Puisque vous avez parlé vous-même du maïs, on en dit un mot : J. Bové lui-même protestait sur le fait que la production de maïs est encouragée avec les aides européennes qui sont dix fois plus importantes pour le maïs par rapport à l'herbe et qu'il est clair que le maïs consomme beaucoup d'eau, et que cela représente 50 % des zones irriguées en France, la moitié des zones irriguées.
R - Le maïs consomme beaucoup d'eau, c'est vrai. Je suis moi-même éleveur, et en ce moment, en Bretagne, je n'irrigue pas. Je suis bien content d'avoir mes stocks de maïs, parce que même dans la région Bretagne, je suis sur mes stocks d'hiver, nous sommes en ration d'hiver, avec mes animaux. Le maïs est aussi un fourrage, et quand il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'herbe non plus. Donc, on est presque plus sécurisé avec la production de maïs. Il ne s'agit pas de l'encourager. Et je ne crois pas que ce soit le cas. Il se trouve que lorsqu'il y a eu la réforme de la politique agricole, il y a une dizaine d'années, il a été fait une distinction en termes d'aides pour le maïs irrigué. Et puis cela ne concerne pas que la France, c'est aussi pour l'Europe du Sud, qui, tous les ans, a besoin d'irriguer. Donc, arrêtons d'avoir des cibles, qui sont, à mon avis, prises à tort. Je pense que l'on a besoin de tous. S'il le faut, il faut encourager - cela a été le cas cette année - les agriculteurs à revoir leur production sur leur exploitation. La sécheresse que nous vivons, elle est aussi le résultat d'un déficit de pluviométrie au cours de l'hiver passé. En Poitou-Charentes, on a accru la production de tournesol au détriment du mais. Je pense que c'est une bonne démarche de la part des agriculteurs.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 12 août 2005)